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Critiques de Julie Moulin (49)
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Domovoï

Livres - voyageurs-Square des Poètes- Porte d'Auteuil/ novembre 2022



Déjà plus 5 mois que j'ai lu ce roman, avec le plus grand plaisir.Lecture- cadeau surprise, l'ayant dénichée dans un lieu de livres- voyageurs où j'ai pris l'habitude de déposer moi-même des livres...





Je débute par un extrait introduisant bien l'objet insolite nous menant à l'élément perturbateur dans la vision d'une mère, Anne par sa fille, Clarisse, s'interrogeant sur cette femme décédée 10 ans auparavant... que finalement, elle connaît fort mal !



Elle retrouve cette dernière sur une vieille photo prise avant sa naissance et l'auteure de ses jours se trouve en Russie. Pourquoi ce pays, alors qu'elle-même est née en France ?



Elle va partir en quête, en Russie pour enquêter sur cette partie de la vie maternelle, qui l'intrigue et qui lui est totalement inconnue...Vont s'alterner successivement le récit de la vie quotidienne en Russie d'Anne dans les années 1990 et celle, 20 ans plus tard de Clarisse, retrouvant des amis d' Anne de l'époque....les interrogeant sur cette" mère " mystérieuse !



Le récit va alterner et se dérouler sur plus de 20 ans: de 1993 à 2015 !



"Prologue



Paris, avril 2015



(...) La plupart du temps, les familles vivent en paix avec leur domovoï.Le nôtre s'est bien moqué de nous: il s'est barré avec Maman.(...)C 'était un domovoï; il était russe et nous sommes français. Maman aussi était française. Elle avait importé le domovoï de Russie quelques années avant la naissance. Une sorte de nain barbu, griffu, au regard oblique dont la reproduction sur d'anciens livres en cyrillique me gardait éveillée jusque tard dans la nuit.J'espérais à ne jamais le rencontrer pour de vrai.

(..) Chez nous, en France, le domovoï était totalement déplacé. Mais Maman insistait le domovoï était l'esprit de notre foyer, nous protégeait ; je devais le nourrir et le chérir, en somme l'adopter."



Cette fille fait Sciences-Po ; elle est au début de sa vie d'adulte et s'interroge sur son avenir; ce road- movie sur la propre jeunesse de sa mère dans un pays inconnu a-t-il il l'aider à y voir plus clair .

.dans son propre parcours ?

...



On va être pris dans le suspens et dans les descriptions des transformations, et des vastes contradictions d'un pays aussi fascinant que perturbant !

Le récit est alerte, très dynamique ; on est happé par la fascination de Clarise, finalement très imprégné de ce pays que sa mère a tellement aimé et qu'elle lui a indubitablement inoculé plus ou moins consciemment.Personnages aussi contrastés, ambivalents que généreux, accueillants dont une grande amie et un premier Amour d'Anne...

Ainsi les questions affluent et l'enquête progresse...



"Moscou, 2015



- Les étoiles rouges réinvestissent notre espace, continue Goharik, une symbolique de la puissance dont les Russes se régalent. Ils ont oublié qu'elles symbolisent la peur, la peur du pouvoir, la peur de dire ou d'écrire ce que l'on pense...On ne discute plus de la liberté, conclut- elle.Il n'y a plus de cuisines à Moscou, plus de tables de cuisine autour desquelles s'attabler et discuter des heures en se passant sous le coude des livres interdits.Tous ceux qui avaient de la place ont refait leur salon à l'occidentale, avec une cuisine à l'américaine. Maintenant, la politique est un sujet tabou qu'on évite d'aborder en famille.Ceux qui refusent l'ordre établi s'en vont.On se vide de notre sang, ajoute Goharik. "



Je lisais cette auteure pour la toute première fois et cela a été un vrai coup de coeur, riche en informations, observations fines et émotions

intenses !

À la fois la description fine d'un pays , la Russie, terre des contrastes, par excellence...et l'éclaircissement d'une histoire familiale attachante et remplie, elle- même de contrastes et de zones d'ombres !



"Paris, avril 2015



Dans ma famille, on n'aime ni les Rouges ni le rose, seulement le bleu marine, alors même si l'URSS avait vécu, on se méfiait encore de ce pays qui avait scindé Berlin, l'Allemagne et l'Europe en deux. Maman à vingt et un ans s'était aventurée aux confins de l'Histoire pour apprendre le russe. Et n'en était pas revenue indemne."



Un très beau texte qui exprime fort bien la fascination d'une mère et d'une fille pour la grande Russie, à 20 ans d'intervalle. On sent , simultanément, profondément l'attachement de l'auteure pour ce pays, tout en gardant toute sa lucidité sur les abus et dérapages de la gouvernance poutinienne...et ceci, plus de 3 années avant l'attaque de l'Ukraine par le le "tyran", Poutine...



Cette Russie, fabuleuse terre de contrastes...qui ne peut attirer que des sentiments extrêmes...À la lecture de ce récit...on reste aussi en empathie avec les très nombreuses difficultés quotidiennes des russes, de la population se débattant avec les aberrations de l'état, les pénuries diverses et les corruptions galopantes !













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Domovoï

Anne et Clarisse à Moscou



En imaginant une fille revenir vingt ans après sa mère à Moscou pour y apprendre le russe et retrouver un passé enfoui, Julie Moulin nous offre aussi de découvrir un ville et un pays, loin des clichés.



En conclusion de ma chronique sur Jupe et pantalon, le premier roman de Julie Moulin, j’écrivais : «on prend un plaisir certain à suivre Agathe. Comme on prendra, j’en suis persuadé, le même plaisir en suivant le prochain roman de Julie Moulin. Une belle plume comme ça a sûrement plus d’un tour dans son sac!» En refermant Domovoï, je ne peux que confirmer cette prémonition. D’autant que son «roman russe» est aussi un peu le mien. J’ai en effet séjourné à Moscou en 1995 puis y suis retourné en 2015, soit à peu près aux mêmes dates que celles évoquées par Julie Moulin et je peux vous confirmer que les ambiances et le climat sont parfaitement bien rendus dans le livre.

À l’image de la ville que découvre Anne en 1993, on sentait à la sortie de l’époque communiste une sorte de frénésie faite à la fois d’envie et de crainte. Un besoin construire une ville moderne sans toutefois disposer des infrastructures et ce fossé grandissant entre ceux qui ont très vite intégré les règles de l’économie de marché et toute cette frange de la population laissée pour compte et dépassée par une «liberté» qui se limitera pour eux à tenter de survivre à cette jungle.

