La terre n'est que poussière, le chemin sauvage. Ici, dans le Sertao, tout le monde peut venir, parce qu'ici il n'y a rien. Un soleil ivre de rage tourne dans le ciel et dévore le paysage de terre et de sel où se découpe au passage l'ombre du jaguar. Une cabane perdue aux abords d'une forêt, un petit feu et un hamac juste au-dessus. le parabellum à la ceinture, je m'approche, la silhouette encore plus triste qu'une musique de bandonéon. Là-bas, un vieux probablement à moitié indien à moitié animal. Solitaire depuis des années, quelques négros qui l'ont accompagné qui ont été tué, comme des cangaceiros de la libération. La bouteille de cachaça bien entamée, conjuguée au soleil enragé, il soliloque dans un mélange de sa langue indienne, de brésilien et de feulement d'animaux. Il n'a plus vraiment l'habitude de croiser des âmes sur la poussière de ces terres.
D'ailleurs, son langage est difficile à suivre, à comprendre par moment, à croire que sa cachaça est frelatée. Il discourt de façon incessante, me racontant les jours où il a tué tels négros, ou tels jaguars, tout au pluriel, car c'est un grand chasseur, le plus grand, l'unique… Si bien qu'il a commencé à se transformer lui-même en jaguar dans ses moments de délires, les griffes acérées prêtes à me sortir le coeur de mon poitrail. On se partage la bouteille, de mon pan de chemise j'essuie le goulot. Ouah, elle cogne, la cachaça du Sertao. Comme un vieux charognard il crache sur la gueule jaune des caboclos, Antonio Des Morte ou les Capangas machos à la solde des fazendeiros... Calé dans mon fauteuil, avec vue sur les chiottes, je m'appelle Bernard.
Une rencontre presque mystique qu'on n'oublie pas, même si on ne comprend pas tout de cette langue et de ces étranges mots tupis. Une première rencontre qui se veut presque plus ethnique que littéraire où les délires de l'homme reviennent souvent sur ses regrets, ceux d'avoir chasser les siens, car avec le temps, il est devenu lui-même jaguar dans l'âme et la peau, alors lorsqu'il se rend compte qu'il a tué son oncle, le jaguar, massacré ainsi sa famille pour les peaux et quelques cruzeiros…
Commenter  J’apprécie         495
Livre aussi beau qu'étrange, aussi étrange que beau.
Difficile d'en parler.
Dans la forêt amazonienne, un homme perdu se réfugie dans la cabane d'un chasseur.
Cet homme qui vit là est un métis abandonné par son père un homme blanc, et qui pleure la mort de sa mère une indienne de l'une des tribus qui peuplent la forêt.
Il a été assigné dans cette cabane pour chasser les jaguars qui menacent les villages à l'orée de la forêt.
Mais tous l'ont abandonné à son sort dans cette cabane de la forêt.
Alors petit à petit, il a quitté le monde des hommes qui l'ont délaissé pour celui des jaguars qu'il était censer tuer mais qui l'ont adopté.
Ce récit est en fait un long monologue de cet homme qui explique qui il est, ce qu'il est.
C'est une mélopée qui mélange à la fois le portugais, la langue des indiens toupi et la langue des jaguars.
Etrange livre que le traducteur nous conseille de lire à haute voix.
Mais même à haute voix, il n'est pas facile de pénétrer dans cet univers, l'univers de ces hommes qui peuplent la forêt amazonienne et dont la langue est un chant qui oscille entre les sons humains et ceux des animaux qu'ils cotoient.
Commenter  J’apprécie         140
Difficile à apprécier. Est-ce intraduisible ? Je n'ai pas réussi à entrer dans l'histoire. M'a mise mal à l'aise.
