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Critiques de Laurence Cossé (266)
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La Grande Arche

Absolument passionnant, ce livre sur la Grande Arche de la Défense nous raconte une tragédie, celle de son architecte danois qui a démissionné et est mort avant de voir la fin de la construction de son projet. Un rêve devenu cauchemar.



Quand en 1983, Johan Otto von Spreckelsen gagne le concours international anonyme pour le projet Tête Défense devant marquer l'axe historique de Paris, son projet, un cube évidé qui forme une arche, emporte l'enthousiasme de beaucoup et surtout celui du président Mitterrand. Mais l'architecte professeur n'a que cinq réalisations à son actif : sa maison et quatre petites églises, et pas de cabinet d'études.



Ce qui fait que le temps passant, les difficultés à s'accorder sur la réalisation entre le maître d'ouvrage et le maître d'oeuvre ne font que s'accroître — Spreckelsen est un perfectionniste, il accepte difficilement les modifications indispensables à la viabilité de son projet. A cela il faut ajouter les différences de culture, et surtout le changement de majorité : en 1986 le nouveau gouvernement Chirac souhaite privatiser l'édifice. Beaucoup trop de divergences et d'aléas qui conduisent Spreckelsen à la démission. Il renonce à signer le bâtiment :  « Il n'avait en tête que sa superbe épure et la certitude qu'on allait l'abîmer », et meurt un an plus tard, deux ans avant l'inauguration de L'Arche.



Pour rapporter cette histoire édifiante à de nombreux points de vue : notamment les agissements de la classe politique, de droite comme de gauche, et ceux de ses amis, l'auteure, sans jamais se départir de son sens de l'humour, a fait un remarquable travail d'enquête. Elle a rencontré les nombreux protagonistes de ce presque fiasco qu'a été la construction de la Grande Arche de la Défense. Vaste gâchis, sauf si l'on considère ce monument comme un très bel ouvrage, le chef-d'oeuvre architectural d'un grand et beau danois.
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La Grande Arche

Roman-enquête passionnant qui montre toutes les implications de la construction de la Grande Arche et permet de mesurer la complexité d'un projet architectural tel que celui-là sur le plan technique, la mise en oeuvre du chantier, et toutes les luttes d'influence qui viennent s'agglutiner autour des enjeux qu'entraîne son envergure.

Si la mise en oeuvre du projet et les contraintes de la construction de ce monument vont être une suite de défis, l'écriture de Laurence Cossé en relève un autre car, nous dit-elle, avec l'humour qui se retrouve tout au long de ce roman-enquête :

"La littérature fait courir des risques dont l'auteur n'avait pas idée avant de s'y lancer, sans quoi il aurait préféré l'ethnographie ou le saut à la perche.(...)

Je savais que l'approximation et la précarité gouvernent les amours humaines, les relations sociales, les pouvoirs quels qu'ils soient, les entreprises artistiques, la préparation des entremets, les illuminations religieuses, mais je croyais qu'il existait dans l'univers un ordre de réalité frère, immuable , en un mot sûr, qui précisément était la technique. Tout ce qui est béton, marbre ou acier me semblait être du solide. Et je découvre en travaillant la différence entre précontrainte (du béton) et postmodernité que l'incertain règne là comme ailleurs." p 191



Ce pourrait n'être qu'une comédie grinçante, illustrant le cynique affrontement des pouvoirs politiques et les luttes d'intérêt, dans le choix des décisions concernant les projets qui se sont succédés au cours des trente années écoulées entre les premières interrogations des années soixante, pour combler le trou de la Défense, et l'inauguration de la Grande Arche lors des commémorations du bicentenaire de la révolution française.



Mais ce fut aussi le drame d'un homme, l'architecte danois Johan Otto von Spreckelsen, dont le projet est retenu le 25 mai 1983, suite au concours international lancé au début de la présidence de Mitterrand.

Laurence Cossé remarque à propos de la nuit de voyage en train de Spreckelsen qui rejoint Paris après avoir appris que son projet était retenu : "Peut-être la nuit qui suivit a-t-elle été la plus heureuse de la vie de Spreckelsen. Y a-t-il gloire plus pure que celle qui couronne un inconnu sans ambition autre qu'artistique, non pas au terme d'une intrigue, ou d'une lutte de pouvoir ou de quelque autre stratégie sociale, mais à l'issue d'un concours anonyme, en reconnaissance de la force et de la beauté d'une oeuvre d'art ? Y a-t-il joie plus claire ?"

La joie première va vite être obscurcie par une suite de malentendus et d'incompréhensions qui aboutiront à la démission de Spreckelsen.

Cet homme exigeant et intègre, cet artiste, ce poète, va devoir s'incliner après s'être épuisé à tenter de contourner les exigences budgétaires et les contraintes techniques pour préserver l'âme de son oeuvre. Il ne s'attendait pas à tous les obstacles qui allaient surgir, croyant naïvement que la faveur et le soutien amical d'un président de la République que ce projet passionnait, lui en garantissait l'aboutissement.

Même si le résultat n'est pas celui dont rêvait son initiateur l'Arche est là, elle existe et vit.

Les pages magnifiques du chapitre 25 du roman en témoignent :

"Faire à pied ces huit kilomètres entre le Louvre et La Défense , un jour de grand beau temps et tôt le matin, avant que n'enfle la circulation, est l'approche de l'Arche à la fois la plus simple et celle qui, loin de la dévoiler un peu plus chaque mètre, conformément à une loi de progression linéaire, en fait entrevoir par à-coups ce qui l'apparente au mirage, la légèreté, le mystère, la grâce, la vie. On la voit disparaître lentement à l'horizon, comme le soleil au couchant, à ceci près que la luminosité est constante, puis en émerger d'un coup, à l'Etoile, tableau de ciel sur fond de ciel, et croître formidablement en taille, en blancheur, en splendeur .

Ce mouvement superbe, cette lente plongée et cette soudaine émergence, Johan Otto von Spreckelsen ne l'a jamais observé. Parmi tous les marcheurs qui avancent vers l'Arche, parmi les passants qui s'arrêtent à sa vue, puisse l'un ou l'autre, un instant, avoir une pensée pour celui qui n'aura pas vu la Forme très pure dont il avait eu la vision."



Je remercie les éditions Gallimard et Babelio pour la lecture de ce livre qui m'a fait découvrir, entre autres, toutes les méandres que peut suivre un projet architectural jusqu'à son aboutissement. Une aventure passionnante !!!

