AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Laurine Roux (448)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées


Une immense sensation de calme

«Le jeu des feuilles a traversé l’oubli»

Dans un premier roman qui sonde les âmes dans une nature hostile, Laurine Roux nous livre un superbe conte où la brutalité et l’instinct de survie se mêlent à la poésie et aux légendes.



Pour cette chronique, je souhaite commencer par rendre hommage à un auteur que je n’ai pas lu, mais qui est à l’origine d’une très belle initiative, le blog intitulé Le Off des auteurs et qui s’attache à demander aux auteurs en tous genres de raconter la genèse de leur livre. Cédric Porte a ainsi demandé à Laurine Roux de se prêter à l’exercice. Elle nous apprend ainsi que des amis de Sofia l’ont entraînée dans une équipée vers la Mer Noire, plus précisément à Irakli Beach. « On dort dans les bois, passe la journée sur la plage. Le temps ralentit, à l’image des pas dans le sable. Petit à petit, un état d’abandon me gagne. Une perméabilité aux éléments, jusqu’à ce bain de minuit au milieu du plancton luminescent. Le ciel se confond à la mer, le pelagos aux étoiles, et la nudité du corps dans cette immensité brute, magique et primordiale fait de ce moment une épiphanie. Le lendemain, l’instant continue d’irradier. Kyro, l’un des amis, reste longtemps face à la mer. Ses cheveux forment des figures géométriques variables avec le vent. Il semble s’effacer. Rentrée en France, cette image ne me quitte pas. Elle contient une puissance et un hors-champ dont je ne sais que faire. Je perçois qu’il est question de porosité entre la vie et la mort, l’homme et la nature, mais surtout que cette silhouette augure la possibilité d’une disparition sereine. J’écris une trentaine de pages, uniquement descriptives. Petit à petit, les contours de Kyro s’estompent. Un personnage prend chair, un espace s’ouvre. Igor et la taïga. »

Et effectivement ce qui frappe d’abord en lisant ce livre, c’est que la nature y joue les premiers rôles, personnage à part entière comme dans les livres de nature writing, comme disent les américains. Ici la nature est rude, le climat difficile, les éléments hostiles. Mais en même temps, c’est cette même nature qui livre les clés pour survivre et qui sert de grand ordonnateur. C’est ainsi qu’à la sortie de la saison froide la chasse et la pêche reprennent leurs droits. Quand la narratrice – dont on ne saura pas le nom – va relever ses nasses, elle croise un Igor. « Il répond à des instincts. De même qu’on ne demande pas à un renard pourquoi il creuse un terrier, on ne peut exiger d’Igor qu’il explique pourquoi courir dans cette direction plutôt qu’une autre. Il en est incapable. C’est un animal. J’aurais pu le deviner dès ce premier jour. » Presque sans échanger un mot, elle va le suivre comme une évidence. Jusqu’à l’Invisible, jusqu’à l’hiver. Jusqu’à cette nuit où il part dans l’obscurité avec son ami Tochko. « Lors de cette nuit, je découvre l’importance du renoncement. Je comprends qu’il faudra oublier l’inquiétude et les explications. Les minutes qui passeront seront mes compagnes. Les heures et les jours, des frères d’attente. Je les remplirai de jeux en attendant son retour. Car à chaque fois il reviendra. À cela non plus il n’y aura pas d’explication. Alors je me rendors dans la vapeur d’os et de viande. »

Alors que le froid commence à percer les vêtements, on va découvrir petit à petit le passé de ce petit groupe de personnes, comprendre qu’une guerre a laissé des traces indélébiles depuis un demi-siècle, que ceux qui vivent là sont des survivants qui ne peuvent que se rattacher à la nature et aux légendes. Ces histoires qui parsèment le récit et lui confère une dimension aussi poétique que mystique : « Chaque deuxième lune de l’automne, au moment où les arbres décharnés tapissaient le sol de feuilles orange et rouges, elle allumait un feu dans la cheminée, posait le pot de sel à ses pieds et se mettait à chanter. Elle s’adressait aux esprits du Grand-Sommeil et leur demandait de venir écouter ce qu’elle avait à leur dire. Elle chantait jusqu’à ce qu’ils arrivent. Alors elle s’arrêtait et fermait ses paupières, sa voix devenait profonde et basse. Elle leur demandait de prendre soin d’Ama qui avait disparu trop tôt; de lui apporter un peu de joie car elle n’en avait pas suffisamment eu; ensuite, elle chargeait les esprits de lui transmettre de nos nouvelles. Quand elle était sûre qu’ils écoutaient, elle racontait l’année qui venait de s’écouler. Le travail de la terre, les récoltes, les maladies. Puis elle rassurait Ama à mon sujet, se réjouissait que je devienne une robuste et honnête jeune fille. Elle n’oubliait jamais de rapporter les naissances, les morts et les mariages. Cela durait jusque tard dans la nuit. Baba ne voulait omettre aucun détail. Enfin, quand elle estimait que c’était assez, elle prenait une poignée de sel et la jetait dans le feu. Si les grains devenaient étincelles, les esprits acceptaient de transmettre le message. Elle en jetait encore une. Chaque grain contenait l’un des mots qu’elle avait prononcés. Ainsi, les messagers pouvaient les faire passer dans le monde du Grand-Sommeil. De minuscules langues de lumière crépitaient dans la nuit avant de se volatiliser dans l’au-delà. Lorsqu’elle avait fini, elle me faisait venir à côté d’elle et me caressait la tête. Il me semblait que sa paume, constellée de résidus de sel, contenait toute la voûte céleste. J’étais dedans et dehors à la fois. »

Avec une plume ciselée dans le bois et le sang, dans la neige et la cendre, Laurine Roux va nous offrir le passé des personnages nés dans un monde cruel, celui d’Igor mais aussi celui de la narratrice et de ses parents. Et comme tout ce beau roman est construit sur les contradictions, les antagonismes, on ne sera pas étonné de voir la nature qui ne pardonne rien offrir de quoi guérir les maux. Ni de constater que dans un univers aussi oppressant des valeurs telles que la transmission et la solidarité vont aussi trouver leur place. Parce que le désespoir n’est jamais sûr…
Lien : https://collectiondelivres.w..
Commenter  J’apprécie          310
L'autre moitié du monde

Ce livre est une grande surprise. Quel travail ! Il m'a été recommandé lors d'un café littéraire. L'auteure, Laurine Roux, me captive par sa plume poétique et ses mots empreints de mélancolie. L'histoire me transporte en Espagne avant l'arrivée de Franco, avec un ton percutant et brut. Malgré sa brièveté, composée de seulement trois chapitres, le livre est dévoré avec enthousiasme et me laisse une impression durable. Les phrases en espagnol disséminées dans le récit ajoutent une dimension dépaysante et agréable, bien que leur absence de traduction puisse constituer un léger bémol pour certains.

