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Critiques de Jerzy Kosinski (37)
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L'oiseau bariolé

« L'oiseau bariolé » (1965) est, disons-le franchement, un livre un peu spécial. Écrit par Jerzy Kosinski, l'ouvrage - de renommée internationale – est réellement déroutant : s’agit-il d’une autobiographie romancée sur la Shoah ? d’une parabole surréaliste sur la destinée humaine ? d’un exutoire écrit par un vrai-faux témoin privilégié mais impuissant et culpabilisé par une réalité effrayante qui le dépasse ? L’ouvrage offre à mon sens plusieurs niveaux de lecture. Autre particularité : il soulève des questions d'une brulante actualité, sur la vérité, l’adoption et l’utilisation des témoignages. En effet, qu’est-ce que la vérité, considérant que la vérité historique n’est ni la vérité littéraire ni la vérité psychologique ? qu’est-ce que l’adoption sinon une position (temporairement ?) inconfortable, entre le déracinement (d’une ancienne famille) et l’enracinement (dans une nouvelle famille) ? comment éviter la récupération des vrais-faux témoignages, lesquels appliqués à la Shoah peuvent encourager le négationnisme ?



Le thème du livre ? Nous sommes en 1939, en Pologne. Un petit garçon, Juif polonais, âgé de six ans, est confié par ses parents (son père est un activiste anti-nazi) à la garde de paysans, dans un village situé à l'Est du pays (donc loin de l'Allemagne), dans le but que l'enfant ait quelque chance de survie dans un univers marqué par la montée du nazisme et les persécutions. Les parents perdent la trace de l'enfant. Celui-ci erre de village en village, fuyant une campagne hostile et violente. Pourchassé, l'enfant - qui a les yeux et les cheveux noirs, là où tout le monde est blond aux yeux bleus - évolue au milieu des hommes tel un oiseau bariolé : il tente de se fondre dans la communauté villageoise polonaise mais il est celui par qui le malheur arrive (les Juifs n’ont-ils pas assassiner le fils de Dieu ?) et il est donc condamné à être persécuté, tel un oiseau dont on peint les ailes afin qu'il soit assassiné par ses congénères qui ne le reconnaissent pas. Dans ce voyage au bout de l'enfer, l'enfant – en quête de ses semblables, semblables dont il dépend pour sa survie - ne restera en vie qu’au prix de blessures physiques et psychiques ineffaçables. L’auteur nous rapporte les troubles, les violences et les persécutions subies par l’enfant : il effectue des travaux très pénibles ; il est battu, pourchassé, humilié, témoin d'atrocités, de tortures, de meurtres et de viols ; dans chaque famille où il va, les choses tournent mal pour lui et il doit s'enfuir. Jerzy ne nous épargne rien. Ainsi, mais je n'en dirai pas plus, une jeune Juive handicapée se fait violer par un homme, un lapin est dépiauté vivant sous les yeux du petit garçon, un homme arrache l'œil d'un autre avec une petite cuillère, les petits paysans immergent l’enfant dans l’eau glacé afin de le noyer, l’enfant est jeté dans une fosse à purin, etc.



Jerzy Nikodem Kosinski, de son vrai nom Jozef Lewinkopf, est né à Lódz en Pologne en 1933, quelques mois après l'accession d'Hitler au pouvoir. Né d'une famille d'intellectuels et d'artistes Juifs, il survit à la Seconde Guerre mondiale en se cachant sous une fausse identité chez des paysans polonais dans l'Est du pays. Un prêtre catholique lui aurait délivré un faux certificat de baptême afin de le faire passer pour un vrai chrétien. Jerzy Kosinski ne retrouve ses parents qu'en 1945. Il serait resté longtemps muet jusqu'à ce qu'un accident de ski ne lui fasse recouvrer l'usage de la parole.



A ce titre, « L'oiseau bariolé » ressemble à s’y méprendre à l’histoire personnelle de Jerzy Kosinski. Alors, est-ce une autobiographie romancée sur la Shoah ? Non, d’ailleurs l'auteur déclara qu'il s'agissait d'une fiction littéraire, affirmant « Quand vous écrivez de la fiction, la partie de vous qui écrit est totalement séparée de celle qui vit votre propre vie. ». Par ailleurs, et bien que ces événements étaient, hélas, monnaie courante à cette époque, d’aucuns pensent qu’ils n'ont selon toute vraisemblance pas été personnellement vécus par Jerzy Kosinski. La preuve ? Les témoins de la Shoah sont généralement moins bavards sur les démonstrations de sadisme dont ils ont été l’objet ou dont ils ont été les témoins. De plus, sous une telle avalanche de tortures un enfant de six ans n’aurait pas survécu seul aussi longtemps, là où un adulte aurait rapidement sombré. Enfin, à l’examen, le livre ne paraît pas avoir été écrit par Jerzy Kosinski seul : il ne maitrisait pas suffisamment la langue anglaise et de longs passages du livre semblent avoir été empruntés dans des textes polonais méconnus, ce qui expliquerait certaines différences de style.



