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EAN : 9782264026477
392 pages
10-18 (24/06/1999)
3.94/5   9 notes
Résumé :
L'auteur de Diadorim, l'un des chefs-d'oeuvre du XXe siècle, nous offre avec Sagarana une occasion exceptionnelle de redécouvrir son univers poétique et sa langue inventive, semée de fulgurances et de mystères.
Après la publication de ce recueil en 1946, João Guimarães Rosa (1908-1967) ne cessa, jusqu'en 1960, d'y apporter des retouches, ce qui montre assez l'importance qu'il lui accordait. De la transhumance d'un troupeau de boeufs à un périple initiatique e... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Il est trop fort, João Guimarães Rosa.
On attaque, on se dit oh la la quelle galère ! que ça va être chiant de lire tout ça ! et puis non : le rythme indolent de ses intrigues, au fil des digressions, se laisse finalement dévorer avec frénésie et enchantement.

Parce que franchement, les aventures d'un petit âne au bord du rencart qui accompagne un troupeau de bovins et bouviers, ça intéresse qui ? Et pourtant, c'est finalement et superbe et passionnant. Toutes les nouvelles du recueil sont comme ça : il prend un argument mince comme du papier à cigarettes et il en fait une promenade enchanteresse dans son sertão de prédilection.

Ah oui, ça se passe dans le Nordeste brésilien des années trente. Mais attention, on est pas dans le folklorique pénible. Son amour de tout ce qui fait cette région colore d'une toile de fond fascinante des histoires et sentiments par ailleurs très universels. Là encore, avec son air de ne pas y toucher, il est très très fort.

C'est blindé de paragraphes évoquant la flore et la faune de ces contrées, dont on ne connait évidemment rien. Mais ça se lit pour le plaisir des mots, comme autant de poésies mystérieuses. Je me demande quand même si je suis seul à pouvoir lire tout ça en me fichant éperdument de savoir à quoi ressemble un sabiá, l'herbe-à-balais, un pourpier, l'herbe moulambo, des joás, un gervão, un jabiru acromégalique, les marias-noires… et en y prenant plaisir. En plus, la traduction est remarquable, elle rend compte avec merveille de l'inventivité originale qui ne s'exerce pas uniquement dans tous ces noms bizarres, mais transforme des substantifs en verbes, et vice versa, et crée de nouveaux mot par agglutination.

Quand aux intrigues et personnages, ils nous sont à la fois si lointains et si proches. La plupart sont bien arriérés, leurs histoires souvent pitoyables, et pourtant ils deviennent nos frères et l'on vibre de partager des sentiments qui sont finalement les nôtres. On croise des hommes fiers et des fiers à bras, des sorciers et des malades, des gosses et des vieillards, des méchants, des retors, des malins et d'autres juste plus braves. Et le narrateur, à la fois acteur mais systématiquement un peu désengagé, qui nous transmet son amour des gens, des paysages et des animaux de ce rude pays. Teinté de pointes d'humour qui ne gâchent rien.

Il est vraiment très fort.
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Il s'agit d'un recueil de neuf nouvelles. Publié pour la première fois en 1946, l'auteur y a fait plusieurs fois des retouches, les dernières en 1960.

Les personnages des ces récits sont des paysans, des propriétaires terriens, des bandits, et même des animaux. Mais le personnage peut être le plus important est le Brésil, ses paysages, sa faune et sa flore, qui marquent, qui façonnent, l'homme qui y vit, et qui en devient une sorte d'élément, et certainement pas le maître. Ces récits sont aussi habités par la magie, qui émane de la nature, qui parle son langage, et que certains arrivent à apprivoiser, d'une façon indicible, et en dehors de la logique humaine. Mais il faut y prendre garde, et ne pas y croire peut se révéler dangereux. Ces textes sont empreints d'un esprit de la fatalité, nul n'échappe à son destin, quelles que soient les précautions et les cartes qu'il a en main, ce qui doit arriver arrivera, et il faut apprendre à l'accepter. João Guimarães Rosa, ne juge à aucun moment ses personnages, il les observe, de l'intérieur en quelque sorte, il nous les montre, nous fait passer un moment en leur compagnie, et dans leur environnement dont ils sont inséparables. L'auteur arrive toujours à nous surprendre, avec des personnages que l'on a pourtant l'impression d'avoir déjà rencontré ailleurs, avec son regard particulier, cette sorte de détachement élégant qui le caractérise.

