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Maryvonne Pettorelli (Traducteur) Mario Vargas Llosa (Préfacier, etc.)
EAN : 9782264021403
627 pages
10-18 (01/02/2006)
4.07/5   128 notes
Résumé :
En Amérique du Sud, João Guimarães Rosa (1908-1967) est, avec Jorge Luis Borges, le géant continental du siècle. Comparé à la fois à La Chanson de Roland, à l'Enéide et au Docteur Faustus de Thomas Mann, Diadorim est un roman d'amour et d'aventures tout ensemble mythique, réaliste et romantique, classique et novateur. Si ce livre est le roman de la littérature brésilienne, il est aussi, en raison d'un travail unique sur la langue, une des grandes œuvres de la littér... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (27) Voir plus Ajouter une critique
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Zone géographique en grande partie semi-aride, située dans les états des régions centre et nord-est du Brésil, le «sertão» non seulement se déploie concrètement sur une superficie de près d'un million de kilomètres carrés, mais constitue en même temps un vaste territoire culturel et symbolique dans l'imaginaire collectif brésilien, à l'image du légendaire «far-west» pour les nord-américains, ou de l'immense et immémorial «outback» pour les australiens.
Dans DIADORIM (GRANDE SERTÃO: VEREDAS), les décors naturels correspondent plus particulièrement au sertão dit des «Gerais» (prononcer «Geraïs ») - «terres-générales» de l'état du Minas s'étendant également au-delà des frontières, dans les états voisins de Bahia et Goiás, et, pour l'essentiel, bordant la vallée du grand fleuve São Francisco. Arrière-pays dominé par des «fazendas» où l'on pratique essentiellement l'élevage, très peu urbanisé, zone de non-droit par excellence, les bandes armées de «jagunços» y font plus souvent la loi. Brigands à la solde des grands propriétaires terriens, d'hommes influents de tous bords (voire même par moments associés et financés par des politiciens véreux afin de combattre des factions rivales, sous couvert de «lutte contre le banditisme»), mais pouvant aussi évoluer libres de toute attache, en groupes nomades constitués de plusieurs dizaines d'individus, ceux-ci subsistent notamment grâce à l'hospitalité et à la générosité des «fazendeiros» et d'autres autochtones, ou bien, à défaut, de racket - sorte de «pizzo», argent contre protection -, voire au besoin, de pillage tout court. Commandées par des leaders vénérés et tout-puissants, garants d'un code d'honneur strict à faire respecter, les bandes de jagunços sillonnent interminablement, à pied et à cheval, les «chapadas» - plateaux gréseux limités par des escarpements prononcés –, faisant halte la plupart du temps dans les « veredas » - vallées de terre argileuse où l'eau et une végétation accueillante, constituée essentiellement de «buritis», le grand palmier-bâche brésilien, sont toujours présentes. Voilà en gros pour l'univers dépeint par Guimarães Rosa, situé ici au tournant du vingtième siècle.
Il s'agit là, incontestablement, du chef d'oeuvre majeur de la littérature brésilienne du XXème siècle. GRANDE SERTÃO : VEREDAS (dont le sous-titre original «O diabo na rua, no meio do redemoinho» - «Le diable dans la rue au milieu du tourbillon» - a été supprimé dans son édition française) est, au même titre que l'Ulysse de James Joyce, un roman labyrinthique aux sens multiples, inépuisables: une cathédrale brute plantée en plein milieu du «sertão» brésilien.
Sa publication, en 1956, a provoqué un véritable séisme littéraire dans le pays: l'oeuvre a été dans un premier temps très mal-accueillie, majoritairement incomprise. Un article paru dans une revue littéraire éditée à Rio de Janeiro («Leitura»), co-signé par de nombreux poètes et romanciers renommés de cette époque, s'était vu titré : «Ecrivains qui n'arrivent pas à lire Grande Sertão : Veredas» (!). L'oeuvre non seulement outrepassait complètement, mais pulvérisait littéralement tous les canons du roman régionaliste, genre toujours très en vogue dans la littérature brésilienne à ce moment, inauguré par le classique «Os Sertões», de Euclides da Cunha, publié en 1902. Extrapolant radicalement les codes en vigueur du genre, la culture « sertaneja», orale, rustre et populaire permettait à l'auteur de procéder à des innovations langagières et à un traitement littéraire dignes des expérimentations les plus avant-gardistes du XXème siècle, suscitant d'emblée, comme pour ses prédécesseurs les plus célèbres en la matière, le rejet et l'incompréhension de ses contemporains.

