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Citations de Leïla Sebbar (83)


Comment un être dépourvu de parole peut-il témoigner de l’horreur de la guerre ? De la violence des hommes ? Et de la souffrance des femmes ?
Dans la nouvelle “Mémoire de l’arbre”, Leïla Sebbar met en scène le corps d’un arbre qui est le témoin d’un horrible crime. Un arbre incapable de protéger celle qui avait élu cachette entre ses branches. Il nous raconte avec précision le moment où la vie de cette fillette bascule. Il est le spectateur d’une scène d’une violence inouïe qu’il parvient à ressentir. Mais avant tout, il est, malgré son immobilité, le narrateur qui met en lumière les violences sexuelles exercées sur les femmes. « Après tout, c’est pas une femme, c’est une chienne, on la laissera aux chiens et on partira », cette citation montre l'atrocité dans laquelle vivent les femmes mais aussi les filles comme celle dont il est question dans cette nouvelle. Considérée de la même façon que le serait un gibier. Cette enfant est laissée pour morte aux pieds de l’arbre, témoin impuissant. Aux yeux des soldats elle n’était qu’un moyen d’assouvir leurs besoins sexuels, un pantin doté d’un cœur.
Ce texte fait partie du recueil De l’autre côté de la mer, c’est loin qui est une oeuvre féministe dans laquelle sont dénoncées les abus faits aux femmes en Algérie. Les nouvelles abordent avec poésie et beaucoup de violence l’oppression des hommes, la quête féministe des femmes, ainsi que l’attrocité de la guerre.
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La détresse de réfugiés d'aujourd'hui réactualise celle que j'ai alors vue de près. Il y a un fonds commun à toutes les guerres (Martine Mathieu-Job, Blida. Boghari, Ma drôle de guerre)
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« De l’autre côté de la mer, c’est loin » est la nouvelle qui m’a particulièrement le plus touchée et marquée que ce soit du point de vue de l’histoire, des rôles ou des caractères des personnages. À première vue, le titre de la nouvelle est « la Mère et le Fils » tandis qu’au fil de la lecture on s’aperçoit qu’il s’agit en réalité de la belle-mère. L’auteure a peut-être voulu nous montrer que la mère biologique de l’enfant n’est pas présente alors elle a attribué ce rôle de mère à “la femme du père”. Cette entrée dans la nouvelle nous laisse croire que le fils interrompt le récit afin de s’insérer dans la narration. Ainsi, la ponctuation au début de la nouvelle stimule les pensées de l’enfant, dans son raisonnement et dans le fil de la réflexion. On a l’impression que l’enfant n’est pas si présent que cela hormis le fait que les sujets de conversation le concernent, c’est-à-dire qu’on est projeté dans l’échange qu’il y a entre la conjointe et le père et ce n’est qu’à la fin que l’enfant, en prenant la parole, va en quelque sorte marquer sa présence. Une des choses qui m’a touchée dans cette nouvelle est cet énoncé : « elle viendra ta maman, bientôt, on sera amies elle et moi, tu verras, toi tu seras son petit garçon, et elle ta seule mère… » qui, à première vue, laisse penser qu’elle dit sûrement cela pour se valoriser aux yeux de l’enfant et qu’elle accepte qu’elle ne sera jamais sa mère dans son cœur. Il y a une sorte d’insistance: « toi tu seras son petit garçon, et elle ta seule mère… » où elle a conscience de la place qu’elle a et que ça lui fait mal d’avoir ce statut où elle n’est pas sa mère biologique d’où les points de suspension qui s’en suivent juste après. Elle craint que son mari lui retire l’enfant comme il a su le faire avec la femme française. S’il l’a fait une fois, il peut très bien le reproduire avec elle.
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La mère, en lui, chantait toujours, elle lui redonnait le goût des sources, le nourrissait. Elle était encore cette terre engloutie qu'il avait vue se mélanger aux bouillons gloutons du sillage du paquebot qui l'avait conduit en France.
Du bastingage, appuyé à la main courante, l'enfant vit se perdre Alger, la ville blanche et les cubes peints à la chaux de la Casbah qui recouvrent les collines. Tout s'effaçait et pourtant en lui, il le savait déjà, tout s'inscrivait, se gravait, comme par enchantement.
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Areski semblait tout excité. Il disait que la terre, parce qu'elle avait bougé, n'était plus la terre comme d'habitude. "Et moi, monsieur Michel, je suis peut-être Areski, mais pas le même."
- Et moi ? avait demandé mon père.
- Toi, monsieur Michel, tu es toujours monsieur Michel. Mais peut-être qu'on est maintenant tous les deux comme deux frères. Deux frères qui marchent ensemble dans la nuit pour retrouver l'eau de la montagne sous la lune.
- Comment, Areski, tu veux qu'on soit frères ? Toi en arabe, tu dis 'le lune', 'la soleil' et moi je dis 'la lune', 'le soleil' !