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La Grande Arche

Sous le titre La grande arche, on lit « roman ». Si l’on s’en réfère à la définition du Larousse, on trouve ceci

«  Œuvre d'imagination constituée par un récit en prose d'une certaine longueur, dont l'intérêt est dans la narration d'aventures, l'étude de mœurs ou de caractères, l'analyse de sentiments ou de passions, la représentation du réel ou de diverses données objectives et subjectives ; genre littéraire regroupant les œuvres qui présentent ces caractéristiques ».



Certes, on retrouve dans La grande arche des études de moeurs ou de caractères, l’analyse de sentiment peut-être, et de données objectives, oui. Mais les deux premiers mots de la définition évoquent quand même une oeuvre imaginaire. Et là on ne répond pas au cahier des charges; ce récit tient plus de l’enquête journalistique que du roman. Les faits sont là et sont décrits, avec passion et et rigueur, mais sont loin d’être imaginaires.



Roman ou pas, l’histoire de ce monument de Paris, élevé par la volonté d’un président qui voulait « graver son histoire dans le verre ou dans la pierre «  comme le dit la chanson, mérite-t-elle qu’on s’y intéresse?

Les férus d’architecture pourront y trouver leur compte. Les lecteurs passionnés d’intrigues politiciennes aussi. Les férus d’architectures passionnés d’intrigues politiciennes connaitront l’extase. Personnellement hélas ce n’est pas mon cas. La lecture a donc été assez fastidieuse, par incompréhension des descriptions de volumes, orientation, proportions….(un encart photographique aurait été très utile pour illustrer la construction, les personnages, mais aussi les dessins de chantier qui sont évoqués), par agacement de redécouvrir et de confirmer ce que l’on sait déjà, à savoir que les deniers publics n’ont pas toujours une utilisation optimale. Le seul aspect qui m’a accroché est la personnalité de l’architecte Spreckelsen, ce danois tourmenté, qui n’aura pas vu le résultat final de sa création (ni la dégradation de la bâtisse dans les décennies qui vont suivre et c’est sans doute mieux ainsi).



L’auteur a accompli un énorme travail de documentation, avec une rigueur certaine. Et son intention est énoncée clairement d’en faire une oeuvre poétique. C’est un défi irrationnel : comment donner à des interviews, des dialogues de personnalités influentes un ton musical? Comment s’émouvoir sur la différence entre bâton armé et béton précontraint?



L’écriture est élégante (les nombreuses réserves que j’émets ne concernent pas le talent d’écrivain de l’auteur, certains paragraphes sont superbes, quand ils parlent de la difficulté de ce travail d’écriture), mais on trouve beaucoup de redites, sans utilité.

Par ailleurs certaines anecdotes semblent hors de propos : l’histoire de la poule rousse, le chapitre sur Karen Blixen.

Pourquoi ces deux paragraphes identiques en début de chapitre, l’un sans ponctuation, l’autre avec?



Enfin, pourquoi la grande arche? A cause de l’architecte un peu fou? de la vanité des ses commanditaires? de son inutilité hormis de constituer une perspective sur l’axe historique de la capitale? Pourquoi pas l’opéra Bastille ou la cité des sciences, sûrement concernés par de croustillantes anecdotes politico-architecturales aussi?



Que restera t-il de cette lecture? Lorsque je passerai à la Défense, je saurai que le nuage n’est pas une bâche provisoire, je remarquerai la structure métallique à l’intérieur qui sert de chassis pour les ascenseurs (que l’on ne peut pas utiliser si j’ai bien compris), et j’aurai une pensée pour le danois obstiné qui l’ a conçu. C’est un résultat non négligeable.

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Nuit sur la neige

Nous sommes en 1935.



Robin le narrateur, parisien, âgé de 17ans est né aprés la mort de son pére , fauché durant le conflit ...



Adulé , couvé par sa mére, veuve de guerre, entouré d'une flopée de cousins et cousines , il intégre une prépa réputée chez les jésuites, : internat obligatoire , discipline stricte..



La vie politique en France s'accélère ainsi que la politique internationale: pays en pleine crise, à l'aube de l'agression de Léon Blum, ligne Maginot, procès Stavisky, violences, tensions et montée de l'extrême droite , Europe sur les nerfs, où la gauche abandonnait son pacifisme et la droite son grand rêve de réconciliation entre les peuples, allongement du service militaire ....



L'auteur décrit aussi l'ambiance particuliére des prépas à cette époque ....le point de vue étudiant ...

L'accent est mis sur l'amitié entre Robin l'orphelin et Conrad, son ami, Suisse, issu d'une famille trés aisée, énigmatique et séduisant , mystérieux, beaucoup plus mature que Robin et une certaine jeune fille Clarie, dont le narrateur tombera en amour .....ébloui ....N'en disons pas plus...



Nous sommes transportés non seulement au coeur des tourments politiques mais dans les

stations de sports d'hiver en Suisse et en France , les paysages des Alpes...



Nous ressentons les émotions , les affres de l'adolescence, la naïveté, les aspirations et les efforts de Robin, sa quête absolue d'amour, ses tourments et ses rêves , sa découverte de la neige, ses états d'âme durant les six jours passés dans un vieux et pauvre village de Haute Tarentaise nommé Val- d'Isère......



Le final abrupt ouvre les yeux du lecteur et le prend de court ....

La plume est classique , agréable, un peu froide, peut- être , le vocabulaire châtié et choisi avec soin.

J'ai apprécié ce récit intiatique trop court, intense et romanesque à la fin inattendue .....

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La Grande Arche

Ce pourrait être une fable, l'Arche et l'Architecte… l'image de ces deux "protagonistes" illustrant la cruelle et captivante analyse d'un projet au destin aussi maudit que celui de son créateur, Johan Otto von Spreckelsen, architecte danois quasi méconnu du grand public en dépit de son incontestable paternité.



C'est que Spreckelsen, à la fois rigoureux et profondément idéaliste, aura dû appréhender à ses dépens les ahurissants méandres de la tergiversation à la française (pas bien reluisante ici, il faut l'admettre) jusqu'à finir par s'auto-exclure définitivement du projet tant il lui semblait s'éloigner de sa vision créatrice initiale.



