La fin du travail de
Jeremy Rifkin
Le 20 juillet 1932, le conseil exécutif de l'AFL, réuni à Atlantic City, rédigea une déclaration demandant au président Hoover de convoquer une conférence des dirigeants patronaux et syndicaux afin de mettre en place une semaine de travail de trente deux heures dans le but de "créer des possibilités d'embauche pour des millions d'hommes et de femmes inactifs". Soucieux de stimuler le pouvoir d'achat des consommateurs et n'entrevoyant aucune autre solution viable, nombre de chefs d'entreprise se joignirent à contrecœur à la campagne pour une semaine plus courte. Certaines grosses firmes comme Kellogg's, de Battle Creek, Sears, Roebuck, Standart Oil du New Jersey et Hudson Motors réduisirent volontairement leurs horaires hebdomadaires à trente heures pour conserver leurs employés.
Les décisions de Kellogg's furent les plus audacieuses et novatrices parmi tous ces plans de sauvetage. W. K. Kellogg, propriétaire de l'entreprise, estima que "si nous passons à quatre postes de six heures [...] au lieu de trois de huit, trois cents chefs de famille supplémentaires auront un travail et un salaire à Battle Creek". Afin d'assurer un pouvoir d'achat suffisant à son personnel, la société porta le salaire minimal de ses employés masculins à 4 dollars par jour et augmenta de 12.5 % les rémunérations horaires, ce qui compensait la perte journalière de deux heures de travail.
La direction de Kellogg's assurait que ses travailleurs étaient en droit de profiter des augmentations de la productivité au travers de meilleurs salaires et de semaines de travail plus courtes. La société diffusa des rapports montrant que les emplois du temps allégés amélioraient l'entrain et l'efficacité au travail. En 1935, elle publia une étude détaillée prouvant qu'à la suite de " cinq années sous le régime des six heures par jour, le poids [ou les coûts généraux] unitaire avait chuté de 25% [...] le coût unitaire du travail était réduit de 10% [...] les accidents avaient diminué de 41% [...] [et] les effectifs de Kellogg's avaient augmenté de 39 % par rapport à 1929". La société était fière de ses réalisations et souhaitait ardemment partager ses vues avec d'autres responsables économiques : "Il ne s'agit pas simplement d'une théorie qui nous serait propre. Nous l'avons prouvé, tout au long de cinq années d'expérience effective. Nous avons établi qu'avec un horaire de travail inférieur la rentabilité et le moral de nos employés sont tellement meilleurs, le nombre des accidents, le prix des assurances et le coût unitaire de la production ont tellement fléchi que nous pouvons nous permettre de payer six heures de la même manière que huit précédemment."
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