Commenter  J’apprécie         30
Je me suis fait un hamac, avec des palmes de bouriti, près de la tanière de Maria-Maria. Han-rhan, le négro Tiodoro, faudrait bien qu’il vienne chasser par là... Sûr, pour sûr. Le négro Tiodoro chassait pas l'once – ‘l avait menti à Mait Nhiouão Guede. Le négro Tiodoro, un brave homme, ‘l avait peur, mais peur, une peur carabinée. ‘l avait quatre grands chiens - des chiens toujours à aboyer. Apiponga en a tué deux, un autre a disparu dans les halliers. Maramoniangara a mangé l'autre. Hé-hé-éé.. Ces chiens... D'once, i’ z’en ont chassé aucune. Et puis, le négro Tiodoro, ‘l a habité la cabane qu'une nouvelle lune : alors il est mort, et voilà.
Ses yeux se rapprochaient l'un de l'autre, ses yeux brillaient - une goutte, une goutte : l'oeil sauvage, pointu, fixe, qu'elle vous plante, elle veut enjôler : elle le détourne plus. Elle a passé un bon moment à rien faire non plus. Après, elle a posé sa grosse patte sur ma poitrine, tout doucement. Je me suis dit - maintenant j'étais mort : pasqu'elle a vu où était mon coeur. Mais elle appuyait qu'un peu, sa patte était légère, et de l'autre elle me tapotait, soc-soc, elle voulait me réveiller. Hé, hé, j'ai compris... Une once qui était une once - que je lui plaisais, j'ai compris...
J'avais dormi dans la forêt, tout près d'ici, au pied d'un p'tit feu que j'avais fait. Au p'tit matin, je dormais encore. Elle est venue. M'a réveillé, elle me flairait. J'ai vu ces beaux yeux, des yeux jaunes, avec les petites taches jaunes qui flottaient, c'était bon, dans cette lumière...
Bon. Tout beau. Ha-hang ! Vot' cachaça elle est de la meilleure. Je cracherais pas sur une mesure d'un litre... Ah, mounian-mounian : sottise. Je dis des sottises, je jaguaragouine. Suis pour la paix. Houla ! Z’êtes un homme tout beau, riche riche. Hein ? Non m'sieu. Des fois. J'apercie. Quaji jamais. Je sais faire, j'en fais : j'en fais de cajou, de fruits de la forêt, de maïs. Mais c'est pas de la bonne, non. Elle a pas ce feu beau-bon non plus. Ça donne un sacré travail. Jourd'hui j'en ai pas. Pas une goutte. C'est pas pour vot’ goût. C’est de la sale cachaça, de pauvre...
À l'occasion de leur venue à la librairie Dialogues pour une rencontre autour de leur livre, "Escale en Polynésie" publié aux éditions Au vent des îles, Titouan et Zoé Lamazou nous ont confié plusieurs conseils de lecture !
La femme de Parihaka de Witi Ihimaera : hhttps://www.librairiedialogues.fr/livre/6737338-la-femme-de-parihaka-witi-ihimaera-au-vent-des-iles
le baiser de la mangue d'Albert Wendt : https://www.librairiedialogues.fr/livre/702160-le-baiser-de-la-mangue-albert-wendt-au-vent-des-iles
Diadorim de Doão Guimarães Rosa : https://www.librairiedialogues.fr/livre/999016-diadorim-joao-guimaraes-rosa-editions-10-18
Pina de Titaua Peu : https://www.librairiedialogues.fr/livre/20130193-pina-titaua-peu-au-vent-des-iles
Au temps des requins et des sauveurs de Kawai Strong Washburn : https://www.librairiedialogues.fr/livre/18956184-au-temps-des-requins-et-des-sauveurs-roman-kawai-strong-washburn-gallimard
Manières d'être vivant de Baptiste Morizot : https://www.librairiedialogues.fr/livre/16090590-mondes-sauvages-actes-sud-manieres-d-etre-vi--baptiste-morizot-actes-sud
Calanques, Les entrevues de l'Aiglet de Karin Huet : https://www.librairiedialogues.fr/livre/16651719-calanques-les-entrevues-de-l-aigle-karin-huet-parc-national-des-calanques-glenat-livres
Belles découvertes !
+ Lire la suite