Mon attachement aux personnages est également profond, en particulier à Toya, une jeune fille qui incarne l'amour de la nature, la chasse et l'amour pour sa mère. Les paysans du village, victimes de l'injustice des aristocrates, suscitent également une grande empathie en moi. Mon désir de me battre à leurs côtés, de protéger leur cause et de lutter contre l'oppression se fait ressentir. Malgré l'ombre menaçante qui plane, l'histoire se déroule de manière authentique, magique, dramatique et mélancolique.

En résumé, ce livre est une expérience captivante et émouvante, une épopée tragique d'une grande beauté.

Mon avis détaillé :


Lien : https://lesparaversdemillina..
Commenter  J’apprécie          300
Le Sanctuaire

🦅 « Où étais-je cette nuit? »



J’étais dans le Sanctuaire avec Gemma et sa famille. J’étais dans un coin de monde, à part…Un espace-temps de survie. J’étais dans un endroit où l’on craint les oiseaux, les autres et soi-même. J’étais avec un vieux, un aigle, une rivière. J’étais une enfant, une mère, une hypothèse. J’étais des règles et des prodiges. J’étais silence, amour, cabri. J’étais plus forte que la peur. J’étais sauvage et redoutable. J’étais spectatrice d’une nature intransigeante. J’étais nuit et froid. J’étais dans le Sanctuaire, à croire à un futur meilleur. J’étais dans le Sanctuaire, à constater que le monde n’est qu’un sale et pourrissant merdier…J’étais là-bas cette nuit à craindre pour la vie de ces enfants…



🦅 « Cette seule idée menace tout ce que je sais. »



Parce qu’on parle de mesures, j’invite aussi les mots qui lui font ricochet Démesure et Demeure, parce que ce Sanctuaire, c’est la consécration du fol amour d’un père et du foyer qu’il essaie de sauvegarder…C’est un monde créé, recréé, fait de protections et de limites, accessibles uniquement à cette famille. Mais on le sait, dans ce monde, rien ne demeure jamais, surtout dans une ambiance post-apocalyptique aussi menaçante…Alors que va-t-il rester de ces mesures patriarcales, de cette garantie de refuge, de cette « mise à part » qui rend ce Sanctuaire tellement étrange? C’est à vous de le découvrir en suivant, les pas de Gemma, une vaillante petite fille qui ne s’en laisse pas compter dans la vie, n’en déplaise à certains…C’est qu’il en faut du courage pour tout remettre en question, pour se donner les moyens de ressentir sans les diktats de l’éducation, pour s’éveiller forte d’un nouvel élan bienveillant…Et que c’est beau de lire cela, cette forme de transcendance…



🦅 « La vie ça doit être comme ça. Parfois on plonge sans savoir ni où ni quand on émergera. »



Cette lecture, c’est un plongeon dans l’inconnu, au plus près de l’état sauvage, dans un monde qui se meurt en force feux…. L’épidémie est en fond de décor, la peur qui va avec, est au premier plan. Mais dans l’âpreté de cette ambiance, il plane la beauté. Un aigle. Entre fascination et symbolique, c’est le point fort de ce roman. L’envergure. L’envergure de ce rapace qui reflète en symbiose, l’ouverture d’esprit de cette petite fille…Mon cœur y croit. Gloria!





Ma note de Lecture 9/10
Lien : https://fairystelphique.word..
Commenter  J’apprécie          292
Sur l'épaule des géants

COUP DE COEUR



Nous voilà à la magnanerie Les Mûriers. Nous sommes dans les Cévennes en 1850 . Barthélémy Aghulon vient de naitre. Il va grandir entre l'amour inconditionnel de Violette sa mère et l'indifférence de son père Lazare plongé dans ses recherches sur la pébrine, cette maladie qui touche les vers à soie. Barthélemy n'a pour compagnon que Socrate un chat philosophe qui soliloque volontiers...

La lignée Aghulon s'agrandit , Barthélémy épouse Eglantine, de leur union naitront Jacques et Marguerite .

Ah Marguerite quelle héroïne ! Rose, Camélia, Iris menèrent elles aussi leur vie tambour battant.

Chacun, chacune rencontrèrent un ou des grands de ce monde, tel un papillon ils se posèrent un moment ou plus longtemps sur leurs épaules. Le siècle défile sous nos yeux .

Laurine Roux a une fort belle écriture, un ton de narration qui donne envie de tourner les pages. La succession de courts chapitres donne le rythme et les pages se tournent trop vite. Les personnages crèvent l"écran". Emotion, éclat de rire, amour, chagrin beauté du paysage, fragrance des fleurs et dégustation d'un peu beaucoup d'Aïthops Oinos ... que du plaisir!

A partager bien sur avec Socrate, Erasme, Dyonisos et Newton... Bonne lecture
Commenter  J’apprécie          280
Sur l'épaule des géants

Plusieurs générations durant plus d'un siècle : la saga est un genre littéraire attractif pour ce qu'il raconte de notre société dans un contexte historique.



Encore faut-il savoir innover. Et Laurine Roux se renouvelle avec talent après le très beau L'autre moitié du monde.



Elle donne avec une remarquable qualité de plume, un ton très personnel aux tribulations de la famille Aghulon, proche du conte picaresque.

Tout à la fois chronique familiale et roman d'aventure, le récit est joyeux et décalé, évoquant l'amour, l'amitié, la science, la flore, la faune, la musique, la cuisine et le bon vin.



