Len Deighton

C’était incroyable de songer que la guerre n’avait commencé que deux ans plus tôt. Maintenant, elle était terminée ; les combats avaient cessé, la cause était perdue.

- Londres cherche à le débaucher, fit Werner.
- Le recruter pour travailler pour Londres, c'est ça que tu veux dire ? demanda Zena.
- On recrute des gens ordinaires pour en faire des espions, expliqua Werner patiemment. Mais lorsqu'il s'agit d'un officier des services de sécurité ennemis, et en particulier d'un de ceux qui peuvent vous aider à démanteler ses propres réseaux, on l"embauche".
- C'est la même démarche, fit Zena vivement.
- C'est très différent, répondit Werner. Lorsqu'on recrute quelqu'un et qu'on le met sur le terrain, on lui dresse un portrait romanesque de la chose; On lui en montre le côté prestigieux et on lui donne le sentiment qu'il est quelqu'un de courageux et d'important. Mais l'agent qu'on débauche connait déjà toutes les réponses. C'est une démarche perverse. Il s'agit de raconter des bobards à des menteurs hautement qualifiés. Ils sont cyniques et exigeants. C'est facile de lancer le jeu mais ça tourne toujours au vinaigre, à un moment ou a un autre, et les gens tombent dans l'hystérie la plus folle.

Ils eurent pour le repas du soir un petit bout de poisson bouilli, et, après avoir couché le jeune Douggie, Douglas gagna sa chambre. Il avait mis de côté un tout petit peu de scotch; il en versa un verre à Mme Sheenan et emporta le sien au lit, avec un roman d’Agatha Christie. Mais il n’en avait pas lu plus de quatre pages que le commissaire dormait à poings fermés.

- Nous ferons un ménage à trois, déclara Signa en se tournant vers moi. Ca vous plaît ?
- L'idée que je me fais d'un ménage à trois, c'est moi et deux femmes, dis-je.
- Avec deux hommes, il y a plus d'argent, remarqua Signa.

- Qu'est-ce que c'est que ça ?
- Une patte de lapin. C'est censé porter bonheur.
C'était un pauvre bout d'os et de fourrure, tout desséché.
- Dites ça au lapin, dis-je.

Surprise me. Do it without complaint or sarcasm.
It wouldn’t be the same.

Il m'a dit que le P-47 coûtait trop cher, buvait trop de carburant et pesait trop lourd. Vous venez juste de faire le portrait de ma femme, mon général, lui ai-je dit, mais il se trouve que je l'aime tendrement.

Fuchs Überal et un sapeur découvrirent alors un aviateur anglais retenu dans un arbre par son parachute, à cent mètres de là. C'était un solide gaillard qui leur fit un sourire crispé. Les deux sapeurs le tuèrent à coups de pelle.

- Harry, demanda-t-elle soudain, que sais-tu du système anglais des public schools ? [...]
- Les public schools ? Quelles choses étranges peuvent te traverser le crâne ! La plupart des types, à la clinique, semblent s'en être tirés sans dommages apparents. Mais va donc savoir ! Et puis, attention, il n'y en a pas beaucoup avec qui j'aimerais me retrouver sous la douche si les lumières s'éteignaient.

Le déjeuner du dimanche est un rite sacré pour les Anglais de ma génération. On mange chez soi. Avec un peu de chance, il pleut et on n'a pas à travailler dans le jardin. On contemple le feu de cheminée en sirotant un apéritif de son choix. Si une vague d'intellectualisme effréné vous submerge, vous pouvez vous tourner vers les journaux du dimanche, rassuré d'avance par la certitude de n'y trouver aucune information. A l'heure dite, devant une assistance familiale recueillie, vous découpez de fines tranches d'un gros rôti de bœuf, accompagné, si possible, de choux, de pommes de terre et de Yorkshire pudding. Vous répartissez le tout entre les membres de la famille selon votre bon vouloir. Vous faites de même, ensuite, avec un gros gâteau bien sucré baignant dans une sauce crémeuse. Puis vous vous assoupissez.

- Ta patronne.
- Nous avons un chef d'antenne féminin, ici. Tu ne le savais pas ? Ouais, nous avons une cheftaine pour guider nos pas.
- Une femme ! [...]
- Vous autres, à Londres, vous savez parfaitement tout cela. C'était dans le rapport mensuel de septembre dernier.
- A Londres, fis-je, on se demandait simplement lequel de vous, à Los Angeles, se faisait appeler Brigette.
- Salaud ! fit Harry
- C'est vrai, ça intervint le chauffeur. La moitié de ces jeunes gars, au bureau, ont des permanentes et des boucles d'oreilles. Tous des pédés.

Il ne m'était pas facile d'imaginer qu'on pût aimer Zena. Qu'un homme puisse l'assassiner ou s'engager dans la Légion étrangère pour lui échapper était aisément concevable. Mais l'aimer...

J'allai aux toilettes. Depuis bien des mois, la question "Y a-t-il des êtres doués d'intelligence au Centre informatique ?" avait été posée par écrit sur un mur. Quelqu'un avait fini par écrire au-dessous : "Oui. Mais je ne suis que de passage."

J'avais encore un souvenir très frappant de mon dernier atterrissage forcé à Manchester. Les cadres supérieurs de la compagnie avaient dû rester cachés dans les toilettes jusqu'à ce que tous les passagers, furieux, sales et affamés, eussent été embarqués à bord d'un train non chauffé.

Charles-de-Gaulle est le genre d'aéroport futuriste qu'on aurait pu trouver dans un pétard de Noël fabriqué à Taïwan il y a des années. Au-dessus de nos têtes, le plastique transparent était marqué de grandes traces brunâtres, les escaliers roulants ne fonctionnaient plus, on voyait la trame de la moquette, et le marbre d'imitation était brisé ici et là par des fissures pleines de détritus. Il y avait de longues files d'attente pour avoir un café, et d'encore plus longues pour prendre un verre, et les voyageurs qui voulaient s'asseoir pour manger étaient vautrés sur le sol au milieu des tasses en carton usagées et des emballages de sandwiches prêts à réchauffer.

Bosham, que les Anglais - dans leur conspiration chronique pour déconcerter les étrangers - prononcent "Bozzam" [...]

Je déteste les communistes et les cons de ce pays qui entrent dans leur jeu et qui pensent que ce sont simplement des gens attentionnés, altruistes et merveilleux.

Il ne me semblait pas que l'affaire s'engageait tellement bien, mais Silas et Bob se saluaient du tronc comme deux généraux japonais en disant "Phase n°1 terminée", alors j'ai suspendu un cadre devant le faux coffre-fort et j'ai appelé la banque pour confirmer que nous viendrons prendre l'argent.

Les Horse-Guards dans leur livrée rouge, immobiles, le poing serré sur leurs sabres, rêvaient de produits pour faire briller le métal, et de sexe.

Les pays ont une attitude ambiguë à l'égard des narcotiques, dit da Cunha. Peu de polices arrêteront les gens qui achètent des narcotiques dans un pays pour les exporter. Les règles sont donc : ne pas vendre dans le pays où l'on achète, ne pas raffiner dans le pays où l'on vend, et ne jamais vendre dans le pays dont on est citoyen.