En revanche, en 2015, l’époque à laquelle Clarisse, la fille d’Anne, arrive en Russie, Poutine a changé les mentalités: «Rambo comme tu l’appelles, promet au peuple russe de restaurer sa puissance, d’être à nouveau fier de sa patrie. Il y a encore cette idée que la Russie puisse suivre une voie de développement unique.» L’Empire contre-attaque! Une fois planté le décor – essentiel – de ce roman, nous allons aller vers l’intime, à la recherche de cette mère qui a brutalement disparu et dont il ne reste qu’un vague souvenir et quelques photos, notamment avec son père et le groupe d’étudiants qui l’accompagnait à l’époque: «Je suis un souvenir avant d’avoir vécu. Je ressemble à l’absente.»

Julie Moulin a habilement construit son roman en passant alternativement de 1993 à 2015, nous offrant de comparer les deux époques, les deux parcours, avant que Clarisse ne découvre, en rassemblant des témoignages de ses amis de l’époque, que l’histoire que son père lui a racontée et celle qu’elle avait imaginée ne correspondait pas à la vérité. Mais n’en disons pas davantage, de peur de déflorer le joli suspense autour de l’histoire familiale, de la rencontre d’Anne et de Guillaume, qui effectuait alors un stage à l’Ambassade de France avant d’intégrer un cabinet d’avocat à Paris.

Ajoutons simplement combien l’expérience est riche pour Clarisse qui, en quelques semaines va beaucoup apprendre, s’appuyant pour cela sur la littérature et l’histoire qui, dans ce pays, sont indissociables. Comme Anne qui préférait passer ses soirées avec ses nouveaux amis russes plutôt qu’avec le clan des expatriés, Clarisse va se nourrir de cette culture: «Il en est de nos vies personnelles comme de la mémoire collective: nous avons besoin pour grandir du passé et de ses traces.»

Le Domovoï, l’esprit protecteur de la famille et du foyer, ne peut que s’incliner devant cette volonté et cette passion que Julie Moulin a joliment réussi à nous transmettre.




Lien : https://collectiondelivres.w..
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Domovoï

J'ai beaucoup aimé Domovoï . Roman initiatique, dépaysant, il a eu pour moi un petit parfum nostalgique. (Tout comme Anne, j'ai suivi un semestre à l'étranger pendant les années 90.)

Son histoire : 2015, Clarisse, 20 ans, étudiante à Sciences-Po, découvre une photo des années 90 de sa mère Anne, décédée 10 ans plus tôt. Mais qui est cette femme ? Clarisse peine à la reconnaître, tant ce franc sourire qu'elle arbore lui est méconnu. Une photo prise en Russie, avant sa naissance. Elle décide alors de partir à la recherche de cette inconnue, de sa mère... à Moscou.



Roman d'apprentissage, nous suivons Clarisse dans les pas d'Anne, en quête de son passé, de cette femme au sourire éclatant si différente de celle de ses souvenirs. Celle sur qui plane un mystère que son propre père paraît entretenir soigneusement. Mais bien sûr, c'est aussi en quête d'elle-même que Clarisse part.



Roman choral, il alterne le récit des voyages de la mère et de la fille vingt ans plus tard. Julie Moulin y esquisse le portrait amoureux d'une envoûtante Russie, belle, mystérieuse, mais aussi cruelle et insaisissable, un périple sur les traces d'un domovoï, cet esprit protecteur du foyer « malicieux et bougon ». La plume de l'auteure est à la fois délicate, comme les sentiments amoureux des deux protagonistes, et abrupte comme peut l'être cette nation avec les siens. Les pages de l'histoire de la Russie se tournent avec celles du roman. En 1993, ce grand pays qui cherche à se reconstruire après la chute de l'URSS émerveille Anne, il bouleversera et laissera parfois dubitative sa fille 20 ans plus tard. Mais à chaque mot, le lecteur peut sentir tout l'amour que l'auteure lui porte.



Conté par Anne, le séjour russe a un charme magnifié, une langueur slave et pour moi un goût de madeleine de Proust. Avec Clarisse, il a en plus ce côté facétieux et fantasque, insufflé par un domovoï qui se joue de nous, caché entre les pages.



Julie Moulin nous offre un magnifique récit chargé des secrets de l'Histoire d'un pays, des non-dits de l'histoire d'une famille. Je vous promets c'est un roman à découvrir d'urgence ! Pour cela, suivez le domovoï ; il est petit, poilu et barbu, les russes pensent qu'il vit derrière leur four, avec Julie Moulin, il galope tout simplement d'un paragraphe à l'autre …



Un grand merci à la maison d'édition Alma et à Babelio pour cette masse critique.
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Domovoï

Julie Moulin nous embarque sur les traces de ses deux héroïnes : une fille, Clarisse et sa mère Anne, au coeur de la Russie, à Moscou où elles ont chacune séjourné à deux époques différentes. le récit va naviguer en alternance de 1993 à 2015.

Le voyage commence avec Nicolas Gogol :

« Quel charme étrange, quelle fascination, exerce le mot voyage ! »

Il se poursuit sous la bénédiction / sous les auspices du domovoï (esprit de la maison) mais aussi sous l'influence d'Amma, « gourou indienne ».



Dans le prologue, on apprend que la mère de Clarisse est disparue depuis dix ans. Pour Clarisse, «  le domovoï », ce petit lutin, n'a pas rempli son rôle protecteur du foyer puisqu'il a pris la tangente avec sa mère.

Que s'est-il passé ?



En 1993, on suit l'installation d'Anne à Moscou, désireuse de parfaire ses connaissances de la langue russe. Elle est confrontée aux obstacles administratifs. Julie Moulin peint cette Russie où l'argent, les dollars, le bakchich, un parfum peuvent ouvrir des portes interdites. Ostracisée par les «  Kommandanty » de l'internat, Maria, directrice d'école , décide de l'héberger et la «  traite en princesse », si honorée de recevoir une Française. "En Russie on sait faire preuve d'hospitalité.". L'appartement est exigu mais accueillant.Toute la famille vit regroupée dans la cuisine où elle écoute la radio ou regarde la télé. En cadeau de bienvenue et de porte-bonheur, elle reçoit une poupée ou plutôt « une sorte de lutin fait de paille et de rafia ». " Elle se fond dans le moule familial", telle une fille au pair.

Serioja, le fils de Maria, aux vastes connaissances lui fait visiter Moscou aux week-ends, mieux qu'un guide. Il se montre « affable, prévenant », « la couvre de bienfaits» mais s'absente pour « business ». Anne trompe ce manque en retrouvant « les expats » dans les bars. Elle y fait la connaissance de Guillaume qui n'a pas la même fascination pour le pays tout en étant « féru de son histoire et de sa littérature ». La narratrice autopsie ses relations amoureuses et livre des pages sensuelles, pleines de délicatesse, rappelant la plume d'Elisa Shua Dusapin.

Seule, elle s'aventure dans le métro et peut constater le contraste entre le luxe et la misère.

