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Citations de Ken Bugul (50)


Le mouvement noir né en ces années-là ne me convainquait pas. Il reflétait le stéréotype du mouvement occidental. C'était encore une forme d'aliénation, tout cela avait été fomenté par le Blanc, pour mieux camoufler ses ravages et faire dévier le Noir d'un vrai éveil à une conscience depuis que des oracles avaient trouvé l'idée de négritude que le Blanc noya dans l'embryon sous ses applaudissements.
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Pousser à la liberté ne rendait pas libre, enlever les chaînes au prisonnier n'était pas lui donner la liberté. La liberté c'était la paix. Qu'avait deviné Jean Wermer en moi pour me parler de liberté ? Qui étais-je?Comment étais-je?Quel jeu jouais-je? Je n'étais consciente de rien. Que voulait dire s'assumer quand l'être ne s'était pas accepté et édifié ? Je voulais vivre, sans appréhension, sans savoir. Vivre l'instinct dont je n'avais aucune conscience, aucun contrôle. L'instinct sauvage né dans la fumée du train qui avait emporté la mère ! Comme la bête traquée qui se jetait dans le piège tendu par les chasseurs, je cherchais une issue en étouffant des élans naturels (P.101)
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Quand un enfant se réveillait de sous une moustiquaire, les moustiques l’attendaient au pied du lit, s’il y en avait, pour lui souhaiter un bon réveil.
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La nature, qui avait horreur du vide, s’était révoltée et avait déversé son ire sur le peuple qui n’avait pas un minimum de lucidité pour voir que les nouveaux occupants n’étaient là que pour le pouvoir personnel.
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La terre respectée respectait l’être humain. La terre faisait vivre. Mais quand la terre méprisée s’était révoltée, elle avait expulsé de ses entrailles tout son contenu. La terre chassa le peuple qui n’avait pas résisté.
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C’était une démocratie à une seule face. Les mots avaient cet avantage, ou plutôt cet inconvénient, d’avoir plusieurs sens selon la manière dont ils étaient employés. Démocratie, dans ce pays et dans bien d’autres, signifiait faire ce qu’on voulait quand on était aux affaires. Il y avait l’impunité ou l’amnistie pour les uns ; les menaces, la mort, l’exclusion, pour les autres ; et pour le peuple, l’ultime onction.
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Il y a les uns et il y a les autres.
Les uns ne voient même pas le soleil.
Les autres vivent dans le soleil.
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Le Philosophe lui aussi approuvait ce que le Chef de la police disait. Pour le Philosophe, certains crimes n'étaient pas des crimes. La manière dont le corps du grand lépreux avait été découpé, avec les petites parties sexuelles enfoncées dans la bouche, cela signifiait quelque chose et c'était cela qu'il fallait connaître, c'était cela qu'il fallait analyser. Il y avait un message dans cette mise en scène. Et les quatre lampes-tempête allumées, posées aux quatre points cardinaux, émettaient d'autres signes. Finalement, le corps découpé en gros morceaux n'avait pas d'importance. Pour tous les deux, le Chef de la police et le philosophe, ce qui les intéressait, c'était l'histoire qu'il y avait derrière tout cela.
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Durant sept ans, Góora avait pensé retourner au Jolof comme un héros. Ce désir de retour triomphal était si intense et si fort… Les immigrés y pensaient comme l’aboutissement des sacrifices et des souffrances endurées depuis qu’ils étaient partis de chez eux. Ils ne survivaient qu’en s’accrochant à ce désir. Ceux qui voulaient retourner chez eux mettaient des années à le faire. Tant qu’ils ne pouvaient pas combler ces attentes, ils reportaient leur retour. C’était plus violent que ce qui les avait poussés à partir. Ils traînaient alors leurs vies loin de chez eux, dans l’amertume. Certains se créaient des espèces de vies, d’autres perdaient la leur, dans la folie ou la mort. Les immigrés qui retournaient chez eux sans combler les attentes, étaient harcelés par les langues déliées qui finissaient par les briser. Sans alternative, il fallait repartir. N’importe où. Comme si devoir partir n’obéissait plus à aucune raison, à moins de se soulever et de se révolter contre ce devoir, contre le système pervers et ses langues déliées réductrices. Pour ceux qui n’avaient plus ce désir, c’était l’anonymat existentiel. Ils n’avaient pas les moyens de justifier leur départ. Ils n’avaient plus d’objectifs de vie. Ils n’existaient plus pour eux-mêmes ni pour les leurs. Ils finissaient en zombies errant à travers eux-mêmes. Ceux qui disaient le contraire mentaient ou occultaient ce qui les avait poussés à partir. Leurs vies n’avaient plus de sens et ils étaient condamnés.
Ils ne pouvaient exister que chez eux.
C’était chez eux que les vraies échelles de valeurs avaient du sens.
C’était chez eux qu’ils avaient une vie à construire ou à déconstruire.
