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Critiques de João Guimarães Rosa (39)
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Sagarana

Il est trop fort, João Guimarães Rosa.

On attaque, on se dit oh la la quelle galère ! que ça va être chiant de lire tout ça ! et puis non : le rythme indolent de ses intrigues, au fil des digressions, se laisse finalement dévorer avec frénésie et enchantement.



Parce que franchement, les aventures d'un petit âne au bord du rencart qui accompagne un troupeau de bovins et bouviers, ça intéresse qui ? Et pourtant, c'est finalement et superbe et passionnant. Toutes les nouvelles du recueil sont comme ça : il prend un argument mince comme du papier à cigarettes et il en fait une promenade enchanteresse dans son sertão de prédilection.



Ah oui, ça se passe dans le Nordeste brésilien des années trente. Mais attention, on est pas dans le folklorique pénible. Son amour de tout ce qui fait cette région colore d'une toile de fond fascinante des histoires et sentiments par ailleurs très universels. Là encore, avec son air de ne pas y toucher, il est très très fort.



C'est blindé de paragraphes évoquant la flore et la faune de ces contrées, dont on ne connait évidemment rien. Mais ça se lit pour le plaisir des mots, comme autant de poésies mystérieuses. Je me demande quand même si je suis seul à pouvoir lire tout ça en me fichant éperdument de savoir à quoi ressemble un sabiá, l'herbe-à-balais, un pourpier, l'herbe moulambo, des joás, un gervão, un jabiru acromégalique, les marias-noires… et en y prenant plaisir. En plus, la traduction est remarquable, elle rend compte avec merveille de l'inventivité originale qui ne s'exerce pas uniquement dans tous ces noms bizarres, mais transforme des substantifs en verbes, et vice versa, et crée de nouveaux mot par agglutination.



Quand aux intrigues et personnages, ils nous sont à la fois si lointains et si proches. La plupart sont bien arriérés, leurs histoires souvent pitoyables, et pourtant ils deviennent nos frères et l'on vibre de partager des sentiments qui sont finalement les nôtres. On croise des hommes fiers et des fiers à bras, des sorciers et des malades, des gosses et des vieillards, des méchants, des retors, des malins et d'autres juste plus braves. Et le narrateur, à la fois acteur mais systématiquement un peu désengagé, qui nous transmet son amour des gens, des paysages et des animaux de ce rude pays. Teinté de pointes d'humour qui ne gâchent rien.



Il est vraiment très fort.
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Mon oncle le Jaguar

La terre n'est que poussière, le chemin sauvage. Ici, dans le Sertao, tout le monde peut venir, parce qu'ici il n'y a rien. Un soleil ivre de rage tourne dans le ciel et dévore le paysage de terre et de sel où se découpe au passage l'ombre du jaguar. Une cabane perdue aux abords d’une forêt, un petit feu et un hamac juste au-dessus. Le parabellum à la ceinture, je m’approche, la silhouette encore plus triste qu’une musique de bandonéon. Là-bas, un vieux probablement à moitié indien à moitié animal. Solitaire depuis des années, quelques négros qui l’ont accompagné qui ont été tué, comme des cangaceiros de la libération. La bouteille de cachaça bien entamée, conjuguée au soleil enragé, il soliloque dans un mélange de sa langue indienne, de brésilien et de feulement d’animaux. Il n’a plus vraiment l’habitude de croiser des âmes sur la poussière de ces terres.



D’ailleurs, son langage est difficile à suivre, à comprendre par moment, à croire que sa cachaça est frelatée. Il discourt de façon incessante, me racontant les jours où il a tué tels négros, ou tels jaguars, tout au pluriel, car c’est un grand chasseur, le plus grand, l’unique… Si bien qu’il a commencé à se transformer lui-même en jaguar dans ses moments de délires, les griffes acérées prêtes à me sortir le cœur de mon poitrail. On se partage la bouteille, de mon pan de chemise j’essuie le goulot. Ouah, elle cogne, la cachaça du Sertao. Comme un vieux charognard il crache sur la gueule jaune des caboclos, Antonio Des Morte ou les Capangas machos à la solde des fazendeiros... Calé dans mon fauteuil, avec vue sur les chiottes, je m'appelle Bernard.