La Grande Arche de la Défense quant à elle semble familière à beaucoup d'entre nous, au point sans doute que de mon côté je n'ai jamais cherché à savoir ce que ce monument de simplicité et d'audace mêlées recelait de controverses ou de méprisables secrets.



Ces deux personnages, de chair pour l'un, de béton pour l'autre, Laurence Cossé les installe en miroir au coeur de cette édification hors normes qui conjugue à parts égales prodigieux défis techniques et sombres magouilles politiciennes.



Documentaire architectural, chronique politique et portrait psychologique oscillant souvent entre ironie et compassion, ce roman peut paraître parfois décousu, de temps à autre un peu confus, mais il n'en reste pas moins passionnant et incite bien sûr à ré-apprivoiser la Grande Arche sous cet autre éclairage, amplement documenté et surtout inédit.



Ҩ



Merci beaucoup à Babelio et aux éditions Gallimard (avec mes plus plates excuses pour le petit retard)




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Nuit sur la neige

L'entre-deux guerres, l'union des forces de gauche aboutissant au succès du Front Populaire emmené par Léon Blum : pendant cette période cruciale qui va déterminer ce qui suivra, un jeune homme raconte une double histoire d'amitié et d'amour et profite de l'occasion pour nous faire vivre les débuts des sports d'hiver en France.



Dans Nuit sur la neige, Laurence Cossé donne la parole à Robert que tout le monde appelle Robin, jeune homme élève de classe prépa dans une boîte tenue par les Jésuites (BJ) à Verbiest, lieu semble-t-il imaginaire, proche de Paris. Son père a été tué au front pendant la première guerre mondiale et son fils, comme beaucoup d'autres enfants, à l'époque, ne l'a jamais connu.

Dans sa BJ, le bizutage dure dix jours mais Robin n'en parle pas. Il rentre chez lui chaque fin de semaine, fait du sport. Il se lie avec Conrad Wickaert et constate dans un journal que les lois antijuives sont appliquées en Allemagne : « La persécution des Juifs devenait légale. »

Les filles l'attirent mais, avec franchise, il reconnaît : « À vrai dire, je ne rêvais pas de sexe, encore moins d'un sexe. Je rêvais d'un visage – d'un regard sur moi, d'un sourire –, en un mot je rêvais d'aimer de passion, comme une midinette. »

Oncle Pol (35 ans), célibataire, parle de ski de piste car il a investi à Val d'Isère où, en 1935, un premier remonte-pente a été installé. En attendant, c'est à Saint-Moritz, en Suisse, que Conrad invite Robin qui apprend à skier avec Carl qui constate : « Les plus de cinquante ans de sa famille avaient été furieux de voir des pylônes apparaître dans les prés réservés jusque-là à leurs vaches, ils s'inquiétaient de ce que la montagne allait devenir. »

J'ai été très intéressé par ce roman qui m'a fait vivre les débuts du ski de piste dans ces villages difficiles d'accès où l'on vivait difficilement mais où l'or blanc commençait à attirer les investisseurs. Sur place, on s'organise et le constat est révélateur de ce qu'il va advenir : « L'école de ski tournait bien. On pouvait maintenant compter une dizaine de moniteurs du cru, de jeunes Avalins contents de gagner de l'argent au lieu de travailler avec leur père et leur grand-père à la ferme sans recevoir jamais un sou, selon l'économie autarcique immuable depuis des siècles. »



J'ai surtout été touché par Robin qui tente de s'intéresser à la vie des gens à la montagne mais tombe surtout amoureux de Clarie ce qui va amener quantité de révélations après un drame, dans les dernières pages du livre. L'amitié, l'amour et les combats menés contre l'ignominie sont au coeur de ce roman bien écrit, bien mené et bien documenté.
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Au bon roman

Il est bon il est bon mon roman ! En tout cas en pleine rentrée littéraire, c’est bien celui-là qu’il faudrait découvrir.



Non non, il ne vient pas de sortir, mais cette utopie publiée il y a déjà huit ans se joue précisément des nouveautés littéraires et d’un certain microcosme de l’édition régi par le copinage et l’appât du gain. Je dis ça je dis rien.



Or donc Au bon roman est un audacieux… disons… polar littéraire, où la création d’une librairie idéale ayant pour vocation de ne proposer à ses clients que « de bons romans » exposera ses concepteurs à quelques fâcheux imprévus. Eh oui, le droit à la subjectivité se paie cher et peut entrainer des représailles à la hauteur de la susceptibilité de certains.



C’est un texte intelligent mêlant une réflexion sarcastique sur le monde littéraire à une enquête plus ou moins rocambolesque. Celle-ci, autant prévenir, n’est finalement qu’un prétexte, d’où un dénouement hasardeux qui personnellement m’a déçue. Je n’aime pas finir un bouquin sans obtenir de réponse à mes questions, c’est mon côté binaire. J’en veux donc un peu à Laurence Cossé pour ce largage en plein vol, mais l’élégance et l’éclectisme de cette respectable auteure méritent nonobstant que l’on se penche un tant soit peu sur son Bon Roman.




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Le secret de Sybil

Sur le ton de la confidence,avec des mots soigneusement choisis, Laurence raconte Sybil et dévoile un vécu profondément intime,de l'aube au crépuscule d'une amitié hors du commun.

Elle remonte le temps, raconte l'enfance,le partage,les moments privilégiés,fait un zoom arrière sur les années soixante,dans deux familles bien différentes.Les apparences et les valeurs de chacune vont jouer un rôle déterminant et ,à moment donné, les séparer inexorablement.

Laurence n'aura de cesse de comprendre pourquoi ces liens se sont distendus, le vivant très mal,comme un chagrin d'amour.

Sybil est devenue très belle,détachée,lointaine. Laurence se sent ordinaire, exclue,oubliée.

Les années vont passer,chacune va avoir un enfant,il y aura des rencontres épisodiques et de l'incompréhension jusqu'au dénouement final.

J'ai ressenti beaucoup d'émotions à cette lecture,j'ai senti la pudeur de Laurence Cossé à écrire sur cette amie,la nécessité de la raconter,de remonter le temps avec elle,de lui rendre un dernier hommage.

On ne connaît jamais vraiment quelqu'un et le poids des secrets peut révéler des choses qu'on n'aurait pas imaginées. Cette image fantasmée et ce que l'autrice va découvrir rend ce roman autobiographique bouleversant.C'est la naïveté de l'enfance,le paradis perdu,la cruelle vérité.