Une parabole surréaliste sur la destinée humaine ? Probablement. Pour être accepté par ses semblables, l’homme doit indiscutablement avoir des comportements similaires aux leurs. Être Juif ou bohémien dans la Pologne de cette époque c’est incontestablement être différent. Or, si l’homme a peur du changement, il a encore plus peur de la différence. Être différent, c’est à la fois visible et dérangeant ; c’est s’exposer et provoquer l’autre, parfois au péril de sa propre vie. « L'oiseau bariolé » regorge de preuves accablantes en ce domaine, l’enfant Juif n’ayant dû sa survie qu’à sa débrouillardise et à la chance. Prenant un peu de recul, on pourrait dire que la vie de tout être humain recèle une part de tragédie : il faut l’accepter et ça donne un sens à la vie, laquelle perd de sa banalité. Cette tragédie est d’autant plus acceptable qu’elle s’accompagne de petites joies, et c’est le destin de l’homme. Des joies, il y en a dans « L'oiseau bariolé » : ainsi, l’enfant Juif se prend d’affection pour le petit garçon jeté par les siens en dehors du wagon plombé qui l’emmenait vers un camp de concentration ; l’enfant Juif se lie d’amitié avec un adolescent muet mais costaud, surnommé « le Silencieux » ; l’enfant Juif découvre les premiers gestes amoureux dans les bras d’une jeune paysanne.



Comment accepter d’avoir survécu là où nombre de vos proches ont disparu, innocents réduits d’abord à l’état de squelettes vivants avant d’être broyés par la barbarie nazie ? L’histoire nous le rapporte : les fours crématoires servaient à exterminer en priorité les enfants ; venaient ensuite les handicapés, les personnes âgées et tous ceux qui étaient en grande faiblesse. Or, la protection des plus faibles est une des valeurs de notre civilisation judéo-chrétienne. Le survivant, en l’espèce Jerzy Kosinski, était un enfant à l’époque des faits : or la violence nous paraît d’autant plus grande qu’elle est exercée contre un enfant. Jerzy Kosinski ressent en tant qu’adulte sa survie comme une faute, car il n’a pas fait partie des victimes. Enfant, il était impuissant devant l’occupant, devant les barbelés, devant l’impassibilité des gouvernements occidentaux, etc.. Adulte, après la Seconde Guerre mondiale, cette impuissance et cette culpabilité le martyrisent. Écrire, c’était résister, s’opposer, cracher une partie du venin qui le rongeait, redevenir vivant et se reconstruire enfin une identité autonome. Alimenté par des éléments réels, écrit en 1965, « L'oiseau bariolé » pourrait avoir servi d’exutoire pour un vrai-faux témoin impuissant, durablement culpabilisé par une réalité effrayante et inacceptable, et malheureux de n’avoir jamais été à sa place.



« L'oiseau bariolé » est un best-seller mondial, souvent cité parmi la liste des incontournables. Poignant, atroce mais fascinant, le livre est un long et pénible monologue, sec, sale, sombre, brutal, violent et effrayant, jusqu'à l'insupportable. Le style est sobre. Les personnages sont variés (Olga, la guérisseuse, Martha, la sorcière, Lekh, le chasseur d’oiseau et les autres, sans oublier les Kalmouks et les soldats de l’Armée Rouge). Rude à supporter, l’ouvrage contient heureusement quelques éléments poétiques et fantastiques qui permettent de supporter les images de la guerre, de la barbarie et de la monstruosité humaine mise à nue. La fin du livre est une délivrance.



Destiné à un public averti.
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L'oiseau bariolé

Ce livre a été sujet de multiples polémiques,et dans la vieille édition que j'ai retrouvée,rescapée de moult déménagements et incendie,Jerzy Kosinski s'en explique...à vous de lire,de croire,d'être dubitatif...

Quant à la lecture de ce chef-d'oeuvre,elle est un véritable chemin de croix,je pensais le savoir par coeur,ce bouquin,mais ce coeur a été labouré,étranglé,supplicié une fois de plus...bariolé tels les oiseaux envoyés au soufre et à l'atrocité,croisés sur quelques pages de ce livre.

