Citations de Leïla Slimani (2066)
-Disons que je reste tranquille.
-C'est cela guérir pour vous ? Rester tranquille ?
Oui. Je suppose. Mais guérir, c'est terrible aussi. C'est perdre quelque chose .Vous comprenez ?
p.197
Elle se sent sentimentale tout à coup. C'est ça qu'être mère a provoqué. Ça la rend un peu bête parfois. Elle voit de l'exceptionnel dans ce qui est banal. Elle s'émeut pour un rien.
Il lui est arrivé de se montrer cruel. Il a profité de son pouvoir sur elle pour la rabaisser.
Dans son amnésie flotte la rassurante sensation d'avoir existé mille fois à travers le désir des autres.
Adèle a déchiré le monde. Elle a scié les pieds des meubles, elle a rayé les miroirs. Elle a gâché le goût des choses . Les souvenirs, les promesses, tout cela ne vaut rien. Leur vie est une monnaie de singe.
Adèle a fait un enfant pour la même raison qu'elle s'est mariée. Pour appartenir au monde et se protéger de toute différence avec les autres. En devenant épouse et mère, elle s'est nimbée d'une aura de respectabilité que personne ne peut lui enlever. Elle s'est construit un refuge pour les soirs d'angoisse et un repli confortable pour les jours de débauche.
Avoir envie, c’est déjà céder. La digue est rompue. A quoi servirait de se retenir ?
Nous ne serons heureux, se dit-elle alors, que lorsque nous n'aurons plus besoin des uns des autres. Quand nous pourrons vivre une vie à nous, une vie qui nous appartienne, qui ne regarde pas les autres. Quand nous serons libres.
Elle comprit très vite que le désir n'avait pas d'importance. Elle n'avait pas envie des hommes qu'elle approchait. Ce n'était pas à la chair qu'elle aspirait, mais à la situation. Etre prise. Observer le masque des hommes qui jouissent. Se remplir. Goûter une salive. Mimer l'orgasme épileptique, la jouissance lascive, le plaisir animal. Regarder partir un homme, ses ongles maculés de sang et de sperme.
L'érotisme habillait tout. Il masquait la platitude, la vanité des choses. Il donnait du relief à ses après-midi de lycéenne, aux goûters d'anniversaire et même aux réunions de famille, où il se trouve toujours un vieil oncle pour vous reluquer les seins. Cette quête abolissait toutes les règles, tous les codes. Elle rendait impossible les amitiés, les ambitions, les emplois du temps.
Son coeur s'est endurci. Les années l'ont recouvert d'une écorce épaisse et froide et elle l'entend à peine battre . Plus rien ne parvient à l'émouvoir.Elle doit admettre qu'elle ne sait plus aimer . Elle a épuisée tout ce que son coeur contenait de tendresse, ses mains n'ont plus rein à frôler.
Les gens insatisfaits détruisent tout autour d'eux.
Le bébé est mort. Il a suffi de quelques secondes. Le médecin a assuré qu’il n’avait pas souffert. On l’a couché dans une housse grise et on a fait glisser la fermeture éclair sur le corps désarticulé qui flottait au milieu des jouets. La petite, elle, était encore vivante quand les secours sont arrivés. Elle s’est battue comme un fauve
Quelle tristesse que ce livre. Aurait pu faire l'objet d'un bon article de journal dans la rubrique fait divers. C'est bien écrit, mais c'est plat. Et quelle idée d'avoir écrit la fin à la 3eme page. Je ne comprends pas l'attribution du Goncourt à ce livre. Au revoir là-haut, c'était autrement passionnant...
Mais c'est le soir, quand elle rentre chez elle, que Myriam est le plus accablée. L'appartement est dans un désordre immonde. Des jouets traînent partout dans le salon. La vaisselle sale a été jetée dans l'évier. De la purée de carottes a séché sur la petite table.
Française, enfant d'étrangers
Je suis l'enfant de tous ces étrangers et je suis française. Je suis une immigrée, une parisienne, une femme libre, persuadée qu'on peut s'affirmer soi-même sans nier les autres. Que la nationalité n'est ni une gloire , ni un mérite; Qu'il y a de la joie à vivre ici et maintenant. Voilà à quoi je voudrais que ressemble la France de 2016: à ces repas de Noël joyeux et interminables, où chacun avait sa place, où l'on ne jugeait ni l'ivresse des uns ni la liberté de ton des autres.
Où les vieux ne riaient pas des discours des plus jeunes, où les blasphémateurs amusaient toute l'assemblée. Où à la fin ne subsistait que la conscience du privilège d'être ensemble dans un monde où tout, pourtant, s'emploie à nous désunir. (p. 47)
Elle croit aussi qu'il est de son devoir de mère de fixer ces instants, de détenir les preuves du bonheur passé.
Louise se précipite dans la cuisine et elle est accueillie par des bravos en entrant dans le salon, son plat à la main. « Elle rougit », s’amuse Paul, d’une voix trop aiguë. Pendant quelques minutes, Louise est au centre de l’attention. « Comment a t elle fait cette sauce ? » « Quelle bonne idée le gingembre ! ». Les invités vantent ses prouesses et Paul se met à parler d’elle -« notre nounou »-comme on parle des enfants et des vieillards, en leur présence.
" L'érotisme habillait tout. Il masquait la platitude, la vanité des choses."
« Pas de sans-papiers, on est d’accord ? Pour la femme de ménage ou le peintre, ça ne me dérange pas. Il faut bien que ces gens travaillent, mais pour garder les petits, c’est trop dangereux. Je ne veux pas de quelqu’un qui aurait peur d’appeler la police ou d’aller à l’hôpital en cas de problème. Pour le reste, pas trop vieille, pas voilée et pas fumeuse. L’important, c’est qu’elle soit vive et disponible. Qu’elle bosse pour qu’on puisse bosser. »
Les amies d'Adèle sont belles. Elle à la sagesse de ne pas s'entourer de filles moins jolies qu'elle. Elle ne veut pas avoir à s'inquiéter d'attirer l'attention.