Le grand art de João Guimarães Rosa, c'est bien sûr son écriture, faites de brisures, d'arrêts, qui coule comme un fleuve capricieux avec des méandres imprévisibles, mais en même temps utilisant des mots précis au millimètre. Il faut prendre le temps de s'y immerger, de prendre son rythme unique, mais une fois ce dernier pris on n'arrive plus à s'en détacher jusqu'à la dernière page.

Tout cela me donne une furieuse envie de relire Diadorim, le grand roman de João Guimarães Rosa.
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Comme pour celle de Diadorim, je suis insatisfait de ma première critique, où je me contentais de "synopsiser" ma nouvelle favorite de ce recueil : "L'heure et le tour d'Augusto Matraga".

Une relecture de quelques nouvelles fait ressortir certaines des obsessions de JGR : le temps et les occasions manquées. le temps passé, le temps qui passe. Nos erreurs qui restent ou qui ressurgissent. Pas étonnant pour un auteur qui a clos son chef d'oeuvre, Diadorim, par une lemniscate !

Quoique nous fassions, le temps passé nous rattrapera toujours, que ce soit en bien ou en mal d'ailleurs. Un bon souvenir peut donner autant le cafard qu'un mauvais. Notre passé est-il notre pire ennemi ? Voué à nous hanter même quand notre situation actuelle est meilleure que celle d'autrefois, voué à nous rappeler nos choix, nos oublis etc.

Comme ce personnage, qui après une vie de vagabondage parsemée d'escroqueries en tout genre, s'installera dans une petite bourgade du sertão et montera un commerce tout à fait licite et florissant. Mais au hasard d'une rencontre, son passé resurgira et...

Marche aussi avec le gros bras, frôlant la mort après une trahison, qui profitera de sa survie pour choisir la voie de la rédemption... Mais là encore, le passé tentateur s'en mêle...

Ou ce personnage, frappé de "saudade" de sa terre natale et de tout ce qu'il y a laissé, après être parti sur un coup de tête à la Capitale pour vivre la vie qu'il prétendait mensongèrement avoir mené. La vie simple convenait-t-elle mieux à ce mythomane que la vie rêvée qu'il vit pourtant comme souhaitée ?

Idem pour ce personnage qui a fuit à la grande ville après une affaire d'honneur qui a mal tourné. Mais le temps qui passe veut-il dire qu'il nous oublie ?

Ou ces amours manqués par couardise ou bêtise, qui ne cessent de nous tourmenter...

Une des plus belles allégories du temps qui passe, de ce recueil, est quand l'auteur décrit une course-poursuite entre deux ennemis mortels, dont l'un fuit en ligne droite et le second use de détours et de raccourcis, ce qui fait que la droite est coupée de tangentes trop longues ou de sécantes trop courtes. Parfois, nous arrivons trop tard, parfois nous montons trop tôt dans le train.

Enfin, c'est ce qui rend la Vie belle. Nous savons ce que nous avons, nous devinons ce que nous avons loupé. Peut-être ce que nous possédons est ce que nous pouvons rêver de mieux ou peut-être que nos mauvais choix nous ont fait passé à côté de la vie que nous aurions mérité. Et l'inverse est vrai aussi.

Nous le saurons de toute manière jamais donc autant vivre notre vie telle qu'elle est!

Sagarana est le premier texte publié de l'auteur. Son style est loin d'être "diadorimesque" mais reste malgré tout très agréable à lire. Et nous y découvrons un vrai talent humoristique de JGR.