Un jeune polonais a été confié à une nourrice ,au début de la seconde guerre mondiale,par des parents souhaitant lui en éviter les tourments.Làs,làs!!!Avec ses cheveux noirs et ses yeux bruns,il est désigné de suite comme juif,"bohémien",et sitôt sa première nourrice morte,il entame un horrible chemin...plus petit que la moyenne,ne parlant pas le patois des villages polonais qu'il traverse.Victime de croyances villageoises,il est battu,exploité,torturé,et témoin de multiples exactions ,il évite la mort moult fois,soit pendu au-dessus d'un chien que l'on a dressé contre lui,des heures et des heures,et ce pendant des jours et des jours;soit noyé dans une fosse à purin,soit jeté dans un trou dans la glace par une troupe de gamins,et de façon constante en état d'angoisse de mort, flagellé,affamé,victime de sévices,esclave dans les champs,sauvé parce que les villageois pensent que ,s'il a pu compter leurs dents,leur vie en sera raccourcie d'autant d'années...Il est livré aux allemands,et celui qui doit l'exécuter le laisse s'enfuir;lui,qui en a tant vu,n'y croit pas,pense qu'il va être fusillé dans le dos,le soldat doit s'allonger,jeter son fusil au loin après en avoir ôté les cartouches...j'avais oublié qu'après des supplices terribles,un autre survenait,puis un autre,puis un autre encore..Un enfant juif jeté d'un wagon,mis à mort pour être dépouillé de ses habits,le sort de ces jeunes femmes,les kalmouks de l'armée allemande qui pillent,tuent,violent,avant d'être à leur tour pendus par les pieds ,car les troupes soviétiques sont arrivées...et j'occulte tant et tant,il faut bien laisser le lecteur découvrir...La scène d'une lapine à moitié dépiautée par notre enfant,qui arrive à s'enfuir pour peu de temps,les femmes amenées au bouc ou au cheval,ou au frère,au père,au village...Aucun répit dans cette vie en Enfer,et ce petit qui pense d'abord devoir être blond aux yeux bleus,pour en réchapper,puis qui pense que plus les gens font le Mal,plus ils sont couverts dans leur vie sur terre...A un moment,il devient muet...normal,non?

Il n'y a pas de texte à masquer,car le pire,je ne vous le livre pas...

L'enfant finit par être recueilli par l'armée soviétique.Non,il ne meurt pas ,pas physiquement...et je ne parle pas de la toute fin...

En préambule,l'auteur se défend d'avoir écrit une autobiographie,(la Pologne a fait interdire ce livre des dizaines d'années),je pense qu'en effet,il a cumulé des faits réels arrivés à beaucoup d'enfants en cette période(longue,si longue,j'en frissonne),et que de plus les traumatismes ont été plus qu'abominables pour ceux récupérés de ces campagnes polonaises,selon lui,mais qui le sait vraiment?

C'est seulement à présent que je comprends pourquoi ce livre était interdit dans mon lycée,mais je l'ai lu,bien sûr ,à cette épique époque des années 70...et relu parfois,mais,là,ouahhh!

Cette écriture serrée et froide nous submerge cependant d'une émotion qui m'a tant envahie ,au point que je n'osais plus ouvrir "L'oiseau bariolé"ces derniers jours,sauf à pouvoir le finir pour changer radicalement de lecture.

Et c'est quoi,l'oiseau bariolé?A vous de lire l'histoire de Leikh ,un des personnages du livre, qui bariolait les oiseaux... au destin de sang et de boue..

Et lisez la chronique de Zébra,qui vous éclairera de façon un peu différente!
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L'oiseau bariolé

Même s’il fut un best-seller (adoubé par les plus grands tels Elie Wissel ou Arthur Miller), voilà sans aucun doute le roman le plus contesté de Jerzy Kosinski, romancier aux mille visages, provocateur, flamboyant, fantasque, obsédé sexuel, obscur, accusé de plagiat, d’avoir recours à des nègres, habitué de pitreries à la télévision et à la radio, et finalement mort suicidé à New York en 1991 à l’âge de 58 ans. Une vie hallucinante et un homme «« affreusement charmant, d’une cupidité folle et totalement désintéressé, très malin et d’une bêtise achevée »,dira de lui Janusz Glowacki, écrivain polonais dans son livre « Good night Djerzi « . D’ailleurs évoquant sa jeunesse et son adolescence en Pologne, J. Kosinski dira lui-même :« Au lieu d’écrire de la fiction, je m’imaginais moi-même comme un personnage de fiction»

« L’oiseau bariolé » est un récit écrit à la première personne qui se veut autobiographique. Il décrit le monde vu par un jeune garçon, gitan ou juif qui erre dans un pays d'Europe centrale ou orientale durant la Seconde Guerre mondiale et apprend à survivre dans un monde d’où toute référence humaniste a disparu. Nous sommes confrontés à des scènes atroces remplies de violence et de cruauté, de tortures aussi bien morales que physiques. Tout cela dans un style assez monotone, voire sec, comme si cela était inéluctable, presque « normal ».

En résumé une histoire plutôt horrible. Sauf que cette histoire qui se veut autobiographique serait largement inspirée d’un roman polonais paru dans les années « trente »…..

En fait, un livre inséparable de son auteur, à sa démesure, et qu’il convient sans doute d’aborder sous cet angle là.

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L'oiseau bariolé

C'est le récit douloureux jusqu'à l'insupportable de ce que va vivre durant des années de guerre un petit garçon que ses parents envoient dans une campagne lointaine, croyant bien faire, pour le mettre à l'abri des troubles, des violences, des persécutions. Fatale erreur. Ce que connaîtra l'enfant sera bien pire que tout ce que l'on peut imaginer. Chassé, rejeté, persécuté de tous les cotés, maltraité par tous ceux qui prétendent le recueillir, seul, dramatiquement seul du début à la fin, le plus dur est finalement la lucidité et le fatalisme avec lequel il raconte les sévices qu'il subit. Au long de cette lecture terrifiante, on s'arrête maintes fois, on a envie de fermer définitivement le livre, de crier pour que çà s'arrête tant il y a de quoi devenir fou.