En 2015, c'est Clarisse, Sissi pour son père, étudiante à Sciences-Po, qui à son tour veut se perfectionner en russe, comme le fit sa mère. Elle veut aussi percer le secret de la photo retrouvée qu'elle conserve sur elle. Pourquoi la présence de son père. ? Ce père qu'elle décrit comme « honnête et droit, cachottier, bonimenteur, et fiable.

Ce père qui trouve qu'il « ne fait pas bon vivre pour une femme en Russie », et envisage pour sa fille plutôt Londres et «la City » pour son année à l'étranger.

« London is THE place to be », répète Clarisse comme un mantra, façon de s'en persuader, pourtant elle change soudain d'avis et se projette en Russie.

Sans l'avouer à son père, elle veut retrouver le fantôme de cette mère évaporée.

Un père qu'elle vouvoie, avec qui le vrai dialogue est difficile. Toutefois, grâce à ses connaissances, il lui trouve où loger à Moscou : chez Goharik, qui n'est autre qu'une amie de la mère lors de leurs études. Va-t-elle réussir à lever l'omerta sur le secret familial qui entoure la disparition de sa mère. ?

Elle va questionner à la fois sa logeuse et Tamara (une autre amie proche de sa mère). La photo mystère est son sésame pour tenter de faire éclater la vérité, son père restant sourd à ses interrogations. On devine son maelström dans sa façon d'apostropher la disparue : « Maman, avais-tu rencontré quelqu'un d'autre ? ».

Julie Moulin réussit à happer son lecteur, qui guette comme la narratrice les réponses de ces deux femmes, avide, lui aussi, de percer l'énigme qui mettra fin aux non-dits.



Les deux héroïnes semblent avoir contracté durant leur séjour initiatique ce « pofigisme » dont parle Sylvain Tesson dans un de ses romans (1), à savoir « cette résignation joyeuse face à ce qui advient », une façon de s'abandonner à vivre.



La romancière dépeint la condition féminine d'autrefois en URSS (prostitution), les conditions de vie difficiles (pénurie, indigence, alcoolisme), la coutume du 8 mars, jour où l'on célèbre la femme. Elle restitue parfaitement comment « l'étrangère » est perçue, comment Anne « se met au diapason du pays où seul le présent compte ». Inversement elle rend compte de l'étonnement de Goharik, d'origine arménienne, découvrant l'opulence des magasins à Paris. de nombreuses comparaisons sont faites entre les deux capitales. Julie Moulin s'attarde sur l'habitat en Russie, elle décrit les logements vétustes (eau rouillée), zoome sur les fils dénudés, les graffitis, les marches délabrées. Elle nous met l'eau à la bouche avec les « syrniki, les bouterbrody ».



En filigrane, Clarisse étudiante à Sciences-Po fait allusion à la figure de l'ex-directeur («homo la nuit, hétéro le jour »). Elle évoque les stigmates des attentats de 2015 ainsi que les rassemblements « Je suis Charlie », rappelle la guerre en Ukraine, l'ère du communisme, les "Pussy Riots", Chernobykl...

Le récit, en trois actes, nous immerge dans une diversité de musique russe : le rock avec le groupe Kino , plus classique avec Chostakovitch, et plus populaire avec ce chant soviétique « Les soirs de Moscou » que l'écrivaine Svetlana Alexievitch cite dans « La fin de l'homme rouge »,ou encore la chanson de Viktor Tsoï.

Différents arts défilent : le cinéma russe avec Zviaguintsev, l'opéra de Boris Godunov au Bolchoï, la peinture de Chichkine et de Kouïndji, les icônes de Roublev.

La romancière nous donne envie de nous plonger dans la littérature russe (Gogol, Tolstoï, Boulgakov, Tchekhov…), meilleure façon de comprendre un pays.

Elle se révèle une guide hors pair avec qui on se prélasserait volontiers dans le parc Gorki, sur les bords de la Moskova, après avoir arpenté les musées dont la galerie Tretiakov. Lieu où Clarisse fait une rencontre improbable, très émouvante !



Julie Moulin décline un amour inconditionnel pour la Russie où elle a séjourné comme ses protagonistes. En polyglotte, elle nous offre quelques rudiments de russe (spassibo = merci, pochli= en route), distille aussi de l'anglais (« target », « free hug »), et même du sanskrit: " Lokah Samaastah.Sukhino Bhavantu". (2)

Elle signe un récit enjoué, enrichissant, dans une écriture alerte, pleine d'humour.

Un roman double, dépaysant, prenant, sous forme de matriochka, qui permet de voir la métamorphose du pays de « Pouchkine à Poutine », de mieux appréhender l'âme slave chère aussi à Sylvain Tesson. Souhaitons à l'écrivaine de voir ses rêves se réaliser : être traduite en russe, être invitée dans une Alliance française !



(1) «  S'abandonner à vivre » de Sylvain Tesson, Gallimard.

(2) Mantra d'Amma: " Puissent les êtres du monde entier être heureux."
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Domovoï

Imaginez : vous faites changer la porte de votre appartement. Oui, vous avez décidé d'investir dans une porte blindée. Ça coûte un bras ces petites choses-là… Deux ouvriers arrivent enfin avec votre nouvelle porte. Ils enlèvent l'ancienne, celle qui ne vaut pas un kopeck et disparaissent avec... la porte blindée qui vaut de l'or  ? Non ! Avec la vieille, juste bonne à être jetée ! Et vous restez là, ahuri, sur le seuil de votre appartement désormais ouvert au tout-venant, avec une porte blindée aussi rutilante qu'inutile posée contre le mur décrépi de la cage d'escalier…

Eh bien, sachez-le, vous touchez là quelque chose qui relève du non-sens, de l'absurde, de l'irrationnel, peut-être même du mystère, en deux mots, de l'âme russe.

C'est précisément, je crois, ce que Julie Moulin a tenté d'approcher dans « Domovoï », cette fameuse « âme russe » si difficile à cerner sans que nous ayons sans cesse l'impression d'être toujours un peu à côté, fondamentalement étrangers à ce monde assujetti à des années de tsarisme, puis de communisme dont on ne sort pas indemne, loin de là, mais qui ne permettent pas non plus de définir ce qu'est un peuple devenu.

Et cette fameuse et quasi indéfinissable « âme russe », eh bien, j'ai eu le sentiment de la sentir, de l'approcher, voire de la toucher du bout des doigts, tout au long de ce roman que l'on avale d'un trait (comme un p'tit verre de vodka en temps de confinement!) tellement on est pris par ses personnages.

Le sujet en deux mots : Clarisse, étudiante à Sciences-Po, décide de faire un voyage d'études en Russie sur les traces de sa mère, décédée dans un accident. En effet, tout comme elle, la jeune femme est fascinée par ce pays et elle a le sentiment qu'en y séjournant, elle pourrait peut-être mettre des mots sur des silences et des non-dits que son père refuse de dissiper par le moindre début d'explication susceptible de mettre un peu de lumière sur ce que fut cette mère et ce qu'elle vécut lors de ce voyage fondateur.