Un grand merci à Annette55 qui m'a donné envie de lire ce livre.
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Le secret de Sybil

«  Les D étaient dans le coup , nous pas, mais ils avaient des préjugés antédiluviens dont je découvrais l'existence . »



«  Nous vivions là un privilège , une grâce que je ne pensais pas en ces termes mais dont toutes les fibres de mon être étaient sûres » ..



Les adolescents n'étaient pas écoutés, alors. » .



Quelques passages de ce récit autobiographique…

Mémoires d'une jeune fille des années 1960, L'auteure aurait pu utiliser ce titre pour son dernier livre .

Elle y conte l'idylle amicale , une sorte d'amitié platonique qu'elle a vécue avec une certaine Sybil D. qui se lézardera lors de leur adolescence….



Elle s'appelait Sybil , fillette aux longues et lourdes tresses brunes , durant plusieurs années , elle fut plus qu'une amie, un authentique amour , intense ,paisible , tout à fait confiant , «  Une sécurité absolue nous baignant comme une mer chaude » .

Laurence et Sybil ont en commun l'amour des livres .

Les deux collégiennes vont à l'école et vivent au coeur d'une banlieue bourgeoise .

Dans la famille de la première règne la bonne humeur, la fantaisie , la confiance, un mélange savant d'austérité de l'époque, de douceur et de tradition .



Chez les D.la famille de Sybil : les ambitions et les apparences comptent beaucoup plus «  Meilleur lycée, meilleur cours de tennis , meilleures marques de vêtements ……..meilleur dictionnaire de latin .Sybil eut le Gafiot , moi l'autre » .



L'auteure retrace ses années d'insouciance, d'adolescence, de bonheur , sa tendre amitié avec Sybil .

Pourtant leur éducation, leur famille devrait les séparer.



C'est justement l'entrée dans des lycées parisiens différents qui entraînera l'étiolement de leur amitié : éloignement, incompréhension, devant l'évolution de l'autre , inévitable et douloureuse séparation,.



Sybil est triomphante , brillante , séductrice , d'une grande beauté.

Laurence est plutôt effacée .

Bientôt Sybil sera consumée, accablée , sans se l'avouer bien sûr . Elle est belle et brillante mais comme empêtrée dans les fameuses ambitions de son éducation bourgeoise .



Bientôt mariées et jeunes mères , elles finissent par ne plus se donner de nouvelles . Laurence, son amie vit l'éloignement entre elles comme une blessure béante jusqu'à la fatale nouvelle.

C'était il y a très longtemps mais Laurence a su dès ce moment «  qu'elle écrirait sur elle » .

C'est un récit de jeunesse , subtil et fin, pétri d'observations justes et délicates , lui succède l'enquête douloureuse sur Le-secret de Sybil dont la flamboyante énergie semble s'être muée en un mal , une force délétère, dans les dernières années de sa vie, elle s'était fâchée avec toutes ses amies .

On découvre enfin ce qui la perdit …



Ce que l'on retient surtout de ce très beau livre c'est le sentiment poignant de l'inconsolable chagrin qui habite Laurence : mélancolie , regrets , l'humour n'est pas absent de cette profonde nostalgie .



Un texte délicat , la plume de l'autrice , ses mots judicieusement choisis , ajoutent un immense respect , une dignité , authenticité quant à la pureté de cette tendre amitié .



Un ouvrage tout en retenue , sobre , doux , sensible , généreux , douloureux , dans la dernière partie …



Grâce , ironie , infinie élégance , tendresse , humilité , sincérité, touchent au coeur de ce vibrant hommage à l'amie disparue .



Poignant , profond , authentique !



J'ai beaucoup aimé.

Je ne regrette pas de l'avoir acheté , connaissant l'auteure depuis longtemps.



«  Et la lecture était mon élément , m'a société d'élection, mon champ d'exploration , mon repos , mon délice, l'océan des romans , si proche et si vaste , toujours renouvelé . Que me faut - il encore ? » Je ne sais pas de qui je tenais cette phrase , de quel livre ? on la trouve chez Fénelon dans une prière » .









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Le secret de Sybil

Ma meilleure amie, que je ne connaissais pas



Dans ce court roman Laurence Cossé raconte sa relation avec Sybil, de ses dix ans à sa mort. Une amitié très forte, mais aussi un portrait des femmes à la fin des années soixante. Et un parcours initiatique qui va virer au drame.



Comment se construit une relation? Comment se noue une amitié? Pourquoi finit-elle par s'étioler? Autant de questions qui hantent la narratrice au moment de raconter comment Sybil est entrée dans vie et y a occupé une place très importante. «C’est la sécurité affective dont j’ai le souvenir, la sécurité absolue nous baignant comme une mer chaude qui me fait appeler amour ce que nous avons partagé, Sybil et moi. Nous vivions là un privilège, une grâce que je ne pensais pas en ces termes mais dont toutes les fibres de mon être étaient sûres.»

De 10 à 14 ans, les deux amies vont s'entendre à merveille, au point même de voir leurs proches s'interroger sur cette complicité, cette proximité. En fait, c'est sur le plan intellectuel qu'elles se sont unies, échangeant leur savoir et leurs lectures. «Elle et moi, pendant des années, jour après jour nous avons parlé. Le cœur de notre amitié était là. Nous parlions avec délice, des heures.»

Des échanges qui vont les conduire à des études brillantes, mais aussi à un nouveau constat. Elles ne grandissent pas à la même vitesse, Sybil devenant une beauté qui faisait tourner les têtes alors que son amie avait tout du vilain petit canard. Mais surtout leurs différences qui les enrichissaient au début de leur relation, vont devenir des obstacles. La famille bourgeoise vise l’excellence et a les moyens de ses ambitions. On soigne sa tenue et son apparence, on fréquente la «bonne société» et on impose des règles strictes auxquelles Sybil ne songe pas à déroger. En revanche Laurence jouit de davantage de liberté. Mais ne peut s’empêcher de penser que cet hédonisme n’est pas choisi mais contraint, qu’il cache bien des lacunes.