Les personnages, tous savoureux, participent avec allégresse à la modernité de leur temps, affrontent les heures sombres de chaque époque avec ténacité et élégance (guerres, morts, séparations, persécution des juifs …), communiquant avec des chats philosophes et sarcastiques.

Les femmes, portant toutes des noms de fleurs, forment le socle pragmatique de cette tribu atypique où les hommes voguent dans leurs délires intellectuels ou scientifiques.



Un roman original, énergique, dynamique par ses petits chapitres courts façon feuilleton, illustrés de petits scénettes dessinées en noir et blanc.

Une lecture plaisir, intelligemment construite par ses références historiques mêlées à des trouvailles narratives savoureuses.



Merci à l'amie de bon conseil !



Commenter  J’apprécie          280
Une immense sensation de calme

Ni déçue, ni emballée... Il m'a manqué quelque chose dans cette immense sensation de calme. Cela arrive, une lecture qui ne vous laisse pas de sentiments profonds (ni positifs, ni négatifs). Dans ces cas-là, on aimerait dire "parce que c'était lui, parce que c'était moi...", afin de pouvoir se garder d'émettre un jugement. Ne pas céder à la facilité, serait d'argumenter sans fin ; mais, c'est bien aussi de reconnaître quand parfois, on ne sait que dire ou quoi dire de plus...



Laurine Roux mène bien sa barque, dans cette contrée glacée et recluse ; elle sait nous ouvrir aux silences, aux larmes toujours enfouies et à ces paysages que l'on devine aussi grandioses qu'inhospitaliers.



Son héroïne tombe sous le charme d'Igor, cet être décrit à mi chemin entre la bête et l'homme. Elle attache sa vie à la sienne, sans rien connaître de lui, si ce n'est ce qu'il fait et où il va. Elle ne se pose pas de question. Elle laisse les choses venir à elle. Les histoires surtout. Celle de la vieille Grisha qui finira par lui révéler ce qui a été si longtemps tu...



"Dans leur obstination blanche, ses pétales pourraient me consoler, je pourrais caresser leur corolle et humer leur parfum, regarder s'évaporer dans l'air métallique des soupirs de vie sublimes ; Je pourrais me dire que nous sommes ces flammèches crème qui fulgurent une heure avant de mourir, mas je suis bien trop fatiguée pour penser à autre chose qu'à fixer l'horizon, et c'est déjà bien."



Vous pourriez le lire et vous faire votre propre idée. Parfois, cela tient à pas grand chose, une belle rencontre avec un livre...
Lien : http://page39.eklablog.com/u..
Commenter  J’apprécie          280
Une immense sensation de calme

La jeune fille, narratrice de cette histoire, nous apprend dès les premières pages et en quelques mots comment Igor est entré dans sa vie. Elle le rencontre alors qu’elle remonte les nasses au bord du lac Baïkal. Depuis qu’elle est orpheline, elle vit dans une famille de pêcheurs. Mais quand Igor, cet homme sauvage et mystérieux, la choisit, elle accepte sa demande muette

« Igor n’est pas un homme. » … « C’est un animal. J’aurais pu le deviner dès ce premier jour. Tout était déjà inscrit dans ce corps-à-corps avec la roche »

Elle va le suivre, mettre ses pas dans les siens, traversant des contrées enneigées pour vendre le poisson séché aux vieilles isolées.

Nous sommes dans une contrée sauvage de Sibérie dont les habitants survivent en suivant le cycle des saisons et en obéissant aux traditions chamaniques. Pourtant, il n’en a pas toujours été ainsi sur ces terres glacées et oubliées. Autrefois était l’ancien monde, jusqu’à l’arrivée des oiseaux de feu. Une guerre apocalyptique a décimé ce monde. Les survivants ont dû se reconstruire et, pour effacer l’horreur, ils refusent d’évoquer cette époque qu’ils nomment « le grand oubli »

« Affronter l’histoire était trop douloureux pour les vieilles. Le silence seul leur servait d’aveu. Il n’y avait pas plus de place pour les regrets que pour la pitié dans leur cœur racorni. Qui aurait pu leur en vouloir ? »



La jeune fille accepte la rudesse de son existence, vivant avec les esprits que sa grand-mère, sa baba, lui a appris à vénérer.

« C’est en m’engouffrant dans les pas d’Igor que le souvenir de Baba a germé dans ma tête. Baba fait partie des morts qui ne me quittent jamais »

Lors de son périple dans ce nouveau monde où l’on doit se battre dans une nature âpre et pour survivre, elle va rencontrer d’étranges personnages, comme l’invisible qui a perdu la vue. Grisha, cette vieille femme qui vit à l’écart parce qu’accusée d’être sorcière alors qu’elle n’est que guérisseuse, va l’initier aux secrets de la filiation d’Igor.



En choisissant de sceller son destin à celui de cet homme rude, à l’instinct animal, la jeune fille entre dans un monde fait de violence et de légendes aux accents chamaniques. Dans cette vie en osmose avec la nature, le destin de la jeune fille se confond avec les vies passées, les légendes et les croyances qui tissent une histoire où la frontière entre réel et merveilleux est si ténue qu’elle se confond parfois.



Laurine Roux sait à merveille mêler le réel et le fantastique et faire naitre une histoire âpre et fascinante qui interroge sur la vie, la mort, où « les hommes sont simplement de passage ».

L’écriture est magnifique qui arrive à transmettre la sensualité, l’éclatement de la vie dans une langue sobre et poétique.

A la lecture de ce court roman, j’ai retrouvé les mêmes sensations que dans « De Pierre et d’os » de Bérengère Cournut. La narratrice est aussi une jeune orpheline du peuple inuit et dont l’histoire oscille entre réalité et rêves chamaniques.

J’ai vraiment aimé ce roman puissant qui nous emporte dans un monde vaste peuplé de mythes où l’homme ne pèse pas grand-chose.







Commenter  J’apprécie          280
Le Sanctuaire

C’est le seul ouvrage de le Rentrée Littéraire 2020 qui me tentait un tant soit peu et bien m’en a pris de réaliser cet achat d’impulsion qui ne me ressemble pas.