- d'accord, monsieur Michel, mais c'est comme au marché quand on fait l'échange. Les poivrons, les tomates changent de noms mais ils restent pareils. Et moi, ce soir, je suis ton frère parce que la terre a bougé.
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J'ai eu un chagrin... Un chagrin immense. J'ai compris ce jour-là qu'on peut mourir de chagrin. Mourir d'amour... Mais je ne suis pas morte. Quand le cousin m'a annoncé la nouvelle, je n'ai pas parlé. Je n'ai rien dit. Paralysée. Je n'ai pas bougé jusqu'au lendemain matin. C'est le facteur qui m'a réveillée, brutalement. La porte n'était pas fermée, ni les volets, il m'a vue assise, la tête entre mes bras croisés, sur la table de la salle à manger. Il a cru que j'avais eu une attaque, il est entré et il m'a secouée. Il a pris peur parce que je l'ai regardé sans le reconnaître, les yeux ouverts, je ne le voyais pas. Il ne savait pas ce qui m'arrivait. Il a déposé le journal comme il l'a toujours fait, au coin de la table et il a continué sa tournée.
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En général, le costume traditionnel des femmes juives est composé d'un seroual bouffant éventuellement accompagné de guêtres imposantes en tissu damassé, d'une tunique large souvent assortie de glands frangés, de mules brodées et d'un chapeau conique très spécifique de l'appartenance confessionnelle (...). La tenue peut-être agrémentée d'un gilet brodé (ghlila), d'une chemise à manches vaporeuses et d'une fouta, sorte de grande étoffe recouvrant la femme de la taille au genou. Mais le costume traditionnel des femmes juives tend à s'alléger à mesure de leur "occidentalisation": celles qui gardent encore un certain attachement à leur ancien parure portent alors un seroual moins encombrant, des tuniques à manches bombées plus pratiques et de simples fichus pour recouvrir la tête.
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La cigarette, que les Ouled Naïls, mais aussi bon nombre de Mauresques d'Alger arborent aux lèvres ou à la main, constitue, au même titre que les bijoux , un accessoire obligé. Si elle intervient, à l'évidence, comme une sorte de confirmation du statut de modèle, comme un instrument de muette invite à un rapprochement imaginaire, le poncif n'en échappe pas moins, souvent, à la platitude des automatismes et à la vulgarité des connotations grâce à la moue des lèvres entre lesquelles cette cigarette est vissée, à l'enjouement du regard voilé par la fumée, à l'ironie de la main qui manie l'emblème.
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La photographie et la carte postale, orientalistes puis coloniales, n'ont pas seulement été les supports d'une vision fictionnelle des femmes d'Orient; elles ont aussi été les véhicules idéologiques d'une image stigmatisante de la "féminité orientale", présentant la sexualité comme révélatrice d'un état de civilisation inférieur. Guy de Maupassant n'est pas en reste. A propos de l'Algérienne Allouma, il écrit en 1889: "Je ne l'aimais pas, non, on n'aime point les filles de ce continent primitif; elles ont un coeur trop rudimentaire, une sensibilité trop peu affinée pour éveiller dans nos âmes l'exaltation sentimentale qui est la poésie de l'amour. Rien d'intellectuel, aucune ivresse de la pensée ne se mêle à l'ivresse sensuelle que provoquent en nous ces êtres charmants et nuls."
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L'Orient mythique de la féérie sexuelle devient donc, progressivement lieu de "débauche", et de "vice", à l'image de cette "Mauresque du Sud" dont le torse grossièrement dénudé et marqué de tatouages "à la légionnaire", ne laisse aucun doute sur ses activités, non plus que l'inscription manuscrite sous les seins de cette autre "Femme mauresque", sans doute "Mouquère de la rue de l'Echelle", - la rue "chaude" de la ville de Constantine.
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Les premières lettres de Simon à Marguerite racontaient la stupeur du jeune soldat.(...)
il écrivait :"(...) J'ai vu des femmes qui vont chercher l'eau loin de chez elles, elles ne regardent pas les hommes, mais nous on peut les regarder autant qu'on veut.Je les trouve belles, malgré ce que disent mes copains, qui me répètent que je devrais pas faire attention à ces sauvages et qu'on est pas là pour les admirer, mais pour tuer leurs fils, leurs maris, leurs pères, leurs frères et c'est vrai on est là pour ça..."
( p.17)
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Il apprend l'arabe, l'espagnol, les jeux des garçons, le "sigle", pourquoi ce nom-là pour jouer aux roseaux taillés avec un petit couteau bien aiguisé ? Les osselets, les "pignols", des noyaux d'abricots, on les frotte sur une pierre et on siffle, le "carrico", une planche sur roulements à billes qui dévale en hurlant des pentes abruptes.
in "Elles font le boulevard" p.59
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Elle dit aussi qu'elle est arrivée seule, à dos de mulet, avec ses bagages et que la pluie d'orage, un déluge, a failli l'emporter au fond du ravin. Les hommes, les anciens l'ont accueillie, les femmes l'ont aidée dans sa maison d'école, vide, les enfants, garçons et filles l'ont mise à l'épreuve, elle a résisté, ils l'ont adoptée, elle a même appris la langue de la montagne. Peut-être ma grand-mère a récité les fables de la Fontaine ?