En plaçant son récit durant cette période qui marque la fin de l’adolescence où se détermine les choix de vie, Laurence Cossé fait coup double. Elle nous livre les réflexions les plus intimes des deux jeunes filles, leurs interrogations et leurs aspirations et leur soif d’identité. Dans ce contexte les mères jouent un rôle primordial, que ce soit comme modèle ou comme repoussoir. Mais elle dresse aussi un panorama de la France à la fin des années soixante. Les questions féministes avaient alors une tout autre dimension. La femme qui travaillait faisait figure d’exception. Le compte en banque personnel n’est pas autorisé, pas plus que l’avortement. La pilule vient tout juste d’être légalisée.

Ajoutons-y un autre point fort, la construction du roman. Du roman initiatique on bascule dans la tragédie, de l’envie de vivre à la mort. Un contraste fort qui met en lumière toutes les facettes de cette relation, de la fascination au rejet. De l’enthousiasme à l’incompréhension. Il est alors fascinant de constater combien leurs cheminements respectifs s’inscrivent dans une trajectoire assez semblable, chacune restant enfermée dans un schéma bien difficile à dépasser.

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Au bon roman

Un livre qui ne parle que d'écriture, de lecture et d'écrivains ne peut que me ravir. Des les premières pages, j'avais l'impression d'avancer sur un plage où chaque phrase était comme une vaguelette venant mourir à mes pieds, sensation si forte de peur mélangée à la douceur.



Peur d'être déçue, de ne pas trouver ce que je recherche : l'émerveillement par les mots. Mais vite, je me rends compte que "Au Bon Roman" n'est pas un roman comme les autres. Une fraicheur s'en dégage !!!



Que sont les bons romans ? C'est la question qui nous taraude en lisant cette histoire. Pour moi c'est simple, il doit apporter un plus à mon quotidien, un peu de nostalgie, un peu de joie, un peu d'espoir des fois, un peu de solitude avec soi et un peu de tout.



Chacun des romans nous affecte d'une manière ou d'une autre mais ce qui est sûr c'est qu'il nous indiffère jamais et c'est cela la vraie passion de lire !!



Ce roman nous rapproche des "Plumitifs", ceux et celles qui écrivent avec leurs cœurs et leurs tripes, les "grands prosateurs" comme aime les appeler Ivan.

Laurence Cossé, je ne connaissais pas mais j'avoue qu'à la lecture de ce roman, je suis tombée sous le charme de son style, de sa plume et de cette histoire pleine de titres, de noms d'auteurs et de récits littéraires. Elle fait glisser les personnages subtilement et avec une grande finesse pour les mettre à leur place. Beaucoup de complicité, d’amitié et de secrets en font un bon roman à mon sens. Ils sont tous attachants et si “particuliers" qu'ils méritent de faire l'objet d'un roman chacun.



Ce roman me fait penser à un homme qui a vécu sa vie pour les livres, de ces gens qu’on croise dans notre vie et dont le souvenir reste à jamais. Je tiens à rendre hommage à mon bouquiniste "aami Rachid", une rencontre au détour d’une ruelle comme seule peut en faire le hasard, un air fatigue par le poids des années mais toujours un sourire accroché aux lèvres, qui me rassure “ il y’a encore des gens biens “ qui vous offre un verre d’eau par une journée chaude d’été et un mot gentil qui vous réchauffe le cœur par une froide matinée d’hiver. Eh oui, il est comme cela mon bouquiniste à Alger ! Humble, cultivé, il connaissait les auteurs et les romans par cœur et même que des fois il me récitait quelques extraits gravés dans sa mémoire. Autre chose et pas des moindres, il ne met jamais en vente un livre en mauvais état, c'est sa façon simple de respecter ses amis les romans !!!!

Un grand homme aami Rachid !!!!



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Nuit sur la neige

Ce roman, Nuit sur la neige, débute en septembre 1935. Robin, né après la mort de son père décédé pendant la Grande guerre, a 18 ans et vient d'être admis à Verbiest, boîte jésuite que tous appellent BJ, dans l'une des classes prépas aux écoles d'ingénieurs.

Bien que vivant dans une période où la vie politique est particulièrement violente en France, tant sur le plan intérieur que dans l'ordre international, Robin s'y intéressera peu car il va surtout être emporté par ses sentiments, sentiment d'amitié notamment pour un de ses camarades, Conrad, qui restera cependant pour lui une énigme.

Il va découvrir avec lui la joie du ski de piste, d'abord à Saint-Moritz, en Suisse, puis ils se rendront ensemble dans un vieux village, à Val d'Isère, que certains, comme Pol, l'oncle de Robin, en véritables visionnaires, imaginent déjà comme une grande station de ski alpin.

Et c'est à Val d'Isère où ils resteront six jours, que Robin va s'éprendre d'une jeune fille et cette rencontre le marquera à vie.

Ce roman décrit bien les sentiments troubles que peuvent ressentir les jeunes gens. il offre également une très belle restitution de la naissance du ski et de son développement. J'aurais aimé cependant qu'il développe davantage le côté politique de cette période si importante de notre histoire. de même, certains points du livre sont restés pour moi non élucidés.

Un très beau roman tout de même.
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La Grande Arche

Si l'urbanisation du quartier de la Défense vous intéresse, Laurence Cossé a effectué un travail de bénédictin pour tout nous apprendre sur la longue gestation du projet et sur l'édification de la Grande Arche.



Son travail de documentation est impressionnant. Il a en effet matière à creuser!

Les péripéties du chantier ont été nombreuses entre la "valse hésitation" des décisions politiques et la complexité de l'ouvrage. L'architecte danois Johan Otto von Spreckelsen, artiste sans concession, a fini par jeter l'éponge devant tant d'atermoiements. Un homme "arlésienne", peu présent sur le chantier et qui meurt rapidement après ce torpillage professionnel. Il est sans nul doute le personnage le plus incongru de cette histoire, le "sacrifié" sur l'autel de la gabegie, quasi inconnu et oublié quand sa vision architecturale enfin réalisée est si intégrée à notre univers parisien.



On peut s'étonner de trouver ce sujet documentaire dans cette collection de Flammarion. le récit est un enquête aux personnages réels, une épopée contemporaine d'hommes de pouvoir, de fonctionnaires de cabinets, de commissions, concours et d'incurie de maitrise d'ouvrage. On imagine fort bien Mitterand en Sphinx dans ses fonctions régaliennes et ses visions pharaoniques de Grands Travaux, les luttes d'influence et de jalousie des architectes et ingénieurs, Jack Lang et son entregent...un brouet à la française!

Avec le recul, navrant autant que tragique pour notre ego de franchouillard et nos finances d'Etat.



