Citations de Josef Schovanec (213)
Un long parcours, un très long apprentissage. Qui débouche comme souvent sur le curieuse impression de ne plus trop savoir qui est l'autiste et ce qu'il lui faut acquérir que les autres ont, contrairement à lui.
Aimez-vous regarder le ciel ? Dans l'excellent court-métrage Mon petit frère de la lune, le garçonnet porteur d'autisme regarde toujours le ciel. Pour ma part, cela m'a pris des années. Durant longtemps, je marchais tête baissée presque tout le temps. Petit à petit, j'essaie de regarder vers le haut, vers ce ciel dont la couleur, la teinte, la profondeur disent tout à l'observateur attentif.
Le luxe et le faux confort connaissent deux mouvements opposés dans le monde non occidental : tantôt on s’efforce désespérément de le créer de toutes pièces, tantôt on l’abandonne, le laisse dépérir. Le cas le plus savoureux pour moi est le grand luxe apparu ces derniers temps dans certains hôtels des pétromonarchies arabes, démesure ridicule de qui ne sait pas compenser par l’argent les fautes de goût, et qui évoque plus les caricatures d’un journal satirique ou les fantasmagories d’un fou au mauvais sens du terme qu’un hôtel où le séjour serait appréciable.
L'avenir est un gros point noir pour moi. j'ignore ce qui adviendra, non pas sur le long terme, car Keynes a fort bien montré que sur le long terme nous serons tous morts, mais sur le moyen terme.
Le livre donne de l’énergie, remet les idées en place pour tenter des interactions sociales. Ce ne doit être assurément ni une finalité assignée au livre, ni une obsession permanente du lecteur, mais cela peut ajouter un attrait à la lecture.
Un enfant n’est pas censé corriger le prof, alors un inspecteur… !
La convention, pour artificielle qu’elle soit, nous paraît la seule possible. La défaillance des éléments qui la constituent représente une épreuve, parfois insupportable.
P.136
Je ne retiendrai qu'un souvenir. Celui de mon amie Fabienne Ameisen, épouse du professeur Jean--Claude Ameisen, président du Comité national d'éthique qui a tant fait pour l'autisme. Fabienne est une éminente sinologue et une personne au grand coeur. Une fois, lorsqu'elle donnait bénévolement de son temps pour s'occuper d'un enfant autiste jugé déficient, ne sachant ni lire ni écrire à l'européenne, elle avait observé que l'enfant était bien plus à l'aise pour apprendre à tracer les sinogrammes dans le sable.
En somme, que dire d'autre que cette phrase du réalisateur Akira Kurosawa : "Dans un monde fou, seuls les fous sont sains d'esprit."?
Ces civilisations [Tibet, Iran] sont, bien entendu, différentes de la notre, loin de l'Occident. Tout de même bien plus près de chez nous, je veux dire en Europe orientale, sauf peut être dans les grandes villes, la plupart des maisons ont été construites par leur habitant [comme cité plus haut en Iran et au Tibet] le plus souvent avec la solidarité du village ou de la famille au sens large.
P 83
Un jour, quelqu'un m'as demandé par email comment traduire en amharique (en éthiopien) la fameuse expression que l'on retrouve partout en Amérique : le no trepassing, "interdiction d'entrée", avec différences menaces associées. J'avais répondu que vouloir traduire cette phrase était idiot : en Ethiopie les gens souhaitent que vous rentriez chez eux, partager avec vous des moments, pour manger, pour discuter. On videra pour vous le garde manger si vous entrez sur la pelouse de quelqu'un.
Quand la direction du festival [festival Look & Roll, film du handicap] m'avait contacté pour me proposer de devenir membre du jury, j'ai cru à une histoire belge : je n'ai aucune compétence cinématographique et ne me rends presque jamais dans les salles sombres [...] Devenir membre du jury d'un festival cinématographique avait donc de quoi surprendre. Ceci étant je me suis dis que le ridicule ne tuait pas et qu'un ignorant devienne membre du jury du festival n'était pas plus bizarre que la présence d'un incompétent au gouvernement ou, dans un autre registre, celle d'un autiste à la radio.
Moralité de l'histoire : pour loger bien, soyez autistes. Grosse fortune et grande gueule ne font pas un bon logement ; c'est dans le partage que l'on habite vraiment. Et comme on dit chez nous en Ethiopie : "Cinquante citrons sont un fardeau pour une personne : pour cinquante personnes ils sont un parfum."
Quoi qu’il en soit, voyager signifie inévitablement savoir dire adieu. Certes, hypocritement dans les pays occidentaux on dit « au revoir », même et surtout quand on sait qu’on ne reverra jamais l’autre personne – voire parfois quand on ne souhaite plus le ou la revoir. Quand j’étais enfant, dire adieu, ou plutôt faire le processus mental de l’adieu, était l’une des choses les plus difficiles.
Sale et aux ongles longs, l’œil lumineux, il expliqua qu’il parlait toutes les langues de la région : persan, dari, russe, pachto, ouzbek et Dieu sait quoi encore. Un clochard, plus doué en langues que le plus orgueilleux des intellectuels français.
On peut considérer que le voyage est la forme la plus ancienne des traitements.
Pour moi,j'avais fréquenté l'IEP et non pas Sciences Po. Une IEP avec une silencieuse nostalgie pour l'appellation première "Ecole libre des sciences politiques ". L'adjectif étant, discret clin d'oeil historique, un signe de nécessaire créativité, de non institutionnalisation,de revasserie d'une matière universitaire dans son enfance,d'inspiration allemande à l'heure où les universités d'Europe centrale allaient atteindre leurs apogée.
Un clin d'œil porté au blog personnel de la ministre déléguée suffit au demeurant pour constater que le handicap n'occupe qu'une part minime de ses préoccupations, contrairement à ses ambitions électorales dans le sud de la France.
Je me dis qu'il n'y a aucun mal à rester un enfant. Quand on voit ce que font les adultes... Je sais que les enfants sont cruels aussi, mais dans l'horreur et la manipulation, je crois qu'ils ne vont pas aussi loin que les adultes.
Peut-être s'agit là du premier rôle des fantômes : rapprocher des gens qui autrement ne se seraient jamais rencontrés à cause des barrières culturelles, notamment.
Force est de constater que les activités de la modernité reposent toujours sur le même modèle d'être humain, l'homo oeconomicus: à chaque fois, l'être humain est sommé d'entrer dans un cadre juridique homogène, de veiller aux mêmes règles économiques, de consacrer mensuellement une bonne partie de son salaire à des dépenses incompressibles telles que le logement, la nourriture, etc.