Cette présentation de l'éditeur vous dit le récit. Je préfère vous parler des mots.
Ce roman là, c'est une voix, une voix d'outre-tombe, profonde, terrible, une voix aux accents tragiques, aux accords farouches, une voix de nuit, de loin, le verbe tranchant, la langue douloureuse, déchirante, pourtant retenue, pourtant éloquente; une voix comme un écho qui raconte les outrages, le gouffre de l'incompréhension culturelle, l'exclusion autant imposée que revendiquée.
C'est un roman, pas un essai. S'il raconte l'histoire de Tsiganes " retors à éduquer et à blanchir " [...] " dont on aura égaré le dossier à Nuremberg " installés sur cette rive du Danube, il le fait dans ce dernier souffle d'un vieil homme qui vous prend, prend tout. On s'abîme dans ce livre, le vent y est froid.
Ce roman là, c'est un chant dont on connait trop certains refrains sans avoir jamais écouté les couplets, une ballade qui n'est pas sérénade, une complainte qui n'est pas plainte, une mélopée en mémoire communautaire, la tradition de l'oralité, le monologue devient choral. Le Rom ne lit pas l'écriture ou la partition, ne s'y lie pas, sa musique qui raconte se transmet et se partage, elle ne s'apprend pas.
Cette lecture qui saisit, c'est une main posée sur le bras qui vous retient, juste une pression qui vous retourne, des mots et un regard envoûtants aussi sombres et durs que le bois des marionnettes, que celui des violons. Qui résonnent. Longtemps. Depuis longtemps.
Ce livre, c'est une exigence et une révélation. Pour ce qu'il dit et pour la façon dont il le dit.
" Gadzeske basavav andro kan, rineske andro jilo, disaient nos ancêtres, je joue à l'oreille des gadjé, je joue au coeur des miens. ". Pas cette fois, cette musique là atteint tous les coeurs. Et malgré le titre, c'est bien le silence qui s'impose la dernière page tournée.
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