J'ai cru longtemps qu'il s'agissait d'un récit autobiographique, l'auteur, enfant juif polonais caché chez des paysans pendant la seconde guerre mondiale, ayant forcément cotoyé le rejet, le fanatisme et la haine. Il n'en est rien, l'essentiel du roman est de la pure invention, alors de quoi a-t-il été le témoin impuissant, ou de quels obscurs fantasmes a-t-il nourri son récit, pour parvenir à un tel niveau dans la description de la violence à l'égard d'un enfant et dans la détresse de cet enfant séparé de ses parents ?

L'oiseau bariolé est celui qui, différent des autres, est pour cette raison l'objet de toute leur haine et de toute leur cruauté. Il a dû se sentir bien différent, Jerzy Kosinski, pour écrire ce livre.
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L'oiseau bariolé

Faites donc cette expérience : capturez un oiseau, puis peignez-lui les plumes de couleurs vives, bien éloignées de ses couleurs d'origine et relâchez-le dans la nature. Naturellement il volera vers ses congénères, qui ne le reconnaissant pas comme un des leurs, s'empresseront de le tuer au plus vite. C'est un peu ce qui arriva à ce livre, qui fut très criqué, semble-t-il à la fois par les survivants de la Shoah et par les autorités politiques d'Europe de l'Est qui lancèrent des campagnes contre le livre et l'auteur. Ce livre fut même interdit.

Et j'avoue que ce livre m'a dérangé, m'a intrigué, mais qu'à aucun moment je n'ai eu envie de l'abandonner. Il est si particulier, si unique.

Un gamin, juif polonais est confié par ses parents à une famille d'accueil. Il est lui aussi cet oiseau bariolé, il n'a pas du tout le physique des autres enfants, et de ce fait est souvent rejeté. Juif, il a la peau mate et ses cheveux sont très noirs ...il est différent de cette population blonde aux yeux clairs...

Est-ce autobiographique ? Sans doute en grande partie. L'auteur s'en défend cependant dans la préface : "Je décidai que moi aussi je situerais mon ouvrage dans un domaine mythique, dans le présent fictif hors du temps, libéré des contraintes de la géographie ou de l’histoire. Mon roman s’appellerait L’oiseau bariolé." (P. 10) . Quand on considère son parcours de vie on peut trouver de nombreuses similitudes.

Mais aussi des faits surréalistes, qui, si on les prend pour argent comptant, font passer une grand partie de ceux qui l'ont accueilli pour des dégénérés, des tarés congénitaux, des monstres, écorchant vifs des lapins, arrachant les yeux de ceux qui lorgnent sur leur épouse, superstitieux, violents... En cela on peut comprendre - sans l'admettre - que les autorités de ces pays de l'est ayant basculé, après guerre dans le communisme aient décidé d'interdire cet ouvrage. Il faut certainement le lire, en partie, au second degré, comme une parabole.

En forçant le trait Jerzy Kosinski réussit à nous émouvoir et surtout à nous faire réfléchir sur la notion de témoignage. Nombreux furent ceux qui écrivirent à la fin de la guerre leur peur, les crimes qu'ils virent. Lui est allé bien au delà de ce que d'autres écrivirent, bien au delà dans certaines horreurs, bien au delà de ce que nous avions déjà lu quant aux horreurs perpétrées par les nazis. Il a jouté la méchanceté, les monstruosités faites par bêtise, faites par le naturel des populations qui l'accueillirent. En cela il est terrible.

L'auteur alterne à la fois ces narrations fantastiques, mêlant surnaturel, horreur, insolite ou monstres, et la réalité bien sombre des trains de déportés, des combats de l'armée rouge, des exécutions, du racisme. Des témoignages difficilement crédibles, presque rabelaisiens parfois, côtoyant des faits et des réactions populaires avérées.

Bref, il est bien difficile de rester indifférent face à cette lecture
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L'oiseau bariolé



En 1939, un garçon de six ans est envoyé par ses parents anti-nazis dans un village reculé de Pologne où ils pensent qu'il sera en sécurité. Le temps passe, et le garçon est laissé errer dans la campagne polonaise, essayant de rester en vie, à la recherche de nourriture, d'un abri et d'un principe de justice pour s'adapter à ce qu'il voit les gens se faire les uns aux autres et à lui.

Pour les paysans blonds aux yeux bleus, le garçon basané aux yeux noirs qui parle le dialecte de la classe éduquée est soit Juif, gitan, vampire ou le diable. Ils le craignent et ils craignent ce que les Allemands leur feront s'il se trouve parmi eux. Il doit donc continuer à avancer. Ce faisant, sur une période de plusieurs années, il observe toutes les variations concevables sur le thème de l'horreur, du sadisme et de la bestiatité. Un meunier arrogant arrache les yeux d'un laboureur avec le dos d'une cuillère. Il perd sa voix dans un tas d'excréments humains, gèle presque jusqu'à mourir dans un lac couvert de glace.

