Citations de Johanne Seymour (105)
Les hommes ne sont pas les seuls à me traîner dans la boue, avait-elle pensé. Les cellulaires aussi!
Pourquoi ne puis-je voir que la face cachée de la lune? s’était-elle demandé avec sarcasme en se souvenant des mots de Trudel. Parce que, cher Paul, je suis née sur la face cachée. Là où la Lumière a perdu la bataille…
Comment résister à son envie d’aller forcer la porte de Paul comme elle l’avait fait tant de fois par le passé? Se vautrer dans son corps à n’en plus jouir. Sombrer dans le sexe comme dans un sommeil réparateur. Comment Kate pouvait-elle regarder cet homme comme une relation de travail, quand leurs inoubliables séances de baise qui permettaient d’anesthésier ses sentiments, jusqu’à son amour pour lui, la tourmentaient encore autant? Comment?
Trudel a un mouvement d’impatience. Les feelings de Kate sont proverbiaux… et toujours le prélude à une kyrielle d’embêtements.
«Peut-on survivre à la culpabilité de vivre ? »
«Le père Noël s’est suicidé !»
Depuis, elle ne passait pas une journée sans lire au moins une page. Et, une fois sur deux, c’était de la littérature policière. Tout simplement parce qu’enfant, elle s’était convaincue que tant et aussi longtemps qu’elle pouvait vivre l’épouvante à travers ses lectures, elle n’en serait plus la victime. Pour Kate, l’horreur fictionnelle avait servi de protection contre l’horreur du réel. Et bien qu’elle n’y crût plus aujourd’hui, elle n’avait jamais cessé de lire des romans policiers.
– Deux fillettes de neuf ans sont mortes égorgées par un tueur fou, et tu me parles de budget? crie-t-il en bondissant hors de son fauteuil. As-tu une calculatrice à la place du cœur?
C’est reconnu. Le chiffre n’est pas le même pour tous. Certains craquent au premier cadavre, d’autres au centième. Une chose est certaine. Chaque homme a son seuil de tolérance et, s’il le dépasse… Tout est possible. La dépression, la mort, la folie…
Je me lève et plonge dans la mer. Je la laisse s’emparer de moi. Elle me chavire, me bouscule, m’enveloppe. Me montre qu’elle peut être tendre et violente, comme les humains. Qu’il ne tient qu’à moi d’apprendre à maîtriser ses courants et m’en faire des alliés. Qu’à chaque instant je peux m’y baigner ou m’y noyer.
Je savoure lentement ma boisson gazeuse, en détaillant mon père. Pour l’instant, son veston repose sur la chaise à gauche de la sienne, mais il a revêtu son costume d’été bleu nuit qui le fait ressembler à Cary Grant. Ma mère doit être aux anges.
Je demeure immobile, me demandant combien de fois, au cours d’une vie, un cœur peut se briser avant qu’il ne soit plus possible de le rapiécer ?
Ma joie est indescriptible quand je vois enfin la mer. Grise, houleuse, écumeuse, elle m’attend. J’enlève mes flip flops et cours vers elle, les cheveux au vent, les yeux fermés, les bras ouverts, comme si je désirais l’embrasser. Je crie :
— Libertéééééééééééééééééé…
Je ne songe pas à l’avenir. Je pense au moment présent. À ma peau qui picote de partout. À mon sang qui circule à une vitesse folle dans mes veines. À mon cœur, dont chaque battement me rappelle que je suis amoureuse. Je veux crier, chanter et pleurer tout à la fois. Je me sens belle, électrique et magique. J’ai des bottes de sept lieues qui me font voler…
All the lonely people… where do they all come from ? All the lonely people… where do they all belong ? Eleanor Rigby ! Je monte le volume de la radio transistor de mon père. J’adore cette chanson. Je l’ai adoptée dès sa sortie, persuadée que c’était de moi que Les Beatles parlaient… Pas comme avec cette Michelle, ma belle qui me colle au cul. La solitude d’Eleanor était la mienne…
La rudesse avait cédé la place à la tendresse et, sans résister, Luc avait laissé Thomas guider ses caresses. Il n’y avait eu de violence que celle de leur désir exacerbé par la sensualité amoureuse de leurs ébats.
Pour la majorité des Occidentaux, l’Afrique était un vaste pays, et les yeux bridés, un autre. Pas de différences entre Nigériens ou Ougandais. Pas de différences entre Chinois ou Tibétains. Deux bateaux, remplis l’un de Noirs, l’autre de Jaunes.
La peur noue les entrailles à l’approche du grand départ, mais je peux vous assurer que la majorité des gens préfèrent continuer de croire en ce qu’ils ont cru toute leur existence. Si ce n’est que pour faire taire la peur. J’ajouterais aussi que plusieurs se découvrent une foi pour les mêmes raisons. L’homme vit d’espoir…
L’approche de la mort… Ça peut être un puissant moteur. On doit s’interroger sur nos croyances…
Les mentalités changeaient, mais au pas d’escargot.