Après avoir parcouru l'Ukraine pour y exhumer les grandes mémoires enfouies de l'autre Europe, Marc Sagnol y est retourné au milieu des bombardements pour en contempler les ruines.
Les images et les mots, comme une invitation au voyage, nous plongent dans des mondes évanouis, sur les traces des grands penseurs d'autrefois. Avec lui, on arpente la terre noire de l'Est à travers villes et villages, aux côtés De Balzac, de Joseph Roth en Galicie et Bucovine, de Leopold von Sacher-Masoch à Lemberg-Lviv, de Paul Celan à Czernowitz
C'est en connaisseur de la philosophie et de la littérature que Marc Sagnol traverse les « terres de sang » abîmées par tous les chaos. Terres qui furent celles de la plus haute civilisation et des plus grands malheurs. Quelle fut la culture juive, jadis florissante en ces lieux, et qu'en a-t-il été de sa disparition dans la Shoah ? Qu'est-il advenu de ces mondes révolus ? Comment penser la tragédie d'hier au regard du drame d'aujourd'hui ? Une plongée dans les siècles pour dire que notre destin se joue d'abord là-bas. Actuelle parce que inactuelle, une grande fresque littéraire. Un récit d'exception.
Germaniste, philosophe, Marc Sagnol est l'auteur de nombreux ouvrages dont Tragique et tristesse. Walter Benjamin, archéologue de la modernité, primé par l'Académie française, ainsi que d'un film sur Paul Celan, Les eaux du Boug.
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Envers soi-même on n'est jamais que très aimable ou très grossier.
LA VÉNUS À LA FOURRURE.
Une gifle est bien plus importante que dix leçons, on comprend beaucoup plus vite, surtout lorsque c'est une petite main potelée de femme qui vous fait la leçon.
- Ne sois jamais sûr de la femme que tu aimes, car la nature de la femme recèle plus de périls que tu ne peux le croire. Les femmes ne sont ni aussi bonnes que les font leurs admirateurs et leurs défenseurs, ni aussi mauvaises que les font leurs détracteurs. [...] Toute femme, bonne ou mauvaise, est capable à chaque instant d'avoir les pensées, les actions et les sentiments les plus diaboliques comme les plus divins, les plus sordides comme les plus purs. La femme, malgré tous les progrès de la civilisation, est restée telle qu'elle est sortie des mains de la nature, elle est comme les bêtes sauvages, elle peut se montrer fidèle ou infidèle, bienveillante ou cruelle, selon les sentiments qui la dominent. Seule une culture sérieuse et approfondie peut engendrer un caractère moral ; l'homme, même égoïste ou méchant, obéit à des principes quand la femme n'obéit qu'à ses sentiments.
La nature ne connaît pas la stabilité dans les relations entre homme et femme.
LA VÉNUS À LA FOURRURE.
- Ingrat !
- Je ne veux pas vous faire de reproches. Vous êtes assurément une femme divine, mais avant tout une femme cruelle en amour comme toutes les femmes.
- Vous appelez cruauté, repartit vivement la déesse de l'amour, ce qui fait l'élément propre de la sensualité et de l'amour pur, la vraie nature de la femme : se donner où l'on aime et aimer tout ce qui plaît.
- Existe-t-il pour l'amant cruauté plus grande que l'infidélité de la bien-aimée ?
- Hélas, répliqua-t-elle, nous sommes fidèles tant que nous aimons, mais vous exigez de la femme la fidélité sans l'amour et le don de soi sans le plaisir. Qui se montre donc cruel : la femme ou l'homme ? Vous autres, gens du Nord, prenez l'amour beaucoup trop au sérieux. Vous parlez de devoir où il ne devrait être question que de plaisir.
Quel homme ne succombe au poids de la vérité ?
LA VÉNUS À LA FOURRURE.
- On ne peut aimer véritablement que ce qui vous domine, une femme qui nous soumet par sa beauté, son tempérament, son esprit et sa volonté, une femme qui agisse en despote envers nous.
[...]
- Chacun sait, chacun sent combien la volupté et la cruauté sont parentes.
- Mais l'individu qui se révolte contre les institutions de la société est aussitôt expulsé, stigmatisé, lapidé, me direz-vous. Soit, je prends ce risque. Mes principes sont délibérément païens, je veux vivre ma vie. Je renonce à votre respect hypocrite, je préfère être heureuse. Ceux qui ont inventé le mariage chrétien ont bien fait d'avoir inventé en même temps l'immortalité. Je ne pense pas un instant à vivre éternellement et, lorsqu'avec mon dernier soupir tout ici-bas sera fini pour moi, Wanda de Dunajew, à quoi me servirait-il de savoir si mon pur esprit chante parmi le chœur des anges ou si la poussière de mon être forme un être nouveau ?
Qui se laisse fouetter mérite d'être fouetté...
Celui qui veut s'adonner au plaisir doit prendre la vie joyeusement, à la manière des Anciens. Il ne faut pas qu'il craigne de se régaler aux dépends des autres. Il doit ignorer la pitié.