Une rencontre presque mystique qu’on n’oublie pas, même si on ne comprend pas tout de cette langue et de ces étranges mots tupis. Une première rencontre qui se veut presque plus ethnique que littéraire où les délires de l’homme reviennent souvent sur ses regrets, ceux d’avoir chasser les siens, car avec le temps, il est devenu lui-même jaguar dans l’âme et la peau, alors lorsqu’il se rend compte qu’il a tué son oncle, le jaguar, massacré ainsi sa famille pour les peaux et quelques cruzeiros…
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Sept-de-Carreau, l'âne du Sertão

"C'était un petit âne gris, maigrelet, résigné. Il venait de Passe-Temps, de Conceição-des-Crêtes, ou du sertão d'on ne sait trop où." Il doit son sobriquet Sept-de-Carreau à l'un de ses propriétaires, joueur de cartes. Il est désormais un âne vieillissant dans la ferme du Major Saulo, lequel n'hésite cependant pas à le réquisitionner pour accompagner un important convoi de boeufs, de vaches et de taureaux, jusqu'à la gare du bourg. C'est la période des pluies diluviennes, qui succèdent à la sécheresse, et des crues tout aussi redoutables. Le style de João Guimarães Rosa, né dans le Minas Gerais, est irrésistible et à l'image de cette nature si sauvage du sertão, qu'il a parcouru lorsqu'il y était médecin. La postface évoque une traductrice désemparée. Sur certains aspects il appartient à une tradition orale et populaire : João Guimarães Rosa imite à la perfection la faconde des bouviers, des sang-mêlé pour quelques- uns, et leur art de raconter des histoires, des histoires drôles mais aussi sanglantes. Sur d'autres aspects João Guimarães Rosa, qui aime les expérimentions, les jeux de langage, appartient au modernisme et son érudition le porte également vers une certaine forme d'hermétisme.
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Diadorim

Zone géographique en grande partie semi-aride, située dans les états des régions centre et nord-est du Brésil, le «sertão» non seulement se déploie concrètement sur une superficie de près d'un million de kilomètres carrés, mais constitue en même temps un vaste territoire culturel et symbolique dans l'imaginaire collectif brésilien, à l'image du légendaire «far-west» pour les nord-américains, ou de l'immense et immémorial «outback» pour les australiens.

Dans DIADORIM (GRANDE SERTÃO: VEREDAS), les décors naturels correspondent plus particulièrement au sertão dit des «Gerais» (prononcer «Geraïs ») - «terres-générales» de l'état du Minas s'étendant également au-delà des frontières, dans les états voisins de Bahia et Goiás, et, pour l'essentiel, bordant la vallée du grand fleuve São Francisco. Arrière-pays dominé par des «fazendas» où l'on pratique essentiellement l'élevage, très peu urbanisé, zone de non-droit par excellence, les bandes armées de «jagunços» y font plus souvent la loi. Brigands à la solde des grands propriétaires terriens, d'hommes influents de tous bords (voire même par moments associés et financés par des politiciens véreux afin de combattre des factions rivales, sous couvert de «lutte contre le banditisme»), mais pouvant aussi évoluer libres de toute attache, en groupes nomades constitués de plusieurs dizaines d'individus, ceux-ci subsistent notamment grâce à l'hospitalité et à la générosité des «fazendeiros» et d'autres autochtones, ou bien, à défaut, de racket - sorte de «pizzo», argent contre protection -, voire au besoin, de pillage tout court. Commandées par des leaders vénérés et tout-puissants, garants d'un code d'honneur strict à faire respecter, les bandes de jagunços sillonnent interminablement, à pied et à cheval, les «chapadas» - plateaux gréseux limités par des escarpements prononcés –, faisant halte la plupart du temps dans les « veredas » - vallées de terre argileuse où l'eau et une végétation accueillante, constituée essentiellement de «buritis», le grand palmier-bâche brésilien, sont toujours présentes. Voilà en gros pour l'univers dépeint par Guimarães Rosa, situé ici au tournant du vingtième siècle.

Il s'agit là, incontestablement, du chef d'oeuvre majeur de la littérature brésilienne du XXème siècle. GRANDE SERTÃO : VEREDAS (dont le sous-titre original «O diabo na rua, no meio do redemoinho» - «Le diable dans la rue au milieu du tourbillon» - a été supprimé dans son édition française) est, au même titre que l'Ulysse de James Joyce, un roman labyrinthique aux sens multiples, inépuisables: une cathédrale brute plantée en plein milieu du «sertão» brésilien.