Le garçon apprend le communisme et le principe de la vengeance auprès de deux gentils officiers russes et rejoint à contrecœur ses parents. Kosinski apparaît alors dans la voix narrative avec un tract sur le mal, la culpabilité des paysans, les avantages de la lutte personnelle à la campagne par opposition à l'anéantissement anonyme à la ville.

Le roman proprement dit est purement et simplement une panoplie de l'horreur, savamment travaillée et dégoûtante.

Il n'y a pas plus de parabole ni de symbolisme ici qu'il n'y en avait à Buchenwald. Jerzy est un écrivain brillant, mais que le lecteur se méfie.

C'est très dur à encaisser.
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L'oiseau bariolé

J’ai essayé de raconter L’Oiseau bariolé mais, dès que l’on commence à vouloir narrer ce livre, on donne l’impression à celui qui nous écoute qu’on est en train de résumer les malheurs du bon petit diable ou d’un orphelin de Dickens, et ce n'est pas cela.

Un petit garçon est livré à lui-même dans un monde noir, où les hommes n’ont pas de bonté. Il est le « bohémien », le juif ? On sait qu’il peut être pris par les Allemands et il erre de village en village, témoin de toutes les cruautés.

Je ne crois pas être d’une sensibilité accrue quand il s’agit de lire ou de voir des horreurs mais là, j’ai été mal à l’aise, dérangée. J’ai parfois dû sortir la tête du livre et attendre un peu, n’en croyant pas mes yeux.











Jamais on n’entrera dans les camps : on restera à vagabonder à l’Est, regardant passer les trains bondés d’êtres humains, qui se jettent sur les rails ou tentent parfois de sauver leur progéniture. On aura un aperçu des actes inhumains qui peuvent s’y dérouler seulement quand on observera le comportement abominable de toute cette nature humaine.

Par exemple, une jeune juive parvient à tomber du train. Les villageois votent à l’unanimité pour la livrer aux Allemands dès le lendemain. Une scène de viol, d’une violence inqualifiable, prolongera son supplice :

« Il monta à califourchon sur sa victime prostrée. Elle gémit, et prononça quelques mots dans une langue inintelligible, lorsque son emprise se fit plus violente. (…) Elle ouvrait et refermait les doigts dans le vide, comme pour chercher un secours invisible. » (147)



Le plus terrible est de se croire sauvé quand on revient parmi les siens. Mais cette guerre, au dehors comme au-dedans, met à nu l’inhumanité de l’homme.

L’oiseau bariolé, c’est celui que Lekh peint pour tromper son désespoir : il capture les oiseaux, en badigeonne un de toutes les couleurs. Quand celui-ci s’envole pour retrouver les siens, il se fait assassiner par ses frères…

Le dehors est un repaire de loups. Aucune pitié pour les bêtes ou pour l’orphelin qu’on bat, qu’on utilise…









Au fur et à mesure des pages, le jeune narrateur devient, au contact de ses pairs, un bloc de béton.

Je ressors de cette lecture profondément marquée. Difficile d'entrer dans un conte et de s'apercevoir que les sorcières et les ogres existent vraiment...
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L'oiseau bariolé

J'ai éprouvé un réel malaise à la lecture de ce livre... Trop de violence, trop de cruauté, et finalement le sentiment d'une certaine complaisance de l'auteur à nous décrire tout cela ! Une recherche rapide sur internet m'ayant appris que l'auteur a reconnu au bout de 10 ans que ce livre était une pure fiction, cela a encore ajouté au malaise. Que penser alors de la description des paysans polonais, présentés comme particulièrement cruels et arriérés ? Pour ce qui est du comportement des armées d'occupation, ou bien de la pauvreté des gens pendant la guerre, la description semble malheureusement plus réaliste. Enfin, le style est puissant et efficace, mais le parti pris (récit fait par un enfant de 6 à 12 ans) n'est pas toujours crédible.
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L'oiseau bariolé

L'Oiseau bariolé est l'un des livres les plus poignants écrits sur les horreurs de la Seconde Guerre mondiale. Le héros du livre est un petit garçon dont nous n'apprenons jamais le nom, et de toute façon, cela n'a pas d'importance, puisque son identité devra être cachée. Au début de la Seconde Guerre mondiale, il a six ans (l'âge qu'avait Jerzy Kosinski en 1939). Ses parents l'envoient dans un village éloigné, comme des milliers d'autres parents, pour le protéger des ravages de la guerre et de la discrimination qu'il pourrait subir en raison de son apparence différente. Il a les yeux sombres, il est peut-être juif, peut-être gitan, son identité ethnique n'est pas non plus révélée. Son apparence, cependant, le désigne dès le départ comme un danger pour les autres et une victime potentielle. Le thème de la non-acceptation de ceux qui sont différents et de la persécution qu'ils subissent dans les conditions extrêmes de la guerre est l'un des thèmes centraux du livre. La zone exacte dans laquelle se déroule l'action n'est pas identifiée, mais on peut deviner qu'il s'agit de la région des montagnes qui chevauchent les frontières de la Pologne, de la Slovaquie et de l'Ukraine.



