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Citations de Juan José Saer (194)


Légers, silencieux, sans violence, comme en automne les feuilles des arbres vers la terre qui est leur maison véritables, ces hommes, dans l'hiver excessif, tombaient dans la mort.
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Pour moi, durant les derniers jours, l'attente me pesait trop: presque rien ne m'attachait à cet endroit qui, d'une certaine façon, était celui de mon enfance. C'est dans cette ville que j'ai compris pour la première fois, du fait d'y être revenu après bien d'années, que la part du monde qui perdure dans les lieux et les choses que nous avons désertés ne nous appartient pas, et que ce que nous appelons de manière abusive le passé n'est rien de plus que le présent coloré mais immatériel de nos souvenirs.
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Dans le lent remous de la journée, la dimension du temps semble ne pas exister : le monde est comme une masse visqueuse qui se déploie, imperceptible, et l'être englué dans cette gélatine incolore non seulement ne se débat pas mais semble accepter, seul choix possible, progressif, l'enfoncement.
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Les Indiens ne pouvaient pas se fier à l'existence de l'arbre parce qu'ils savaient que celle de l'arbre dépendaient de la leur, mais, en même temps, comme l'arbre contribuait, avec sa présence, à garantir la leur, ils ne pouvaient pas se sentir entièrement exister car ils savaient que, si leur existence venait de l'arbre, cette existence était problématique, puisque l'arbre semblait tirer la sienne de celle que les Indiens lui accordaient»! Impossible de sortir de ce «cercle vicieux et de voir les choses de l'extérieur pour découvrir, avec impartialité la base de ces évidences.
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Un jour après les avoir vus pour la première fois, j'étais déjà si bien habitué à eux [les ravisseurs indiens du narrateur] que mes compagnons, le capitaine et les vaisseaux me semblaient être les restes épars d'u rêve dont on se souvient mal, et je crois que ce fut à ce moment-là qu'il me vint pour la première fois à l'esprit - à quinze ans déjà - une idée qui depuis m'est devenue familière : le souvenir d'un fait n'est pas une preuve suffisante de son avènement véritable, pas plus que le souvenir d'un rêve que nous croyons avoir fait dans le passé, plusieurs années avant le moment où nous nous le rappelons, n'est une preuve suffisante ni de ce que le rêve ait eu lieu dans un passé lointain et non la nuit précédent le jour où nous nous le rappelons ni de ce qu'il ait pu survenir juste avant l'instant précis où nous nous le représentons comme déjà passé.
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Le vice fondamental des êtres humains est de vouloir, contre vents et marées, rester vivants et en bonne santé et de chercher à tout prix à actualiser les représentations de l'espoir.
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De même que les indiens de certaines tribus voisines traçaient dans l'air un cercle invisible pour se protéger de l'inconnu, mon corps est comme enveloppé de la peau de ces années qui ne laissent plus rien passer de l'extérieur. Seul ce qui y ressemble est accepté. Le moment présent n'a d'autre fondement que sa parenté avec le passé. Avec moi, mes Indiens ne se sont pas trompés : je n'ai, à part ce scintillement confus, rien à raconter. En plus, comme je leur dois la vie, il est juste que je paie ma dette en revivant, jour après jour, leur vie à eux.
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S'ils agissaient de cette façon, c'est parce qu'ils avaient éprouvé, à quelque moment, avant de se sentir différents du monde, le poids du néant.
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Le vice fondamental des êtres humains est de vouloir, contre vents et marées, rester vivants et en bonne santé et de chercher à tout prix à actualiser les représentations de l'espoir.
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L'épouse la moins soupçonneuse du dissimulateur le plus parfait ne pourrait pas ne pas avoir remarqué quelque chose de bizarre une quelconque des vingt-huit fois que son mari s'était apprêté à (ou venait de) supplicier, violer, décapiter et dépecer une vieille femme.
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Comme tous les notables de son temps, Lautret savait d'ailleurs que l'immense majorité des habitants de ce continent, et sans doute aussi des autres, confond le monde avec un archipel de représentations électroniques et verbales, de sorte que, quoi qu'il se passe, si tant est qu'il se passe encore quelque chose dans ce qu'on appelait autrefois le monde réel, il suffit de savoir ce qui doit être dit sur le plan artificiel des représentations pour que chacun se trouve plus ou moins satisfait, avec l'impression d'avoir participé aux délibérations qui modifieraient le cours des événements.
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...il se sent bien durant quelques secondes, content, léger, bien portant et, même s'il est déjà près de la cinquantaine, il pense posséder un avenir -immédiat et lointain- clair, droit et durable, comme un tapis rouge qui s'étendrait du bout de ses pieds jusqu'à l'infini. Presque immédiatement, la rigueur de l'été, le vacarme de la rue, les gaz noirâtres que répandent les voitures et qui empoisonnent l'air le ramènent à un peu plus de réalité, à ce moyen terme de l'âme, équidistant de l'angoisse et de l'euphorie, et que ceux qui pensent le connaître plus ou moins bien, tout comme lui quand par distraction il se laisse coinvaincre par eux, appellent avec une certitude injustifiée son tempérament.