Sa publication, en 1956, a provoqué un véritable séisme littéraire dans le pays: l'oeuvre a été dans un premier temps très mal-accueillie, majoritairement incomprise. Un article paru dans une revue littéraire éditée à Rio de Janeiro («Leitura»), co-signé par de nombreux poètes et romanciers renommés de cette époque, s'était vu titré : «Ecrivains qui n'arrivent pas à lire Grande Sertão : Veredas» (!). L'oeuvre non seulement outrepassait complètement, mais pulvérisait littéralement tous les canons du roman régionaliste, genre toujours très en vogue dans la littérature brésilienne à ce moment, inauguré par le classique «Os Sertões», de Euclides da Cunha, publié en 1902. Extrapolant radicalement les codes en vigueur du genre, la culture « sertaneja», orale, rustre et populaire permettait à l'auteur de procéder à des innovations langagières et à un traitement littéraire dignes des expérimentations les plus avant-gardistes du XXème siècle, suscitant d'emblée, comme pour ses prédécesseurs les plus célèbres en la matière, le rejet et l'incompréhension de ses contemporains.



Livre-monde échappant à toute norme extérieure à son univers propre, GRANDE SERTÃO : VEREDAS forge une syntaxe, un lexique et une grammaire qui lui sont propres, rebelles à toute codification purement rationnelle ou strictement consensuelle. Un chercheur-linguiste ayant travaillé sur le texte du roman aurait déniché non moins de 8 000 mots qui ne figureraient dans aucun dictionnaire! Puisant à la fois dans les racines de la langue portugaise et dans la richesse léguée par la diffusion historique de la lusophonie aux quatre coins du monde, mais surtout et avant tout, directement aux sources vivantes de la langue orale régionale et incarnée du sertão des Gerais, la langue forgée par GRANDE SERTÃO : VEREDAS s'ouvre à des multiples significations : langue-fleuve débordant de morphèmes-poissons (rien que pour le mot «démon», 56 synonymes auraient été dénombrés !!), de références à la nature et à la flore locales, de vocables choisis pour leurs résonnances purement sensibles ou émotionnelles, de phrases segmentées par une ponctuation inaccoutumée, plutôt intuitive que rationnelle, se ramifiant en constructions grammaticales sans fil prédéfini, dans une quête quichottesque assumée de pouvoir réussir à métamorphoser le langage écrit en expérience réelle.

Pour l'avoir lu en version originale, je comprends maintenant pourquoi GRANDE SERTÃO : VEREDAS est classé parmi ces livres considérés en principe intraduisibles. (Déjà en tant que lecteur parfaitement lusophone l'ayant lu en sa version originale, j'ai eu souvent le sentiment de ne pas réussir à «traduire» mentalement ce que j'étais en train de lire, sans en «réduire» considérablement le sens, navigant sans cesse entre une lecture «à la narration» et une lecture «en bloc» et «à la sensation». Par ailleurs, jamais auparavant je n'ai ressenti, en lisant un roman, une sensation aussi aiguë de cette désespérante platitude recherchée sans cesse par notre cerveau..!). Objet de multiples traductions en différentes langues étrangères (dont deux versions, à ce jour, en langue française), ainsi que de nombreuses thèses universitaires, études, articles de spécialistes, linguistes, critiques littéraires et traducteurs, ce roman hors norme a souvent été désigné - entre autres par l'écrivain Mario Vargas Llosa, auteur de la préface à l'édition française - comme «une des oeuvres formellement les plus abouties du siècle».

Attention néanmoins, lecteurs potentiels de DIADORIM, il ne faut surtout pas s'attendre pour autant à une lecture inaccessible au commun des mortels, hermétique, absconse ou destinée à une poignée de happy few, critiques littéraires, universitaires prétentieux ou intellectuels de service…Pour faire court, GRANDE SERTÃO : VEREDAS n'est pas, par exemple, l'ULYSSE de Joyce. (Ô, qu'il n'est pas facile, n'est-ce pas, de ne pas catégoriser, ne pas hiérarchiser ou caricaturier les oeuvres et les êtres..! Bref.)

DIADORIM donc, loin de là, peut tout simplement être lu comme un récit d'aventures et/ou comme un roman d'amour. Riobaldo, personnage-narrateur du livre remémore et narre son passé de jagunço à un interlocuteur-lecteur, dont il imagine et anticipe par moments les réactions à ce qu'il raconte : ses pérégrinations à travers le sertão des Gerais, son amour sublimé et transgressif pour Diadorim, ses moments de gloire et de détresse, ses joies et ses faiblesses, ses combats pour la justice telle qu'il la conçoit, ses rencontres avec le diable, «dans la rue au milieu du tourbillon»...

Constitué à partir de cette matière première violente - dans le sens étymologique du mot : force incontrôlable- de vie et de mort, présente partout dans le monde, cette histoire maintient le lecteur constamment au plus «près du coeur sauvage» (Joyce) qui fait pulser la nature et la condition humaine ; tout le roman étant traversé - selon une formule consacrée par Joseph Conrad , dans «Au coeur des ténèbres»- par un souffle puissant, «earth et unearthly», à la fois terrien et surnaturel, cru et lyrique, épique et dramatique, chevaleresque et faustien, particulier et universel.