Nous reste la belle Arche, devenue bien discrète au milieu des géants de verre qui l'entourent. Je ne la regarderai plus de la même façon dorénavant...

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Nuit sur la neige

Nous sommes en 1935 lorsque s'ouvre ce roman. le fantôme de la Grande Guerre hante encore les mémoires. En Allemagne, où Hitler est au pouvoir depuis deux ans, les premières lois anti-juives sont promulguées. En France, les Camelots du Roi agressent Léon Blum, les ligues s'agitent avant d'être dissoutes…



Robin, un adolescent parisien de 18 ans assez quelconque, orphelin d'un père mort à la guerre et qu'il n'a pas connu, entre comme interne en classe préparatoire dans un lycée d'excellence tenu par les Jésuites. Il y fait la connaissance de Conrad, un condisciple plus âgé, mystérieux et atypique à qui il voue très vite une forme d'amitié admirative et amoureuse.



Au cours de cette année d'étude intense, ponctuée de deux séjours au ski en compagnie de Conrad, il va découvrir, dans la déception et la douleur, les affres de l'amitié – lui qui n'avait encore jamais eu d'ami – et les ambiguïtés des premiers émois amoureux.



Je retire de cette lecture une impression pour le moins mitigée, car je n'ai pas vraiment compris où l'auteur voulait en venir avec ce roman ni même quelle était l'histoire réellement racontée. Est-ce la vie harassante d'un étudiant en prépa ? Une amitié décevante ? Un premier amour tragique ? La « montée des périls » ? La création des premières stations de ski ?



Beaucoup de thématiques, dont aucune, à mon sens, n'est véritablement traitée, des personnages peu attachants, des passages trop nombreux, trop longs - et pour moi hors sujet – sur la naissance de la station de ski de Val d'Isère, la seconde guerre mondiale survolée en quelques pages, et au final une fin bâclée…



Un roman très bref et qui se lit très vite, mais qui n'a pas su, hélas, capter mon intérêt.

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La Grande Arche

Laurence Cossé avait déjà écrit un roman sur l’inutilité en architecture ; dans « Le Mobilier national », elle nous fait partager les affres d’un ministre de la culture qui se demande s’il ne faudrait pas bazarder la plupart des cathédrales françaises, surtout celles qui sont moches (et il y en a) et où, de toute façon, plus personne ne rentre. C’est une autre sorte de cathédrale, dont il est question ici, tout aussi vide, et sacralisée à la fois par son concepteur (qui ne conçut que sa propre maison, quelques églises, et cette arche colossale) et par un président qui avait une certaine idée de la France et de son propre règne : la perspective ouverte par le Louvre royal devait aboutir, de l’autre côté de la ville et de l’Histoire, à une œuvre magnifiant la victoire de la gauche.

Si ce livre est passionnant par les contraintes techniques qu’il explique aux béotiens que nous sommes avec clarté et précision (ou comment passer du dessin au bâtiment, du formalisme au fonctionnalisme), c’est surtout un livre politique. De l’illusion lyrique que nourrit l’élection de Mitterrand au retour de la rigueur parachevé par la cohabitation, la trame de ces années-là épouse la construction de l’arche : un arc de triomphe, symbole grandiloquent ou mystique, devenu un gouffre financier à rentabiliser au maximum.

Mais La Grande Arche ne raconte pas seulement les années Mitterrand : le livre a aussi valeur d’art poétique. La tragédie de Johan Otto von Spreckelsen, obligé de passer sous les fourches caudines de la réalité (non, la pureté du marbre ne résistera pas à la pollution parisienne ; oui, créer un bâtiment vide provoquera un appel d’air à ne pouvoir rester debout…) est non seulement celle du pouvoir politique qui ne peut exister sans compromis, mais c’est surtout celle de tout artiste, et peut-être plus encore de celui qui n’a que les mots pour matériau.

La Grande Arche est un livre sur le langage, matériau trivial qui doit prendre forme pour devenir art.

C’est pourquoi Laurence Cossé emploie parfois le nom de l’architecte tel que l’état civil l’a instauré et parfois son diminutif, en fonction dans sa phrase de la valeur rythmique de l’un ou de l’autre mot.

C’est pourquoi elle s’interroge sur les connotations de l’ « œuvre d’art » et de l’ « ouvrage d’art », et rappelle le surnom de Spreck : l’Albatros. Ce « prince des nuées » que « Ses ailes de géant empêchent de marcher », comme Baudelaire.

Le matériau « langage » pose deux grands types de problèmes. D’abord, parce qu’il ne suffit pas de poser des mots pour être compris et que, dans le bâtiment comme en grammaire, tout est affaire de structure et de contraintes. Ensuite parce qu’il faut faire avec ce qu’on a, au risque de dénaturer l’idée : le « u » et le « i », voyelles claires, prennent place au cœur du mot nuit, ce qui rendait Mallarmé fou ; et de même Spreckelsen , choisissant le silence quand on lui demandait d’accepter l’impureté du réel au sein de son œuvre, et même la fuite, abandonnant le chantier de l’Arche comme Arthur Rimbaud la poésie.

Quant à la dernière phrase -ou presque- du roman : « C’est un ouvrage remarquable mais sans fonction forte ni sens, « Un objet pur, quoi. », elle m’a fait irrésistiblement penser au célèbre vers du « Sonnet en -ix » : « Aboli bibelot d’inanité sonore », l’Arche, comme une certaine poésie, n’est qu’une coquille vide, une forme vide et somptueuse. Et Cossé de choisir le sujet le plus aride qui soit, la chronique des défis techniques d’une construction, décidée à réussir là où Spreckelsen a échoué : tenir compte, comme le demandait Vitruve, à la fois de la venustas (la beauté) et de l’utilitas (l’utilité) ; se tenir à l’exact milieu des exigences de l’art et du réel, comme la clé de voûte dans l’axe de symétrie d’une arche...
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Les amandes amères

Aidez les autres n'est pas toujours chose aisée, d'autant plus quand l'origine sociale est éloignée de la notre et que l'on prétend apprendre à sa femme de ménage à lire et à écrire sans en avoir les qualifications. Parfois juste l'envie paraît suffire.

Ne pas blesser, ne pas s'imposer, savoir poser des limites, mais aussi savoir être souple, imaginatif, persévérant...

C'est avec beaucoup de respect, de sensibilité et d'authenticité que Laurence Cossé aborde ce sujet délicat.

