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Citations de Karine Tuil (1464)


Sa mère, c’était un sujet tabou. Anita Farel était une ancienne prostituée toxicomane qui, après avoir eu quatre fils de trois pères différents, les avait élevés dans un squat du XVIIIe arrondissement. Jean l’avait retrouvée morte, un après-midi, en rentrant de l’école, il avait neuf ans. Ses frères et lui avaient été placés à la DDASS. À cette époque, Jean s’appelait encore John, surnommé Johnny – en hommage à John Wayne dont sa mère avait vu tous les films. Il avait été accueilli et adopté par un couple de Gentilly, en banlieue parisienne, avec son petit frère, Léo. 
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Mes parents ne m’avaient laissé entrevoir l’amour qu’à travers les livres dont ils considéraient qu’ils étaient des codes d’apprentissage de la vie. Eux-mêmes ne pouvaient pas me servir de modèles, ils s’aimaient d’un amour étrange, une forme de communion intellectuelle; leurs esprits étaient en parfaite harmonie tout comme le sont des corps mus par la même attraction. Ils parlaient pendant des heures, ils se caressaient avec leurs mots, leurs désaccords intellectuels étaient aussi virulents, leurs débats aussi animés que la banale dispute de deux amoureux. Je n’avais jamais connu une entente de cet ordre-là avec une femme. Avec Claire, l’amour s’apparentait à un rapport mercantile: il y avait un débiteur, un créditeur; nos relations étaient aussi saines que peuvent l'être celles qui unissent un banquier et son client.
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Pour la première fois de ma vie, je rencontrais une femme qui ne jugeait pas mes actes, n’analysait pas mes pensées, n’intellectualisait pas nos rapports. Une étrangère qui ne parlait pas la langue de mes parents. À la question : « Aimez-vous Céline ? » que mon père lui avait posée lors de leur première rencontre, Claire avait répondu : « Céline ? J’adore ! Surtout depuis que l’on a nommé ce nouveau créateur à la direction artistique de la maison ! » Et mon père avait baissé les yeux, consterné mais par qui ? Des deux, qui était le plus ignorant ? Elle, qui n’avait jamais lu l’écrivain français ou lui dont le regard n’avait pas été captivé par les collections du créateur de mode ?
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Karine Tuil
p. 521 La plupart des gens préfèrent le confort à la prise de risque, dit-il, enfin, parce qu’ils ont peur du changement et de l’échec, alors que la plus grande des peurs devrait être celle d’une vie gâchée.
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Osman aimait citer des passages du Manuel ou des extraits d’interviews, et notamment cette phrase sur les jeunes que Saul Alinsky avait prononcée dans un entretien accordé au Monde en 1971 : Les jeunes ? Ils ne cherchent pas une révolution mais une révélation. Un visionnaire… Cette affirmation seule expliquait ce qui, lentement, transformait les quartiers les plus marginalisés : la tentation communautaire, la crispation identitaire et religieuse autour d’un islam rigoriste – une révélation pour ceux qui ne croyaient plus en une révolution possible.
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L’obligation de réussir – cette menace qui pèse sur vous dès la naissance, cette lame que la société vous place sous la gorge, qu’elle maintient fermement jusqu’à la suffocation et ne retire qu’à l’heure de la proscription, ce moment où elle vous met hors jeu, vous disqualifie, c’est l’heure du grand nettoyage, on élimine comme on dérode ! – ce qu’il y a de jouissif dans ce bannissement dont on ne sait jamais s’il est provisoire ou définitif, cet instant où l’on est admis dans la confrérie des finis/des ratés/des has been, ceux que l’âge ou l’échec ont marginalisés, les sans-papiers et les sans-grade, les petits et les simples, les inconnus et les ternes, ceux qui pointent aux Assedic, se lèvent tôt, dont le nom ne vous dit rien, ceux que l’on ne prend pas au téléphone, que l’on ne rappellera jamais, auxquels on dit « non », « plus tard », pour lesquels on n’est jamais libre et jamais aimable, les moches, les gros, les faibles, les femmes jetables, les amis ridicules, les débarrassant – enfin – de la peur de décevoir, de la pression que le souci de plaire fait peser sur eux, ces impératifs que l’on s’impose à soi-même, par individualisme/goût des honneurs/soif de reconnaissance/de pouvoir/mimétisme/instinct grégaire – tous ces effets dévastateurs des rêves avortés de l’autorité parentale/du déterminisme/des utopies hallucinatoires, cette injonction brutale qui régit l’ordre social et jusqu’aux rapports les plus intimes – Soyez PERFORMANTS ! Soyez FORTS ! il y avait été soumis comme les autres -, mais moins prégnantes aujourd’hui où personne n’espérait plus rien de lui, où lui-même n’aspirait qu’à jouir de son identité retrouvée, la lame avait ripé, au suivant !
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Le monde a été créé en sept jours, c'est exactement le temps qu'il m'aura fallu pour détruire le mien.
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Comme beaucoup d'hommes et de femmes enchaînés par la parentalité, j'avais renoncé à ma liberté pour ma sécurité et celle de mes enfants - l'individu cède toujours devant la collectivité.
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 On aura beau se fier à des éléments cohérents, chercher à tout maîtriser, il y aura toujours une part d’incertitude, une marge d’erreur – quoi qu’on fasse, l’individu reste une énigme aux autres et à lui-même ; on ne sait jamais qui on a en face de soi. 
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On passe des heures avec les mis en examen, pendant des années, des heures compliquées au cours desquelles on manipule une matière noire, dure. À la fin de mon instruction, je dois déterminer si j’ai suffisamment de charges pour que ces individus soient jugés par d’autres. C’est une torture mentale: est-ce que je prends la bonne décision? Et qu'est-ce qu'une bonne décision? Bonne pour qui? Le mis en examen? La société? Ma conscience? p. 111
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"D'abord, nommer les faits. Dès qu'il y a pénétration, il y a viol. Après, bien sûr; il y a une échelle des peines : un doigt, c'est trois ans; une pénétration sexuelle , six, a peut aller jusqu'à quinze, mais c'est rare. Si le suspect n'a pas d'antécédents judiciaires, des garanties morales, s'il a un bon niveau social et joue profil bas, ça peut descendre à deux, avec sursis. S'il est noir, maghrébin, étranger, sans papiers, il prend plus. Puis vient la question du consentement. Faut placer le curseur. Ça devient rapidement social, un viol. Je vous choque ? Moi je le dis toujours à mes clientes : la partie adverse va traquer chaque détail de votre vie. Vous avez bu ? Vous avez dîné, dansé avec votre agresseur ? Vous l'avez rencontré sur Internet ? Ils finiront par conclure : elle l'a bien cherché."