Oui ! «Le sertão est partout». «Le sertão est à l'intérieur de nous-même.»





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Mon oncle le Jaguar

Voici un récit très singulier de l'auteur brésilien Joao Guimaraes Rosa. Dans une cabane de la forêt, où les hommes ne s'aventurent guère, un métis, indien de par sa mère, s'adresse tout en buvant de la cachaça à un hôte de passage. Dans un long et étrange monologue où s'enchevêtrent des mots Tupis et Portugais ainsi que des rauquements d'animaux, nous découvrons la vie de ce métis solitaire qui chasse les jaguars de la forêt avec lesquels il semble avoir une relation particulière jusqu'à vivre une métamorphose….
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Diadorim

Diadorim, ceux qui l'ont lu ne peuvent l'oublier. Quelle claque ! Ami lecteur, quelle claque ! Je l'ai lu dans une version épuisée, la bonne nouvelle c'est qu'il a été réédité en grand format chez Albin Michel et qu'en conséquence, tu n'as aucune excuse. Aucune. Tu vas donc me faire le plaisir d'aller chez ton libraire préféré – qui s'il est bon aura évidemment ce livre en stock – et de l'acheter, fissa ! Grande Sertão : Veredas (son titre original) est souvent considéré, avec cette emphase stupide des quatrièmes de couverture, comme "le roman de la littérature brésilienne". Je laisse à d'autres le soin d'établir de tels classements mais je peux ici affirmer sans mentir que Diadorim est, tout à la fois, un grand roman d'aventures (tendance western), un non moins grand roman d'amour et un roman d'une qualité formelle absolument hallucinante !
Lien : http://lesyeuxrougisdefatigu..
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Diadorim

L'excellente préface de Mario Vargas Llosa aurait pu, une fois pour toutes, en si peu de pages pourtant, enfermer Diadorim dans la catégorie de ces romans qui, bien plus que des chefs-d'œuvre classiques dont les vertus épurées sont aussi rassurantes que souvent lassantes, nous inquiètent et nous séduisent par leur caractère monstrueux. L'Anneau et le Livre de Robert Browning, Pierre ou les ambiguïtés d'Hermann Melville, Héros et tombes et L'Ange des ténèbres d'Ernesto Sábato, Autodafé d'Elias Canetti, Le Tentateur d'Hermann Broch, Les Reconnaissances de William Gaddis, Sous le volcan de Malcolm Lowry ou encore 2666 de Roberto Bolaño, voici quelques exemples de romans monstrueux dont le centre de gravité paraît soustrait à nos regards, hors de portée de toute exégèse qui tenterait d'enserrer dans sa trame, fût-elle du plus fin maillage, l'œuvre détricotée sans relâche et, comme la ville de Carcassonne pour Lord Dunsany et William Faulkner, toujours à l'horizon, sans qu'il nous soit possible de l'atteindre.
Lien : http://stalker.hautetfort.co..
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Diadorim

Lorsque je furète en bouquinerie, je ne fais pas que chercher les romans se trouvant sur ma wish, je suis attentive aux autres et lorsque je tombe sur des auteurs dont le nom semble être hispanique, je lis le 4ᵉ afin de voir s’il pourrait participer au Mois Espagnol et Sud-Américain. Bingo avec celui-ci !



Un roman culte, qu’ils disaient… L’un des plus grands livres qu’on ait jamais écrits. Diantre, fallait plus en jeter, j’étais déjà conquise à l’avance !



Mon édition 10/18 fait 630 pages et le style de l’auteur m’a déconcerté dès le départ : pas de chapitrage, des dialogues peu nombreux et inclus dans le texte. Heureusement qu’il y avait des paragraphes, sinon, j’aurais sauté des lignes sans même m’en rendre compte.



Je ne peux pas dire que j’ai détesté ce roman, ni que l’écriture était merdique. Que du contraire, le style est riche, très riche, trop riche, peut-être, car on passe d’une langue vulgaire à une poétique (ou l’inverse), c’est bourré de néologismes, ardu, obscur et on a, de temps en temps, l’impression que notre narrateur ne parle pas bien le Brésil.



Anybref, le narrateur est un grand bavard et qu’il a tendance à raconter trop, dans un récit monolithique, ce qui m’a lassé, avant que je n’arrive à la moitié du récit.



De quoi ça cause, ce roman ? C’est l’histoire de Riobaldo et de sa bande armée, des jagunços, qui sont des brigands à la solde des grands propriétaires terriens (les fazendeiros), des gardes du corps, généralement embauchés par les propriétaires de plantations et les « colonels » dans les arrière-pays du Brésil.