On est bien loin d'une romance avec "une super héroïne" qui par sa générosité et son talent sauverait la "pauvre femme de ménage marocaine".

Nous sommes à la limite du docu-fiction tellement ce roman sonne juste.

Il s'agit simplement d'une histoire qui s'écoule avec vérité et altruisme, qui dénonce les difficultés rencontrées par les étrangers qui ne maîtrisent pas la langue du pays qui les accueille.

S'il reste comme un goût amer après cette lecture, ce n'est pas le livre qui est en cause, mais bien le système imparfait qui étiole ou brise les élans de solidarité.

J'ai beaucoup aimé la personnalité d'Edith pour sa patience et sa générosité à toute épreuve. Très bon livre !
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Nuit sur la neige

1935. Robin et Conrad sont amis. Ils fréquentent une classe prépa dans le même internat, tenu par des jésuites.



Si Robin est orphelin de père, élevé et protégé par sa mère veuve de guerre, Conrad lui est le fils de parents divorcés. Conrad est quelqu’un plutôt sûr de lui et exerce une fascination certaine sur Robin, plus que réservé et assez naïf.

Les études à l’internat sont intenses et laissent peu de place aux loisirs. La seule passion de ces jeunes gens se révélera être le ski. Le lecteur sera informé de la lente mais intensive préparation de Val d’isère en station touristique.



Bien sûr, cette période d’entre deux guerres et ces incertitudes sont relevées mais on sent bien qu’elles ne font pas partie de la pensée de Robin. A dix-huit ans, ses intérêts sont ailleurs : les études, le sport, les rencontres avec les cousins... et l’amour.



Je me suis demandée souvent où l’auteure voulait nous emmener, ce n’est que vers la fin que j’ai enfin compris ce que porte ce texte. Ici tout n’est que commencement : nouvel ami, nouvelle guerre, prémisses du tourisme alpin, nouvel amour...

Ce livre d’une beauté classique m’a subjuguée par son écriture et par son aboutissement : le passage à l’âge adulte et sa construction avec en toile de fond la perte d’êtres chers.


Lien : http://mespetitesboites.net
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Nuit sur la neige

Le nom De Robert, il le déteste ! Sa mère, qui le couve et a du mal à le quitter des yeux, l'appelle Robin. Et tout le monde a suivi, même dans la BJ (la boîte jèze) où il se retrouve en classe prépa et où tous les élèves bachotent avec beaucoup de sérieux, jusqu'à l'épuisement. C'est là qu'il rencontre Conrad, son exact opposé, semble-t-il de prime abord. Robin passe inaperçu, le charisme de Conrad attire tout le monde. Robin vient d'une famille bourgeoise, mais le veuvage de sa mère la fragilise (« réduite à vie à la condition d'éplorée à chérir ») et ils vivent au milieu d'une bande de cousins et de cousines. Conrad est autonome, cosmopolite, déluré, et les moyens financiers de son père sont importants. Un amitié va naître entre les deux garçons, initiée par l'admiration, la fascination et l'attirance que Robin éprouve pour Conrad. Et Conrad devra ouvrir les yeux du naïf et crédule Robin…

***

Robin est le narrateur de cette histoire qui se déroule en 1935-36, l'année de ses 17 ans. La Première Guerre mondiale est présente en toile de fond puisque Robin naît en 1918, alors que son père est déjà mort au front. Si les prémices de la Deuxième Guerre mondiale sont présentes, c'est par ce qu'en dit Conrad qui se tient au courant dans les journaux de tous bords politiques. Il sera aussi question des événements qui amèneront au Front populaire. le roman se divise en trois parties de taille inégale. La première relate la BJ et la naissance de l'amitié entre les deux garçons. La deuxième, très courte, raconte leur semaine de ski à Saint-Moritz où Robin s'initie à ce sport encore balbutiant en France. Conrad est déjà un skieur confirmé. La dernière se situe à Val-D'Isère où vont skier les deux garçons et où on voit apparaître un nouveau personnage, Clarie. Ce roman d'apprentissage permet à Laurence Cossé de raconter le début de la vogue du ski et le développement de la première station d'hiver française.

***

Je n'avais jusqu'à maintenant rien lu de Laurence Cossé, et j'ai beaucoup aimé ce roman subtil et souvent déstabilisant. On ne sait pas exactement quand Robin raconte cette histoire, mais on peut supposer, grâce à différents indices semés ça-et-là vers la fin de Nuit sur la neige, que c'est après 1947. Il s'est donc écoulé plus de 10 ans et le regard que porte Robin sur le jeune homme qu'il était se révèle parfois très sévère, même s'il réussit souvent à faire la part des choses. Par la brutalité du final, Laurence Cossé nous fait comprendre, je crois, qu'il est impossible à Robin de s'étendre sur les événements, même 10 ans après, et on mesure alors toute l'étendue de son deuil et de sa déception, comme le poids de sa culpabilité, qu'elle soit réelle ou supposée… Un bien beau roman !

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Le secret de Sybil

Années 60. Deux filles, Laurence et Sybil, deux amies très proches, issues l'une et l'autre de familles catholiques de l'Ouest parisien, abonnées aux collèges et lycées destinés à former une certaine élite. Il y a cependant une différence : la famille de Laurence est moins conformiste et sans doute moins aisée que celle de Sybil.

Sybil brille par son intelligence et plus encore par sa beauté. Elle brûle du feu de parvenir à l'excellence. Les années, le statut social, les ambitions les sépareront, jusqu'au drame.

Voilà un livre profond, écrit avec clarté et classicisme, sur l'amitié, sur la condition féminine dans le cadre des années 60 parfaitement suggérées.
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La Grande Arche

Je l'aperçois tous les matins en allant travailler. Grande, belle, immaculée. Elle m'impressionne.

Alors je fais une pause dans ma lecture, je lève les yeux et je la regarde par la vitre du RER.

C'est l'Arche.

Ses 110 mètres de haut, ses arrêtes éclatantes, ses lignes pures, son imposante volée de marches où je me suis assis si souvent. Et pourtant je ne savais rien d'elle. Je n'y voyais qu'un monument emblématique du célèbre quartier d'affaires de l'ouest parisien, mais j'ignorais tout de son histoire, du grand concours international d'architecture de 1982 qui a vu naître le projet fou d'un cube géant et ajouré. Je n'avais jamais entendu parler des hommes qui l'ont érigé, ni de leurs accrochages et de leurs divergences d'idées, ni des tractations politiques et des diverses péripéties techniques qui ont agité ce chantier titanesque entre 1985 et 1989...