Car je dois dire qu’il faut être sacrément couillue pour présenter un tel récit en plein milieu d’une crise sanitaire telle que nous en traversons aujourd’hui. Laurine ROUX nous livre ici un récit qui m’immisce dans ce moment charnière où l’Homme est en passe (re-)devenir un animal comme les autres. Là, son instinct de conservation prend le dessus, le rendant de nouveau chasseur, prédateur, violent et sauvage. Là, ce qui fait son essence première s’exprime avec encore plus de virulence : son caractère profondément social, sa dextérité qui en fait un personnage à part dans la chaîne animale, mais aussi sa curiosité et son besoin viscéral de comprendre.



Ce roman, extrêmement court, et dont l’intensité qui va crescendo, vous saisira par ses descriptions à couper le souffle, par la beauté sauvage de la nature qu’il évoque et par les questions existentielles qu’il soulève à l’heure où la planète entière se plie aux diktats d’un virus qui prend parfois des allures apocalyptiques.



Au-delà de ça, ce récit peut se lire à bien d’autres niveaux et évoquer l’éducation castratrice de filles tenues en captivité par un père autoritaire et fourbe qui a su instiller un mal imaginaire dans l’esprit de sa femme et de ses filles afin de mieux en amputer la liberté.



A lire, de toute urgence, et d’une seule traite si possible !



Pour encore plus d'échanges, rejoignez-moi aussi sur Instagram !


Lien : http://www.instagram.com/les..
Commenter  J’apprécie          283
Sur l'épaule des géants

Irrésistiblement, un coup de cœur !

La saga des Aghulon des Cévennes à Paris - un joyeux bazar.

Un feuilleton familial vivifiant où l’on retrouve science, littérature et philosophie à travers toute une épopée.



A sa lecture, saperlipopette ! On en prend plein les mirettes ; c’est truculent, un petit côté fripon, et touchant.



Un roman vibrant de folie douce et de tendresse. Une farandole fantasque au tempo vif et enlevé.

Une jolie boucle temporelle autour du giron familial où toujours trouver secours et affection.

C’est entraînant, plein de fougue mâtinée d’énergie revigorante, j’ai adoré !



« Barthélémy, la sagesse commence dans l’émerveillement ». Merci Socrate !



Alors en voiture pour de folles aventures sur tout un siècle depuis fin XIXème avec Lazare, le scientifique un peu farfelu dans sa magnanerie, Violette sa douce épouse, et leur fils Barthelemy, personnages au départ de cette histoire.



Un roman dans lequel les chats philosophent et courent le guilledou ; et où les aïeules portent des noms de fleurs.

Une charmante harmonie.



Laurine Roux nous régale d’expressions délicieusement désuètes ; des mots surannés et un style élégant, un tourbillon de péripéties avec des personnages surprenants et attachants avec un petit brin de folie.

Car comme il plaît à Erasme « Un repas est insipide, s’il n’est assaisonné d’un brin de folie » !



Une lecture à travers laquelle on croise une flopée de personnages historiques, scientifiques, artistes … traversant des tournants de l’histoire aussi, et non des moindres.



« Le temps malgré tout trouvera la solution malgré toi »…



Une saga familiale racontée avec tendresse et ironie, fantaisie et humour, des anecdotes heureuses, drôles ou parfois tragiques, des bonheurs et des chagrins, que l’on découvre avec sourire et curiosité.



« C’est bien la pire folie que de vouloir être sage dans un monde de fous » (Erasme).

Et le clan de la famille Aghulon l’a bien compris !

*

De jolies gravures d’Hélène Bautista agrémentent le texte.

*

Une autrice qui ne cesse de me surprendre, car après un avis plus que mitigé sur « Le sanctuaire » (je n’avais pas accroché avec le côté post-apocalyptique et glauque), j’ai vraiment adoré par la suite « L’autre moitié du monde », et ne peux que chaudement recommander « Sur l’épaule des géants ». Des réussites, toutes différentes.

Commenter  J’apprécie          274
L'autre moitié du monde

Au Château de la Marquise, le quotidien du "petit-peuple" est rude, et l'aristocrate ne fait rien pour faciliter les existences, que ce soit en sa demeure ou dans les rizières. Pilar, sa talentueuse cuisinière, est une des proies du Château où la Marquise et le petit Marquis lui mènent la vie dure. C'est dans cet environnement socialement sombre que Toya, sa fille, évolue parmi les couleurs et odeurs de la nature. La "petite sauvage", comme la surnomme sa mère, ne sait ni lire ni écrire, pourtant, elle a soif d'apprendre à vivre. Avec le temps et les épreuves, elle aura aussi soif de revanche, de liberté et de vengeance...



Toya, fille de Pilar et Juan, n'est qu'une enfant au début du roman. Luz est déjà une jeune fille lorsqu'elle entre dans l'histoire, une cinquantaine d'année plus tard (à la moitié du livre). Elle oscille entre révolution et botanique dans un pays où "Franco n'est pas De Gaulle"...



"Les anguilles cherchent toujours à retourner là où elles sont nées." Tout est dit ici... et Laurine Roux va nous expliquer pourquoi dans ces 250 pages.



J'ai eu des difficultés à entrer dans l'histoire. Il m'a manqué des références de dates et de lieux pour m'impliquer rapidement. On se demande "où et quand" on est avant que des indices ne surviennent. J'ai failli abandonner, heureusement que je n'avais rien d'autre sous la main avant la cinquantième page, car je serai passée à côté d'une belle découverte.

J'ai ressenti peu d'attachement à Toya ou aux autres personnages avant la macabre découverte d'Alejandra (p43), puis l'entrée de la musique dans la vie de Toya (magistralement bien d-écrit !). Et je me suis vraiment complètement impliquée après la mort tragique d'un personnage secondaire fondamental, fondateur des actes et personnalités d'autres personnages, bien plus véhéments et tranchés... J'ai fini par rencontrer une foule de personnages mystérieux, sauvages, cruels, détachés, courageux, aussi emportés qu'emportant : très humains, donc...



Laurine Roux nous propose un roman historique, social, politique, engagé dans le passé et vers l'avenir, magistralement bien écrit. La tension monte progressivement sans que les horreurs ne soient clairement nommées. Les personnages se déploient au fil des pages.