Dans cette partie de l’arrière-pays (le sertão), une région semi-aride, on pratique l’élevage et ce sont des zones de non-droit où tous les sales coups sont permis.



Ces brigands, sont souvent associés à des politiciens véreux (pléonasme), ou libres de toutes attaches. Ils pratiquent le racket, bref, ils sont un peu des mafiosi qui vous demandent de les payer pour assurer votre protection.



Notre Riobaldo, ce guérillero au service de riches propriétaires terriens, bossant aussi parfois pour des politiciens, des hommes de guerre, vivant comme un hors-la-loi, nous raconte donc tout et son histoire est un mélange d’histoire de guerre, d’aventures, d’amour, de western. C’est aussi un récit halluciné, comme sous emprise de drogues.



Ce roman n’est pas facile à lire, il est touffu, part dans tous les sens, est inclassable, si ce n’est avec les romans qui divisent les lecteurs : ceux qui ont réussi à le lire et ceux qui se sont paumés dedans. Je me suis paumée, même si je me suis accrochée et finalement, j’ai sauté des paragraphes après avoir peiné dans la première moitié.



Bon, ce texte n’était pas pour moi, trop ardu, trop dense, trop lyrique… Les aventures de Riobaldo et de ses guérilleros étaient semées d’embûches, comme le fut ma lecture, chaotique, de ce pavé qui est devenu indigeste.



Si vous êtes tenté de vous attaquer à ce monument de la littérature, allez-y lentement, picorer un peu tous les jours, faites durer le plaisir, sinon, la nausée arrivera vite et vous serez incapable de terminer ce roman (pourtant, la fin est belle et recèle une belle surprise).



Bon, j’ai tenté le coup, j’ai raté… Pas grave !


Lien : https://thecanniballecteur.w..
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Diadorim

Diadorim est le livre du sertão, region semi-aride du nordeste brésilien, contrée inhospitalière sinon proprement hostile à l'homme disgracié, fourvoyé en cette terre dépeuplée et quasiment inculte, trouvant sa subsistance dans l'élevage de larges troupeaux de bovidés. Le roman prend la forme unique d'une narration hallucinée d'un personnage, Riobaldo, ayant vécu la vie aventureuse des jagunços, hommes de main, guérilleros, au service de riches propriétaires terriens, les fazendeiros, ou à la solde d'hommes de guerre ou de politiciens, voire de francs hors-la-loi. le récit est d'une seule traite, monolithique, titanesque. La langue se fait tour à tour poétique, vulgaire, riche en néologisme; l'expression du narrateur est parfois difficultueuse presque incorrecte. L'action se déroule en marches et contremarches, cavalcades endiablées, coups de main meurtriers, pillages, crimes; parfois le temps est suspendu en de larges descriptions de la nature particulière du terrain traversé, de sa faune et de sa flore; et toujours rôde la présence inquiétante, pour ces croyants valeureux et superstitieux, du malin, du tentateur. Parallèlement à cette arrière fond d'action et d'exaction, se développe l'histoire de l'attraction ambiguë et énigmatique du narrateur pour son compagnon de route, Diadorim. Cet opus est considéré comme le chef-d'oeuvre incontesté des lettres brésiliennes du XXème siècle; le texte riche, foisonnant, parfois aride, souvent obscur, est de ceux qui ne livre pas toutes ses clés et son suc à la première lecture, même des plus attentives. Lu comme un simple roman d'aventure, il risque de lasser par son ampleur et la relative monotonie de l'action. L'emploi audacieux et novateur de la langue, l'interrogation existentielle de la destinée de l'homme, la dimension initiatique, philosophique, allégorique du texte, sont d'autres pistes à étudier pour comprendre et saisir la richesse d'un texte qui fit date. Un livre qui ne se laisse néanmoins et définitivement pas aisément lire.
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Diadorim

Tout simplement fantastique. Je suis resté subjugué par cette merveille ! Que ce soit la puissance incroyable qui se dégage de l'écriture ; la qualité de la narration, de l'intrigue ou des situations évoquées ; les filtres de lectures interchangeables : démonologie, romance, aventure, et autres ; la capacité à nous tenir en haleine.





Tout dans cet ouvrage concourt à en faire une réussite stupéfiante. Je me suis retrouvé littéralement happé par l'univers créé par João Guimarães Rosa et je ne peux que lui rendre un modeste hommage pour cette oeuvre au travers de ce petit éloge. Bravo.
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Mon oncle le Jaguar

Livre aussi beau qu'étrange, aussi étrange que beau.

Difficile d'en parler.

Dans la forêt amazonienne, un homme perdu se réfugie dans la cabane d'un chasseur.

