Faites donc cette expérience : capturez un oiseau, puis peignez-lui les plumes de couleurs vives, bien éloignées de ses couleurs d'origine et relâchez-le dans la nature. Naturellement il volera vers ses congénères, qui ne le reconnaissant pas comme un des leurs, s'empresseront de le tuer au plus vite. C'est un peu ce qui arriva à ce livre, qui fut très criqué, semble-t-il à la fois par les survivants de la Shoah et par les autorités politiques d'Europe de l'Est qui lancèrent des campagnes contre le livre et l'auteur. Ce livre fut même interdit.
Et j'avoue que ce livre m'a dérangé, m'a intrigué, mais qu'à aucun moment je n'ai eu envie de l'abandonner. Il est si particulier, si unique.
Un gamin, juif polonais est confié par ses parents à une famille d'accueil. Il est lui aussi cet oiseau bariolé, il n'a pas du tout le physique des autres enfants, et de ce fait est souvent rejeté. Juif, il a la peau mate et ses cheveux sont très noirs ...il est différent de cette population blonde aux yeux clairs...
Est-ce autobiographique ? Sans doute en grande partie. L'auteur s'en défend cependant dans la préface : "Je décidai que moi aussi je situerais mon ouvrage dans un domaine mythique, dans le présent fictif hors du temps, libéré des contraintes de la géographie ou de l’histoire. Mon roman s’appellerait L’oiseau bariolé." (P. 10) . Quand on considère son parcours de vie on peut trouver de nombreuses similitudes.
Mais aussi des faits surréalistes, qui, si on les prend pour argent comptant, font passer une grand partie de ceux qui l'ont accueilli pour des dégénérés, des tarés congénitaux, des monstres, écorchant vifs des lapins, arrachant les yeux de ceux qui lorgnent sur leur épouse, superstitieux, violents... En cela on peut comprendre - sans l'admettre - que les autorités de ces pays de l'est ayant basculé, après guerre dans le communisme aient décidé d'interdire cet ouvrage. Il faut certainement le lire, en partie, au second degré, comme une parabole.
En forçant le trait Jerzy Kosinski réussit à nous émouvoir et surtout à nous faire réfléchir sur la notion de témoignage. Nombreux furent ceux qui écrivirent à la fin de la guerre leur peur, les crimes qu'ils virent. Lui est allé bien au delà de ce que d'autres écrivirent, bien au delà dans certaines horreurs, bien au delà de ce que nous avions déjà lu quant aux horreurs perpétrées par les nazis. Il a jouté la méchanceté, les monstruosités faites par bêtise, faites par le naturel des populations qui l'accueillirent. En cela il est terrible.
L'auteur alterne à la fois ces narrations fantastiques, mêlant surnaturel, horreur, insolite ou monstres, et la réalité bien sombre des trains de déportés, des combats de l'armée rouge, des exécutions, du racisme. Des témoignages difficilement crédibles, presque rabelaisiens parfois, côtoyant des faits et des réactions populaires avérées.
Bref, il est bien difficile de rester indifférent face à cette lecture
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