Pour elle, les tisserandes ont fait le plus beau tapis et un burnous d'homme, l'hiver il neige, elle dit qu'elle n'a pas eu froid, parce que dans ce village on l'aimait et elle aussi elle a aimé cette vie.
in "Le monologue de la prisonnière" p.26
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« Orpheline, c’est une orpheline… » Ce mot je l’avais lu dans les livres illustrés de la collection Rouge et or, les miens, ceux de mes sœurs, je les lisais tous, orphelins et orphelines, Rémi, Heidi, Perrine… Je les retrouvais d’un roman à l’autre, presque toujours des séries jusqu’à la mère retrouvée par miracle, rarement le père. Ainsi, une orpheline en chair et en os, toi, turbulente et intrépide, tu pouvais vivre la nuit, le jour, sans surveillance, libre de tes gestes et de tes cris, de tes amis aussi. Des garçons toujours. Et ils ne t’insultaient pas. Tu jouais avec eux sur le stade, dans la rue le long des cyprès du domaine, dans les wagons abandonnés de la vieille gare où nous allions par effraction, pas dans les wagons, seulement sur la petite esplanade cimentée de la gare, je ne t’ai pas rencontrée au bout de cette route, la seule goudronnée ou encore chemin de terre ? Jamais je ne t’ai vue seule, marchant comme mes sœurs et moi, vers le village ou le long de la voie ferrée, lorsque nous ramassions des asperges sauvages, très minces et très vertes, pour l’omelette du soir. « Orpheline ».
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Le pays natal perdu pour toujours, le pays de la naissance ne sera pas le pays de la mort.
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Je sais qu’elle était pacifique. Pas de couteaux, pas de bâtons, pas d’armes, c’était la consigne de la Fédération de France. Je le sais. Manifester en famille avec femmes et enfants, même les vieilles et elles criaient, elles chantaient l’hymne national… Elles frappaient dans leurs mains. Les hommes se sont pas défendus, ils ont pas riposté. Ils ont obéi aux consignes du FLN.
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On a pris le bus. Ma mère serrait ma main. Les voisines ne bavardaient pas comme d’habitude. On était ensemble. On se taisait. La Défense, l’Étoile. Le chauffeur s’est arrêté. C’est là que j’ai eu peur. Des policiers ont fait descendre les hommes, pas tous. Ceux qui avaient l’air d’Algériens. J’ai vu ces hommes debout, les mains en l’air, à côté du bus, les policiers avec des matraques. J’ai regardé ma mère. Elle m’a souri. Sa main était chaude. Je n’ai pas pleuré. J’avais jamais vu Paris, c’était Paris et je voyais rien. Seulement des hommes, comme mon père, les mains sur la tête. Les policiers français et d’autres policiers avec des calots bleus, arrêtaient les voyageurs qui sortaient du métro, ils les faisaient monter dans des cars. Certains donnaient des coups à ceux qui marchaient pas assez Vite
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C’était le 17 octobre 1961. Il pleuvait. J’ai pensé que j’allais mourir, je buvais l’eau de la Seine, J’étais lourd, lourd.[…] Ce soir-là, la pluie, les coups, l’eau froide, elle sentait mauvais la Seine… La prière est revenue. J’ai prié, prié… et j’ai été sauvé. Sinon, je me noyais, comme d’autres. On a retrouvé des corps charriés par la Seine. Sûrement la Seine était rouge ce jour-là, tic nuit on voyait pas. On a repêché des Algériens, ils avaient les mains liées dans le dos et les pieds attachés… Pour faire 1,-Li, il a fallu du temps. Je comprends pas. On les a enlevés, on les a ligotés et après des coups à la tête on les a jetés dans la Seine ? Ou avec trois balles ? La Seine les a rejetés. Même la Seine, elle en voulait pas des Algériens.
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Le peintre attend son modèle.

Elle a la voix de l'Orient, la couleur de l'Orient ; pour ses cheveux noirs il a confectionné des coquelicots en soie, les coquelicots du jardins sont trop petits, fragiles comme des pavots, mais elle ne dormira pas, elle aura le regard vague, profond de qui rêve dans le jour, elle sera là, pour lui.
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Je suis la fille de l’étrangère, la Française qui habite la maison d’école, celle qui s’est mariée avec un Arabe. C’est une folle. Ses enfants sont des bâtards et ses filles, des filles de pute. Si l’une d’elles marche sur le chemin, ils l’enlèveront pour la niquer dans la grotte… Elle sait le geste obscène des garçons… et les cris âpres, les rires violents, obsédants, qui donnent au geste répété comme à l’infini le tremblement de la terreur et du meurtre d’amour, du meurtre sacrificiel.
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