Cet homme qui vit là est un métis abandonné par son père un homme blanc, et qui pleure la mort de sa mère une indienne de l'une des tribus qui peuplent la forêt.

Il a été assigné dans cette cabane pour chasser les jaguars qui menacent les villages à l'orée de la forêt.

Mais tous l'ont abandonné à son sort dans cette cabane de la forêt.

Alors petit à petit, il a quitté le monde des hommes qui l'ont délaissé pour celui des jaguars qu'il était censer tuer mais qui l'ont adopté.

Ce récit est en fait un long monologue de cet homme qui explique qui il est, ce qu'il est.

C'est une mélopée qui mélange à la fois le portugais, la langue des indiens toupi et la langue des jaguars.

Etrange livre que le traducteur nous conseille de lire à haute voix.

Mais même à haute voix, il n'est pas facile de pénétrer dans cet univers, l'univers de ces hommes qui peuplent la forêt amazonienne et dont la langue est un chant qui oscille entre les sons humains et ceux des animaux qu'ils cotoient.

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Diadorim

Ma sixième lecture en quatre longues années m'a fait prendre conscience que ma "critique" était bien fade pour l'unique représentant et prosélyte, à ma connaissance, de la guilde roséenne.



Sixième lecture mais toujours ce plaisir immuable à chaque page, un peu comme si chaque matin, ma dulcinée me regardait avec le regard du premier jour.

Ce sentiment est indescriptible, ce que ce roman m'inspire est inénarrable.



Livre inclassable.

C'est la raison pour laquelle on ne peut que l'aimer ou rester totalement indifférent à son pouvoir. Ce que je peux aisément concevoir puisqu'il m'a fallu plusieurs essais avant d'être happé par l'univers roséen.



Une fois aspiré dans le sertão du Minas, cher à l'auteur, on ne peut en sortir. Car c'est bien cela qu'est "Diadorim", une traversée du sertão avec toutes ces embûches, les belles et mauvaises rencontres, ces beaux et moins beaux paysages.



Comme pour une randonnée, il faut prendre son temps pour bien apprécier ce qu'on l'a sous les yeux. Riobaldo le dit si bien : "Ce que mes yeux ne voient pas aujourd'hui, il se peut que je l'endure le surlendemain". Ce n'est pas vraiment ma sixième lecture car je ne l'ai pas encore achevé. J'ai décidé de prendre mon temps pour bien appréhender chaque trésor que recèle ce long monologue. Je le picore comme un religieux picore son Livre Saint ou un poète un recueil de poésie. Je me surprends à méditer pendant de longues heures certains passages que je n'avais pas vu lors de mes précédentes lectures... "Diadorim" n'est pas un livre qui se lit d'une traite finalement.



Certainement un grand passionné de mythologie grecque et de Grèce Antique, que ce soit pour ses sources d'inspiration pour la plupart des scènes qui parsèment cette oeuvre que pour les noms de la plupart de ses personnages, Guimarães Rosa nous entraîne dans une odyssée mineira. Riobaldo étant un Ulysse Brésilien qui vivra bien malgré lui de belles aventures et qui sera obsédé par une grande question : peut-on vendre son âme à... rien ?



Comme le dit Vargas Llosa dans sa préface, chacun appréhende ce livre et l'interprète à sa façon. "Diadorim" est pour moi une grande aventure humaine, comme le sont l'Iliade et l'Odyssée, dont les fresques épiques touchent notre âme immortelle d'enfant rêveur. Fresques constellées de passages d'une profondeur et d'une beauté infinies.



À mon sens, il n'est pas question d'aimer ou de détester "Diadorim", il est juste question de lui laisser une chance de nous toucher au plus profond de notre conscience.



D'ailleurs, j'ai changé mon mantra. Ce n'est plus "Lisez Diadorim" mais "Tentez Diadorim".



Roséennement.
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Diadorim

Le Sertao est un territoire d'une rudesse sans nom. Il y fait chaud, et humide, et la terre n'appartient qu'aux grands propriétaires terriens qui, pour se défendre, engagent des mercenaires redoutables, les jagunços, qui se louent au plus offrant. La nature, comme dans toute la littérature sud-américaine, y occupe une place à part entière, devenant un personnage dans lequel les hommes se fondent, qu'ils bénissent autant qu'ils la damnent.

