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Critiques de Lance Weller (197)
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Le cercueil de Job

Rentrée littéraire 2021 # 28



Je referme ce livre avec la solennité et la gravité qui siéent au sentiment d'avoir lu un grand roman, un de ceux qui parviennent à parler des blessures inguérissables des Etats-Unis en résonnant avec force et intensité, tout en clair-obscur. Une nouvelle fois, Lance Weller remonte à la violence des fondations d'un pays hanté par l'esclavage et la guerre civile à travers le destin de deux personnages extraordinaires errant dans le Tennessee, en pleine guerre de Sécession.



Bell Hood, toute jeune esclave, s'est enfuie de sa plantation, elle cherche à joindre un Etat nordiste avec comme seuls repères les étoiles et notamment l'astérisme de la constellation du Dauphin, le Cercueil de Job dont le terrible nom effraie par son écho prémonitoire autant qu'il se veut une mire d'espoir pour Bell Hood. La rencontre avec cette dernière se fait par le biais d'une description saisissante : elle est marquée au fer rouge sur les joues, marque en forme de hameçon, et une de ses dents est percée d'un trou en forme d'étoile, caprice de son ancien maître pour punir son père qui avait cherché à fuir.



Et puis Jeremiah, soldat sans conviction côté confédéré, mutilé aux mains lors de la terrible bataille de Shiloh, qui déserte mais qui semble, plus que fuir la guerre, être en quête de rédemption et de liberté, lui aussi.



La conduite du récit est passionnante, on est suspendu aux mots de Lance Weller pour découvrir comment ces deux-là vont se rencontrer, quel passé ils partagent. De longues phrases, presque faulknériennes dans leur débit, chaloupent, chargées d'images, capables d'avaler le monde entier. Elles disent toute la férocité de la guerre, de la bataille de Shiloh ( avril 1862 ) à celle de Fort Pillow ( avril 1864, marquée par le massacre des unités yankees «  coloured » ). C'est violent, cru, au ras du sol, dans la poussière et la boue. le rendu est remarquable.



Le roman est indéniablement sombre mais malgré tout, la lumière transperce régulièrement les pages. Grâce à l'écriture poétique et lyrique de l'auteur dans des descriptions d'une nature immuable impuissante à empêcher la fureur humaine. Grâce à des personnages secondaires particulièrement soignés qui semblent former comme une chaîne de solidarité et de bonté : les esclaves en fuite Dexter ou January June qui prennent sur leurs ailes Bell Hood malgré leurs propres failles ; le daguerréotypiste blanc Henry Liddell qui forme comme un fils January June ; ou encore Mary Groff qui soigne et accueille Jeremiah.



Un grand roman, somptueux et dense au puissant souffle épique pour dire la liberté, l'amour et le pardon dans une Amérique crépusculaire en proie à ses démons.
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Les marches de l'Amérique

J'ai refermé cet exceptionnel roman totalement éblouie ! Trois semaines après cette lecture, je sens encore son souffle formidable résonner en moi. Waouah !



Lance Weller nous fait plonger dans l'histoire fondatrice des Etats-Unis, première moitié du XIXème siècle, bien avant la guerre de Sécession, au moment où se construit cette nation dans une violence indélébile.



Direction les Marches, ces zones frontières particulièrement exposées à la fureur des hommes, âprement disputées entre le Mexique et les Etats-Unis qui viennent d'annexer le Texas et visent désormais le Nouveau-Mexique et la Haute-Californie. Ces marches de l'Amérique sont aussi symboliques, c'est toute la frontière entre le Bien et le Mal, le choc entre la civilisation et la barbarie, la confrontation du Blancà l'Autre qu'il soit esclave ou Indien.



C'est dans ce chaos de violence que l'auteur projette son trio, deux hommes, une femme, tous absolument saisissants de romanesque. A commencer par Flora, esclave auto-émancipée, une guerrière qui a vécu le pire et n'a tenu que grâce à une haine qui se diffuse dans tout son être et son corps. J'ai rarement rencontré un personnage féminin aussi puissant que celui-ci. Vois comment l'auteur la décrit à 14 ans :



« Instinctivement, les hommes se redressaient et rectifiaient leur tenue, déglutissant, la gorge serrée, tandis que des fantasmes de chair et de possession, débridés et honteux, montaient des entrailles des plus vertueux.(...)Quant aux femmes, elles se lançaient immédiatement dans un calcul corseté où il était question de sang et de quantités infinitésimales, estimaient les facteurs et les diviseurs du côté paternel, pour finir par siffler des mots comme octavonne et quinteronne une fois qu'elles imaginaient avoir trouvé l'équation de la personne. Mais ensuite, quand les hommes et les femmes voyaient son expression et la lueur dans ses yeux, ils étaient pris de frisson et poursuivaient leur chemin en toute hâte, se disant que son sort était ce qu'il y avait de mieux, pour elle comme pour eux. L'esclavage était plus sûr pour cette fille au visage cruel. »



C'est cette incroyable créature surpuissante qui embarque les deux autres - malgré leur sinistre réputation, surtout parce qu'ils sont des marginaux comme elle - dans sa quête de vengeance et de liberté. Fascinants personnages dont on découvre le passé au gré d'une construction qui sait alterner passé / présent sans que cela ne fasse factice ou déjà-vu. L'ellipse arrive pile quand il faut pour suspendre le temps, le retour en arrière percute le lecteur juste quand il lui fallait une électroc pour comprendre les aspirations profondes qui les animent.



C'est Flora qui donne un but à leur errance dans cette sauvage Amérique en construction. La venger, oui, mais surtout être libre, s'affranchir du passé, peut-être avoir une nouvelle chance qu'elle soit revanche ou rédemption. Pourtant, le trio semble avancer vers une fatalité terrible, cela ne fait aucun doute pour le lecteur, c'est évident. Mais l'écriture de l'auteur est tellement sublime, ample, ciselée, qu'elle transcende toute cette tragique errance vers quelque chose de lumineux.



Décidément, les éditions Gallmeister font un travail éditorial absolument formidables ! Que de trésors découverts grâce à elles ! Me reste plus qu'à me jeter sur Wilderness, le premier roman de Lance Weller.







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Le cercueil de Job

En pleine guerre de Sécession, la jeune esclave noire Bell Hood prend la fuite vers le Nord et la liberté. Engagé parmi les confédérés, Jeremiah Hoke survit mutilé à la terrible bataille de Shiloh, et, hanté par les atrocités auxquelles il a assisté, se lance lui aussi sur les routes avec au coeur l’espoir de se racheter. Leur dangereux périple sur le fond d’un pays à feu et à sang les mène tous deux vers les mêmes lieux, faisant à nouveau se croiser leurs destins déjà marqués par un drame commun.





Le Cercueil de Job est un astérisme dans la constellation du Dauphin. Si ce nom lugubre résonne sur le récit comme une malédiction, il est aussi pour Bell Hood, au travers des histoires dont son père a bercé son enfance, le symbole de l’espoir en une autre vie possible, dans un lieu rêvé où les Noirs disposeraient librement et sans peur d’eux-mêmes. C’est cette image, seule lumière rescapée du cauchemar de la plantation, qui lui donne la force de s’échapper, puis de poursuivre sa route malgré les embûches. Dans la profonde noirceur qui pèse sur la narration, elle est la petite flamme, fragile mais inextinguible, qui entrouvre l’avenir vers une Amérique différente, celle qui, un jour, comme en témoigne l’entame de chaque chapitre, commencera à reléguer dans ses archives historiques le traumatisant souvenir de toute cette violence.