Livre-monde échappant à toute norme extérieure à son univers propre, GRANDE SERTÃO : VEREDAS forge une syntaxe, un lexique et une grammaire qui lui sont propres, rebelles à toute codification purement rationnelle ou strictement consensuelle. Un chercheur-linguiste ayant travaillé sur le texte du roman aurait déniché non moins de 8 000 mots qui ne figureraient dans aucun dictionnaire! Puisant à la fois dans les racines de la langue portugaise et dans la richesse léguée par la diffusion historique de la lusophonie aux quatre coins du monde, mais surtout et avant tout, directement aux sources vivantes de la langue orale régionale et incarnée du sertão des Gerais, la langue forgée par GRANDE SERTÃO : VEREDAS s'ouvre à des multiples significations : langue-fleuve débordant de morphèmes-poissons (rien que pour le mot «démon», 56 synonymes auraient été dénombrés !!), de références à la nature et à la flore locales, de vocables choisis pour leurs résonnances purement sensibles ou émotionnelles, de phrases segmentées par une ponctuation inaccoutumée, plutôt intuitive que rationnelle, se ramifiant en constructions grammaticales sans fil prédéfini, dans une quête quichottesque assumée de pouvoir réussir à métamorphoser le langage écrit en expérience réelle.
Pour l'avoir lu en version originale, je comprends maintenant pourquoi GRANDE SERTÃO : VEREDAS est classé parmi ces livres considérés en principe intraduisibles. (Déjà en tant que lecteur parfaitement lusophone l'ayant lu en sa version originale, j'ai eu souvent le sentiment de ne pas réussir à «traduire» mentalement ce que j'étais en train de lire, sans en «réduire» considérablement le sens, navigant sans cesse entre une lecture «à la narration» et une lecture «en bloc» et «à la sensation». Par ailleurs, jamais auparavant je n'ai ressenti, en lisant un roman, une sensation aussi aiguë de cette désespérante platitude recherchée sans cesse par notre cerveau..!). Objet de multiples traductions en différentes langues étrangères (dont deux versions, à ce jour, en langue française), ainsi que de nombreuses thèses universitaires, études, articles de spécialistes, linguistes, critiques littéraires et traducteurs, ce roman hors norme a souvent été désigné - entre autres par l'écrivain Mario Vargas Llosa, auteur de la préface à l'édition française - comme «une des oeuvres formellement les plus abouties du siècle».
Attention néanmoins, lecteurs potentiels de DIADORIM, il ne faut surtout pas s'attendre pour autant à une lecture inaccessible au commun des mortels, hermétique, absconse ou destinée à une poignée de happy few, critiques littéraires, universitaires prétentieux ou intellectuels de service…Pour faire court, GRANDE SERTÃO : VEREDAS n'est pas, par exemple, l'ULYSSE de Joyce. (Ô, qu'il n'est pas facile, n'est-ce pas, de ne pas catégoriser, ne pas hiérarchiser ou caricaturier les oeuvres et les êtres..! Bref.)
DIADORIM donc, loin de là, peut tout simplement être lu comme un récit d'aventures et/ou comme un roman d'amour. Riobaldo, personnage-narrateur du livre remémore et narre son passé de jagunço à un interlocuteur-lecteur, dont il imagine et anticipe par moments les réactions à ce qu'il raconte : ses pérégrinations à travers le sertão des Gerais, son amour sublimé et transgressif pour Diadorim, ses moments de gloire et de détresse, ses joies et ses faiblesses, ses combats pour la justice telle qu'il la conçoit, ses rencontres avec le diable, «dans la rue au milieu du tourbillon»...
Constitué à partir de cette matière première violente - dans le sens étymologique du mot : force incontrôlable- de vie et de mort, présente partout dans le monde, cette histoire maintient le lecteur constamment au plus «près du coeur sauvage» (Joyce) qui fait pulser la nature et la condition humaine ; tout le roman étant traversé - selon une formule consacrée par Joseph Conrad , dans «Au coeur des ténèbres»- par un souffle puissant, «earth et unearthly», à la fois terrien et surnaturel, cru et lyrique, épique et dramatique, chevaleresque et faustien, particulier et universel.
Oui ! «Le sertão est partout». «Le sertão est à l'intérieur de nous-même.»