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Juan José Saer
Et si, maintenant que je suis un vieil homme, je passe mes jours dans les villes, c’est que la vie y est horizontale, que les villes cachent le ciel.

Juan José Saer
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Les navires, l’un derrière l’autre, à distance égale, semblaient traverser le vide d’une immense sphère bleutée qui, la nuit, devenait noire, criblée dans les hauteurs de points lumineux. On ne voyait ni un poisson, ni un oiseau, ni un nuage. Tout le monde connu reposait sur nos souvenirs. Nous en étions les seuls garants dans ce milieu lisse et uniforme, de couleur bleue. Le soleil témoignait, jour après jour, d’une certaine altérité, rouge sur l’horizon, incandescent et jaune au zénith. Mais c’était peu de réalité.
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Parce qu'ils avaient été modelés, des siècles durant, pour se considérer eux-mêmes comme le noyau clair du monde, ils mettaient de côté tous leurs égarements quand ils formulaient leur propre essence, ce que, bien évidemment, ils oubliaient de faire quand ils définissaient celle des autres. Tous quatre respectaient la compétence technique, le succès professionnel, l'adresse physique et pratiquaient la solidarité corporative, le relativisme moral, et les fins de semaine à la campagne.
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De toute façon, la mort, pour ces Indiens, ne signifiait rien. Mort et vie étaient sur le même plan et hommes, choses et animaux, vivants ou morts, coexistaient dans la même dimension. Ils voulaient, bien sûr, comme tout un chacun, rester en vie, mais mourir n'était pas pour eux plus terrible que d'autres dangers qui les rendaient fous de panique. (...) Ce n'était pas l'inexistence éventuelle d'un autre monde qui les terrorisait mais bien celle de ce monde. L'autre monde faisait partie de celui-ci et les deux étaient une seule et même chose; si celui-ci était réel, alors l'autre l'était aussi; il suffisait qu'une seule chose le fût pour que toutes les autres, visibles ou invisibles, prissent, de cette façon, réalité.
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- Le Vieux Soldat détient la vérité de l’expérience et le Jeune Soldat la vérité de la fiction. Elles ne sont jamais identiques mais, bien qu’elles soient de nature différente, parfois elles peuvent n’être pas contradictoires, dit Pigeon.
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venant des ports où il y a tant d'hommes qui dépendent du ciel, je savais ce qu'était une éclipse. Mais savoir ne suffit pas. Le seul savoir juste est celui qui reconnaît que nous savons seulement ce qui condescend à se montrer. depuis cette nuit-là, ce sont les villes qui m'abritent. Et non point par peur. Cette nuit-là, quand la noirceur eut atteint son point extrême, la lune, peu à peu, se remit à briller. En silence, comme ils étaient venus, les Indiens se dispersèrent, se perdirent dans les huttes, et, quasiment satisfaits, s'en furent dormir. Je restai seul sur la plage. Ce qui arriva ensuite, je l'appelle année ou ma vie, rumeur des mers, de villes, battements de marées humaines, dont le courant, comme un fleuve archaïque qui roulerait l'attirail du visible, me déposa dans cette pièce blanche, où, à la lueur des bougies déjà presque consumées, je suis en train de balbutier sur une rencontre de hasard antre et avec, assurément, les étoiles.
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Il y a, me dit-il une fois, peu de temps avant de mourir, deux sortes de souffrance : avec l'une, on sait que l'on souffre et , tandis que l'on souffre, une vie meilleure dont le goût persiste dans la mémoire est escamotée; avec l'autre, on ne le sait pas mais le monde entier, jusque dans la plus modeste de ses présences, apparaît aux yeux de celui qui le traverse comme un lieu désert et calciné. Cette souffrance ignorée, me disait le père sans me regarder, de peur sans doute de la voir apparaître, sans que je m'en rendisse compte moi-même, sur les reliefs de mon visage, les exorcistes peuvent bien, si cela les amuse, la pourchasser à coups de formules en latin, mais il n'existe aucun sonde capable de l'atteindre et, pour l'effacer du monde, il faudrait anéantir le monde avec elle.
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Il y a, me dit-il une fois, peu de temps avant de mourir : deux sortes de souffrance : avec l'une, on sait que l'on souffre et, tandis que l'on souffre, une vie meilleure dont le goût persiste dans la mémoire est escamotée ; avec l'autre, on ne le sait pas mais le monde entier, jusque dans la plus modeste de ses présences, apparaît aux yeux de celui qui le traverse comme un lieu désert et calciné.
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