En attendant, entre exécutions d’esclaves et boucherie des champs de bataille, le roman se déploie dans un réalisme cru et violent, dessinant dans le sang et la boue une fresque historique étourdissante, encadrée par deux temps forts : la bataille de Shiloh, qui, en 1862, horrifia les deux camps par l’ampleur alors sans précédent de son carnage, et celle, deux ans plus tard, de Fort Pillow, tristement célèbre pour la polémique que suscita le massacre de prisonniers nordistes, majoritairement noirs. Heureusement, de ce chaos et de cette folie se détachent quelques bribes d’humanité, comme autant de bouffées d’oxygène empêchant le lecteur de céder à l’accablement. Elles sont incarnées par une poignée de personnages secondaires attachants, formant, comme les étoiles qui guident Bell Hood, une constellation placée sous l’égide de l’entraide et de la bonté.





S’il m’a parfois semblé un peu pesant à la lecture, Le cercueil de Job est un grand et puissant roman, probablement majeur pour comprendre l’Histoire de l’Amérique, et pour que l’on n’oublie jamais avec quelle férocité les démons de la ségrégation y ont longtemps refusé d’enfin céder le pas.


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Les marches de l'Amérique

Voilà un livre dans lequel l'image stéréotypée du beau cow-boy aux yeux bleus et ténébreux, au chapeau en cuir légèrement incliné, pose virile sur son cheval, clope au bec, est loin, très loin. Le cow boy ici n'est pas vraiment un héros à la Clint Eastwood : il est crade, sent mauvais, est souvent ivre, a une haleine de chacal et n'hésite pas à tuer : « La sueur transformait leurs haillons en une enveloppe à l'odeur âcre. La sueur et les relents ordinaires de la misère humaine : la pisse, la merde, la peur et le désespoir, réunis dans un halo palpable d'effluves qui saturaient l'air autour d'eux ». C'est une façon ultra réaliste qu'a Lance Weller de nous conter la conquête de l'ouest, le tout servi par une écriture enchanteresse.



Les marches de l'Amérique sont ces lisières territoriales, ces zones frontières, démarcations entre le bien et le mal, entre la sauvagerie et la civilisation, entre l'Amérique et ces espaces encore non conquis, à l'ouest, et dont les conquêtes successives ont construit l'Amérique. Ces marches qu'il faut dompter pour avoir une Amérique s'étendant de l'Atlantique au Pacifique, alors que les indiens luttent et défendent leurs territoires. Ces territoires, comme le Texas, qui réclament l'annexion, versent leur sang en combattant tout ce qui est mexicain ou indien. Des endroits où l'herbe laisse place aux broussailles, puis au sable, à la cendre, aux pierres sur lesquelles les sabots des chevaux font jaillir des étincelles. L'air y est sec et électrique, les nuages immenses et majestueux. Bienvenu en enfer à la marge de toute civilisation ! « Cet endroit n'est pas fait pour les hommes ni pour les bêtes. Il est même pas fait pour les porcs. (Il se pencha pour cracher dans le feu, puis il s'essuya la bouche.) C'est rien d'autre qu'une chaudière où on va tous brûler».



Nous suivons les déambulations, ou plutôt les errances, d'un trio composé de deux hommes, Tom et Pigsmeat, et d'une femme, Flora. Errant vers l'ouest, ils se trouvent à la lisière, dans le wild, croisant des pionniers, des vagabonds, des hors la loi, de pauvres hères en recherche d'un ailleurs meilleur, de l'Eldorado, d'un nouveau commencement.

Un trio à la puissance romanesque incroyable, des personnages superbement campés, tout en ombres et en lumières : Flora, esclave sexuelle émancipée, une Mexicaine dorée par le soleil, ou une Indienne, dont la force de caractère résonne encore en moi. Elle est belle mais d'une beauté qui fait peur : « d'une beauté si parfaite et si terrifiante qu'aujourd'hui encore, après tant d'années, tu ressens toujours cette impression dans ton coeur, car tu avais compris, rien qu'en la voyant, que l'histoire de cette femme était monstrueuse, que son avenir ne pouvait être qu'un funeste fardeau».

Tom, enfant silencieux, dont la naissance même fut silencieuse, si silencieux tout bébé qu'il en devenait effrayant ; sa mère n'hésitera pas à lui tordre le bras de temps à autre afin qu'il puisse enfin émettre ne serait-ce qu'un son. Son enfance sera triste : « La mère de Tom passait ses longues journées, sombres, tristes et froides, avec son étrange enfant silencieux, contemplant l'extraordinaire gel de l'été couvrir les vitres d'écailles qui faisaient penser à de délicates toiles tissées par des araignées laborieuses ». Tom sera ensuite un homme silencieux puis un tueur d'hommes. Il y a le timide et laid Pigsmeat enfin, au bon coeur, qui voue une amitié indéfectible à Tom.



Tous trois ne savent pas vraiment qui ils sont, s'ils sont bons ou mauvais, cette errance aux lisières du pays est la quête de leurs propres frontières.



Ce western captivant a laissé ses empreintes en moi, telles des griffures à la margelle du coeur. Il m'a conquise, perturbée, tombant avec fracas dans le puits profond des émotions, à l'écluse de l'intime. Ce roman a le charme des chansons d'Emily Jane White (Hole in the middle), ce charme qui fleure la chaleur, la sueur, la crasse, les grands espaces, la liberté, les chariots bâchés et les tentes, la poussière, la boue, les soleils couchants sanglants. Qui fleure la violence aussi. Omniprésente la violence. C'est un personnage à part entière du roman, elle est parfois explosive, parfois contenue mais bien visible, indélébile, proche, la violence rôde : « Il se retourna, les mains palpitantes au bout de ses poignets comme s'il ne savait pas quoi faire de ses poings ; ou comme s'il le savait mais se retenait à grand-peine de le faire. »

Mais à cette violence, parfois insoutenable, s'entremêlent une poésie d'une authenticité poignante et de fréquents passages de Nature Writing d'une beauté simple et sauvage. Et je crois bien que c'est ce mélange là qui fait toute la force du livre. Oui, l'écriture de Lance Weller est sublime, merveilleuse quand elle raconte les nuages, les ciels étoilés, les soleils couchants, remarquable quand elle exprime la rage et les souffrances de ses personnages…même un mal de tête est décrit à merveille, au point de sentir presque ses propres tempes palpiter.



La volonté de conquête de l'ouest narrée par Lance Weller pourrait être résumée ainsi : « Il alla vers l'ouest pour la simple raison que c'était là que le soleil tombait et c'est précisément cela qui l'attira – on aurait dit que le vent le guidait dans cette direction et l'herbe qui se courbait sous le vent indiquait elle aussi cette direction en frissonnant. Et les pulsations du sang dont il avait hérité le conduisaient vers l'ouest, une sorte d'attraction héliotropique le poussant vers un horizon rougeoyant. » La conquête de l'ouest par Lance Weller, c'est à la fois violent et magnifique, et "ça secoue quand même son bonhomme !"





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Les marches de l'Amérique

Un western âpre et rugueux, une ambiance délétère en permanence ou presque, l'Amérique des pionniers était un monde de fous à n'en point douter !

Trois personnages principaux, trois histoires parallèles qui, n'en déplaise aux férus de géométrie vont se rencontrer pour écrire une histoire digne des westerns les plus rudes.