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Diadorim, ceux qui l'ont lu ne peuvent l'oublier. Quelle claque ! Ami lecteur, quelle claque ! Je l'ai lu dans une version épuisée, la bonne nouvelle c'est qu'il a été réédité en grand format chez Albin Michel et qu'en conséquence, tu n'as aucune excuse. Aucune. Tu vas donc me faire le plaisir d'aller chez ton libraire préféré – qui s'il est bon aura évidemment ce livre en stock – et de l'acheter, fissa ! Grande Sertão : Veredas (son titre original) est souvent considéré, avec cette emphase stupide des quatrièmes de couverture, comme "le roman de la littérature brésilienne". Je laisse à d'autres le soin d'établir de tels classements mais je peux ici affirmer sans mentir que Diadorim est, tout à la fois, un grand roman d'aventures (tendance western), un non moins grand roman d'amour et un roman d'une qualité formelle absolument hallucinante !
Lien : http://lesyeuxrougisdefatigu..
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Diadorim est le livre du sertão, region semi-aride du nordeste brésilien, contrée inhospitalière sinon proprement hostile à l'homme disgracié, fourvoyé en cette terre dépeuplée et quasiment inculte, trouvant sa subsistance dans l'élevage de larges troupeaux de bovidés. Le roman prend la forme unique d'une narration hallucinée d'un personnage, Riobaldo, ayant vécu la vie aventureuse des jagunços, hommes de main, guérilleros, au service de riches propriétaires terriens, les fazendeiros, ou à la solde d'hommes de guerre ou de politiciens, voire de francs hors-la-loi. le récit est d'une seule traite, monolithique, titanesque. La langue se fait tour à tour poétique, vulgaire, riche en néologisme; l'expression du narrateur est parfois difficultueuse presque incorrecte. L'action se déroule en marches et contremarches, cavalcades endiablées, coups de main meurtriers, pillages, crimes; parfois le temps est suspendu en de larges descriptions de la nature particulière du terrain traversé, de sa faune et de sa flore; et toujours rôde la présence inquiétante, pour ces croyants valeureux et superstitieux, du malin, du tentateur. Parallèlement à cette arrière fond d'action et d'exaction, se développe l'histoire de l'attraction ambiguë et énigmatique du narrateur pour son compagnon de route, Diadorim. Cet opus est considéré comme le chef-d'oeuvre incontesté des lettres brésiliennes du XXème siècle; le texte riche, foisonnant, parfois aride, souvent obscur, est de ceux qui ne livre pas toutes ses clés et son suc à la première lecture, même des plus attentives. Lu comme un simple roman d'aventure, il risque de lasser par son ampleur et la relative monotonie de l'action. L'emploi audacieux et novateur de la langue, l'interrogation existentielle de la destinée de l'homme, la dimension initiatique, philosophique, allégorique du texte, sont d'autres pistes à étudier pour comprendre et saisir la richesse d'un texte qui fit date. Un livre qui ne se laisse néanmoins et définitivement pas aisément lire.
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Lorsque je furète en bouquinerie, je ne fais pas que chercher les romans se trouvant sur ma wish, je suis attentive aux autres et lorsque je tombe sur des auteurs dont le nom semble être hispanique, je lis le 4ᵉ afin de voir s'il pourrait participer au Mois Espagnol et Sud-Américain. Bingo avec celui-ci !