Je conseille de débuter l'oeuvre roséenne par ce texte avant de tenter Diadorim.
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Citations et extraits (21) Voir plus Ajouter une citation
Et pourtant, de même qu'il ne se rappelait pas l'endroit des plantes grimpantes, il ne pense pas au crapaud. Au crapaud et à la tortue de l'histoire du crapaud et de la tortue, qui se cachèrent, ensemble, à l'intérieur de la guitare de l'urubu, pour pouvoir aller à la fête dans le ciel. La fête fut plaisante, mais comme ils n'avaient pas eu le temps d'entrer dans la guitare pour le retour, tous deux restèrent en trop dans le ciel et furent découverts. Et alors saint Pierre les informa : "Je vais vous balancer tous les deux en bas." Il jeta d'abord la tortue. Et cette prétentieuse de tortue, descendant sans parachute et voyant qu'elle allait à coup sûr heurter une pierre, rentra tête et pattes et cria : "Ecarte-toi, rocher, sinon je te bousille!" Mais la pierre, qui était à sa place et en son état, ne s'écarta pas, et la tortue se fracassa en plusieurs morceaux. On la raccommoda, avec soin, et voilà pourquoi aujourd'hui, elle a une carapace formée de plaques soudées. Mais, dans cette entrefaite, le crapaud se tenait les côtes. Et quand saint Pierre lui demanda pourquoi, il répondit : "Je ris parce que si ma commère tortue avait su voler, comme moi je sais, elle n'aurait pas eu tous ces tracas..." Et alors, encore plus fâché, saint Pierre réfléchit un peu, et dit : "C'est ainsi ? Eh bien nous allons descendre ensemble, car je veux, moi, te précipiter ou dans l'eau, ou dans le feu!" Alors le crapaud pleurnicha : "Dans l'eau, non, Patron, car j'ai oublié d'apprendre à nager..." "Eh bien, c'est justement dans l'eau que tu vas aller!..." Mais quand le crapaud tomba dans le puits, il étira ses quatre menottes, fit une cabriole, alla voir si le puits avait un fond, envoya des flopées de bulles vers le haut et, quand il en eut le temps, remonta vite fait, se remit d'aplomb et émergea, clignant de l'oeil, pour crier : "C'est justement ça qui convient au crapaud!..."
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Et c’est grâce aux retrouvailles inattendues de vieux amis que je reconnais que le monde est petit et, comme salle d’attente, très agréable, très facile à supporter…
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Et j'emportais de bonnes provisions, dans ma musette, et également mes jumelles. Seule la masse du fusil pesait et m'encombrait. Mais je me conformais à la liste, car je ne pouvais laisser les gens croire que je n'entrais dans la forêt, et n'y passais toute la journée, que pour voir un petit drageon de myrte surgir de la terre dans un trou du tronc d'un camboatan ; que pour assister à la charge frontale des fourmis gibbeuses contre le vilain pelage barbelé et électrifié d'une chenille lance-flammes ; que pour faire les yeux doux aux galanteries des cassiques, posés sur les longues branches de l'aroeira ; que pour savoir avec certitude si mon homonyme joão-potier fermerait bien son atelier et observerait donc le repos dominical ; que pour parier tout seul dans le concours de saut à la perche entre les sauterelles vertes et les criquets gris ; que pour étudier l'effort de concentration du jabiru acromégalique ; et que pour m'amuser, à la gloire des araignées d'eau qui se course-poursuivent, en gambettant sur la pelure de l'eau de l'étang, persuadées que c'est tout de bon un sol pour y marcher.
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De cette façon, oui, il était bon de faire pénitence, stimulé par la tentation, avec le tracé du terrain conquis, avec le risque et tout... Il ne pensa plus à la mort, ni à gagner le ciel ; et même le souvenir de son infortune et de ses revers cessa de le tourmenter, comme la faim après un repas copieux. Il suffisait de prier et de tenir bon, à côté du diable dompté et maintenu fermement, que c'en était un plaisir. Et ce n'était quère plus que par habitude qu'il répétait de temps en temps :
- Chacun a son heure, et ma chance viendra !
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- Nous pouvons penser comme l'homme et comme les boeufs. Mais vaut mieux pas penser comme l'homme...
- C'est parce que nous devons vivre près des hommes que nous devons travailler... Comme les hommes... Pourquoi est-ce que nous devons apprendre à penser ?...
- C'est drôle : nous pouvons observer les hommes, les autres boeufs...
- C'est pire, pire... Nous commençons à regarder la peur... la grande peur... et la hâte... La peur est une hâte qui vient de tous les côtés, une hâte sans chemin... C'est mauvais, être un boeuf de trait. C'est mauvais, vivre près des hommes... Les choses mauvaises sont le propre de l'homme : tristesse, faim, chaleur - tout, si on y pense, est pire...
- Mais penser à la prairie, à l'eau fraîche, au sommeil à l'ombre, c'est bon... C'est mieux que manger sans penser. Quand nous retournerons, ce soir, au pâturage, y aura encore de bons plants de luzerne, qui n'auront pas séché... Et même le catingueiro-blanc a des touffes mangées seulement à mi-hauteur... C'est beau de pouvoir penser, mais seulement à de belles choses.
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Videos de João Guimarães Rosa (4) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de João  Guimarães Rosa
À l'occasion de leur venue à la librairie Dialogues pour une rencontre autour de leur livre, "Escale en Polynésie" publié aux éditions Au vent des îles, Titouan et Zoé Lamazou nous ont confié plusieurs conseils de lecture !
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Belles découvertes !
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