Il y a Tom et Pigsmeat, et aussi Flora, nous allons les découvrir intimement à la faveur d'une narration complexe voire déroutante parfois car ponctuée de multiples flash back, et si nous savons dès le début qu'ils voyagent ensemble en convoyant un cadavre, les digressions seront nombreuses, cela dit c'est justement cela qui va faire toute la force et l'intérêt de ce récit, la rencontre de trois personnages d'une grande densité à la destinée incertaine.

Que dire de cette histoire ? Les personnages avancent, ils continuent leur chemin sans vraiment savoir où les mènent leurs pas, errant sans but à la recherche d'eux-mêmes. Ce qui est sûr cependant c'est que cette quête sans but se révèle passionnante pour le lecteur, le vécu des trois acteurs est captivant et tragique à l'image de ce pays en construction.

J'ai aimé tous les aspects du récit, les descriptions sur la route autant que les incursions dans le passé des uns et des autres jusqu'à l'épilogue.

J'ai aimé les rencontres, les bonnes comme les mauvaises avec une affection particulière pour celle entre Tom et Gaspar qui m'aura fait passer du rire aux larmes.

J'ai aimé le style au ton juste, aussi bon dans les descriptions que dans l'action ou encore dans les phases introspectives, ce bouquin est impossible à lâcher.

Enfin je ne peux m'empêcher de faire une comparaison avec Lonesome Dove, les thèmes sont les mêmes, les personnages assez proches, le périple interminable parce que sans fin, les personnages féminins ont de troublantes similitudes (pas divulgâcher). Il se trouve qu'ayant lu les deux ma préférence va sans conteste à Lance Weller, et tant pis s'il n'a pas reçu le prix Pullitzer ;)

Il me reste à remercier à nouveau Doriane qui m'a initié aux western pour mon plus grand plaisir de lecteur :)
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Le cercueil de Job

Un grand merci à Babelio et aux éditions Gallmeister...



En pleine guerre de Sécession, Bell Hood, une jeune esclave noire, marquée au fer sur les joues et un trou en forme d'étoile sur l'une de ses dents, s'est enfuie du domaine de Locust Hall. En compagnie de Dexter, qu'elle a rencontré il y a tout juste deux jours, elle poursuit sa route vers le Nord, la peur au ventre, voulant à tout prix échapper à tout homme blanc susceptible de l'enchaîner à nouveau...

En ce dimanche 6 avril 1862, après avoir essuyé la pluie la veille, les hommes se réveillent péniblement, encore frigorifiés pour certains. Parmi eux, Joe Hoke, du Kentucky, enrôlé dans l'armée confédérée un peu par hasard. Contrairement à son compagnon d'arme, Charlie King. Très vite, l'air n'est plus le même, l'ambiance devient tendue. Au loin, à travers bois, les bruits de fusillade, d'abord légers puis de plus en fort, crépitent par delà leurs rangs. Hoke ne sait pas encore qu'il participe à la terrible bataille de Shiloh, bataille au cours de laquelle il en sortira blessé...



Quel souffle que ce dernier roman de Lance Weller ! Où l'on suit, en chapitres alternés, les destins de Bell Hood, cette jeune esclave noire éprise de liberté, et Joe Hoke qui, en quête de rédemption, va errer pour mieux se retrouver. Deux destins magnifiques, profonds, que l'on devine liés. À leurs côtés, des personnages secondaires tout aussi forts, marquants, touchants pour certains, notamment Henry Liddell, le daguerréotypiste itinérant qui prendra sous son aile June, esclave affranchi. Dans une Amérique en guerre, que ce soit sous les canons meurtriers ou sous un ciel étoilé, tous se battent, se démènent pour redonner, autant que faire se peut, un sens à la condition d'humains. De sa plume étoffée, lyrique et visuelle, Lance Weller donne à voir, à sentir et à ressentir, captant avec force et réalisme, l'horreur, la violence, les émotions et les sentiments. Il dresse le portrait d'une Amérique scindée, sanglante, souillée et meurtrie par une guerre pour le moins absurde.

Une saisissante fresque romanesque...

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Wilderness

Automne 1899. Abel Truman habite seul dans sa modeste cabane, tout près de l'océan, au bord de la forêt obscure, avec son chien pour seul compagnie. Lorsqu'il se lève un matin de cet automne 1899, il ne sait pas encore qu'il va partir. Rassemblant juste quelques affaires, sa vieille Winchester, sa couverture, sa canne, il laisse derrière lui sa cabane. Et parce qu'il veut aussi laisser ses souvenirs, la plupart douloureux, il tente de se noyer. Mais la mer le rejette. Puisqu'il en va ainsi, le vieil homme décide de marcher, sans but, son passé se rappelant à lui...



Lance Weller fait osciller son roman entre deux époques : en 1899, où l'on suit l'errance d'Abel et son chien et en mai 1864, jours de la bataille de la Wilderness à laquelle Abel participe et qui fera des milliers de victimes des deux côtés. Si l'auteur dépeint avec finesse et beaucoup d'émotions le cheminement du vieil homme encore traumatisé aussi bien par la guerre que par son chagrin personnel, c'est au plus près des combats qu'il fige ces scènes de guerre, ces ambiances poussiéreuses, ces hommes meurtris, ces chairs brûlées et les compagnons d'Abel devenus fantômes. Des descriptions tout à la fois saisissantes et effroyables. Et Abel, blessé dans son cœur et dans sa chair, croise sur sa route des hommes violents et voleurs, il pourra tout de même compter sur la générosité d'autres hommes. À la fois d'une beauté cruelle et d'une sensibilité exacerbée, ce roman nous émeut, nous étreint, nous happe dès les premières pages.

Époustouflant de maîtrise... et ce, pour un premier roman.

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Les marches de l'Amérique

1815, Plymouth, non loin de Old Burial Hill. C'est là que naît, dans une cabane, Thomas Hawkins, dit Tom. Un enfant si silencieux que sa mère n'hésite pas à lui tordre le bras afin qu'il émette ne serait-ce qu'un son. Un enfant silencieux qui deviendra un adolescent silencieux puis un tueur d'hommes...

Non loin de chez Tom, né deux ans avant lui, vit Pigsmeat Spence. Même si les deux enfants ne se côtoient pas et se perdront de vue, ils finiront, quelques années plus tard, par parcourir ensemble les grands territoires de l'Amérique...

Flora, elle, semble visiblement née sous une mauvaise étoile. Enfant de toute beauté, vendue par son maître à Boss, elle deviendra une esclave sexuelle, enfermée dans une minuscule chambre de la demeure familiale...

Trois destins bientôt unis dans le sang...



Les marches de l'Amérique nous plonge dans la première partie du XIXème siècle, bien avant la guerre de Sécession, bien avant que les États-Unis ne soient ce s'ils sont aujourd'hui. Ici et là, l'on se bat pour un bout de terre, l'on massacre, l'on viole. Mexicains, Indiens, anciennes colonies. Sur ces terres sans horizon, Tom et Pigsmeat errent sans but, avancent au hasard, au gré des rencontres, avec leur passé sombre et sanguinaire. L'auteur dépeint avec force et, malgré tout, sensibilité trois portraits saisissants et époustouflants, en toile de fond une Histoire états-unienne captivante qui leur échappe. Alternant passé et présent, un roman torturé, d'une beauté sauvage et d'une écriture ciselée et dense. À la fois sombre et lumineux...
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Wilderness

La bataille de la Wilderness.

Ce que mes yeux ont vu, nul ne saurait le décrire.

Trente ans de ça et pourtant c'était hier.

Aujourd'hui je suis vieux et seul. Enfin, c'est comme ça que les autres m'imaginent car moi j'ai Ned.