Un roman culte, qu'ils disaient… L'un des plus grands livres qu'on ait jamais écrits. Diantre, fallait plus en jeter, j'étais déjà conquise à l'avance !

Mon édition 10/18 fait 630 pages et le style de l'auteur m'a déconcerté dès le départ : pas de chapitrage, des dialogues peu nombreux et inclus dans le texte. Heureusement qu'il y avait des paragraphes, sinon, j'aurais sauté des lignes sans même m'en rendre compte.

Je ne peux pas dire que j'ai détesté ce roman, ni que l'écriture était merdique. Que du contraire, le style est riche, très riche, trop riche, peut-être, car on passe d'une langue vulgaire à une poétique (ou l'inverse), c'est bourré de néologismes, ardu, obscur et on a, de temps en temps, l'impression que notre narrateur ne parle pas bien le Brésil.

Anybref, le narrateur est un grand bavard et qu'il a tendance à raconter trop, dans un récit monolithique, ce qui m'a lassé, avant que je n'arrive à la moitié du récit.

De quoi ça cause, ce roman ? C'est l'histoire de Riobaldo et de sa bande armée, des jagunços, qui sont des brigands à la solde des grands propriétaires terriens (les fazendeiros), des gardes du corps, généralement embauchés par les propriétaires de plantations et les « colonels » dans les arrière-pays du Brésil.

Dans cette partie de l'arrière-pays (le sertão), une région semi-aride, on pratique l'élevage et ce sont des zones de non-droit où tous les sales coups sont permis.

Ces brigands, sont souvent associés à des politiciens véreux (pléonasme), ou libres de toutes attaches. Ils pratiquent le racket, bref, ils sont un peu des mafiosi qui vous demandent de les payer pour assurer votre protection.

Notre Riobaldo, ce guérillero au service de riches propriétaires terriens, bossant aussi parfois pour des politiciens, des hommes de guerre, vivant comme un hors-la-loi, nous raconte donc tout et son histoire est un mélange d'histoire de guerre, d'aventures, d'amour, de western. C'est aussi un récit halluciné, comme sous emprise de drogues.

Ce roman n'est pas facile à lire, il est touffu, part dans tous les sens, est inclassable, si ce n'est avec les romans qui divisent les lecteurs : ceux qui ont réussi à le lire et ceux qui se sont paumés dedans. Je me suis paumée, même si je me suis accrochée et finalement, j'ai sauté des paragraphes après avoir peiné dans la première moitié.

Bon, ce texte n'était pas pour moi, trop ardu, trop dense, trop lyrique… Les aventures de Riobaldo et de ses guérilleros étaient semées d'embûches, comme le fut ma lecture, chaotique, de ce pavé qui est devenu indigeste.

Si vous êtes tenté de vous attaquer à ce monument de la littérature, allez-y lentement, picorer un peu tous les jours, faites durer le plaisir, sinon, la nausée arrivera vite et vous serez incapable de terminer ce roman (pourtant, la fin est belle et recèle une belle surprise).

Bon, j'ai tenté le coup, j'ai raté… Pas grave !

