Citations de Jérôme Colin (195)
Maria se sent nulle. Et puis coupable aussi de ne pas pouvoir aider sa fille. Il y a des parents qui y parviennent mais pas elle. Alors, elle s'en veut. Et ça rajoute encore à son mal-être d'être confinée depuis dix jours. Et puis la petite, elle se sent nulle aussi.
Hypnotisée par les cercles concentriques qui se forment dans son mug, elle pense à des choses idiotes. Des choses qui ne sortiront pas d'ici...Qui resteront entre elle, et son bol de café au lait. Elle pense qu'un garçon qui a pu réparer son chauffe-eau est un garçon capable d'entretenir la chaleur et qu'il fera un bon père. Elle pense qu'un homme qui a voulu sauver un autre homme devant elle ne peut être qu'un type bien.
Alors, Maria elle dépose les armes et elle dit: "Je ne suis pas prof, chérie. Si l'école pense que tous les parents peuvent donner des cours, elle se trompe. On n'en est pas tous capables. Je suis désolée, ma belle. Mais moi, je ne sais pas faire ça!"
Alors, la gamine, elle se lève, fait le tour de la table et vient poser un baiser sur le front de sa mère. p.30
Ils ont peur de se lasser déjà. Et ils ne se connaissent que depuis 48 heures. p.12
... Il sait que c'est de Christophe dont les médias vont parler aujourd’hui, que c'est lui qui fera grésiller les réseaux. Que tout le monde ira de sa chanson préféré. Et ça l'énerve ça les tristesses collectives. Cette manie qu'ont les êtres humains d'aimer soudainement les morts.
... Décidément il avait raison le chanteur, le vent d'hiver souffle en avril.
... Il est maintenant midi et 8 minutes au clocher de l'église. Aujourd'hui, personne ne va sortir de la mairie.
Léa ne sait pas ce qu'il a ramené de bon de sa virée à l'extérieur. Sans masque, sans gel, sans se laver les mains, sans rien... Léa pense que désormais, à chaque fois qu'elle fait l'amour avec Antoine, elle fait l'amour sur une table de casino... que leurs corps sont comme deux billes jetées dans la roulette, deux billets à gratter... Faire l'amour avec lui, c'est comme jouer à la loterie.
Évidemment que chaque journée était un nouveau champ de bataille. Comment pouvait-elle croire le contraire ? Il faut sans cesse livrer combat. Contre l’herbe qui pousse dans le jardin, contre la vaisselle qui s’empile, contre nos désirs, contre l’école qui nous a fait mal, contre la mort qui s’approche, contre nos enfants qui nous confrontent à nos faiblesses, contre nos patrons, nos banques, nos fournisseurs d’électricité. Et contre les années qui filent de plus en plus vite. Évidemment que le monde était ligué contre moi, comme il était ligué contre nous tous. Dire le contraire me paraissait d’une totale malhonnêteté.
Demain ? Ça ne veut plus dire grand-chose. Comme ténèbres qui s'écrit toujours avec un "s", demain ne se décline plus qu'avec un point d'interrogation. La seule chose sûre et certaine, c'est aujourd'hui. Maintenant. Le présent. Et le présent pour Antoine, c'est son état comateux dû à deux nuits compliquées, un appartement vide et ce bruit bizarre qui a retenti dans l'appartement d'en bas. (p. 20)
Quand on imagine les infimes probabilités qu'il a fallu pour que l'Homme existe, on se dit qu'un tel hasard ne peut avoir eu lieu pour que l'on gaspille nos journées à passer l'aspirateur, trier nos déchets et signer des notes dans les journaux de classe de nos enfants. (p.116)
Le crématorium est le carrousel de la misère. Le temple de la tristesse érigée en industrie. (p. 188)
Les mots sont inutiles face au mystère des retrouvailles. (p. 146)
Taximan, ce n'était pas une vocation. Aucun gamin ne rêve de passer sa vie dans les embouteillages. À quinze à l'heure. De trimballer pendant quarante ans une bande de gros cons qui pour la plupart, râlent parce qu'il pleut ou qu'il fait trop chaud, parce qu'il y a trop de trafic ou parce que la course est plus chère qu'ils ne l'avaient imaginé. (p. 25)
Ce corps que nous cherchons à déserter, ces pensées que nous aimerions évacuer. On a beau mettre les voiles, invariablement, quel que soit l'endroit, nous sommes là.
La tragédie ne devient possible qu'à l'arrivée des enfants. Car c'est une réalité : on peut les perdre, ils peuvent mourir. Elle est là, ma vraie rencontre avec la peur. La naissance de toutes mes angoisses.
Ce sont les plus beaux moments : quand on rêve, quand on projette, quand on imagine ... Après, c'est l'engrenage.
Alors, on passe plus de temps à essayer de plaire aux autres, ou à trouver leur acquiescement qu'à soi-même. Je pense que dans la vie, on peut faire ce qu'on a envie...
Que c'est bon d'avoir mal quand le bourreau est une chanson douce.
C'est dingue tout de même la capacité de l'homme à tout trouver normal après un certain temps.
La merde, vaut mieux qu'elle vous tombe dessus d'un coup plutôt que de la voir venir. Attendre c'est déjà souffrir.
Pour apaiser l'angoisse, je me suis forcé à respirer profondément. Je regardais la photo du vieux mec avec son regard triste, la prairie qui descendait en pente douce vers la chapelle. Et je me suis dit que j'allais entrer dans cette fille. J'allais l'aimer. Elle m'aimerait en retour. Et on allait se sauver. Tous les deux.