Mon chien, mon fidèle compagnon d'infortune.

Nos journées sont rythmées par le vacarme des rouleaux océaniques qui viennent se fracasser contre les fenêtres de ma modeste cabane de bois flotté.

Je m'appelle Abel Truman et m'apprête à prendre aujourd'hui la route pour un ultime voyage.



Lance Weller signe ici un premier roman époustouflant.

Les éditions Gallmeister remplissent une nouvelle fois pleinement le cahier des charges. Une histoire solide, de grands espaces somptueux où le regard se perd, rien à redire sur ce nouveau genre méritant qu'est le nature writing.



Chantage à peine voilé : à tous les amoureux du genre décidant de passer à côté de cette pépite, j'arrête de respirer pendant 10 sec !



Weller alterne les époques en narrant passé et présent avec un égal bonheur. Hier, 1864, le temps de se battre pour sa survie dans cette forêt dévastée tout en se demandant si la folie des hommes a réellement un sens. Aujourd'hui, 1899, les enjeux sont différents mais tout aussi vitaux, retrouver son Ned spolié par de vils salopiots.

Deux périodes, un thème récurrent, la violence qui s'en dégage à des degrés divers.

Un magistral roman sur le trauma de la guerre.

Le parcours d'un homme simple, Abel, pour qui l'on se prend d'affection les premières pages tournées tout en déplorant que ses bases aient été fondées dans l'abîme et le chaos.

Un road-movie qui vous prend littéralement aux tripes.

Des paysages majestueux et des tableaux militaires d'une rare brutalité qui longtemps vous poursuivront dans ce Wilderness, grand dévoreur d'espace et d'espoir...



Un immense merci à Steppe pour avoir suscité l'envie...

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Le cercueil de Job

« le Cercueil de Job était accroché de travers à la queue du Dauphin comme un cerf-volant détaché traînant sa ficelle derrière lui.

Et toutes les étoiles brillaient délicatement au-dessus de l'autre bout du monde. »

J'ai toujours été fasciné par la poésie qu'inspirent les constellations et cette magnifique citation en début du livre ne déroge pas à la règle.

Le Cercueil de Job est le troisième roman de Lance Weller, auteur que je découvre ici par ce texte fabuleux, d'une écriture à la beauté somptueuse et tragique.

Nous sommes entre 1862 et 1864, dans l'État du Tennessee, déchiré en pleine guerre de Sécession...

Nous découvrons les destins croisés de trois personnages qui ne sont pas prêts de me quitter.

Il y a tout d'abord cette jeune esclave en fuite, Bell Hood, qui espère rejoindre le Nord en cherchant à s'orienter grâce aux étoiles. Son père lui avait appris à lire son chemin ainsi. le Cercueil de Job est une constellation qu'elle suit ainsi chaque nuit et qui la guide dans son chemin périlleux.

Bell Hood a seize ans, son visage a été marqué comme une bête au fer rouge sur chacune de ses joues, deux marques en forme d'hameçon et lorsqu'elle sourit, - mais pourquoi voudrait-elle sourire dans ce monde en proie à l'horreur ? on aperçoit un trou en forme d'étoile qui a été percé dans une de ses dents, pour que son propriétaire la reconnaisse au cas où un jour l'envie lui viendrait de fuir, l'envie de fuir comme aujourd'hui. Elle n'a plus rien à perdre... À seize ans, ses yeux ont déjà vu tant d'horreurs, sauf dans le sillon des constellations que son père dessinait avec son doigt tendu vers le ciel...

Elle rencontre dans sa traque January June, ancien esclave affranchi, plus âgé qu'elle, mais dans ce monde en tumulte, il n'est pas certain que tout le monde accorde le même crédit à ce mot d'affranchi. Fuir vers le Nord, c'est fuir pieds nus à travers les ronces et les rivières, c'est fuir les chasseurs d'esclaves bien pire que les propriétaires de plantations de coton, c'est fuir leurs chiens qui ne lâchent rien, c'est croiser des cavaleries en déroute...

Dans cet itinéraire façonné de destins croisés, il y a aussi le chemin de Jeremiah Hoke, ancien soldat confédéré mutilé aux mains, ayant déserté l'armée après le massacre de la bataille de Shiloh, qui entame alors un parcours d'errance qui ressemble davantage à une tentative de rédemption qu'à une fuite de la guerre et de l'armée...

Bell Hood et Jeremiah Hoke sont liés par un drame originel commun qui les a marqué à jamais durant leur jeunesse...

Tandis que des constellations d'étoiles leur montrent le chemin du Nord, les deux jeunes fugitifs, Bell et January, piétinent des terres lacérées de feu et de sang, côtoient l'enfer, des paysages dévastés par des brasiers, des clairières empestées de charniers, croisent des cavaleries décimées, celles qui se sont battues pour l'abolition de l'esclavage et celles qui se sont battues contre ces mêmes droits.

L'absurdité d'une guerre civile, - comme toutes les guerres d'ailleurs, se mesure-t-elle à ces scènes d'une horreur sans nom, avec les plaies béantes des corps encore tièdes, humains et animaux mélangés, l'horreur et la putréfaction à ciel ouvert, la guerre qui coupe un cheval en deux comme elle coupe une nation en deux, jette des bras, des mains dans un paysage de toute beauté où l'on se demande ce qui pourra repousser ici après cela ?

L'absurdité d'une guerre civile, c'est cette genèse de l'Amérique d'aujourd'hui sans doute posée dans ce texte, et son impossible réconciliation, des plaies toujours à vif longtemps après...

Les scènes de guerre sont au plus près des chairs mutilées, on peut encore entendre les râles des quelques survivants, ce sont des peintures tragiques et grandioses digne d'un tableau de Jérôme Bosch, ce sont des peintures qui bougent, qui crient, qui hurlent, qui agonisent, qui ne veulent pas qu'on oublie... Jamais...

Pourtant, les pages de ce roman baroque sont traversées d'une lumière saisissante. Elle transperce les coeurs et les corps des personnages, dessinent leurs paysages intérieurs, esquissent des gestes de bonté qu'on croyait impossibles, des rêves d'espoir qu'on croyait inutiles... Nous illumine...

Ce livre m'a asséné un coup au ventre. Il est rare de ressentir un tel flot d'émotions, cela ne m'était pas arrivé depuis longtemps.

Le souffle épique de ce texte y est sans doute pour beaucoup.

J'y ai vu aussi le tableau d'une Amérique en effroi, ce fameux rêve américain construit sur la violence, sur la ségrégation, c'est un portrait sans concession, qui n'est pas sans nous rappeler une certaine Amérique d'aujourd'hui...

Et puis il y a ce personnage attachant de Bell Hood, qui sent, ressent les choses, la vie plus que tout, avec des gestes toujours épris de bonté, malgré les blessures, la traque des loups et des hyènes, malgré la mort et l'impossible liberté... Où puise-t-elle sa force après cela ? Et puis il y a ce personnage secondaire, totalement atypique d'Henry Liddell, daguerréotypiste itinérant de son état, encore un qui cherche à capter la lumière si belle, si éphémère dans le tumulte du temps et du monde.

Le Cercueil de Job est une fresque lyrique au ton crépusculaire. Crépusculaire, comme l'Amérique le sera à jamais.

Dans le cadre de la dernière opération Masse Critique, je remercie Babelio et les éditions Gallmeister de m'avoir offert l'occasion de découvrir ce roman magnifique et cet auteur qui compte désormais pour moi.