L'autrice explore les rapports inégaux entre le peuple et l'aristocratie mourante ; les paysans et gens de "peu de biens" qui se réveillent doucement après avoir tant courbé l'échine dans les rizières ; et enfin, l'avilissement des femmes pauvres et leurs combats pour s'en sortir.



Le style de Laurine Roux est impeccable, implacable. le vocabulaire précis, l'écriture travaillée, maîtrisée font de "L'autre moitié du monde" un roman exigeant pour une lecture intelligente et émotionnellement forte.



Nota : je trouve que la quatrième de couverture de la version poche ne correspond pas vraiment au contenu... j'ai été assez désarçonnée par cette présentation qui ne met pas en avant les qualités de l'histoire et du style à mon sens...
Commenter  J’apprécie          260
Le Sanctuaire

****



Au sanctuaire, un lieu isolé au milieu des bois, Gemma vit avec sa sœur et ses parents. Un virus transmis par les volatiles aurait décimé toute la population. Il a donc fallu s'adapter... Si Gemma se fond dans son environnement, c'est un peu plus difficile pour June, sa sœur, et Alexandra, sa mère, qui toutes deux se remémorent leur vie d'avant... Le père au contraire, veut tirer un trait sur le passé et faire de ses filles des guerrières...



Après Une immense sensation de calme, Laurine Roux nous entraine une fois encore dans les étendues de terres, de forêts, au creux des grottes et des montagnes.

En suivant les traces de Gemma, on sent toute la puissance de cette nature qui entoure la famille, leur isolement, leur force aussi.

Chacun s'adapte à sa façon, avec courage. Parfois, la solitude et la nostalgie prennent le pas sur un présent rythmé par les saisons. Une chanson, un souvenir, une histoire... La voix d'Alexandra berce ses filles entre passé et présent, entre le monde d'avant et cette cabane qui les abrite aujourd'hui.



Mais quand le doute s'immisce dans le quotidien de Gemma, tout vacille. Et si son père ne disait pas tout ? Et si les frontières du sanctuaire pouvaient être dépassées ? Et si la vie n'était pas que celle qu'on lui imposait ?

Dans les yeux de ce grand aigle, Gemma y voit la liberté... Et elle ira jusqu'au bout. Malgré le père, sa violence et ses certitudes.



Laurine Roux nous enchante et nous glace. Avec une écriture poétique, sensuelle et parfaitement maitrisée, elle nous questionne sur l'amour qui étouffe, qui enferme, et cette nature qui libère... Gloria !
Lien : https://lire-et-vous.fr/2021..
Commenter  J’apprécie          260
Une immense sensation de calme

Une jeune fille vient de perdre sa grand-mère. Elle l’enterre selon la coutume c’est-à-dire dans son lit avec ses plus beaux draps. Cela coûte cher et la jeune fille échange sa cabane pour payer les frais. Elle part là où le chemin la conduira. Elle s’écroule épuisée mais elle est recueillie par deux frères, Pavel et Dimitri. Olga, l’épouse de Dimitri, la remet sur pied. Elle rencontre Igor et retourne sur les chemins avec lui, pour vendre le poisson séché des deux frères. L’histoire d’Igor prend forme au fil des pages.

Comme dans tout conte, on rencontre de la cruauté, des laisser pour compte, des préjugés,...

J’ai particulièrement apprécié le personnage de Grischa. Par contre, je n’ai pas été sensible à ce roman ou conte et, pour être sincère, j’ai failli l’abandonner... Pourtant, j’aime les légendes, l’écriture est poétique mais le cadre ( temps, lieu,...) trop flou m’a laissée sur le bord de la route. Parfois, les rencontres n’ont pas lieu et c’est le cas avec ce roman.

Mais ne vous fiez pas à mon avis car la plupart ont vraiment apprécié cette immense sensation de calme. Belle lecture!
Commenter  J’apprécie          262
Une immense sensation de calme

"Je me rappelle comme si c'était hier le moment où j'ai refermé la porte. Le souvenir de Baba et mon sac étaient mes seuls bagages. Je n'avais aucun endroit où aller. Je me souviens m'être demandé s'il était possible qu'une route ne finisse jamais. Alors j'ai décidé de commencer ainsi. Voir jusqu'où la route irait. Cela me semblait un bon début."



Un bon début, oui. Pour cette histoire et pour la carrière d'écrivain de Laurine Roux qui signe ici un premier roman singulier, à l'écriture charnelle, à la fois forte et poétique. Un texte à travers lequel on retrouve la magie du conte qui nous transporte dans un autre univers, proche et lointain en même temps. Il suffit de se laisser porter, de se laisser aller à la suite de cet incipit prometteur : "A présent il faut que je raconte comment Igor est entré dans ma vie"...



Ce roman, c'est d'abord un décor. Une grande étendue glacée et sauvage, qui évoque fortement les territoires sibériens peu accessibles et désertiques. La nature est omniprésente, forte, majestueuse, cruelle parfois. Une nature qui a survécu au pire de ce que les hommes sont capables de produire et qui nourrit désormais les générations d'après le "Grand-oubli" tout en leur rappelant à chaque minute sa puissance. Igor est une force de la nature, comme s'il puisait en elle toutes ses ressources et il produit sur la narratrice un tel effet qu'elle décide de le suivre à la minute même où elle le voit. Mais l'histoire d'Igor est notre histoire à tous, une histoire d'amour et de fureur, de bruit et de douceur. Dans laquelle il est question de transmission, des traces que nous laissons et de ce qui nous dépasse.



"En relevant la tête, le spectacle de la forêt tout autour me saisit. Tout me revient. L'immensité du ciel. La traînée laiteuse d'un nuage juvénile. La fulgurance des trouées de lumière à travers les frondaisons. Un bourdon volette au-dessus de ma tête, plein d'une grâce pataude. Tout entre dans mes poumons. Je lampe l'air à grandes goulées, et ma langue reconnaît dans ce baiser un goût de terre et de ciel. Vert et bleu. Les couleurs des baisers d'Igor."



Laurine Roux crée peu à peu un climat intemporel où domine la nature dans sa toute-puissance, témoin éternel de l'agitation des hommes et parfois de la beauté éphémère d'une histoire d'amour. On songe à de nombreuses références, on pense à l'influence de la littérature post-apocalyptique mais surtout, on reste subjugué par la force des images qui se déploient devant nos yeux redevenus ceux de l'enfant captivé par l'histoire du soir.