Lien : https://thecanniballecteur.w..
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L'excellente préface de Mario Vargas Llosa aurait pu, une fois pour toutes, en si peu de pages pourtant, enfermer Diadorim dans la catégorie de ces romans qui, bien plus que des chefs-d'oeuvre classiques dont les vertus épurées sont aussi rassurantes que souvent lassantes, nous inquiètent et nous séduisent par leur caractère monstrueux. L'Anneau et le Livre de Robert Browning, Pierre ou les ambiguïtés d'Hermann Melville, Héros et tombes et L'Ange des ténèbres d'Ernesto Sábato, Autodafé d'Elias Canetti, le Tentateur d'Hermann Broch, Les Reconnaissances de William Gaddis, Sous le volcan de Malcolm Lowry ou encore 2666 de Roberto Bolaño, voici quelques exemples de romans monstrueux dont le centre de gravité paraît soustrait à nos regards, hors de portée de toute exégèse qui tenterait d'enserrer dans sa trame, fût-elle du plus fin maillage, l'oeuvre détricotée sans relâche et, comme la ville de Carcassonne pour Lord Dunsany et William Faulkner, toujours à l'horizon, sans qu'il nous soit possible de l'atteindre.
Lien : http://stalker.hautetfort.co..
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Citations et extraits (134) Voir plus Ajouter une citation
Le passeur ne nous a pas cru, secoua les épaules. Mais il nous prit malgré tout, et on traversa filant sans difficulté face à l’embouchure de l’Urucúia. Ah, mon Urucúia aux eaux si claires comme il faut. Puis, en le gratifiant d’un pourboire, nous continuâmes à remonter la berge d’une lieue et demie. Les beaux fleuves sont ceux qui coulent vers le Nord, et ceux qui arrivent du ponant – en route vers le soleil. Nous avons atteint un appontement et débarquâmes à un endroit sans grève, au milieu de ces grands arbres – le caraíba-à-fleur-lilas, si urucuiaien. Et le feuille-large, le bois-de-zèbre noir, le bois-campêche et le bois-paraíba, ombragé. L’Urucúia, ses lisières. J’ai vu mes Gerais*!
Ce n’était pas que du sous-bois, la forêt qu’on dirait! Nous remontâmes en selle à Olho-d’Água-das-Outras, et en continuant d’avancer, la première vereda** a surgi devant nous – séparant les chapadas*** - le froufrou du vent accroché aux buritis, le bruissement enroulé dans le lacis formé par les hauts feuillages ; et les sassafras à l’odeur rafraichissante comme la lavande ; et l’eau coulant à flots. Vent soufflant de toute part. Effleurant mon corps, cet air-là m’a rugi en cris de liberté. Mais la liberté – je parie – n’est que joie de se frayer une pauvre petite sente dans l’enceinte en fer de grandes prisons. Il y a une vérité cachée qu’on se doit d’apprendre, et que personne ne vous montrera : le cul-de-sac où se bâtir la liberté. Je ne suis qu’un ignorant. Mais, dites-moi, vous, Monsieur : la vie est une chose terrible, n’est-ce pas? Jérémiades. On s’en alla.

Page 222, version originale, "Grande Sertão: Veredas" - São Paulo, Companhia das Letras, 2019 (traduction libre)

*Gerais = paysages qui constituent la région la plus importante de l’état de Minas-Gerais (qu’on doit prononcer «Geraïs»)- nord et nord-ouest ; ce sont les «terres-générales», qui s'étendent également dans les états de Bahia et du Goiás.
**Vereda = mot intraduisible (sorte de «havre vert», «vallon vert»). Selon l’auteur (s’adressant à son traducteur italien) : «Entre les plateaux des Gerais, les séparant (ou parfois tout en haut, formant des dépressions au milieu), il y a les veredas. Ce sont des vallées de terre argileuse où affleure l’eau absorbée. Dans les veredas il y a toujours le buriti (palmier-bâche brésilien)
***Chapada = au Brésil, plateau gréseux limité par des escarpements marqués.
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En réalité, je le sais depuis toujours. Je n’ai jamais désiré qu’une chose et je me suis de tout temps acharné à la retrouver, la seule chose – celle entière – dont la signification et la révélation entraperçue ont depuis toujours été en moi. Et c'était que : il existe une ordonnance, une modalité de chemin ajusté, resserré, à vivre pour chaque personne - et ce plan, chacun a le sien propre – mais que le commun des hommes ne sait pas le trouver ; et comment une personne toute seule pourrait-elle, de par elle-même, arriver à le trouver et à savoir ? Ce nord pourtant existe. Il se doit d’exister. Sinon, la vie de tout un chacun ne serait jamais autre chose qu’un brouillon dans l’insanité de ce qui est. Étant donné que : chaque jour, à chaque heure, il n'existe, parmi toutes celles possibles, qu'une seule action qui réussisse à être la bonne. Elle s’y cache bien; mais en dehors de cette occurrence, quoi que je fasse, quoi que vous fassiez, quoi que fassent Pierre ou Paul, quoi que tout le monde veuille bien faire ou se garder de faire, tout résulte faux, se révèle erroné. Car telle est l’autre loi - cachée et testable quoique introuvable - du vivre véritable : que pour chacun de nous, notre déroulé a été projeté, comme au théâtre, où ce qui revient à chaque interprète – sa part, a déjà été inventé, tracé sur un papier…