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Les marches de l'Amérique

Lance Weller, deux livres, deux chocs !

En le terminant, j'en reste presque aussi éprouvée qu'après Wilderness : on sait l'homme capable du pire mais, dans des décors grandioses ,au coeur d'une nature sublime ,l'horreur atteint des sommets de perversité ,un paroxisme souvent insoutenable .



Certes, c'est une fiction. Pourtant, cette fresque sociale du XIXème siècle devient un document historique par la recherche biographique et politique fouillée et précise :des scènes du quotidien avec toujours en toile de fond les prémices de la guerre de sécession.



le roman met en scène deux héros qui, en élargissant leur horizon vont permettre au lecteur de visiter le wild, là où se croisent des pionniers,des fuyards, des paysans, des hors-la-loi, des vagabonds.

Et, bien sûr, ces rencontres vont permettre de mettre en exergue tous les maux et tous les vices inhérents à cette faune bien souvent déshumanisée par la souffrance , la violence du quotidien , habitée par un instinct de survie incroyable.



C'est la loi du plus fort, l'appât du gain, la recherche de l'eldorado ,le royaume de la violence et du pillage.

le meurtre est banalisé, quotidien , évident !

Viol, esclavagisme, maltraitance du plus faible ...rien ne manque !

Une peinture du far-west hyperréaliste ! L'aura du cow-boy en prend un coup ! Repoussant, crasseux, violent ,mauvais le héros ! (d'ailleurs, il ne s'appelle jamais Clint ! )

Mais, ce tableau de misère sociale, de désespoir ,de solitude noyé d'alcool et de folie met en évidence les difficultés de la colonisation et si l'auteur met au premier plan les assassinats des hommes, indiens et autres, en toile de fond , de temps à autres ,on a des bruits de la guerre, au loin comme un rappel de l'avancée inéluctable de la civilisation de l'homme blanc , celle qui va violer et détruire la nature originelle laissée intacte par les indiens depuis des milliers d'années.



Tout au long de la lecture, je me suis vraiment crue devant un film de Tarantino . Alors, scénarisé ? oui.

Mais avec talent, ça passe bien.

J'ai apprécié la très belle construction littéraire que j'ai comparé à une oeuvre musicale : des notes légères, sensibles poétiques pour les touches de nature-writing ,des descriptions ardues ,fortes pour les bruits de guerre (quelque chose de Wagnérien ...) des notes de douceur, de tendresse et d'amour...

Mais, j'ai surtout dans la tête un hurlement apocalyptique , le son de la barbarie extrême , vraiment extrême , l'horreur vraiment scénarisée avec force détails. Insupportable par moment .



Sinon, l'usage de flashbacks est plutôt réussi ,il donne du rythme au récit.

Et, dans ce monde de brutes, les deux héros ne sont bien sûr pas dénués de courage, de vertus et s'ils ont la gâchette facile, leur grand coeur en fait des justiciers de bonne compagnie pour le lecteur.

Alors, encore un succès et peut-on déjà dire qu'on a lu le dernier "Weller" ?

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Les marches de l'Amérique

C’est l’histoire de cette Amérique de la première moitié du XIXe siècle qui ne s’appelle pas encore tout à fait les États-Unis. C’est le récit de trois vies, celle de Flora dont la beauté de quarteronne ou d’octavonne, on ne sait, en fera une esclave sexuelle puis une prostituée, animée par la volonté inaliénable d’assouvir sa vengeance. Celle de Tom dont les céphalées et la fatalité le transformeront en meurtrier. Celle de Pigsmeat, « viande pour les cochons », dont la laideur n’a d’égale que son humanité. Trois trajectoires de vie, trois destinées si remarquablement bien décrites que l’on jurerait qu’elles sortent tout droit d’un livre d’histoire. Le roman de Lance Weller ne laisse à aucun moment la place à la rêverie ou le temps de bayer aux corneilles. Les évènements se succèdent, zigzaguant dans le temps, talentueusement sans respect pour l’ordre chronologique établi des choses.

Tout bien réfléchi, ce n’est pas beau une nation qui nait.

Traduction remarquable de François Happe, pour autant que je puisse en juger.

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Le cercueil de Job

Après Les marches de l’Amérique et Wilderness Lance WELLER continue d’immerger son lecteur dans l’Histoire des États- Unis. Dans Le cercueil de Job il nous emmène en plein cœur de la guerre de sécession qu’il va nous montrer sous toutes ses facettes.



Nous rencontrons dans un premier temps Bell Hood et Dexter deux jeunes esclaves en fuite qui se sont rencontrés sur le chemin qu’ils espèrent être celui de la liberté. La rencontre avec ces deux âmes à qui on a arraché l’innocence de l’enfance très tôt est un moment de grâce. Dès les premiers instants le lecteur ressent une profonde empathie pour ces enfants.



Puis nous faisons la rencontre de Hocke, un combattant rebelle, plus par hasard que par conviction. Il ne défend pas une idéologie. C’est un pauvre gosse paumé à qui on a mis une arme entre les mains et qu’on a envoyé à la boucherie. Une histoire intemporelle et universelle. Ce personnage et son regard sur le carnage des champs de bataille fait écho au personnage d’Abel dans Wilderness.



Nous rencontrerons aussi le personnage de June, un esclave lui aussi en fuite qui a eu une vie surprenante et qui porte un regard différent sur le monde. Il se questionne notamment sur le poids des mots. Toute chose porte un nom et cela lui semble important de nommer les choses correctement. Mais la maîtrise des mots n’est pas pour les esclaves. Encore une barrière pour les garder serviles. Les mots sont chargés de pouvoir et pourtant parfois ils sont vains.



Petit à petit, chemin faisant, WELLER va nous dévoiler l’histoire de ces différents personnages avec beaucoup de talent et de subtilité. Une situation, une parole, un regard, … amenant un souvenir. Une phrase ou une situation faisant écho à un autre évènement et donnant ainsi au lecteur le sentiment que tous sont intiment liés par le destin. Un destin symbolisé par les étoiles dont il est très souvent question dans ce livre. Quand on y pense le chemin de fer fictif qui guidait les esclaves vers la liberté se basait entre autre sur les étoiles. Là encore cette référence à fait écho à ma lecture de Wilderness et au personnage d’Abel qui garde le souvenir vivace d’une pluie d’étoiles admirée dans son enfance.



Sous la plume de WELLER la cruauté de la vie apparaît douloureusement belle. C’est un poète de la douleur ; de la dignité dans le désespoir. Il peint des personnages aux âmes pures que toute une vie de violence n’a pas su briser. C’est abrupt, râpeux, violent et doux à la fois. L’espoir est ténu mais tenace et virulent.

Les descriptions de la nature sont belles et poétiques. Des sons, des odeurs, des couleurs. Une beauté qui tranche avec la boucherie des champs de bataille et la cruauté humaine.



D’un point de vue historique ce livre est aussi très intéressant. WELLER nous montre clairement que si le nerf de la guerre semble être l’abolition de l’esclavage c’est loin d’être le cas. Beaucoup de combattants considéraient plutôt cette question comme secondaire. Les combattants de l’Union défendaient l’unicité du pays et les rebelles sudistes voulaient leur indépendance. Cela n’empêchait pas certains confédérés d’être esclavagistes et certains rebelles de ne pas l’être. Je me suis alors fait la réflexion qu’au même moment (1861/1865) les guerres indiennes étaient en cours et que le sang coulait partout. Après avoir fait quelques recherches j’ai appris que certains indiens (ceux des 5 tribus dites civilisées) avaient pris part à la guerre dans les deux camps et que certains d’entre eux possédaient même des esclaves ! Aberrant et complètement incompréhensible!