Une immense sensation de calme est un roman court mais intense, qui convoque les sens autant que les neurones pour leur offrir une expérience de lecture totale. Une jolie curiosité que je vous invite à découvrir sans plus tarder pour quelques heures de plaisir ouatiné.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
Commenter  J’apprécie          260
L'autre moitié du monde

Derrière chaque bouquet au bord de la route se tient un fantôme".

*

Des œillets pour toujours se rappeler...

Trois petites notes de musique qui éveillent...qui révèlent...et parsèment de fleurs...

Et une histoire d'amour, de mort, de haine, de vengeance.



Ce roman se situe dans le delta de l'Ebre en Espagne dans les années pré 1936 et post franquistes.

Prémices à la guerre d'Espagne mêlés à une histoire de destinées entre terre et mer.



La domination du Château sur le delta est à l'image de celle, cruelle, exercée par ses maîtres, les Ibanez, sur les paysans.

Ils sont plusieurs familles à s'épuiser à la tache pour le compte de la Marquise, à courber l'échine et vivre une relation de servage sous la coupe de cette famille.

Bien qu'au XXème siècle, on se croirait au Moyen-âge...



Avec son lot quotidien d'abus, d'humiliation, leur puissante supériorité ne saurait durer face au désœuvrement et à la hargne grandissante...

Aussi, la révolte, bientôt, gronde dans les rizières.

Parmi les villageois, Juan et Pilar cuisinière au Château, et leur fille Toya, intrépide sauvageonne.

Puis, ce qu'on inflige au Château va trop loin, toujours ; alors une colère sombre grandit chez Toya, une fureur placide et déterminée déborde en elle pour un jour se venger...

Un vent d'espérance apporté par des personnages comme Horacio, José, donne l'impulsion nécessaire à l'action pour faire bouger les choses.

La lutte sociale va s'enclencher avec ses espoirs, ses désenchantements, sa soif de justice et de liberté...

Car c'est une révolution terrienne qui couve...

La tierra.... Premier mot que Toya saura écrire... Presque d'instinct... Un présage... 

La révolution est à l'œuvre et fera couler le sang...

*

Un roman dans lequel on trouve de la voracité, de la sensualité.

Une écriture à la fois sèche et sans détour, et allusive aussi.

Un prélude, puis un trois temps avec une accélération presque précipitée, et un épilogue. 



Laurine Roux a recours au rapport aux éléments, à la nature ; à la matière, pour figurer la psychologie des personnages.

C'est réussi et pleinement évocateur.

C'est plein de saveurs, de senteurs.

Elle s'est amplement documentée d'un point de vue historique et laissée inspirer et imprégner.

Une lecture bouleversante et palpitante qui m'a captivée.



"C'est empirique une révolution, fait de tout un tas de tentatives, d'échecs, et d'accidents heureux. Surtout, ça s'arrose de rêve."

*

Un roman lu à la suite d'un café littéraire au Bleuet, librairie emblématique de Banon, une belle rencontre avec cette autrice autour de ses deux derniers romans.

*

J'ai beaucoup aimé aussi la photo de couverture.

*

Commenter  J’apprécie          250
Sur l'épaule des géants

Si l'on m'avait dit, lorsque j'ai refermé le premier roman de Laurine Roux - Une immense sensation de calme - que quelques années après elle me donnerait à lire Sur l'épaule des géants, j'aurais été plus qu'intriguée. Pas sceptique car la littérature c'est la vie, et surtout pas l'ennui. Les auteurs que j'aime depuis longtemps sont ceux qui n'écrivent jamais le même livre. Dès le début, les promesses étaient là. Celles d'une écriture, d'une saveur des mots, d'un univers. Or tenir une promesse peut s'avérer ennuyeux. Tandis que surprendre... Prendre à revers, changer de costume, afficher un jour la face colorée de la doublure réversible, oser l'épopée et l'humour. Oh mais que ça fait du bien !



Sur l'épaule des géants est une épique saga familiale qui traverse plus d'un siècle sur un rythme trépidant. On y retrouve le ton et l'atmosphère qui faisaient le succès des feuilletonistes et l'on s'y délecte de la compagnie savoureuse d'une galerie de personnages singuliers, attachants, passionnés et entièrement portés vers l'avant. Auprès de la famille Aghulon, entre les Mûriers (la ferme cévenole) et les virées parisiennes, entre deux dégustations de vin, on revisite tout ce qui a fait l'histoire récente à travers les engouements des uns et des autres. Progrès scientifiques, innovations technologiques, gastronomie, musique, viticulture, entomologie... Si les femmes de la famille portent toutes des prénoms de fleurs, elles sont loin de faire tapisserie. A commencer par Marguerite, maîtresse femme, vigneronne de choc et pilier d'un clan pour lequel elle ne jure que par l'épanouissement personnel et l'amour. Sur leur route : des inventeurs, deux guerres, un cuisinier poète, quelques artistes, des modes, des drames et deux ou trois escrocs. Et une lignée de chats philosophes, compagnons bavards mais fidèles, malicieux et parfois amateurs de contrepèterie.



Avec ce roman on retrouve immédiatement le plaisir originel de la lecture. On est embarqué, emmené, à la fois spectateur et complice. Heureux de se laisser surprendre, entre un clin d’œil et un jeu de mots. Étonné par l'énergie et la gaieté qui règnent dans ces pages même lorsqu'il s'agit de traverser les heures sombres de l'Histoire. Il y a là toute la magie des histoires bien racontées. Elle était peut-être simplement là, la promesse initiale entrevue dès le premier roman de Laurine Roux : celle d'une incroyable conteuse dont le plaisir à transmettre est ici tellement communicatif qu'il finit par rendre heureux celui ou celle qui reçoit ses mots.



Ne cherchez plus, vous avez ici le cadeau de Noël idéal, superbement illustré de dizaines de gravures d'Hélène Bautista, ce qui en fait un objet encore plus désirable. Rendre un lecteur heureux, quelle plus belle perspective ?
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
Commenter  J’apprécie          255
L'autre moitié du monde

Coup de cœur pour ce roman plein d’émotions !