Même le génial Johan Otto von Spreckelsen - dit Spreck -, l'architecte fantasque et idéaliste à l'origine de l'Arche, m'était totalement inconnu.

Heureusement sont arrivés Laurence Cossé et son ouvrage passionnant ! Ce fut un régal de revivre avec elle cette incroyable aventure qui, je m'en suis rendu compte, dépasse largement le simple cadre un peu rasoir de l'urbanisme et de l'aménagement du territoire.

Derrière le cube se cachent non seulement de fascinantes réflexions sur l'art, le processus de création, la vision d'un homme tout entier au service de son oeuvre, mais aussi des notions de physique et de géométrie, des défis techniques, des contraintes économiques, des pressions politiques, de coups bas et des conflits d'égo.

L'histoire de l'Arche embrasse donc celle de toute une époque, celle de la France mitterrandienne des années 80, celle des grands projets (Opéra Bastille, parc de la Villette, pyramide du Louvre, ...), du bicentenaire de la révolution et du G7 à Paris.



Les angles d'attaque sont multiples, et j'étais loin de m'imaginer en entamant ma lecture que Laurence Cossé parviendrait à aiguiser ainsi ma curiosité sur des fronts si divers. Il faut dire que sa plume est alerte, fine, intelligente : elle pourrait aborder n'importe quel sujet et le rendre captivant !



S'il ne fallait retenir qu'une seule figure de cette vaste enquête, ce serait sans conteste celle de Spreck, si attachante et si originale.

Voilà un véritable esthète de l'architecture, un perfectionniste venu tout droit du Danemark (avec toujours aux pieds ses mêmes sabots traditionnels !) où il menait jusqu'alors une carrière tout à fait modeste (juste la construction de quatre petites églises à son actif), qui n'a jamais touché un ordinateur et qui ignore tout ou presque de la technique. Spreck ne s'intéresse qu'au sens, à la symbolique, à la beauté du Cube et à ses proportions parfaites, à sa blancheur et au vide qu'il enchâsse.

Forcément, et malgré l'appui inconditionnel d'un François Mitterrand bien décidé à faire bâtir son arc de triomphe, cet homme d'idéal se heurte en France à bien des déconvenues. Il ne comprend rien à la lourdeur du système bureaucratique français, porte un regard éberlué sur la complexité des démarches administratives et sur notre "peu de sens du contrat" ("Nous avons du mal à le croire, nous autres Français qui nous voyons rationalistes, organisés et pour tout dire très intelligents, mais aux yeux de beaucoup de nos voisins nous sommes des passionnels, des idéologues, des phraseurs, des agités, des individualistes, enfin des gens peu sûrs").

En 1987, las des modifications incessantes apportées au cahier des charges, Spreck finit même par considérer les adjoints qu'on lui a plus ou moins imposés comme des traîtres ayant dénaturé son oeuvre : il jette l'éponge, rentre au Danemark et meurt dans l'anonymat deux ans avant l'inauguration de son Arche. L'article qui lui est consacré sur wikipédia (puisque c'est ainsi qu'on mesure aujourd'hui la renommée d'un homme...) est ridiculement succinct : heureusement que Laurence Cossé était là pour rendre justice à ce créateur atypique, allant même jusqu'à lui prêter un destin christique ("Une vie dans l'ombre. Puis trois années de vie publique. Un chemin de croix et la mort").



Mais voilà que je m'étale encore (combien d'entre vous sont encore là à l'entame de ce cinquième paragraphe ? ☺) alors je passe en vitesse et dans le désordre sur tout ce qui reste à découvrir dans "La Grande Arche" :

... un éclairage intéressant sur les habitudes professionnelles dans les entreprises scandinaves, et plus spécifiquement sur la société danoise (une société du consensus, marquée par le protestantisme et l'éthique du juste milieu : que de contrastes avec ce que nous connaissons en France !)

... des scènes étonnantes vécues dans les couloirs de l'Élysée, les rêves de grandeur de Mitterrand, les opinions divergentes de Chirac, les gabegies financières et le tour de vis budgétaire de Juppé, les changements de cap à répétition après les élections législatives de 1986 et l'entrée en cohabitation,

... des considérations esthétiques, les raisons qui ont déterminé le choix des matériaux, la conception des ascenseurs panoramiques et les mille aléas d'un chantier colossal (imaginez : trois hectares et demi de marbre et deux hectare et demi de verre, cent cinquante mille tonne de béton, treize mille tonnes de métaux divers, pour un ensemble de trois cent mille tonnes !), ainsi que de jolies formules articulées autour de mots tels que pureté, puissance, ouverture, audace, liberté,

... enfin un historique plus terre-à-terre et un peu confus, qui m'a moins intéressé, sur les multiples administrations, sociétés privées, consortiums, holdings aux acronymes abscons et autres associations plus ou moins fumeuses qui se sont succédé entre les murs du portique géant, sans que l'on parvienne jamais à comprendre à quoi le bâtiment était initialement destiné (un Centre international de la Communication ? "Entre 1982 et 1986, la fine fleur de la force au pouvoir en France va chercher à comprendre ce qu'elle a pu vouloir dire là. Centre d'abord, Carrefour ensuite, ASCOM, puis CIC, puis CICOM, changeant de président et de directeur aussi souvent que de nom, mais toujours avec un budget considérable, l'ectoplasme prendra des formes successives, aussi creuses les unes que les autres, avant d'être piétiné par un nouveau gouvernement. La suite sera plutôt pire puisque, après deux ou trois crapuleux simulacres, rien ne remplacera la baudruche et que L Arche, conçue pour héberger un au lieu de rencontre et de compréhension universelles, demeurera à moitié vide")

... et tant d'autres surprises encore !



Une chose est sûre : demain matin dans mon train de banlieue, quand je distinguerai au loin la silhouette de l'Arche, je verrai d'un autre oeil ce curieux assemblage de verre, de béton, de marbre et d'acier. J'aurai alors une pensée pour Johan Otto von Spreckelsen, lui qui "dans son carré monumental, a en quelques sorte encadré la perspective, comme s'il voulait afficher la notion même de dessin urbain et sa grandeur à travers les siècles."
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