Jessica Hart

J'ai refermé les rideaux sur la nuit morose. Il faisait frais, mais pas suffisamment pour mettre du chauffage. J'ai allumé les chandelles sur la cheminée pour rendre la pièce plus chaleureuse.

J'aurais aimer accepter, l'écouter me décrire ses recherches, l'observer, à tel point que j'ai préféré dire non. À quoi bon nouer une amitié? Se rapprocher, confier ses émotions, partager ses impressions... Autant se promener au bord d'une falaise prête à s'ébouler. À peine le temps de regarder le paysage, il faut faire machine arrière.

J'entendais glouglouter la bouteille, le vin emplissait les verres en un lent tourbillon rubis. Une odeur d'ail se mêlait à celle du vin et, dans ma main, je sentais peser le couteau. J'étais éblouie par l'éclat des aubergines, l'écarlate des tomates, la verdeur des courgettes, tels des joyaux répandus sur la planche à découper, comme si je n'avais jamais vu de légumes de ma vie. Le temps paraissait s'enrouler sur lui-même.

À quoi bon lui expliquer ce vertige d'un temps distordu et prêt à céder, ce mélange d'horreur et de fascination à sentir le présent basculer soudain dans un passé révolu ? Qu'aurait-elle compris si je lui avais décrit cette impression d'être aspirée par un siphon plus puissant que la raison, comme lorsqu'on sent la mer dérober le sable sous ses pieds... ?

Peu de gens savent vous regarder avec une telle attention, comme s'ils vous voyaient réellement. J'avais du mal à soutenir son regard franc, [...]. J'ai détourné les yeux.

Je sentais l'afflux bienfaisant de sucre dans mon sang. J'ai serré la tasse dans mes mains.

Étrange sensation d'arrachement, aux franges de la conscience, qui me rappelait l'inexorable succion de la vague, ce tourbillon qui m'emportait au loin, si loin...

J'aspire à être comme tout le monde, mais comment s'empêcher de rêver?

Il faut dire que nous rions d'un rien, folles filles que nous sommes. Nous rions de pouvoir rire.

Pas facile de dire quand commence une histoire. J'ai longtemps cru que le temps se déroulait en ligne droite, un événement succédant a un autre, en ordre de marche. Il n'en est rien. Le temps n'obéit à aucune règle. Il arrive qu'il fasse une boucle avant de repartir, voire qu'il revienne sur ses pas ou qu'il tisse ensemble le présent et l'avenir jusqu'à former un sac de nœuds inextricable, un méli-mélo de bifurcations, de coïncidences et de conséquences.

De là à imaginer qu'elle me chargerait de sa succession... Je me sens un peu coupable de n'avoir pas plus souvent pris de ses nouvelles, je l'avoue.

Le temps semble arrêté, je suis moi-même comme suspendue entre le ciel et l'eau, entre le passé et le présent, entre hier et aujourd'hui. Entre l'horreur et l'incrédulité.

- Il ne faut pas se fier aux prénoms.
- A qui le dites-vous ! La dernière fois que je suis allé à un cocktail, l'une de mes invitées - une charmante jeune brunette que je ne connaissais ni d'Eve ni d'Adam et qui n'avait manifestement pas froid aux yeux -, s'est jetée à mon cou et m'a embrassé comme si nous étions amis de longue date. Quand j'ai appris que ses parents l'avaient baptisées Chastity, j'ai eu toutes les peines du monde à garder mon sérieux. Je me demande ce qui a pu leur passer par la tête !

Summer Curtis embrassa du regard le vaste bureau que le P.D.G. De Gibson et Grieve avait mis à sa disposition et s'assura pour la énième fois que tout était impeccablement rangé. Elle souffrait depuis aussi longtemps qu'elle pouvait s'en souvenir d'une allergie chronique au désordre et mettait un point d'honneur à ne pas faire d'entorse aux règles très strictes qu'elle s'étaient fixées. « Organisation », « discipline » et « efficacité » étaient les maîtres mots qui régissaient sa vie et elle aurait préféré mourir que de passer une journée dans l'indescriptible capharnaüm où se complaisaient certaines de ses amies.

J’ai toujours eu une approche assez pragmatique des ordinateurs. Ça ne marche pas ? Éteignons et attendons que le problème se règle tout seul. Aussi aberrant que cela paraisse, ça marche très souvent. Ce que j’avais de mieux à faire était donc de m’occuper l’esprit et de rester concentrée sur le présent. Tout finirait par s’arranger.

Les choses sont faites pour qu’on les sente, par pour s’ébahir de leur mystère.

J’ai beau m’empêcher d’y penser, rien n’y fait. Il faut pourtant que je sois sage, comme une fille ordinaire. Ne pas trop réfléchir, ne pas trop rêver.

Curieux comme certains souvenirs que l’on croyait à jamais perdus peuvent resurgir dans leurs moindres détails… J’avais cinq ans et respirais la bouche ouverte.

Pas facile de dire quand commence une histoire. J’ai longtemps cru que le temps se déroulait en ligne droite, un événement succédant à un autre, en ordre de marche. Il n’en est rien. Le temps n’obéit à aucune règle. Il arrive qu’il fasse une boucle avant de repartir, voire qu’il revienne sur ses pas ou qu’il tisse ensemble le présent et l’avenir jusqu’à former un sac de nœuds inextricable, un méli-mélo de bifurcations, de coïncidences et de conséquences.

Je ne suis pas très experte en collecte des ordures. J’ai beau avoir un avis sur un tas de choses, j’avoue que je ne suis pas intarissable sur ce sujet. J’ai toujours loué par baux de six mois, je n’ai jamais vraiment pris le temps de prendre racine…