Clarisse est donc à la recherche de celle dont elle a hérité, corps et esprit, et dont elle ne sait rien ou presque… Et les tâtonnements de Clarisse en proie à cette quête des origines sont extrêmement touchants : on sent à quel point la jeune fille a besoin de combler des vides pour enfin pouvoir tenter de se construire.

Nous lisons en alternance le périple de la mère puis celui de la fille dans ce pays où, malgré les vingt ans séparant les deux époques et les nombreux changements ayant suivi l'ouverture à la société de consommation (qui, paraît-il, rend les gens heureux), on a l'impression que fondamentalement, les choses n'ont pas vraiment changé : pénurie récurrente, logements vétustes, alcoolisme, chômage, misère, machisme, toujours la même débrouille, le même recours à la ruse si l'on veut survivre, à tel point que certains Russes éprouvent même de la nostalgie pour l'ère soviétique !

Bon, ce que nous dit aussi Julie Moulin, c'est que la Russie, on aime ou on n'aime pas. Pas de juste milieu, pas d'eau tiède.

Moscou, objectivement, n'est pas la plus belle ville du monde (oui d'accord, le Kremlin, la Place Rouge etc etc...) Eh bien, Julie Moulin, Clarisse et Anne en sont folles.

Ajoutez-moi sur la liste. Je n'y ai jamais mis les pieds, je vais rattraper ça bien vite. Et je sais que j'aimerai tout là-bas. Je me pâmerai devant les immeubles délabrés, les trottoirs défoncés par le gel, les parcs poussiéreux, les enseignes criardes et les chopes bling-bling à l'effigie de Rambo-Poutine. Je le sais d'avance, le glauque, le terne et le lugubre enchanteront chacune de mes déambulations. J'aime ce pays que je ne connais que par la littérature et aussi peut-être parce qu'il y a fort longtemps, au début du siècle, mon arrière-grand-mère, née Véra Bobrov, quittait la ville de Serpoukhov pour la France…

Si j'ai connu Véra, j'étais bien trop petite pour qu'elle ait pu me transmettre quoi que ce soit… Quant à ma grand-mère, elle est morte tellement jeune que mon propre père et ses frères en ont été privés… Et pourtant, je reste bien persuadée que cette « âme russe » ne m'est pas étrangère… Une part de moi vient de là, d'un pays que je ne connais pas.

Et précisément, Domovoï m'a permis d'y entrer un peu plus, de rencontrer des Maria Grigorevna et des Serioja avec qui j'espère bien, un jour, trinquer et retrinquer et faire quelques pas aussi, du côté de Souzdal peut-être, entre les petites maisons peintes en bois et une jolie forêt sortie tout droit d'un tableau de Chichkine…

En attendant, le très beau texte de Julie Moulin m'a permis de partir en « âme russe », un beau pays dont on ne revient jamais vraiment…
Lien : http://lireaulit.blogspot.fr/
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Jupe et pantalon

Il y a des expressions auxquelles on est tellement habitué que l'on n'y prête même plus attention au point d'en oublier le sens. Tiens par exemple : "Tu devrais écouter ton corps". Plus rabâchée, on ne fait pas. Eh bien Julie Moulin a tout simplement décidé de s'y intéresser et de la prendre au pied de la lettre pour nous livrer un premier roman original, aussi drôle qu'émouvant. Et dont on ressort porteur d'une extrême tendresse pour les pièces qui composent notre corps et qui ont si peu droit à la parole...



Car ce sont elles les vedettes. Marguerite et Mirabelle les jambes, Brice et Boris les bras, Babette la paire de fesses et puis Camille le cerveau au prénom aussi masculin que féminin, chargé d'orchestrer toute cette machinerie qui permet de faire avancer A., jeune superwoman de trente ans qui court partout. Grâce à cette première partie hautement maîtrisée, à mille lieux du procédé gadget qu'elle aurait pu être, nous faisons connaissance avec A., par la voix de Marguerite, la jambe gauche, l'élément le plus fragile du corps de la jeune femme et peut-être le plus sensible. La rivalité de Brice et Boris dans l'apprentissage de l'écriture, les émois de Babette, les velléités de liberté de Mirabelle, la blessure de Marguerite, l'efficacité de Camille... Tout ceci est drôle, charmant et étonnamment juste. Jusqu'à ce que la machinerie se mette à coincer, faisant vaciller tout l'édifice lorsque Camille craque.



Agathe est à terre, son corps dit stop. Car le sujet est bien là : le burn out d'une héroïne ordinaire qui jongle avec ses différentes casquettes, veut tout assumer et surtout tout bien faire. Un petit soldat qui lutte au boulot pour ne pas être mise au placard après ses deux congés maternité, assume les charges ménagères pendant que son mari lit le journal, et se persuade que c'est normal. Il va donc lui falloir se réconcilier avec ce corps dont elle a trop ignoré les signaux d'alerte et qui la constitue, elle, Agathe, en tant que femme...



Le sujet a beau être sérieux, l'auteure ne se départit jamais de la légèreté qui lui permet de gagner la sympathie du lecteur. Il faut dire qu'on s'y est attaché à Mirabelle, Boris et à tous les autres. Au point, dans la seconde partie, lorsqu'il est mentionné qu'Agathe agite un bras ou une jambe, de lui attribuer tout de suite son prénom et de se demander ce qu'il ressent. Sacré talent !



Pas facile d'être une femme, pas facile de revendiquer de porter à la fois une jupe et un pantalon, pas facile de lâcher prise... Mais lire ce livre est un joyeux moment et peut-être aussi l'occasion de se résoudre, de temps en temps à écouter son corps.



Un premier roman étonnant, qui mérite vraiment d'être découvert !
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Domovoï

Julie Moulin nous avait livré Jupe et pantalon, un premier roman très remarqué, en pièces détachées, donnant voix aux différentes parties du corps d'une jeune femme menacée de burn-out ; le deuxième est en forme de poupées russes dans lesquelles s'imbriquent les histoires de deux femmes à vingt ans de distance. Il y a donc chez elle un certain goût du puzzle qui préside à la construction de ses livres. Mais c'est le seul point qui les relie. Les univers, les atmosphères n'ont rien en commun. Ceux qui reprochent à certains écrivains d'écrire toujours la même histoire en seront pour leurs frais. Il y a pourtant quelque chose entre eux, ce voile de fantaisie qui imprègne les pages, mais une fantaisie dramatique, quelque peu désespérée. L'auteure est passionnée de culture et de littérature russes et ce deuxième roman est en plus traversé d'une brise slave aux accents mélancoliques.