J’avais beaucoup aimé les deux premières œuvres de Laurine Roux, Une immense sensation de calme et Le sanctuaire. Je n’étais pas la seule, le premier ayant reçu le prix Révélation de la Société des Gens de Lettres et le deuxième le Grand Prix de l’Imaginaire. Mais son troisième roman, L’autre moitié du monde, qui a été récompensé par le prix Orange du livre 2022, est, à mon sens, véritablement encore un cran au-dessus.



Dès le prologue, introduire le drame, sans savoir ce qu’il sera, par les bouquets de fleurs laissés en bord de route, apporte une tension et une attention particulière. C’est donc déjà dans un certain état d’esprit qu’on aborde la vie de Toya, enfant un peu sauvage, qui grandit dans les rizières du delta de l’Ebre dans l’Espagne des années 1930.



Les paysans restent sous le jouc des châtelains, mais des idées nouvelles se répandent à travers le pays pour mettre fin à ce système féodal vers une collectivisation de l’outil de travail, révolution à laquelle il sera mis fin rapidement par le Général Franco.



La narration fait retenir son souffle dans une construction du récit très réussie. On vit dans le marais aux côtés de Toya adolescente, ce qui m’a fait penser à la proximité avec la nature éprouvée à la lecture de Là où chantent les écrevisses de Delia Owens.



Je ne saurais par ailleurs expliquer pourquoi les personnages m’ont autant plu, mais c’est un fait, peut-être parce qu’ils sont complexes, entiers, sans être parfaits. L’enfant qui devient femme, la mère aimante qui subit pour préserver son foyer, le père taiseux mais investi, l’instituteur qui croit en l’éducation, l’avocat qui défend ses convictions politiques et agit en conséquence, le châtelain qui a tout et prend toujours plus… Que d’émotions ressenties auprès de ces femmes et de ces hommes !



Ce roman s’inscrit dans mes meilleures lectures de l’année. A découvrir si ce n’est déjà fait !

Commenter  J’apprécie          2511
L'autre moitié du monde

"Face à la fenêtre, face aux bassins qui se chauffent aux lueurs d’automne, elle remâche les paroles de Toya. les époques se tressent, les destinées aussi, et tout afflue ici, dans le delta.(p249)"



Espagne – Vallée de L’Ebre – Troisième roman de Laurine Roux et troisième lecture pour moi de cette autrice. Après Une immense sensation de calme, Le Sanctuaire elle change totalement d’orientation, passant de la dystopie à un récit avec pour toile de fond l’histoire, celle de l’Espagne dans les années 1930, au moment où monte dans une moitié de la société un sentiment de colère et d’injustice face à ceux qui ont et possèdent tout : pouvoir, argent et même parfois droit sur les corps, droit de vie et de mort sur ceux qu’ils exploitent.



Pour le faire, l’autrice nous immerge au sein d’un couple : Juan et Pilar, parents de Toya, âgée d’une douzaine d’années en début de récit. Lui travaille dans les rizières, elle comme cuisinière au château de la Marquise Dona Serena, son époux étant souvent par monts et par vaux et de son fils Carlos, propriétaires non seulement des sols mais également des humains dont ils jouissent sans vergogne. C’est autour de Toya que gravite le récit, une enfant souvent livrée à elle-même, illettrée, qui va apprendre non seulement comment le monde se divise, s’unit mais également s’affronte, comment les mots et les notes de musique peuvent adoucir les douleurs et les nommer, comment les humains peuvent être capables du pire comme du meilleur.



J’ai trouvé les personnages et en particulier celui de Pilar (la mère) très représentatif d’un peuple, dans sa douleur, ses silences, sa honte et dans son incapacité à dénoncer, le tout dans une écriture presque haletante, urgente tant l’oppression comprimait les cœurs et les corps, tant la colère montait l’autrice mêlant à la fois l’amour de la terre, du lieu, du Delta qui coule dans les veines tel le sang, les sens avec les odeurs, les touchers mais aussi la rage, la vengeance et la manière d’y parvenir. Afin de nous offrir une respiration face à tant de misère, de brutalités, Laurine Roux nous offre « une parenthèse » qui se déroule dans l’après, bien après, où d’autres luttes et affrontements sont menés par Luz et Pedro permettant ainsi de connaître le devenir de ses personnages.



Même si j’ai pris beaucoup de plaisir à ce roman et j’avoue même l’avoir dévoré tant l’histoire (la petite) de cette famille sur fond de l’Histoire (la grande, celle du pays où frémissent les premiers signes qui conduiront à la guerre civile et comme souvent aux massacres humains dont la terre et les mémoires ont longuement porté les traces) une fois le livre refermé et avec un peu de recul j’ai quelques petites remarques telles que : les portraits un peu trop poussés dans la caricature, presque à l’excès, des possédants même si je ne conteste nullement qu’il en fut souvent ainsi, le lien entre Toya et Horacio l’instituteur prévisible quant à son déroulement et son issue. Vous allez trouver que je cherche le petit « hic » mais je n’aime pas retrouver dans « x » romans les mêmes clés, le même tronc commun et tellement usité, même si je conçois que nous sommes dans le romanesque historique et que ceux-ci servent à relater l’Histoire, celle d’un pays et d’une époque.



Alors malgré ces quelques bémols ressentis je ne bouderai pas mon plaisir à vous avouer que j’ai beaucoup aimé cette lecture, vraiment beaucoup, j’ai suivi le destin inéluctable des différents personnages, revu des images inscrites dans ma mémoire après avoir vu certains documentaires sur cette guerre interne, les espoirs portés par toute une partie d’un peuple, de celui de l’autre moitié du monde, pour changer le rapport de force afin de retrouver dignité, justice et respect et comment les espoirs furent anéantis dans le sang et l’exode. Et puis il y a l’écriture très imagée et rythmée de Laurine Roux, riche en détails symboliques qui illustre parfaitement le contexte des êtres, de l’histoire, des sentiments, des sensations.