Page 347, version originale, "Grande Sertão: Veredas" - São Paulo, Companhia das Letras, 2019 (traduction libre)
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On se recroquevillait dans le froid, on entendait la rosée, le bois plein de senteurs, le crépitement des étoiles, la présence des grillons et le poids des cavaliers. L'aube pointait, cette entre-lueur de l'aurore, quand le ciel blanchit. Et à mesure que l'air devenait gris, les contours des cavaliers, ce flou, se précisaient. Et pardonnez-moi de m'attarder à tant de détails. Mais aujourd'hui encore j'ai cette heure dans les yeux, tout cela si bon ; et, ce que c'est, c'est de la nostalgie. p 112-113 (A Michel 2006)
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La mémoire de la vie des gens se conserve dans des parcelles séparées, chacune d'elles avec son émotion et sa coloration, je crois même qu'elles ne se mélangent pas. Raconter à la suite, en enfilade, ce n'est vraiment que pour les choses de peu d'importance. De chaque vécu que j'ai réellement passé, de joie forte ou de peine, je vois aujourd'hui que j'étais chaque fois comme s'il s'agissait de personnes différentes. Se succédant incontrôlées. Tel je pense, tel je raconte. Vous avez bien de la bonté de m'écouter. Il y a des heures anciennes qui sont restées beaucoup plus proches de nous que d'autres, de date récente. Vous le savez bien. p 97 (édition Albin Michel 2006)
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Tenez-vous pour averti : ce peuple ici prend trop de plaisir à raconter des bobards, d'un pet de baudet, il font un typhon. Par goût de l'imbroglio. Ils inventent pour inventer, des merveilles qui leur rapportent gloire, qu'ils finissent ensuite eux-mêmes par craindre ou croire. Il semble que tout le monde est besoin de ça. Je crois, oui.
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Vidéo de João  Guimarães Rosa
À l'occasion de leur venue à la librairie Dialogues pour une rencontre autour de leur livre, "Escale en Polynésie" publié aux éditions Au vent des îles, Titouan et Zoé Lamazou nous ont confié plusieurs conseils de lecture !
La femme de Parihaka de Witi Ihimaera : hhttps://www.librairiedialogues.fr/livre/6737338-la-femme-de-parihaka-witi-ihimaera-au-vent-des-iles le baiser de la mangue d'Albert Wendt : https://www.librairiedialogues.fr/livre/702160-le-baiser-de-la-mangue-albert-wendt-au-vent-des-iles Diadorim de Doão Guimarães Rosa : https://www.librairiedialogues.fr/livre/999016-diadorim-joao-guimaraes-rosa-editions-10-18 Pina de Titaua Peu : https://www.librairiedialogues.fr/livre/20130193-pina-titaua-peu-au-vent-des-iles Au temps des requins et des sauveurs de Kawai Strong Washburn : https://www.librairiedialogues.fr/livre/18956184-au-temps-des-requins-et-des-sauveurs-roman-kawai-strong-washburn-gallimard Manières d'être vivant de Baptiste Morizot : https://www.librairiedialogues.fr/livre/16090590-mondes-sauvages-actes-sud-manieres-d-etre-vi--baptiste-morizot-actes-sud Calanques, Les entrevues de l'Aiglet de Karin Huet : https://www.librairiedialogues.fr/livre/16651719-calanques-les-entrevues-de-l-aigle-karin-huet-parc-national-des-calanques-glenat-livres
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