Deux femmes, deux histoires, un secret. Et la Russie. Même si sa mère est morte il y a plus de dix ans, Clarisse, étudiante à Sciences Po n'a pas résolu toutes les questions sur son passé et peine à écrire son futur. De cette mère disparue trop jeune lui reste un amour de la culture russe, quelques objets emblématiques et des photos sur lesquelles elle semble si heureuse, souriante. Des photos prises en Russie, avant la naissance de Clarisse.



"Il en est de nos vies personnelles comme de la mémoire collective : nous avons besoin pour grandir du passé et de ses traces" ; c'est donc sur les traces de sa mère, en Russie que Clarisse va entreprendre son voyage, plus de vingt ans après celui d'Anne. Et le lecteur, lui est invité à suivre en parallèle les parcours des deux jeunes femmes, dans un pays marqué par de nombreux changements. En 1993, les voyages dans la Russie post URSS étaient encore difficiles à organiser et l'apprentissage d'Anne n'a rien à voir avec celui de Clarisse en 2015, dans une société rattrapée par les lois du capitalisme et de la consommation. Pour la jeune fille, la quête est double : retrouver l'histoire de sa mère mais également l'âme de la Russie d'alors, celle emportée et transmise par Anne à sa fille durant son enfance, sous l'égide du Domovoï, gardien du foyer.



L'alternance des voix contribue à perdre quelque peu le lecteur dans ces atmosphères où se percutent fantasmes et réalités parfois crues. L'expérience a un charme certain, qui remue comme les pleurs du violon soudain remixés en version électro. Et fait écho à tous ces héritages que chacun porte en soi, parfois lointains ou inconnus et pourtant si incroyablement présents. J'ai pris un plaisir mélancolique à suivre le dévoilement des poupées, jusqu'au cœur du secret. Si j'avais aimé l'alcool fort, j'aurais bien accompagné ma lecture d'un verre de vodka.
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Domovoï

Comme seul souvenir de cette période Russe, il y a cette photo et une souvenance d'un Domovoï, *sorte de lutin, fait de paille et de rafia, les yeux oblongs remplis d'une candeur innocente au-dessus d'un nez en patate et d'une bouche absente, les lèvres dissimulées par une moustache et une barbe si longue que le corps entier s'en trouve masqué.

* description prise dans le roman

L'écriture est dense avec peu de dialogue. Les chapitres sont courts, regroupés en trois actes. Notre lecture demande de l'attention. J'ai pu lire que quelques pages à chaque fois. Cela m'a donné une impression de lenteur, de longueur. Cependant, je voulais terminer ce livre pour savoir où l'auteure voulait nous entraîner. J'ai bien fait. Les derniers chapitres sont intéressants et donnent une fin que je n'avais pas envisagée.
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Domovoï

Ma belle surprise de la rentrée littéraire, sorti le 5 septembre aux éditions Alma

Julie Moulin ouvre son roman tout début 2015 à Paris, avec Clarisse, jeune étudiante à Sciences Po, issue d'un milieu privilégié et intellectuel. Clarisse doit cependant vivre avec un drame en héritage : la disparition de sa mère, Anne, 10 ans auparavant. Qu'est-elle devenue ? Personne n'en sait rien. Elle décide de partir en Russie, ce pays si cher à sa mère, qui y a vécu pour ses études en 1993. Là-bas se niche peut-être la vérité sur un secret de famille... L'auteure alterne avec intelligence les chapitres concernant Clarisse en 2015 et ceux concernant sa mère, Anne, en 1993, alors qu'elle séjourne en Russie. Dans ce roman, Julie Moulin évoque avec une plume émouvante l'apprentissage de jeunes adultes dans un monde en pleine mutation. En 1993, la Russie vient de naître sur les cendres de l'URSS. Le peuple est marqué par des années de communisme et d'encadrement. Ici, Julie nous offre une vision sublime du peuple russe, l'âme riche et complexe de ces hommes et de ces femmes jamais brisées par l'Histoire, toujours prêts à rebondir, toujours généreux malgré les privations.

Mais on lit aussi en parallèle, la Russie de 2015, avec ses mutations et son repli nationaliste. La Russie de Poutine.

À 20 ans de distance, Anne et sa fille Clarisse vivent l'entrée dans l'âge adulte, marquée par un voyage en terre étrangère. Les voyages forment la jeunesse dit-on, et c'est on ne peut plus vrai dans ce roman. Confronté à d'autres cultures, à d'autres valeurs, à d'autres drames, Anne et Clarisse vivent le tourbillon abyssal de la liberté et de l'amour. Une soif d'absolu et de liberté qui nous rappellera à tous nos premiers voyages d'adolescents hors de nos frontières. Frontières du pays, mais aussi frontières de notre éducation, de notre famille, de notre culture. Nous avons tous ressenti cette forme de liberté à la fois enivrante et effrayante. Et à quelques exceptions près, ce sont les voyages qui nous sortent de notre zone de confort et des barrières sécuritaires posées par nos parents, qui nous forgent, nous construisent, et nous transforment.

Julie Moulin m'a émue au long des 300 pages. Tant à travers du regard de ces jeunes femmes qui se construisent, que dans le regard de l'enfant qu'est Clarisse, à la recherche éperdue de la vérité sur sa mère.

Ce roman nous émerveille, nous fait voyager, nous fait verser une larme. C'est un roman d'apprentissage mais aussi une formidable déclaration d'amour à la Russie et surtout à l'âme russe : ses habitants. En refermant le livre, je n'avais qu'une envie : prendre un billet d'avion pour Moscou et aller boire le thé avec Maria, tenter de percevoir l'ombre d'un Domovoi en embuscade dans le salon.

Petit plus, l'auteure a construit très intelligemment son livre, en nous tenant en haleine avec ce secret de famille en filigrane, dont le dénouement, je dois l'avouer, m'a complètement piégé !


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Domovoï

Jeune étudiante à Sciences Po, Clarisse choisit contre toute attente et sur une impulsion soudaine, de passer un semestre à Moscou pour ses études. Elle ne voit que cette destination possible pour répondre aux questions qu’elle se pose sur sa mère, disparue depuis dix ans, sans s’être beaucoup confiée à sa fille. Le père de Clarisse cultive l’art d’esquiver toute question qui le dérange, ce n’est donc pas auprès de lui qu’elle obtiendra des réponses. Toutefois, soucieux pour sa fille, il lui donne pour son séjour sur place l’adresse d’une ancienne amie russe. Le roman alterne entre 1993, séjour d’Anne en Russie, et 2015, aux côtés de Clarisse.