Maître X, avocat
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Karine Tuil
« Réminiscence », une nouvelle inédite de Karine Tuil IN le Monde 4 août 2020

A l’origine d’un livre, il y a toujours un effondrement. Il n’y a pas d’autre ambition que d’assurer sa propre survie, c’est décevant, évidemment ; on préférerait affirmer qu’on écrit par vocation, protestation, pour la reconnaissance, le pouvoir, le succès – pour être aimé. On mentirait. On écrit pour ne pas se mettre une balle dans la tête. Mon dernier livre est le produit de cet effondrement.
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Il est intelligent, il a vite saisit comment cette fille fonctionnait et, elle, elle n'a pas sa perspicacité, elle n'a pas les codes, elle n'a aucune grille de lecture pour le comprendre.
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- Il ne te reste pas tant d'années que ça pour avoir des enfants. A moins que tu n'aies pensé à congeler ses ovules ?
Yasmina ne réagit pas. Elle avait entendu tant de fois ce genre de remarques blessantes, cette sommation sociale à procréer.
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Comprendre les autres n'est pas la règle dans la vie. L'histoire de la vie, c'est de se tromper sur leur compte. C'est même comme ça qu'on sait qu'on est vivant : on se trompe.

Philippe Roth, Pastorale américaine
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Elle souhaitait vivre dans une société où les femmes ne devraient pas être obligées de s'écarter des hommes pour être tranquilles.
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Devant le juge, vous ne direz pas que vous buvez, même occasionnellement. Vous ne direz pas non plus que vous jouez au poker sauf si vous apprenez que le juge est lui-même un joueur. Vous ne direz pas que vous fuyez vos amis quand ils sont dans le malheur mais que vous les soutenez, vous les soulagez en les faisant rire. Vous ne direz pas que vous n'avez jamais désiré d'enfant ni que vous frappez votre chien. Vous ne parlerez pas de politique. Vous ne direz pas que votre fille écoute Marilyn Manson - toutes les associations catholiques sont liguées contre lui. Enfin, vous direz à quel point il est difficile d'être humoriste, vous parlerez de l'obligation d'être toujours drôle, de la peur de ne pas être à la hauteur. Vous êtes une victime, c'est ce que vous direz devant le juge, c'est ce que vous répéterez devant les jurés.
(p. 116)
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Et je me déguisais comme les autres, je portais masque et costume. Un parfait animal social. (...) Nous interprétions avec plus ou moins de talent les rôles que la société, nos parents, nos conjoints, nos enfants nous avaient assignés. Tu seras avocat - pour le prestige de la robe. Tu épouseras cette femme - un parfait hétérosexuel. Tu auras trois enfants - quelle belle famille ! Nous récitions nos textes tels qu'ils avaient été écrits pour nous, par d'autres qui disaient nous connaître, qui disaient nous aimer, sans oser changer un mot, sans en altérer la ponctuation de crainte d'en modifier le rythme. Le respect des apparences : Fiez-vous à ce que vous voyez dans les miroirs déformants que la société a spécialement créés pour vous !
(p. 76-77)
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Elle avait passé les trente années suivantes à justifier ce qu’elle appelait « un égarement » ; elle disait qu’elle était tombée sous la coupe d’un « pervers narcissique ». La réalité était plus prosaïque et moins romanesque : elle avait eu une passion sexuelle qui n’avait pas duré.
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Samir grattait le sol avec un morceau de bois. Il y avait dans ce geste toute la lassitude d'un homme qui aurait perdu la notion du temps. J'ai voulu m'approcher pour lui parler [...] mais Yuri m'a barré la route avec son bras d'un mouvement brutal. Il m'a dit : 'C'est qu'un Arabe'. Au centre [de rétention], le jeu social, loin d'être aboli, instaurait ses règles impitoyables, engendrait ses propres conflits et ce n'était plus une simple lutte des classes mais une rivalité profonde, un combat pour la survie, une compétition, chacun cherchant à défier l'autre, à l'abaisser à une condition inférieure, à paraître plus convenable, mieux intégré, chacun espérant supplanter l'autre dans la course à l'accession aux titres de séjour.
(p. 88-89)
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