L'écrivain Jerzy Kosinski utilise une métaphore très puissante tirée du monde des oiseaux, qui donne son nom au livre. L'une des personnes que le garçon rencontre en chemin est un oiseleur, qui, parfois, par ennui, choisit un de ses plus beaux oiseaux, le peint de couleurs fantastiques et le lâche. Poussé par un instinct impérieux, " l'oiseau bariolé " rejoint ses congénères, mais eux ne le reconnaissent plus pour un des leurs, lui arrachent les yeux et le déchirent avec leurs becs.



La mort de la femme à qui il avait été confié et la destruction de sa maison déclenchent une succession d'épisodes qui semblent faire partie d'une édition révisée de l'Enfer de Dante. Le jeune garçon de six ans comprend rapidement que ses parents ne viendront pas le chercher de sitôt, ou peut-être jamais, et qu'il doit survivre dans une nature sauvage souvent hostile. L'enfant est témoin, victime et parfois participant à des horreurs et des cruautés que seuls les humains peuvent inventer pour d'autres humains. La mort est présente à chaque tournant et l'innocence de l'enfant est rapidement détruite par l'instinct de survie. Le garçon va essayer de comprendre quelles sont les lois de ce monde cruel, mais l'absurdité de l'univers dans lequel il vit annule tout système auquel il essaiera de faire appel pour obtenir de l'aide. Les prières sont inutiles, car Dieu semble fermer les yeux sur tout ce qui se passe. Le pacte avec le diable n'est pas mieux. La seule raison d'exister pour l'enfant reste la survie, et peut-être, en plus, le désir de ne rien oublier et d'être, un jour ou l'autre, un témoin.



Dès sa sortie, L'oiseau bariolé a suscité des controverses, le livre étant même interdit en Pologne jusqu'en 1989. Des nombreuses variantes ont été publiés, avec ou sans préface/postface explicative, avec ou sans notes. Personnellement, j'ai lu ce livre dans une édition en langue roumaine, sans autre ajout, seulement l'histoire, telle quelle, ce qui m'a permis d'apprécier et de juger le texte lui-même, ce qui est finalement l'essentiel.
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Les Pas

Deuxième roman de Jerzy Kosinski, écrit en 1968, trois ans après le contesté (l’a-t-il vraiment écrit ou est-ce une imposture ?) mais époustouflant « L’oiseau bariolé », ce livre reçut alors le prestigieux National Book Award. Plus de quarante-cinq ans après, une seule question subsiste après la lecture de ce court texte : mais pourquoi donc ?



L’écriture de Kosinski est sans aucun doute très provocatrice, sans cesse à la limite du malsain. Certains voient en cet auteur un des fondateurs de l’autofiction. Pour ma part, j’ai trouvé le style pompeux et boursouflé : Le Mépris de Moravia / Godard sans le talent en quelque sorte.



Le narrateur, anonyme, raconte au fil des pages toutes les expériences qu’il a (aurait) vécu au cours de ses pérégrinations. Ce roman est une succession de courts paragraphes décrivant des fantasmes plus ou moins inavouables. Tout y passe, de la torture à la zoophilie, en passant par des perversités où le dégoût concurrence l’exotisme. On peut sans doute comprendre à quel point ce livre pouvait être provoquant à la fin des années soixante, à faire passer pour des bluettes certains textes de Bret Easton Ellis. Mais, contrairement à ce dernier qui s’inscrit dans une construction littéraire bien réelle, le roman de Kosinski est au final insipide et stérile. « L’oiseau bariolé » s’appuyait sur un récit d’enfance se voulant autobiographique. Les violences épouvantables décrites dans ce texte pouvaient (à la rigueur) se justifier pour décrire la situation du peuple polonais pendant la seconde guerre mondiale. Dans « les pas », il ne reste que le sordide.
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Cockpit

J’avais lu ce livre une première fois alors ado, présent dans la bibliothèque de mes parents, le résumé m’avait intrigué. L’histoire dérangeante du narrateur, paranoïaque et manipulateur, m’avait profondément marqué

. D’abord manuel de survie dans un monde totalitaire, le livre évolue vers le récit tortueux d’une vengeance complexe. Je recommande aux lecteurs bien accrochés.
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L'oiseau bariolé