C’était chez eux, là où ils avaient une histoire, que la vie avait du sens. Les immigrés ne voulaient pas une vie meilleure ailleurs, mais une vie meilleure chez eux. C’était pour cette raison qu’ils étaient partis. Ils cherchaient un passeport pour retourner chez eux et ce passeport était un retour triomphal. Et on n’était vraiment bien que chez soi. Billaay !
Quand on y était considéré. Quand on y était en sécurité.
Quand on y était éduqué et formé. Quand on y était soigné.
Quand on y vivait dans la décence.
Quand on n’y était pas harcelé, persécuté.
Quand on n’y était pas torturé ou menacé de mort.
Quand on n’y était pas indigné par la pauvreté endémique.
Quand on n’y était pas choqué par l’exclusion et la discrimination.
Quand on n’y était pas horrifié par la corruption et le gaspillage.
Quand on n’y était pas outré par la prédation et les malversations.
Quand on n’y était pas écœuré par l’injustice et l’impunité.
Quand on n’y était pas tympanisé par les pollutions sonores des discours de politiciens, d’intégristes, de néo-prêcheurs, de prédicateurs.
Quand on n’y était pas révolté par les impostures intellectuelles, historiques, politiques, sociales, économiques, culturelles, environnementales.
Quand on n’y était pas manipulé par les charlatans et les langues déliées.
Quand on n’y était pas englué dans le nouveau concept de considération.
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Je n'avais point mal. Je n'avais pas d'infection. J'étais tuée. Ce n'était pas l'intervention, c'était l'avortement en lui-même qui m'avait abattue. (P.76)
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Dans le malheur, on retourne vers l’enfance on y retrouve les saveurs, le calme, l’harmonie…
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Pour avoir les autres,pour être avec les autres,parlons-leur un langage qu'ils comprennent,ayons une attitude qu'ils distinguent,restons à leur niveau,le seul langage que tous les êtres humains comprennent,c'est le langage humain.
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L’écriture pouvait l’aider à retrouver « sa tête ». Et depuis, elle avait son cahier et son Bic avec elle où qu’elle se trouve. Sur la couverture du cahier elle faisait des gribouillis, dans les cafés, les bars ou sur les genoux, assise sur un banc public. L’abstraction de ces gribouillis reflétait son état général.
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Bigué avait besoin de parler à quelqu’un pour retrouver « sa tête » qu’elle avait arrachée au Général, lors de la confronta- tion. Celui-ci ne voulant pas s’avouer vaincu, usa de sortilèges normands, bretons ou lorrains et Bigué égara « sa tête ». Ce fut son ami, son frère, Abdou Salam Kane, paix à son âme, qui lui conseilla d’écrire au lieu de parler, et lui remit ce jour-là un billet de mille francs Cfa. Avec cette somme, Bigué acheta un cahier et un Bic noir dans une petite boutique tenue par un Peul du Fouta, sur l’avenue Albert Sarraut. Il lui restait de la mon- naie avec laquelle elle acheta des bonbons au gingembre.
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J'étais seule, comme seul un arbre savait l'être. Au village là-bas, devant la concession familiale enfouie dans les baobabs, il y avait un arbre fruitier, très grand. Son tronc s'était penché pour mieux soutenir avec grâce son feuillage généreux. Combien de fois je l'ai regardé, quand tôt le matin, j'allais ramasser les fruits tombés, il était là. Il affrontait seul, les baobabs, la savane, les vents, le soleil, le festival des nuits du Ndoucoumane. Cette solitude-là n'était pas comparable.
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"Elle portait une robe en légos, mot déformé de la ville de "Lagos" au Nigéria, où le colonisateur britannique déversait ce tissu aux couleurs vives, destiné au nègres, au détriment de leurs propres tissus faits main, brodés ou teints à l'indigo. D'autres colonisateurs fabriquaient des tissus "WAX", inspirés des techniques de batik de leurs lointaines possessions d'Asie du Sud Est. Ils les déversaient de même sur le marché des nègres à travers des sociétés coloniales de distribution, avant que les dynamiques femmes du Golfe de Guinée ne s'accaparent une grande partie du marché."
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Un melon ne remplit pas un ventre. Le melon désaltère mais donne faim. Nous devons nous accrocher à quelque chose de plus stable, de plus solide, quelque chose qui nous fera vivre.
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Le peuple était immunisé, il n’était pas rassuré, mais il n’était pas effrayé. Il n’avait rien à perdre. Tout ce qu’il voulait, c’était assurer le quotidien. Le lendemain ne comptait pas .
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Il fallait peut être casser des termitières et des fourmilières pour y trouver quelque chose. Les fourmis avaient l’habitude de stocker toutes sortes de choses et, durant la famine, pendant la période de l’ancienne occupation, les gens cassaient les termitières.
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Un homme qui avait été attaqué, mordu ou griffé par un lion avait du sang de lion dans ses veines.
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