"Pourtant, ça aurait pu continuer comme ça pendant des siècles. Personne ne dira le contraire. Alors, qu’est-ce qui les a poussés à cesser le travail ce jour-là ? (…) Allez savoir pourquoi, cette fois-ci c’est différent… Certains allègueront que les événements se produisent quand ils sont mûrs. Ce matin, c’était une grenade pleine à craquer de jus : il a suffi d’en effleurer la peau pour qu’elle explose. (p113)"



J’ai beaucoup aimé et trouvé très réussi le passage entre l’imaginaire de ses deux précédents ouvrages à celui d’un contexte historique et celui-ci confirme à la fois une plume mais également une écrivaine capable de naviguer dans diverses zones avec succès.
Lien : https://mumudanslebocage.wor..
Commenter  J’apprécie          250
Le Sanctuaire

J'ai lu ce livre dans le cadre du Prix Passeurs de Mots 2023 auquel participe la médiathèque de ma commune. 5 livres sélectionnés départagés par les lecteurs et une thématique commune, cette année la nature. C'est pour moi, l'occasion de découvrir de nouveaux auteurs et d'explorer des genres dont je ne suis pas coutumière, comme ici l'anticipation avec Laurine Roux.



Les oracles avaient raison, l'anéantissement de notre civilisation est venu d'un virus transmis par les oiseaux, mais cela reste à l'état de sous-entendu, la catastrophe n'étant pas décrite. Une famille a pourtant survécu, trouvant refuge dans un coin isolé au pied de la montagne. Gemma, la jeune narratrice, née dans le "sanctuaire" ignore tout du monde d'avant. Connaissant la zone comme sa poche, elle est devenue une chasseuse à l'arc hors pair. En dehors de nourrir la famille, sa mission est de tuer et de brûler tout oiseau, vecteur de mort, qui approcherait. Sa soeur aînée, June, ainsi que leur mère gardent en tête les souvenirs de leur ancienne vie. C'est pourtant de Gemma, après sa rencontre fortuite avec un vieil homme, dresseur d'un aigle, que viendront les premiers questionnements.



Dès le début, la violence de certaines scènes m'a prise à la gorge : chasse et dépeçage du gibier, entraînement physique des filles, autorité brutale du père. Malgré sa douceur et le sentiment de réconfort qu'elle tente d'apporter, on devine bien que la mère ne fait pas le poids. L'avenir confirmera cette intuition. Paralysée par cette tension, je n'ai pas su apprécier la belle plume de l'auteure décrivant la nature environnante comme certains lecteurs. Je l'ai même trouvée un peu forcée, emplie de métaphores abusives : "Je tourne les secondes dans ma bouche, les suçote jusqu'au coeur. Comme des bonbons." A d'autres moments, son style est si elliptique que les situations décrites restent mystérieuses.

Au risque de passer pour la "coincée" de service, je me demande également pourquoi avoir ajouté ces scènes à connotation sexuelle qui n'apportent strictement rien à l'intrigue ? Pourquoi avoir donné au vieux sauvage des tendances pédophiles et le "pétage de câbles" du père page 121 n'était-il pas de trop ?

Un point positif malgré tout : fascinée par le monde des oiseaux, j'ai beaucoup aimé les quelques descriptions de l'aigle salvateur.



Trop de romans ont hélas joué avec l'idée de ce monde post-apocalyptique, celui-ci ne m'a pas vraiment convaincue et je lui accorde un 9/20. Dans un texte aussi court, il est difficile pour un roman débuté sous le signe de l'anticipation de prendre le virage du roman initiatique.



Commenter  J’apprécie          240
Sur l'épaule des géants

De livre en livre, Laurine Roux n’en finit pas de nous surprendre. L’autrice semble bien décidée à ne jamais écrire deux fois le même roman.

Avec « Sur l’épaule des géants », la voici qui nous redonne le goût du feuilleton littéraire à travers l’histoire de la famille Agulhon.

Et quelle famille ! Totalement irrésistible, généreuse et fantasque. Chez les Agulhon les femmes portent des noms de fleurs et les chats des noms de philosophes. Les hommes rêvent de termites albinos et de vers à soie. On fabrique le meilleur vin des Cévennes et on est sujet au coup de foudre. Le lecteur suit avec délectation les aventures extravagantes des générations Agulhon qui se succèdent.



Voilà donc un immense plaisir de lecture, et à l’heure où l’autofiction se taille la part du lion, enfin, enfin de la fiction (bordel) ! De la vraie fiction ou se mêlent la fantaisie et la tragédie. Laurine Roux semble s’être beaucoup amusée à écrire cette saga et du coup toi, lecteur, lectrice, tu t’amuses tout autant. Il y a de la gaieté, de la fraicheur, de la bouffe et du vin. C’est malicieux, vif avec un petit décalage qui rend tout ça singulier. Cerise sur le 🍰, les illustrations d’Helene Bautista sont magnifiques.



A consommer avec un bon plat en sauce et (par exemple) un Vacqueyras
Commenter  J’apprécie          230
Le Sanctuaire

Peut-on ressentir la sensation d'un manque pour quelque chose que nous n'avons jamais connu ?

Gemma est née dans le sanctuaire, un lieu reculé situé dans une zone montagneuse où ses parents et sa soeur se sont réfugiés il y a de nombreuses années suite à la propagation par les oiseaux d'un virus mortel aux humains. Tout au long de son enfance, la jeune fille apprend à survivre et à éradiquer les oiseaux qui croisent son chemin. Un jour une rencontre inattendue et bouleversante va ébranler ses certitudes. Cette expérience va la transformer et un souhait d'émancipation à ce quotidien va naître et grandir peu à peu...



Par sa plume, Laurine ROUX arrive à nous emmener dans cet univers où règne une nature luxuriante à la fois fascinante et dangereuse. Elle y aborde les thèmes du passage de l'enfance à l'adolescence, de la survie et de la famille.



J'ai retrouvé à la lecture de ce livre le style et l'écriture de Bérengère Cournut dans "De pierre et d'os" qui aborde elle aussi la question d'une vie en pleine nature...



#68premièresfois

#Item 16
Commenter  J’apprécie          230




Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Laurine Roux (1549)Voir plus

Quiz Voir plus

Où se passe l'action dans ces romans ?

de Albert Camus (France): où se passe l'action de "La peste" ?

Constantine
Alger
Oran

15 questions
126 lecteurs ont répondu
Créer un quiz sur cet auteur

{* *}