Une nation qui s’est bâtie sur le sang donc, mais n’oublions pas qu’au même moment la France bâtissait son empire commercial et sa puissance économique grâce à l’esclavage outre mer et que de grandes familles françaises étaient des négriers. On pourrait aussi parler du roi Belge qui faisait couper les membres des enfants des esclaves au Congo qui n’avaient pas été assez productifs. Mais là je m’égare…



Un livre qui m’a donc amené à cogiter mais qui est avant tout d’une grande beauté et surtout très bien écrit. J’aurais pu trouver une citation à chaque page tellement la plume est belle. Mais comme le dit une de mes babel-copine qui se reconnaîtra « La citation est à la littérature ce que la rondelle est au saucisson » et pour ce livre je la rejoins. Les mots de WELLER sortis de leur contexte perdent de leur force et de leur poésie mais lus dans leur intégralité ils ont une âme et le pouvoir de vous étreindre la gorge et vous enserrer le cœur.



Une petite rondelle de saucisson pour vous mettre en appétit : « Et de temps en temps, les étoiles apparaissaient le soir, isolément ou en groupes, comme s’il y avait quelqu’un là haut qui les allumait avec une bougie d’où coulait la cire de la Voie lactée à travers le firmament ».
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Wilderness

Balade bucolique en Virginie. C’est avec une sensation d’émerveillement que je traîne les sabots ce jour dans cet état. La nature se pare de tons, d’ombres et de lumières. Vert, ocre, noir, forêt sombre, sentier lumineux. Je vois un vieil homme, un bras inerte, une âme meurtrie. Il soulève la poussière d’un chemin piétiné quelques années auparavant par des milliers d’hommes. Il appelle son chien, compagnon de route depuis des années. Le crane en vrac, coup de massue, laissé pour mort, il reprend difficilement ses esprits, après l’attaque sauvage qu’il vient de subir. Ce coup qui a failli lui être fatal – son chien kidnappé – le replonge dans les souvenirs de guerre, trente ans plus tôt. C’est son dernier voyage, sa dernière pérégrination, usé par la vie et par le sang de ses souvenirs.



Ces souvenirs le replongent dans cette terrible nuit du 5 mai 1864. Des milliers d’hommes se couchent dans la poussière, des milliers d’hommes se retrouvent éventrés mêlant leur sang à la poussière, des tirs de canon chantent à tue-tête une complainte assourdissante, un massacre désordonné de deux camps se partageant les victoires et défaites de la guerre de Sécession. Le vieil homme s’en est sorti, une « chance » que de survivre à ce monde perdu dans la nature, le long d’une rivière de sang et de poussière. Ce qui frappe l’imagination, c’est avant tout la magie du lieu, sa beauté, cette forêt sauvage qui garde tant de mystères en elle et qui maintenant emprisonne tant de douloureux souvenirs. Car c’est bien dans l’enchantement d’un tel lieu que se succéderont les plus sanglantes batailles, celle de Wilderness et celle de Spotsylvania.



Le vieil homme déambule, l’esprit dans le vide, le bras mort, l’âme presque éteinte. Sa survie, il la doit probablement à son chien, lui le vieux loup solitaire qui s’est construit sa cabane à l’écart de toute civilisation. Cela sera son dernier salut, retrouver son compagnon, encore plus vieux que lui maintenant, le seul être cher à survivre à ses côtés. Alors il avance, dans la forêt, ses souvenirs aussi, et probablement la fin de l’humanité devant tant de barbarie, devant des corps d’hommes en feux, devant des chevaux en feux. Puanteur et douceur écœurante, la gerbe au bord des lèvres, le sang qui coule d’un œil, d’un bras, d’une jambe, les entrailles qui sortent d’un bide éventré.
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Wilderness

Comment dire à quel point j'ai aimé ce livre ? Proche de l'angoisse de la page blanche, j'ai débuté 20 fois au moins cette chronique. Mais à peine plus d'une phrase jetée sur le papier et me voila redevenue muette. Encore toute imprégnée de l'ambiance et du rythme de cette histoire si puissante, comme emmitouflée dans mon souvenir de lecture, je n'ose le brusquer de peur de le perdre.



L'histoire est simple. D'abord, il y a Abel. Vieil homme solitaire, vivant dans une cabane avec son chien pour unique compagnon. Il y a les blessures d'Abel, la guerre de Sécession, mais pas seulement. Et puis parce que la mer le rejette quand il cherche à s'y perdre, il y a un départ et le début d'une marche. Avec ses souvenirs pour seuls bagages, Abel prend la route et entame une quête difficile vers la paix et le salut.



La simplicité n'empêche en rien la densité et la plume de Lance Weller - dont c'est le premier roman - touche à la profondeur de l'âme sans user d'artifices ni de tournures alambiquées. Sa puissance évocatrice atteint des sommets dans le chapitre central consacré à la bataille de la Wilderness (mai 1864 - Virginie).

Il décrit, raconte les faits, s'attarde sur les détails, nous présente un personnage, puis un autre et nous dit le petit bout de sa vie qui va faire de lui un être différent, l'évènement ou le traumatisme qui va changer les choses.

Il ne cherche pas à expliquer la guerre, à en décortiquer les tenants et les aboutissants. Il nous en montre juste l'horreur et rappelle que dans un camp comme dans l'autre, le soldat savait rarement pourquoi il se battait ou en tout cas, n'était pas forcément convaincu par La cause. Pourtant, tous pressentaient que ce conflit déterminerait le destin de leur pays.

L’ambiguïté des sentiments d'Abel à ce sujet est un point fort du roman, lui, originaire de New-York et, par hasard en Caroline du Nord quand la guerre a débuté...



Il ne nous oublie pas nous lecteurs, s'adressant parfois directement à nous : "... et si vous aviez été là pour voir cela, pour l'entendre, le toucher, le goûter et le sentir, c'eût été quelque chose. " (p189 Bataille de la Wilderness).

Il y a donc ce chapitre central "Le Champ de Saunders", où toute la violence du monde se déchaîne et autour duquel s'articule le récit. Il y a la guerre, la sécession et toute cette partie de l'Histoire qui fera de l'Amérique ce qu'elle est aujourd'hui. Mais il y a tant d'autres choses. Tant de destins croisés sur lesquels s'arrêter et s'émouvoir.



Aucune linéarité dans le récit. On passe d'une époque à une autre, de l'avant

à l'après. Et dans tous ces allers-retours, on rencontre des hommes et des femmes témoins d'une époque. Tous victimes, tous blessés. Certains à terre, d'autres se relevant et s'évertuant à construire.

On marche avec Abel et l'on suit la route de ses souvenirs, on s'émeut de son présent. On vit intensément la même histoire que lui. Avec la nature pour compagne, on pense à Jim Harrisson, Charles Frazier ou Jack London.



Et on ralentit sa lecture pour goûter pleinement la beauté des paysages, le repos après la marche. On redécouvre après l'horreur et les années de solitude le goût d'un repas pris autour d'une table plutôt que d'un feu, avec des amis plutôt que seul... On ralentit sa lecture pour faire le contrepoids à la vitesse des balles, la furie des combats, l'instantanéité de la mort.



Je n'ai pas dit grand chose de la relation unissant Abel et son chien, pourtant essentielle dans le récit. Mais Lance Weller le fait si bien, usant du dialogue homme-bête avec brio, humour et une infinie tendresse.