Long monologue, sans chapitres et presque sans dialogues, Diadorim est un effort de lecture, une longue traversée de mots et de sensations qui laisse sur la peau et dans l'âme une étrange torpeur. Le lecteur y suit le parcours de Riobaldo, devenu un fazendeiro riche mais vieux. Il narre ses années de jeunesse où il fut un jagunço, où il poursuivit avec les siens le vil Hermogenes, assassin du charismatique Joca Ramiro. Au-delà de cette histoire d'hommes, où l'honneur et la violence sont des fondements essentiels de la vie en communauté, il y a la relation étrange qu'entretient Riobaldo avec Reinaldo, surnommé Diadorim (qui donne son nom au roman en français, tandis qu'en portugais, il s'intitule Grande Veredas : Sertao, célébrant davantage la nature que l'homme), relation qui oscille entre l'amitié et l'amour, mais ce sentiment est refoulé par Riobaldo. Il y a, enfin, une aura spirituelle qui entoure le récit, entretenue par le père Quelémém et le diable en personne, que Riobaldo attend toute une nuit à la croisée des chemins.

Diadorim est d'une puissance peu commune dans la littérature mondiale. Sa densité et sa richesse lexicale en font une épreuve pour le lecteur, qui en ressortira pourtant grandi. Un roman-monstre qui accable autant qu'il réjouit, et qui donne à voir de ce Brésil naissant du début du XXème siècle, à travers les fleuves puissants et des personnages aussi nombreux que différents.
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Diadorim

Livre monologue de 900 pages que j'ai lu très lentement en 1 mois, chose inhabituelle pour moi.



Suivant le lecteur, on y trouvera un roman d'aventure dans le Brésil du début du 20ème siècle (dans l'arrière pays sauvage ou sertao), un roman initiatique avec aussi une allégorie religieuse du mal (le démon), ou encore un labyrinthe inextricable dans ce langage parlé mêlant de nombreux mots empruntés à différentes langues (l'auteur était polyglotte) , avec de nombreux mots locaux pour désigner notamment la faune et la flore.



Ce roman est encore un roman d'amours homosexuelles platoniques, avec un petit tour de passe passe dans le final que je ne spoilerai pas.



Pour être honnête, je ne sais pas pourquoi cette lecture a été aussi lente pour moi. Peut être le peu d'action et le mode d'écriture m'ont il poussé à m'endormir inexorablement après une trentaine de pages lues dans mon lit le soir... Vers la moitié du livre, je me suis même posé la question de savoir si j'allais poursuivre ma lecture ou pas, faisant du sur place avec Riobaldo. Mais au final, je suis extrêmement heureux d'avoir terminé ce livre qui m'a marqué énormément.



Une critique lue par ailleurs (ZeBebelo ici) résume très bien ce livre : "car c'est bien cela qu'est Diadorim, une traversée du sertão avec toutes ces embûches, les belles et mauvaises rencontres, ces beaux et moins beaux paysages." Ou encore : "ne lisez pas Diadorim... tentez Diadorim!".



On peut s'arrêter à chaque phrase tant la poésie transparaît dans la prose. Plus prosaïquement, il m'a fallu relire plusieurs passages plusieurs fois pour m'y retrouver dans cette narration parfois discontinue. Et souvent, même en relisant, je n'ai pas toujours tout bien compris!



Bref, je n'oublierai pas Diadorim et je ne peux que vous encourager à tenter le voyage...

















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Sagarana

Il s’agit d’un recueil de neuf nouvelles. Publié pour la première fois en 1946, l’auteur y a fait plusieurs fois des retouches, les dernières en 1960.



Les personnages des ces récits sont des paysans, des propriétaires terriens, des bandits, et même des animaux. Mais le personnage peut être le plus important est le Brésil, ses paysages, sa faune et sa flore, qui marquent, qui façonnent, l’homme qui y vit, et qui en devient une sorte d’élément, et certainement pas le maître. Ces récits sont aussi habités par la magie, qui émane de la nature, qui parle son langage, et que certains arrivent à apprivoiser, d’une façon indicible, et en dehors de la logique humaine. Mais il faut y prendre garde, et ne pas y croire peut se révéler dangereux. Ces textes sont empreints d’un esprit de la fatalité, nul n’échappe à son destin, quelles que soient les précautions et les cartes qu’il a en main, ce qui doit arriver arrivera, et il faut apprendre à l’accepter. João Guimarães Rosa, ne juge à aucun moment ses personnages, il les observe, de l’intérieur en quelque sorte, il nous les montre, nous fait passer un moment en leur compagnie, et dans leur environnement dont ils sont inséparables. L’auteur arrive toujours à nous surprendre, avec des personnages que l’on a pourtant l’impression d’avoir déjà rencontré ailleurs, avec son regard particulier, cette sorte de détachement élégant qui le caractérise.