Je ne peux absolument pas noter ce livre avec des étoiles, tant le souvenir que j'en ai est intense et dérangeant. Je l'ai lu en 4ème, j'avais un peu plus de 12 ans, et c'est comme si je l'avais lu hier, presque 50 ans après. "L'oiseau bariolé", c'était un joli titre : la quatrième de couverture parlait d'un enfant pendant la guerre, et ça ne me faisait pas peur, mon grand-père avait été déporté, la guerre on en parlait à la maison, il en fallait plus pour me dissuader. Je l'ai donc acheté à la petite librairie du village, tenue par une très vieille dame (du moins c'était mon impression), Fanchette, qui ne se mêlait pas de conseiller des lectures à ses clients... Et puis le soir-même j'ai ouvert le livre, et j'ai lu. Aucun livre depuis ne m'a autant révulsée et fascinée en même temps ! Je ne reviendrai pas sur les scènes déjà décrites dans les autres chroniques, les tortures et les humiliations, la violence, la noirceur... Certaines sont gravées dans ma mémoire comme si j'y avais réellement assisté. J'en relisais d'autres deux ou trois fois, en m"interrompant à plusieurs reprises, pour être sûre de ne pas m'être trompée tant ces horreurs me semblaient inimaginables.... Je crois que j'ai découvert avec ce récit la grande laideur des humains, leur infini pouvoir de faire le mal, les souffrances extrêmes qu'un homme pouvait faire endurer à un autre. Je me suis forcée à finir le livre, et ce fut un véritable soulagement de le refermer. Mais je savais alors, sans pouvoir l'exprimer, que j'avais appris beaucoup en lisant cette histoire, même si je n'en comprendrais le sens que bien plus tard. Je n'ai jamais eu le courage de le rouvrir....
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Bienvenue Mister Chance

Marquée par ce livre il y a pas mal d'années...
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L'oiseau bariolé

Aïe aïe aïe! C'est sanglant, ça gicle, c'est cruel, méchant, haineux. Bref, épouvantable! On espère que c'est juste une fantasmagorie, un cauchemar de 300 pages. Oui, c'est bien écrit, c'est baroque, mais peut-on imaginer que l'entièreté des villages de ce pays de Pologne ait été aussi arriérée et mauvaise à cette époque du XXème siècle?

Oui, il s'agit d'une fiction, mais alors, qui est cet auteur qui se plaît tant à décrire jusque dans le moindre détail les tortures les plus vicieuses?

Un autre Lautréamont?...

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Bienvenue Mister Chance

Pour Chance, tout est le fruit du hasard mais en a-t-il conscience? Ce jardinier doit quitter le domicile de son patron qui vient de mourir. Victime d'un accident de la circulation, il est recueilli par l'employeuse du chauffeur qui l'a renversé.



C'est le premier contact avec le monde extérieur pour cet homme qui a toujours vécu sur le domaine de feu son employeur et occupait son temps libre à regarder la télévision dans sa chambre. Ne saisissant pas les subtilités des relations humaines, il ne répond aux questions qu'on lui pose qu'en évoquant le monde du jardinage, le rythme des saisons. Les propos du jardinier deviennent paroles d'évangile pour le monde économique, politique, médiatique et cet homme "simple" devient celui que tout le monde s'arrache.



Ce qui est intéressant c'est la façon que l'auteur a d'évoquer l'emballement médiatique et le besoin de tout un chacun de voir dans l'autre une réponse à ses fantasmes ou ses aspirations. Par contre, le développement de l'intrigue vire au grotesque dès que l'auteur aborde le thème de la séduction puis devient caricaturale et simpliste lorsque son "héros malgré lui" est perçu comme un homme providentiel.



Si le message délivré par l'auteur est perceptible, j'ai personnellement trouvé son procédé narratif tout comme la psychologie des personnages simplistes et superficiels. Un livre oubliable.
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L'oiseau bariolé

Un jeune enfant polonais errant seul pendant la deuxième guerre mondiale, victime de la cruauté généralisée de paysans arriérés souffrant eux aussi des restrictions dues à la guerre ; une cruauté d'une violence inouïe de l'ensemble de la population de cette région : tout à déjà été dit dans les autres commentaires.

C'est néanmoins une sacrée étude psychologique :

- comment détruire un être humain au plus profond de lui-même ...

- comment savoir se sauvegarder corps et esprit, de harcèlements épouvantables ...

- comment s'entretiennent tous les dogmes religieux ou idéologies politiques pour dompter et asservir le peuple ...

- sur les réactions des uns et des autres devant une personne (et même un enfant) au physique différent ...

-sur les conséquences phénoménales des traumatismes ...



À ne pas lire si vous vous sentez psychologiquement fragile et préférez vous protéger.

À lire absolument si vous osez vouloir renforcer votre force morale.
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L'oiseau bariolé

Voilà une drôle d'histoire qui nous est racontée ,enfin pas vraiment drôle pour ce garçon de 6 ans aux cheveux noirs , juif ou gitan , qui va , après une enfance plutôt heureuse , se retrouver dans la campagne perdue à vivre chez différentes personnes .

Tout aurait pu bien se passer , mais ce gamin pas comme les autres , tout le monde est blond ici , va vivre des périodes dramatiques chez des paysans aussi bêtes que cruels . Battu , méprisé , exploité , il s'enfuira pour ne tomber que sur des sadiques et subira multiples sévices ...

Il survivra à cet enfer et sera recueilli par des soldats russes ....