Vous l'avez compris, j'ai été littéralement envoûtée par ce roman. Il y avait longtemps que je ne m'étais pas sentie aussi proche d'un personnage. Je relirai ce livre, c'est sûr, juste pour m'imprégner une fois encore de cette ambiance certes pesante, désespérée, mais si totalement

empreinte d'humanité....







Un grand merci aux éditions Gallmeister et à Babelio. Mon premier 5 étoiles "Masse critique".









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Wilderness

Salut. Moi c’est Abel. Vous occupez pas de ma vieille carcasse. J’suis qu’un fantôme. J’ai déserté ce monde après la guerre de Sécession et j’me suis réfugié dans cette vieille bicoque, là sur la plage. Seul. Enfin y’a le chien aussi il vit avec moi. C’est pas MON chien, lui et moi on s’est choisi alors disons qu’on est compagnons de route. Et puis je n’ai jamais été vraiment seul de toute façon. Je vis avec tous ces gens dans ma tête. Ah j’suis maladroit avec les mots, c’est pas c’que j’voulais dire. J’suis pas siphonné du bocal, pas encore. C’est juste que tous ces gens qui m’accompagnent n’ont pas eu la vie qu’ils auraient dû avoir. La faute à la guerre et à la connerie humaine. Alors parfois ils s’invitent et me tiennent compagnie. Je ne les ai pas oubliés. Mais ça fait mal aux tripes quand ils sont là. Ned, David, Hypatia,… et tous les autres dont ils ne me restent que les visages. Ils apparaissent comme ça, images nées d’un bruit d’une odeur, de la façon dont brillent les étoiles ou dont chante le vent. Et puis il y a Elles et la maison bleue mais là ça fait vraiment très mal aux tripes. Elles c’est particulier, j’leur doit bien un dernier voyage avant de tirer ma révérence.



Alors si le cœur vous en dit, vous pouvez venir avec moi, me suivez pas de trop près ça fait grogner le chien. Mon histoire, elle est gravée sur ma peau et dans ma tête. Je la partage avec vous si vous voulez. Attention quand même les champs de bataille c’est jamais beau. On s’en prend plein les yeux, les oreilles, le nez et la tête. Voire la bidoche d’un gars de l’intérieur et des morceaux de soldats éparpillés un peu partout c’est pas la joie. Surtout que quand je suis lancé, c’est comme si j’y étais mes descriptions il parait qu’elles sont presques vivantes. Sans compter l’odeur, je voudrais pas que vous rendiez votre ptit dej. Enfin voilà, vous savez.



Parfois la ballade est belle, souvent même, parce que je vous emmène dans des endroits à couper le souffle. La nature faut savoir la regarder pour l’apprécier. Je vous montrerai, pour ça j’suis doué. Et puis on regardera les étoiles. Vous avez déjà vu une pluie d’toiles ? On peut pas caner sans avoir vu ça! C’est à chialer tellement c’est beau. Et puis on causera un peu de l’humanité aussi. C’est pas toujours beau mais même au cœur de l’enfer il y a des moments de grâce.



Mon histoire elle est cruellement belle. Pour moi c’est un crève cœur. Si c’était que de l’horreur et de la souffrance ce serait supportable mais ceux qu’ont croisé ma route ils étaient plein d’amour et de dignité, alors ça change tout et ça fait encore plus mal. Vous m’croyez si j’vous dit que la souffrance ça peut être beau ? Qu’un champs de bataille on peut le raconter de manière poétique ?



Au loin y’a un loup qui hurle. Vous l’entendez ? Il m’appelle faut qu’j’y aille. Allé le chien en route. Bon et toi là tu fais quoi planté comme un gland ? Tu te décides ? Arrête de te faire prier ! En route j’ai dit!



Tu vas morfler j’te l’cache pas mais crois moi tu ne le regretteras pas.

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Les marches de l'Amérique

J’ai été soufflée par l’étendu du talent de Lance WELLER. Dès les premières phrases la qualité de l’écriture est frappante et loin de s’essouffler elle reste constante jusqu’à la dernière ligne. De la description de paysages à celle de la nature humaine, rien n’échappe à la justesse et à la poésie de la plume de Waller. Qu’il décrive la plus cruelle et sanglante des tueries ou la plus douce des nuits étoilées le lecteur est subjugué par le rythme et la beauté des mots. Tout s’enchaîne comme une évidence sans aucun obstacle et les pages défilent bien trop vite.

La construction n’est pas en reste. WELLER a opté pour des aller-retours dans le temps mais aussi entre les vies des personnages principaux : Tom, Pigsmeat et Flora. Cette absence de linéarité a l’avantage de garder le lecteur constamment en alerte et de créer une attente. Ce choix pourrait aussi conduire à perdre le lecteur et pourtant ici cela n’arrive pas. Le récit est tout en fluidité et les pièces du puzzle s’imbriquent parfaitement. Les ellipses sont maîtrisées et ne donnent pas l’impression d’être allé un peu vite en besogne. Pas de raccourcis brutaux ou d’invraisemblances. Le timing est parfait et le déroulé de l’histoire totalement maîtrisé. Jamais on ne s’ennuie. Ce livre est une invitation à prendre son temps et comme nos protagonistes, à suivre le chemin, sans reculer l’inéluctable mais sans rien précipiter non plus.



Les personnages sont superbes. De la tête d’affiche au plus insignifiant des figurants WELLER a mis le même soin dans les détails. Les lignes défilent et je vois chacun d’entre eux prendre vie, changer, évoluer, devenir fort, s’affaiblir, se dévoiler : vivre. WALLER explore toute la palette des âmes qui existent sur cette terre, des plus sombres aux plus angéliques. Il brouille les notions de bien et de mal et les pires ne sont pas toujours ceux qu’on croit. Tout est dans la nuance. Le personnage de Tom en est un parfait exemple. Il est captivant. C’est une vieille âme, tantôt philosophe, tantôt oracle mais c’est aussi un tueur redoutable et un cow-boy bourru.

Je vous laisse le soin de découvrir ses compagnons de route par vous-même ainsi que tous ceux qui croiseront leur chemin car il y a là une galerie de personnages époustouflante et la balade dans l’ouest sauvage vaut sacrément le détour.



Je ne saurais pasl’expliquer mais j’ai trouvé qu’il y avait un petit quelque chose de Pollock dans ces lignes. Parfois « Le diable tout le temps » me revenait en mémoire au cours de ma lecture. C’était une impression, un ressenti fugace mais qui est revenu plusieurs fois.



Un livre magnifique et passionnant. N’hésitez pas, lancez vous et ne vous fiez pas à la quatrième de couverture qui est réductrice.

Marina si jamais tu passes dans le coin : ça y est j’ai enfin lu un WELLER !!! Hop hop hop je file chercher Wilderness !
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Wilderness

Abel traine dans son sillage des destins qui se croisent. Traumatisé par la guerre de sécession il vit seul, reclus dans une cabane au bord de la plage jusqu'au jour ou il décide de tout arrêter.

Mais la mer le rejette, elle ne veut pas de lui, alors il s'en va.

Tout en cheminant à la recherche de son chien qu'il s'est violemment fait subtiliser, Lance Weller revient sur son passé, sur ses traumatismes. Ils fourmillent d'émotion, de questionnements, des images de la guerre et des situations improbables où l'ont menés les combats, lors desquels on ne sait plus bien qui sont ses véritables ennemis.

La nature est omniprésente, elle accueille, elle donne et elle prend sans discernement de la valeur des hommes.