J’avais beaucoup apprécié la lecture, il y a quelques années, de Jupe et pantalon, le premier roman de Julie Moulin, sur le thème du stress professionnel, vu par les parties du corps d’une jeune femme pressée… un roman aussi original qu’intéressant. Celui-ci est totalement différent, plus personnel peut-être, on y sent l’amour de l’autrice, au travers de ses personnages, pour la Russie, ses villes, ses musées et ses artistes (Kouindjï, Chichkine…) et surtout ses petites gens, leur accueil et leur bonté naturelle.

Une certaine forme d’humour léger passe entre les lignes, alors que le thème de l’héritage maternel ne s’y prête pas vraiment, et que les deux jeunes femmes, à vingt ans d’intervalle, tout en étant fascinées par le pays, peinent un peu à s’adapter à Moscou, pour des raisons différentes. Le Domovoï, sorte de petit génie domestique, participe aussi à cette légèreté, et peut-être ce côté « réalisme magique » aurait-il pu être un peu développé.

Au final, l’histoire est sympathique, pas aussi originale que Jupe et pantalon, mais pleine d’humanité et de finesse, la fameuse âme russe, sans doute. (humanité et finesse, des qualités qu’il ne faut pas chercher chez les dirigeants de ce grand pays, mais ça, c’est une autre histoire). L’écriture montre une originalité qui l’éloigne toujours des clichés et l’autrice maintient, au sujet de la mère de Clarisse, un suspense qui culmine habilement dans les dernières pages.
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Jupe et pantalon

Il faut certes un peu de temps pour s’habituer à ces personnages qui n’en sont pas, à Marguerite, Boris, Babette et les autres… Mais une fois enregistré le fait que les prénoms désignent les parties du corps de A., alors on s’amuse beaucoup avec ce concept. Voici donc Marguerite et Mirabelle (les jambes), Brice et Boris (les bras), Babette (les fesses) et Camille (le cerveau) qui s’invectivent, échangent des informations, tentent de se coordonner quand il ne se livrent pas des luttes de pouvoir. Ce qui nous vaut des interpellations du genre : «Camille, je t’en supplie, passe-moi Brice et Boris.»

Mais peut-être serait-il temps d’en venir à la «propriétaire» de ce corps. A., l'héroïne de ce livre, est une trentenaire au bord de la crise de nerfs. Cadre – très – dynamique, elle est toujours pressée, veut en faire en faire encore plus : «carrière brillante, mère accomplie ! Il y a tout de même un tablier qu’elle a rendu, celui de femme.» Encore quelques symptômes physiques, des poussées dépressives et un complexe de culpabilité plus loin et A. devient Agathe.

Nous voilà arrivés à ce moment de la vie où il faut rebondir pour ne pas s’enfoncer irrémédiablement, où il faut prendre conscience que Camille ne peut tout régenter et que sans le soutien de Marguerite et Mirabelle, de Brise et Boris et même de Babette, il devient impossible d’avancer.

Julie Moulin a trouvé une manière très originale de nous faire comprendre qu’il est essentiel de prendre conscience du corps avec lequel on vit et qu’il ne faut pas oublier de dialoguer avec lui, d’écouter ce qu’il nous dit. On peut aussi y lire une critique implicite des codes qui ont cours dans nombre d’entreprises, à commencer par les plus grandes, et qui imposent aux femmes bien davantage de règles et de diktats qu’à leurs collègues masculins. Dans ce milieu, il faut être parfaite faute de n’être rien du tout.

On est cependant plus dans la fable joyeuse que dans le réquisitoire et du coup, on prend un plaisir certain à suivre Agathe. Comme on prendra, j’en suis persuadé, le même plaisir en suivant le prochain roman de Julie Moulin. Une belle plume comme ça a sûrement plus d’un tour dans son sac !


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Jupe et pantalon

Jupe et Pantalon

Partie 1. Remarquable pour sa prouesse narrative, originale et très bien menée jusqu'à la chute, littérale et figurée. Ça fait du tintamarre avec tous ces membres du corps en dialogue permanent. Epuisant !

Partie 2.

J’ai bien aimé cette déambulation titubante et salutaire dans les rues de Paris, une Pénélope moderne dont l’histoire a un autre dénouement, ou peut-être une Marguerite qui a rencontré son Satan ? Toujours cette grande connaissance du corps et sa fragilité, un corps dont les membres se taisent pour se laisser imprégner par des sensations nouvelles.

Mais c’est la fin qui m'a surprise, très inattendue. Bravo Ms Moulin.

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Domovoï

Merci à Babelio pour l’envoi de ce livre, cela a été une découverte et un dépaysement.

Je vous passe le résumé du livre, que vous trouverez dans la description de l’ouvrage. La recherche opérée par Clarisse, étudiante à Science Pô, sur ses origines nous permet de réaliser une belle plongée dans la Russie moderne et dans le même pays deux ans après la chute de l’URSS. C’est d’ailleurs ce que j’ai préféré dans l’ouvrage, cette peinture d’un monde qui s’ouvre, qui se découvre et qui tente de s’adapter… ou de se réinventer. Beaucoup de détails, de descriptions vivantes, des personnages forts, même si pas toujours sympathiques (la Kommandant de l’internat d’Anne !) On sent l’amour de l’auteur pour la Russie, ce qu’elle reprécise d’ailleurs à la fin.

L’enquête de Clarisse finalement n’est pas selon moi l’élément central du roman, elle passe au second plan derrière les aventures d’Anne en 1993 et le portrait d’une Russie fragilisée et qui tente de se retrouver. Il ne se passe pas grand-chose, c’est une enquête assez lente, presque maladroite, que mène Clarisse. On ne comprend pas toujours où elle veut en venir. Elle résout finalement l’énigme de ses origines, mais c’est à mots couverts, la solution n’est pas donnée très ouvertement, et c’est tant mieux, car cela n’occulte pas l’histoire d’Anne.

Un autre élément envoûtant est le Domovoï, il ajoute une petite touche de fantastique et de farce au roman, je ne connaissais pas ce folklore-là et vais me documenter dessus.

Le format du livre est séduisant également, presque un carré. La couverture accroche également le regard, et les doigts par son aspect côtelé. Le verso de la couverture, ainsi que le recto de la 4e, sont joliment décorés. C’est donc un bel objet que l’on a en main. Son format, finalement, le fait ressembler à un journal intime… ce qu’il est, en quelque sorte.



Merci donc à l’auteur pour ce délicieux et intrigant voyage en Russie qui m’aura captivée pendant quelques heures de lecture.
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Jupe et pantalon

Quand on ouvre "Jupe et pantalon", le premier roman de Julie Moulin, tout d’abord il y a un instant de flottement, pendant quelques pages le lecteur s’interroge… Mais qui est Marguerite, mais qui est Mirabelle ? Qui sont Brice, Boris, Babette, et enfin qui est Camille ? Camille le bien nommé puisque ce prénom, aussi bien féminin que masculin, c’est le cerveau, celui qui commande, qui ordonne, qui hésite, et qui conjugue justement ce masculin et ce féminin qui sont en chacun de nous.

