Citations de Johanne Seymour (105)
Son corps ballotte sur l’eau. Sa tête auréolée de cheveux noirs, ondule comme une méduse. Ses bras en croix donnent envie de prier. Elle ne peut avoir plus de neuf ans
— La scène me fait penser à un de mes vieux haïkus.
Elle récita:
Arbres verglacés
Prières muettes dans le noir
Chansons d’agonie.
Desautels et Paradis fixaient Rinzen, la bouche grande ouverte. Elle sourit.
— C’est une forme de poème japonais. Comme un polaroïd poétique. Une épiphanie en mots! C’est très zen. Vous devriez essayer. C’est un excellent passe-temps et ça aide à clarifier l’esprit.
Desautels et Paradis échangèrent un regard qui en disait long sur la «clarté» des haïkus.
Rinzen détailla l’homme «crucifié». Malgré son état de décomposition, elle pouvait voir que la crasse s’était infiltrée jusque dans les replis de sa peau pendante. Le vieux corps émacié n’avait pas connu d’amour depuis longtemps.
— La victime avait cessé de vivre bien avant sa mort.
Malheureusement, le souvenir de l’homme trouvé crucifié dans son «salon-cuisine-salle-à-manger-maintenant-cercueil» ne s’effacerait pas de sa mémoire. Il irait rejoindre l’exposition permanente dans son cerveau des quelque six cent cinquante autres tableaux de morts violentes dont il avait été témoin depuis le début de sa carrière.
Il n’avait que six ans et ne comprenait rien à ce qu’il lui arrivait, mais il était convaincu que si l’Autre continuait d’exister, il finirait par disparaître complètement.
— Moi, j’ai passé la nuit à soigner un enfant de cinq ans qui avait mal au ventre. C’est quoi ton excuse? Luc sourit.
— Un beau grand roux avec un corps d’enfer. Je t’ai commandé un café.
La famille parfaite!
Jusqu’à ce que l’Autre, qui dans les premières semaines n’avait été qu’une poubelle à bouffe et une machine à caca, apparaisse au fil du temps dans toute sa splendeur: vif, charmant, toujours souriant et d’une beauté hors du commun. Un soleil autour duquel ses parents orbitaient pendant que, comme une étoile mourante, il dérivait dans le vide sidéral.
Je consignerai tout dans ce cahier. Si Dieu existe, il me pardonnera. Car s’il est le Créateur de l’Univers, il a aussi créé les monstres.
-Alors quel mal y a-t-il, l’interrompt Trudel, à mettre « officieusement » le sergent McDougall, qui est probablement la meilleure enquêteuse que la SQ ait jamais connue, en charge de l’enquête? … C’est une ancienne du bureau de Montréal, continue Trudel comme si Brodeur n’avait pas ouvert la bouche, elle a fait ses preuves plus d’une fois par le passé, elle connaît la juridiction où se déroule les crimes et, ce qui n’est pas à négliger, le tueur lui-même la réclame.
Kate se retrouva la main sur la poignée du réfrigérateur.
Boire.
Anesthésier la douleur, la rendre moins aiguë. Kate lâcha la poignée et décida de ranger la vaisselle du déjeuner, que les enfants Branchini avaient laissée à sécher sur le comptoir. Elle devait résister à l’envie de prendre sa voiture et de se rendre au Thirsty Cowboy. Ce serait si facile…
— Tu as un très joli visage, dit-il.
Elisabeth rougit violemment.
— Et le bleu céruléen de tes yeux… On aurait envie d’y tremper un pinceau…
Il prit délicatement son menton entre le pouce et l’’index pour lui relever la tête et plongea son regard dans le sien.
— Un bleu d’une pureté… incroyable.
Leur relation était née en dépit des tourments de Kate; parce que Sylvio était un ami de longue date, parce qu’il avait été le mari de sa meilleure amie, décédée d’un cancer, et parce qu’il était le père de trois enfants qu’elle adorait littéralement. «Tu sei già famiglia», avait dit Sylvio en se déclarant. Tu es déjà de la famille…
Ils étaient tous muets, incapables de décider s’ils étaient en présence d’un fou… ou de la bienheureuse réincarnation d’Hitler. C’était toutefois tentant pour les plus vieux de croire que Simon pourrait être le chef qu’ils attendaient depuis longtemps, celui qui assurerait la suprématie de la race blanche.
En fait, l’image mentale que Kate s’était faite de l’ANDEV était celle d’un groupe de vieux nazis et de néo-nazis, réunis pour ruminer leur gloire passée.
Son manque d’empathie avait toujours exaspéré son entourage. À l’exception peut-être de leur père, qui, pour cette raison et à cause du goût prononcé de son fils pour la médecine, voyait en Simon le portrait craché du Dr Mengele ; un homme qu’il admirait.
— Qu’est-ce qu’on sait? questionna Kate tout à coup, prenant la situation en main.
Son proverbial «Qu’est-ce qu’on sait?» surprit l’équipe.
— Does that mean that you’re back on board? lui demanda Todd en souriant.
— La toile est intéressante à plus d’un égard… Il s’agit d’une vanité, mais en même temps «l’image dans l’image»…, ajouta Marie-Agnès Vallières, c’est daliesque.
— Une vanité?
— C’est un type de composition qui a pour but de rappeler à l’Homme qu’il n’est pas éternel…
— Comme l’Homme essaie vainement de le croire, termina Kate.
Le portrait non pas d’un individu mais d’un monstre commença alors à se profiler dans l’esprit de Kate. Un monstre intelligent, dont la cruauté ne semblait pas avoir de limites. Un monstre qui, vraisemblablement, avait commencé à tatouer ses victimes…
Cette enfant avait transformé sa vie. Grâce à elle, à sa «différence» surtout, Kate avait retrouvé son enfance perdue. Elle avait réappris à jouer, à sourire, à rire. Car Élisabeth ne vivait que pour le moment présent, s’attachant à chaque parcelle de bonheur qu’on lui offrait, consciente que cela pourrait être la dernière.
— Donc, si les fous sont dangereux, il est dangereux d’avoir un centre de fous à proximité du village, avait conclu Todd qui suivait le raisonnement de Labonté