C'est une fresque magnifique qui conduit Abel vers un destin tragique.

On est étonné lorsque la boucle est bouclée, tellement pris dans l'histoire qu'on en oublie l'origine. Du bel ouvrage.
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Le cercueil de Job

«  Le-Cercueil-de-Job était accroché de travers à la queue du Dauphin comme un cerf- volant détaché traînant sa ficelle derrière lui. Et toutes les étoiles brillaient délicatement au- dessus de l'autre bout du monde » …

«  Je vous jure, je ne sais pas pourquoi vous voulez que je vous parle de tout ça . de ces jours anciens . Anciens et pleins de malheur.

Vous avez dit qu'il était important de se souvenir, avant qu'on oublie . Vous parlez de l'Amérique . de l'Amérique telle qu'elle est aujourd'hui et comment elle était avant …

Pour se souvenir , c'est douloureux, c'est douloureux pour la personne qui se souvient,….. » .



Deux extraits de ce très grand roman de mémoire traversé par des atrocités mais aussi des traits fulgurants de rêves traversés par des guêpes «  Elles sortaient , semblables à des bijoux , formant des bagues autour de ses doigts , ornaient sa gorge et pendaient de ses oreilles  » , rêves de Jeremiah Hoke, soldat sudiste, qui après avoir été mutilé , estropié à la bataille de Shiloh, erre , vagabonde dans l' Amérique en guerre , dans une plongée hors du temps ,le coeur fatigué mais opiniâtre , une brève sensation d'étouffement s'emparait de lui lors de ces souvenirs horribles qui le minaient , en compagnie de Dexter , émasculé par son maître, puis par January June ——qui a connu un temps l'émancipation avant de retomber entre les mains de chasseurs d'esclaves ,——- le destin de June , une gifle froide , celle de l'inévitabilité , l’inéluctabilité de tout ce qui arrivait ….



Et bien sûr Bell Hood , jeune esclave en fuite , marquée au fer rouge sur les deux joues et un trou en forme d'étoile avait été percé dans une de ses dents , —— le langage inscrit sur ses joues la désignerait toujours comme la propriété de quelqu'un .

Auprès de Dexter, Bell espère gagner le Nord en s'orientant grâce aux étoiles .Le périple vers la liberté est dangereux , entre chasseurs d'esclaves, combattants des deux armées et fugitifs loqueteux et affamés qui croisent sa route .

Je n'ai pas de mots assez forts pour qualifier ce texte fabuleux entre souillures , sang, champs de bataille, doigts fantômes , lueurs des feux de camps , capitaines rebelles , corps affaissés ,éléments rebelles , feux croisés , filets d'eau de pluie striés de giclées de sang …..



L'auteur conte l'aventure des pionniers et des fondateurs de la fédération dans ses aspects les plus atroces ,les plus misérables , les plus cruels' traversés de rêves improbables de guêpes .

Une fresque lyrique , épique au souffle et au ton crépusculaire pétri de reconstitutions minutieuses de batailles , au coeur de lieux ensanglantés , ravagés par la boue , le sang et les corps morts, les hurlements de terreur , les cris de douleur suivis de bruits de courses éperdues , le bruit d'une foule en fuite vers le fleuve ou un fort …..le claquement des balles semblables à une pluie battante …

L'écriture est majestueuse , tragique , dure, somptueuse,ample, dense, naturaliste , lyrique , poétique au coeur de splendeurs d'une nature sans pareille n'empêchant pas la fureur humaine,, les souillures et le sang …



La conduite du récit est impressionnante , de véracité , de beauté malgré le côté terrifiant , sanglant et cruel ,emblématique d'une Amérique en tumulte..

Un roman incomparable au style inimitable, ,pour dire l'atrocité mais aussi le souffle de liberté , de courage , de pardon , d'amour ….

Il interroge sans fin sur ce que veut dire être Américain,, au point de vue individuel , universel et collectif .

Il fait réfléchir .

Bouleversant ! Unique ! Marquant ! .



Merci à Marina qui m'a fait acheter ce livre de la rentrée !

Je ne suis pas prête d'oublier ce récit !
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Le cercueil de Job

Wilderness. Les Marches de l’Amérique, et maintenant, Le Cercueil de Job, traduit par François Happe. En trois romans seulement, Lance Weller poursuit son œuvre de raconter, à son tour et à sa façon l’Amérique : celle des pionniers et des fondateurs de la fédération, dans ses aspects les plus épiques, comme les plus terribles et misérables.



Après avoir revisité la ruée vers l’Ouest dans Les Marches de l’Amérique, il revient à nouveau à son thème de Wildenress, explorer dans le Tennessee les années clés de la guerre de Sécession, et notamment les boucheries humaines que furent les batailles de Shiloh et du Fort Donelson.



Weller y met en scène Bell, esclave noire en fuite après l’assassinat de son père par son « maître », marquée elle-même au visage par le feu du fer et l’étoile gravée au pic sur une de ses dents. Accompagnée de Dexter puis de June, opportuns compagnons de fuite, ils vont errer dans la terreur d’être repris en direction du Nord salvateur. Pour finalement croiser les champs de bataille...



Charlie King et Hoke font eux partie des troupes mercenaires levées par le Sud, le premier par conviction, le second beaucoup moins. La première bataille laissera Hoke blessé, amputé de quelques doigts et rongé de remords et de questionnements. Après une errance sans but, ses pas recroiseront ceux de King. Et surtout ceux de Bell pour solder un drame passé commun. « Peut-être qu’il faut avoir un fusil pour pouvoir mourir d’une façon plus digne que celle dont on a vécu. »



Comme les précédents, Le Cercueil de Job est un grand livre, moins pour la teneur de son intrigue, que pour l’exceptionnel talent de Weller à décrire le réalisme brut de la guerre, le quotidien de ceux qui la font, la splendeur dévastée des paysages naturels qui l’accueillent, l’horreur froide du champ de bataille dévasté et des corps décharnés lorsque les fusils se sont tus. Là, l’écriture de Weller s’envole dans une grâce poétique en parfait contraste avec l’indicible de son sujet.



« De temps en temps, quelqu’un poussait un gémissement, appelait des amis, appelait pour avoir un peu d’eau, appelait tout simplement, mais rien ne bougeait. Il y avait dans l’air une immobilité, une sorte de néant qui se répercutait, comme dans une église vide un mardi matin. »



Il excelle également à sonder les âmes, ici celles des esclavagistes repentis ou non, des combattants volontaires ou malgré eux, des épris de liberté souvent désabusés, de ces vies miséreuses qui ne demandent qu’à être regagnées, par le feu et le sang, ou la fuite et l’espoir.



Dans l’espoir ou le remords, Bell et Hoke sont deux personnages magnifiés par leurs doutes, tous deux en quête de salut, qui bien que séparés pendant tout le livre, semblent dialoguer à distance sur les conséquences de la fin annoncée de la ségrégation.



« La crainte que nous soyons tous damnés, et que nous le soyons depuis très, très longtemps. Damnés pour ce que nous avons fait, pour ce que nos pères ont fait, et ce que les pères de nos pères ont fait, ou ce qu’ils ont commencé, ou ont entretenu », se questionne Hoke.



« …Nous pourrons dire que nous avons pris notre liberté. Que personne ne nous l’a donnée en pensant que nous l’avions méritée, mais que nous l’avons prise parce qu’elle nous a toujours appartenu » semble lui répondre Bell.



Férus de littérature US ou de style puissant, précipitez-vous !
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