Dans ce récit, qui ce veut autobiographique , l'horreur est quotidien pour ce pauvre gamin ; on savait de quoi la nature humaine est capable , mais là on atteint les sommet .

Surement du vrai dans toutes ces horreurs et malgré tout ce qu'il va subir le petit gars a des réactions et des pensées philosophiques étonnantes pour un enfant ....

Un livre dur , qui fait froid dans le dos .
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L'oiseau bariolé

Un récit trash avant l'heure qui nous plonge dans une vision dystopique d'un monde chaotique à la violence inassouvie. Un roman qui nous immerge dans un univers façon J. Bosch.
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L'oiseau bariolé

J’ai personnellement eu beaucoup de difficultés à lire l’oiseau bariolé. J’en ai commencé la lecture il y a plus de 6 mois et les cent premières pages m’ont semblées interminables. Après une pause d’un mois, j’ai repris récemment la lecture de ce roman que je viens de terminer.

Si j’ai eu autant de mal à achever ma lecture, ce n’est pas par désintérêt pour le roman ou pour son sujet, ni parce que je ne l’aimais pas. C’est plutôt la violence qui ressort de ses pages qui m’a déstabilisée. L’histoire relate la vie d’un jeune garçon que ses parents ont envoyé dans la campagne polonaise pendant la Seconde Guerre mondiale, malheureusement pour lui son apparence physique (yeux noirs et cheveux bruns) le fait passer pour juif ou bohémien. Ainsi, il sera contraint d’errer de village en village dans la campagne polonaise, étant témoin et subissant lui-même toutes sortes de sévices que l’auteur ne manque pas de narrer avec précision tout au long du roman. Voilà la partie qui m’a refroidie, entre les tortures, les viols et la maltraitance, le début du roman m’a paru interminable. Mais après une pause de quelques semaines, j’ai réussi à finir assez rapidement le roman, je pense que comme je m’attendais à ce que j’allais lire, cette violence m’a semblée plus « supportable ».

Je reste donc mitigée sur cette lecture qui révèle une partie de l’Histoire que l’on connaît certes bien mais pas dans tous ces détails et qui m’a fait ressentir à la fois un attrait pour ce que l’auteur nous dévoile et une grande répulsion pour tout ce qui arrive à ce jeune garçon.
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L'oiseau bariolé

Il se trouve que cette édition, traduite par Maurice Pons contient des contresens et des faux-sens à quasiment chaque page , par ailleurs de nombreux passages ont été tronqués et les scènes de violence atténués. L'enfant brutalisé dans son errance apprend à maitriser le langage pour se défendre. Il est frappé de mutisme puis retrouve la voix à la dernière page. La parole retrouvée, qui refait le chemin de sa perte dans la dernière page quand le narrateur prononce ses premiers mots dans le dialecte des paysans puis dans la langue de la ville qui était sienne, est celle qui n’a cessé d’être entendue par le lecteur : elle est la langue du roman. C’est à ce moment précis que l’œuvre livre son véritable dessein : une langue brutalisée, perdue puis retrouvée en ayant acquis la capacité d’interpréter chacune des étapes de sa destinée. La forme du roman est dès lors cohérente avec son thème. En nommant son origine, un langage véritable de l’imagination, The Painted Bird (l'oiseau peint et non pas bariolé comme Pons le traduit par erreur) referme sa boucle et s’accomplit, révélant sa vocation esthétique à la fin de cette autobiographie fictive : l’acquisition par l’œuvre de la langue qui l’engendrera. Ce souci de la circularité a amené Kosinski a supprimer la fin qui paraissait dans la toute première édition anglaise. Cette fin artificielle diminuait l’impact de l’épisode de la voix retrouvée et avait par ailleurs pour défaut de replacer trop fortement l’œuvre dans un contexte autobiographique en créant un parallèle entre le narrateur et la fuite de l’auteur pour les États-Unis d’Amérique. Ce roman est avant tout un livre sur l'écriture sous la forme littéraire d'une autobiographie fictive construit selon des épisodes successifs sans aucun lien entre eux qui pourraient parfaitement être interchangeables. Il présente également, au moins pour les six premiers chapitres de grandes similitudes avec les contes, notamment le conte voltairien. L'oiseau peint est également un roman picaresque qui respecte tous les codes du genre. On trouvera une approche intéressante dans la thèse publiée sur Amazon "Jerzy Kosinski : Du franchissement des espaces à l'affranchissement des limites" qui apporte un éclairage complètement différent sur l'œuvre que l'approche traditionnelle amenant le lecteur à lire l'histoire d'un petit garçon brutalisé dans les campagnes d'un pays de l'est (en fait la Pologne est indiquée comme telle puis supprimée dans les éditions ultérieures anglaises, encore une fois dans le souci de gommer l'approche autobiographique et faire que l'œuvre "fasse plus roman"). On trouvera également au format kindle une version intégrale sans passages censurés sous le titre L'oiseau peint, traduction Christian VASSEUR, 2016.
Lien : https://www.amazon.fr/s/ref=..
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