Le grand art de João Guimarães Rosa, c’est bien sûr son écriture, faites de brisures, d’arrêts, qui coule comme un fleuve capricieux avec des méandres imprévisibles, mais en même temps utilisant des mots précis au millimètre. Il faut prendre le temps de s’y immerger, de prendre son rythme unique, mais une fois ce dernier pris on n’arrive plus à s’en détacher jusqu’à la dernière page.



Tout cela me donne une furieuse envie de relire Diadorim, le grand roman de João Guimarães Rosa.

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Diadorim

Lire Diadorim c'est commencer un récit sans fin, s'embarquer dans une grande odyssée dans le sertão brésilien, c'est se laisser emporter par le fleuve puissant du monologue ininterrompu de Riobaldo, Tatarana, jagunço malgré lui en quête d'amour, de justice et de paix. Riobaldo, qui tel Ulysse n'aspire qu'à la quiétude d'un foyer et l'amour d'une femme, mène sa barque ballottée au gré des tentations et des batailles dans l'immensité du sertão.Un roman fleuve à l'ambiance toute particulière, à découvrir absolument.
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Diadorim

J'ai calé après 180 pages d'une lecture qui a aucun moment ne m'a été agréable. Le monologue de ce pauvre bougre de Riobaldo est quelquefois incompréhensible, au point que j'ai relu certains passages pour en être certain. Quant aux longues évocations de dieu et du diable , dans son langage très personnel et confus, tout ça m'a laissé parfaitement indifférent. Il y a peu de livres qui m'ont tenu à une aussi grande distance. Je vais vite passer à une autre lecture.
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Diadorim

J'ai commencé ce livre avec de (trop) grandes attentes, ayant lu qu'il faisait partie des chefs d'oeuvre de la littérature mondiale. Le narrateur déroule son récit de sa vie de "jagunço", sorte de mercenaire dans la campagne hostile du Brésil. C'est une sorte d'Ulysse (au sens de Joyce) qui vit une vie d'aventurier. Il faut probablement avoir une veine d'amateur de poésie pour pénétrer ce récit et son style. A titre personnel, je n'ai pas réussi à adhérer à cette oeuvre. Les critiques dithyrambiques laissées par d'autres Babéliens me font dire que, effectivement, je ne devais pas être dans le bon état d'esprit quand j'ai lu ce livre.
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Diadorim

Livre immense sur le sertao, sorte de plaine semi-forestière du Brésil, tout est raconté oralement par le personnage principal, un jagunço (bandit) nommé Riobaldo, et est assez centré sur un de ses compagnons, Diadorim, avec lequel il entretient une relation pour le moins ambiguë. Nous suivons le personnage parmi ses souvenirs, la narration n'est pas linéaire. Sur tout le roman plane l'ombre d'un pacte avec le Diable. La fin m'a beaucoup surpris.
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Diadorim

Diadorim est un livre dont la lecture m'aura beaucoup marqué, et paradoxalement sur lequel je n'arrive pas à m'exprimer. Peut-être, à l'image de sa narration, les idées qui me traversent à son sujet se sont elles, aussi, un peu emberlificotées.

Ce qui me vient est que je le classerais, dans une bibliothèque idéale, entre La Condition Humaine et Don Quichotte. Deux livres que je n'aurais pas forcément reliés l'un à l'autre sans l'intervention de Rosa.

Un mot de plus, tout de même. Il me semble que ce livre doit être lu et compris dans son ensemble. Pour sa poésie et sa sonorité, bien sûr. Il est fait d'une nature d'écriture brute, rugueuse et qui relie d'une manière incomparable la réalité et la beauté. Il doit aussi être pris au sérieux dès son commencement. J'ai vu plusieurs analyses qui s'attardent beaucoup sur le passage mystique du personnage principal. Ce passage n'arrive pourtant qu'aux deux tiers, ou trois quart du livre. Il me semble dommage de ne pas le relier à tout ce qui précède : l'évolution de Riobaldo, ses tensions internes nées de son histoire et de son caractère entier. Rosa a selon moi le génie de faire percevoir ces tension et leur beauté propre tout au long du livre, mais aussi les apaisements, les doutes et les petits bonheurs. C'est cet équilibre qui a fait pour moi la magie de la lecture. Et c'est dans cette perspective que, je pense, le sommet des tensions, extrême mais émancipateur pour Riobaldo, se comprend.

Diadorim était une lecture magnifique, que je recommande évidemment. Qui demande de s'accrocher un peu au début pour entrer dans la narration, mais après quel pied. Quel pied, d'autant qu'il se prolonge. C'est un livre, clairement, qu'il est ensuite nécessaire de relire pour percevoir les jeux de l'auteur. Et ça, croyez-moi, c'est aussi une très bonne nouvelle.
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