Citations de Josef Schovanec (213)
Etrangement, Daniel préfère communiquer avec moi plutôt qu'avec certains de ses collègues. Moi qui suis le petit jeune, qui ne suis même pas américain et encore moins sinologue. Nous avons une différence commune et surtout une commune humanité. De quoi peut-être méditer ce slogan fameux : "Marginaux de tous pays, unissez vous."
Un coeur qui vibre quand je songe à la phrase qui clôt le préambule de la Constitution helvétique de 1999 : "La force de la communauté se mesure au bien-être du plus faible de ses membres."
Non, l'Autistan n'est pas une nouvelle variante d'un pays déjà connu, qui ne se démarquerait que par des appellations différentes de lieux, mets et objets habituellement manié dans le pays d'origine : si d'ordinaire les guides touristiques font découvrir les pays en énumérant leurs lieux de plaisirs et d'agrément afin que le visiteur y reconnaisse plus aisément ce qu'il a coutume de fréquenter, rien de tel n'est possible pour l'Autistan. Comment en effet citer les bonnes adresses de discothèques, restaurants et hôtel de luxe, alors même que les autochtones, ne jouissent point de leur aménité, ne prirent pas le soin d'en édifier dans leur pays? Ici pour une fois nulle traduction juxtalinéaire ne pourra aider le visiteur à trouver ses propres repères. Ce sont plutôt les repère eux-mêmes qui, ici, perdent de leurs altiers traits.
]Au dos du livre]
Enfant autiste devenu grand, rescapé de la camisole chimique qu'un voyage de trois stations en bus rendait malade, cet infatigable globe-trotteur et polyglotte pose, page après page, une regard plein d'humour et d'érudition sur un pays, une culture, une langue, une cérémonie, un plat national dans un jeu de miroir où handicap et normalité s'éclairent mutuellement d'une saisissante lueur.
Il est une encyclopédie vivante de l’histoire de son pays. Plus diplômé que les autres, son savoir est inépuisable. A toute question touchant à l’archéologie, à l’histoire de la langue, à la politique ou à la très longue histoire arménienne, il apporte une réponse circonstanciée, brillamment étayée de chiffres, noms et exemples.
Le voyage, mieux que nulle autre thérapie, rend obsolètes les traumatismes passés.
Il est donc des voyages qui rendent les névroses les plus fortement implantées sans objet. Il est également des pays plus accueillants, plus ouverts aux différences, vers lesquels le voyage agit de manière décuplée.
Quand vous arrivez en un lieu, vous devez d’abord apprendre comment on y mange... Manger demeure toutefois une véritable difficulté pour moi, peut-être la plus importante, lors de tout voyage ou presque. L’activité la plus critique du périple, la plus stressante. Il est pour moi ahurissant de voir toutes ces pages sur la gastronomie de telle ou telle ville : je cherche pour ma part quelque chose, n’importe quoi de correct, pour calmer l’estomac à des heures plus ou moins fixes, c’est tout.
Associer le sens de la vision aux sons peut paraître inapproprié. Les personnes synesthètes, elles qui voient les sons en couleurs, contrediraient cette conception restrictive. Ou, plus simplement encore, comment ne pas voir en la ville le meilleur exemple de fusion entre sons et vision?
Certes, le caractère aéroportuaire demeure par trop marqué, que ce soit dans l’omniprésence des sièges d’attente, les produits proposés par les boutiques. On se heurte régulièrement aux barrières où la police interdit l’accès à moins de montrer passeport et visa, bref d’entrer dans le système commun, sous le contrôle d’un Etat.
L'ordinateur ressemble quelque peu, toujours du point de vue sensoriel, aux livres tels que décrits par Blumenberg, à savoir cette nécessaire moindre intensité lumineuse, l'immobilité face à la surface et le sentiment général d'entrer dans un autre monde.
Redire que la partie la plus périlleuse d’un voyage en avion est le trajet en voiture qui vous mène à l’aéroport; on le sait, et pourtant on a peur de l’avion.
L’apparence physique n’est pas le seul domaine où intervient l’influence des voyages. Il en va de même pour les comportements et habitudes : si vous êtes très timide et parlez à voix basse, partez en Corée ou au Japon, on vous adorera. Parler à haute voix est mal vu. Les « grandes gueules » n’y ont guère leur chance.
Le spleen de Paris ou celui de la vie moderne pourraient être plus anciens qu'on ne l'imagine : sans un malaise profond, notamment chez les jeunes, que serait la littérature mondiale ? Sans leur voyage, réels ou imaginaires, que resterait-il du patrimoine culturel de l'humanité?
Dans beaucoup de régions du monde, évoquer les voyages fait penser immédiatement aux visas, passeports et autorisations; l’argent est considéré comme secondaire, une difficulté que l’on pourra résoudre quoi qu’il arrive.
Quoi qu’il en soit, voyager signifie inévitablement savoir dire adieu. Certes, hypocritement dans les pays occidentaux on dit « au revoir », même et surtout quand on sait qu’on ne reverra jamais l’autre personne -- voire parfois quand on ne souhaite plus le ou la revoir. Quand j’étais enfant, dire adieu, ou plutôt faire le processus mental de l’adieu, était l’une des choses les plus difficiles.
Le progrès humain n’est pas toujours là où on le croit.
Aimez-vous regarder le ciel? Dans l'excellent court-métrage Mon petit frère de la lune, le garçonnet porteur d'autisme regarde toujours le ciel. Pour ma part, cela m'a pris des années. Durant longtemps, je marchais tête baissée presque tout le temps. Petit à petit, j'essaie de regarder vers le haut, vers ce ciel dont la couleur, la teinte, la profondeur disent tout à l'observateur attentif.
Le désert, c’est un peu un grand malentendu. On le prend pour ce qu’il n’est pas, on y voit ce que l’on veut y voir, c’est-à-dire le plus souvent soi-même, et ce sont les pensées de ceux qui ne le connaissent pas qu’il obsède le plus.
les personnes avec autisme ont tendance à retenir les détails plutôt que la globalité. J'ai par exemple pour ma part plus de mal à retenir le visage que la couleur des chaussettes d'une personne. La difficulté étant que, pour la plupart des gens, la couleur des chaussettes changent : par suite, ce ne peut être un critère d'identification des personnes.