Ensuite il y a A., qui pendant toute la première partie du roman n’est pas nommée, mais que l’on suit à travers les aventures de chacun de ses membres, comme une équipe soudée (ou pas !) comme une fratrie, avec ses colères, ses désaccords, son entraide, sa solidarité… Car A. comme toute super businesswoman qui se respecte, se croit capable de tout concilier. Sa famille d‘abord, avec son mari et ses deux enfants, son travail ensuite, avec la rivalité entre collègues, ces hommes qui profiteraient bien d’un instant de faiblesse pour prendre sa place, avec Étienne, ce boss, qui sous couvert d’entre-aide placerait bien un autre à sa place, A. qui pense qu’elle va arriver à s’occuper d’elle aussi parfois.

Et cette vie, cette lassitude du couple, ce rythme effréné de chaque jour, nous sont racontés par chacun des membres du corps d’A., par Marguerite essentiellement, la jambe fragile, malade, blessée mais si vaillante… Qu’il est étrange de voir la vie par ce prisme, de changer de point de vue, pour mieux comprendre, arriver à s’identifier à une paire de jambes, à une paire de fesses et pourquoi pas à un cerveau tellement sollicité, poussé à bout et si fatigué qu’il tarde à se réveiller. Tout ce stress va faire disjoncter la jolie machine qu’est le "corps composé" d’Agathe… Elle s’évanouit à l’aéroport, au moment où elle doit partir pour un rendez-vous clients important, rentre chez elle dans un semi brouillard, et réalise enfin que sa vie va exploser devant elle. Elle qui n’a rien vu venir !

Julie Moulin nous parle à travers elle de ces femmes modernes qui veulent gagner un combat pour l’égalité souvent perdu d’avance… Car comment lutter quand on rentre de congés maternité et qu’on vous fait comprendre que "Vous n’étiez pas là alors que le collègue lui … " ! Comment y arriver quand en rentrant il faut préparer le repas, coucher les enfants, préparer les cartables, faire la vaisselle, pendant que Paul est devant la télé ou lit son journal ? Comment jongler avec la nounou malade, avec l’école qui appelle pour le petit qu’il faut venir chercher de toute urgence alors qu’on est en pleine présentation stratégique avec Le client, le seul, l’unique qu’il faut absolument chouchouter pour ne pas le perdre, avec les rendez-vous chez le médecin, les activités extra scolaires, et tout le reste, sans s’épuiser, s’oublier, se perdre ? Comment exister quand le poids sur vos épaules est de plus en plus lourd, les missions que vous vous assignez vous-même de plus en plus complexes, la solitude à deux de plus en plus présente pour affronter le quotidien ?

Eh bien, c’est tout simple, on ne peut pas ! Julie Moulin nous le démontre avec beaucoup d’humour pour un sujet grave traité tout en finesse. Il y a un rythme fou dans toute la première partie, comme cette vie intrépide qu’A. essaie de mener, malgré ce corps qui crie à l’aide et qu’elle oublie d’écouter… J’ai aimé justement cet intéressant parti pris dans l’écriture : dans toute la première partie, les différents membres de ce corps prennent vie et prénom pour s’exprimer, exister à la place d’A., puis Agathe apparait enfin, ses membres redeviennent des jambes, des fesses, un sexe, et elle s’éveille alors à une vie nouvelle, plus responsable, plus intime, plus évidente : elle existe, s’écoute et se révèle. Nous montrant sans doute que pour bien vivre avec les autres il faut d’abord mieux vivre avec soi-même. C’est à la fois signifiant et drôle, empreint d’humour et de réflexion, un véritable régal de lecture. A lire puis à conseiller d’urgence à toutes les copines qui tentent désespérément de se prouver qu’elles vont y arriver, avant qu’elles ne se perdent !


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Domovoï

Pour protéger leur foyer, les Russes comptent sur leur Domovoï dont ils respectent scrupuleusement les exigences. C’est que, s’ils y manquaient, cet esprit risquerait de leur jouer de bien mauvais tours...

La mère de Clarisse, la narratrice, qui avait au lendemain de la chute du Mur choisi la Russie pour pays d’adoption, n’avait pas omis de se faire accompagner du sien lorsqu’elle était revenue en France.

Après sa disparition tragique dans un accident survenu dix ans plus tôt, celui-ci continue de hanter les pensées de Clarisse. Désormais étudiante, en quête de sa propre voie, elle ressent le besoin de mieux comprendre qui était sa mère et d’où venait sa fascination pour ce pays. Elle se met donc en tête d’effectuer son stage d’études à Moscou pour suivre ses traces...



A partir de cette situation, Julie Moulin construit une trame narrative en alternant les chapitres revenant sur l’itinéraire de la mère et sur celui de la fille, qu’un peu plus de vingt années séparent. Evidemment, les fils de chacun des deux récits vont peu à peu se resserrer pour finir par s’entremêler et donner ainsi à Clarisse les clés de l’existence de sa mère.

Au-delà de l’intrigue, tout l’intérêt de ce roman réside dans le portrait qui est fait de la Russie et de ses habitants que l’histoire récente a profondément bouleversés. Ce choix permet d’opérer des rapprochements et de souligner ainsi les effets des revirements et les évolutions qu’ils n’en finissent par de connaître.

Si l’on reste un peu en surface des choses, il n’en reste pas moins que ce texte offre une peinture sensible et dresse un état des lieux sans doute assez juste, rendant plutôt plaisante la lecture de ce roman.
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Domovoï

Je vous recommande ce bijou !

Domovoï nous offre une plongée dans deux Russies, celle de 1993 et celle de 2015, au travers du parcours initiatique d'Anne (en 1993) et de sa fille Clarisse (en 2015).

Dans ce roman, transparaît à chaque page l'amour de l'auteure pour la Russie.

Ce n'est pas seulement la réalité "sensorielle" de la Russie qui est si bien décrite, ce sont aussi les traits de caractère des personnages et les contradictions de leurs rapports, entre-eux - dans le chaos de la pénurie où l'homme est un loup pour l'homme et où tout est bon pour survivre - et avec cet Occident, attirant et mystérieux, puis repoussoir dans le contexte des sanctions. Tout en sachant parfaitement dire cette âme russe (expression dont je ne suis pas fan, mais que j'utilise faute de terme plus précis), qui prend aux tripes ceux qui ont "attrapé le virus" de la Russie et qui les attire, les lie, sans qu'ils sachent très bien expliquer pourquoi.

Ce qui frappe avant tout dans ce roman, c'est la justesse absolue. Certaines phrases / formulations sont de véritables perles, nous entrainant dans une plongée dans notre propre âme et en les lisant on ne peut retenir un "mais, oui, c'est exactement ça, c'est exactement comme ça que je le ressens !"

En plus, le livre lui-même est un très bel objet, format agréable, papier doux, en régal pour les sens.

Un véritable coup de cœur !
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Jupe et pantalon

Jupe et pantalon devrait plutôt, si cela sonnait bien, avoir pour titre Pantalon et jupe pour respecter l’ordre des deux parties du roman, aussi différentes que complémentaires l’une à l’autre. Dans la première, ce sont Marguerite et Mirabelle qui prennent la parole, qui interpellent Brice et Boris, ou Babette, ou Camille. Qui sont-ils ? Que font-elles ? Marguerite et Mirabelle, depuis la petite enfance, soutiennent A., la guident dans ses déplacements, la portent, subissent blessures et lésions… Ce sont en effet les jambes de A., et les autres personnages sont ses bras, ses fesses et son cerveau. Mais arrive un moment dans la vie de cette jeune femme pressée, débordée, où ses membres se rebellent et refusent de répondre à ses sollicitations.

La deuxième partie se place alors du point de vue d’Agathe, victime de stress professionnel et familial : un mari, deux jeunes enfants, une maison, un travail prenant, mais un moment arrive où être à la hauteur partout devient trop lourd à porter. Et son corps se révolte, et elle se voit obligée de « l’écouter », comme le le sens commun le conseille bien souvent !

Chaque lecteur aura sans doute une légère préférence pour une partie ou une autre du roman, je les ai pour ma part trouvé bien complémentaires. L’auteure a donné la parole à Agathe juste lorsque je commençais à sentir un peu les limites de la première partie. L’humour s’allie à l’originalité, la finesse de l’observation à l’inventivité pour faire de ce roman une très agréable lecture, qui sort des sentiers battus, et parlera à toutes et tous, wonderwomen ou non ! Sous des abords plaisants, ce texte montre, sans démontrer, que le féminisme a encore bien des combats à mener, que ce soit dans le monde du travail, dans la ville ou dans l’espace domestique. Et qu’il ne faut pas attendre que son corps déclare forfait pour souffler un peu !
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Domovoï

Il a fallu que l’item du mois de juin pour le défi littéraire lancé par Sylvie, une amie lectrice, soit "un livre dont le titre ne comporte pas de E" pour que "Domovoï", le second roman de Julie Moulin quitte enfin l’étagère de la bibliothèque qu’il squattait depuis le mois de septembre 2019. Rencontrer Anne et Clarisse fut un véritable plaisir.



Anne, la maman a vécu en Russie dans les années quatre-vingt-dix. Vingt ans plus tard, c’est Clarisse, sa fille, qui s’y rend. C’est ainsi que l’auteur va nous faire voyager dans le temps et l’espace par chapitres alternés. Je n’aime pas les comparaisons mais je voudrais tout de même souligner la grande différence de genre entre ce dernier ouvrage et le premier de l’auteure "Jupe et pantalon" qui démontre un certain talent à se renouveler.



Mais revenons à "Domovoï". J’ai apprécié ce roman à plus d’un titre : l’intrigue, car c’en est bien une que cette quête d’une mère disparue trop tôt et présente par les seules photos laissées d’une vie antérieure. Le mystère, un mystère aux allures de secret, reste entier que Clarisse souhaite percer. J’ai, par ailleurs aimé le personnage important qu’est la Russie, son histoire, sa politique. Se succèdent un pays tout juste sorti de l’effondrement de l’URSS, sa misère, sa violence, la prostitution des femmes, l’alcoolisme, les pénuries en tout genre et celui d’aujourd’hui, plus ouvert, plus capitaliste, plus enclin à la consommation. J’ai aimé les nombreuses références aux peintres, musiciens, artistes en tous genres, les descriptions de paysages, l’étude minutieuse de chaque protagoniste. Et surtout, j’ai aimé la recherche de cette âme russe, toujours présente dans les mots de Julie Moulin. On y ressent son propre intérêt, son amour pour ce pays. J’ai aimé son écriture, belle, poétique, légère avec, en plus, ce petit côté espiègle, ce sourire décalé qui rompt agréablement le sérieux des propos précédents. Il en est ainsi lorsque Goharik, qui fut l’amie d’Anne, raconte sa vie à Clarisse et lui parle de son ex-mari "Il [l’] a quittée dès qu’une jeunette s’est extasiée sur sa bedaine…Plus un homme est gras, plus il y a de chance qu’il soit riche. Je (Clarisse) me garde de lui donner mon avis ; chez nous, une protubérance de l’estomac serait plus l’apanage d’un joueur de pétanque."



Ainsi ce voyage au pays de Gorki et des Frères Karamazov, de la Place rouge et du palais de Peterhof fut un enchantement. Si je n’ai pas fait allusion à ce fameux Domovoï, c’est pour vous laisser découvrir son importance. Prenez-le par la main et laissez-vous guider.



"Domovoï" : красивый роман (ochen' krasivyy roman) un beau roman.


Lien : https://memo-emoi.fr
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Domovoï

Il est habituel dans les milieux littéraires, de dire ou d’écrire que les lecteurs sont toujours déçus par le deuxième roman d’un auteur, que celui-ci ferait mieux d’enjamber cet obstacle et de sortir directement le troisième. Domovoï est le deuxième roman de Julie Moulin, et il est magnifique.

Le domovoï qui donne son titre au livre est l’esprit protecteur de la famille et du foyer russes, (domoï c’est la maison en russe), mais ce petit génie ne se montre pas toujours sympathique, il peut jouer des tours cruels s’il estime que l’on ne s’est pas assez bien occupé de lui.



Une sorte de nain barbu, griffu, au regard oblique dont la reproduction sur d’anciens livres en cyrillique me gardait éveillée jusque tard dans la nuit. J’espérais à ne jamais le rencontrer pour de vrai.


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Domovoï

Domovoï! Te voilà bien malgré toi le héros de cette rentrée littéraire! Évidemment, caché dans un recoin improbable de la maison ou de la datcha, tu ne t'attendais pas à cet instant de gloire. C'est pourtant grâce aux belles phrases de Julie Moulin nous contant l'histoire de Clarisse que tu nous transportes dans une Russie en pleine transformation. Une Russie authentique, avec ses aspects très attirants et ceux plus détestables.

Décidément les temps changent et comme dit l'auteure : les Domovoïs ne se laissent plus seulement séduire par du lait ou du pain blanc. Ils aiment la géopolitique.

Ils aiment aussi les histoires de personnes à la recherche de vérité et de mondes nouveaux.

Et nous aussi, on aime ce parcours initiatique en suivant ce Domovoï facétieux comme Alice suit son lapin blanc ou Marguerite, son Maître.

Et puis comment ne pas être sensible à ce "besoin pour grandir du passé et de ses traces."

Forza Julie. Ce roman est très beau. Je le conseille vivement.

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