Citations de Lilia Hassaine (505)
Les espaces clos sont dangereux. Les murs sont menaçants. Chacun d'entre nous, et pour le bien de tous, devrait accepter de renoncer à une part d'intimité ; il en va de la paix civile [...] Au fond, qu'avons nous à cacher ? Si nous n'avons rien à nous reprocher, pourquoi ne pas accepter de tout montrer ?
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... quand nos villes, qui furent des jungles, sont devenues des zoos.
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Il ne s'agissait pas d'un simple fait divers mais d'un drame attendu, d'un mal qui irradiait tout un quartier, toute une ville, tout un pays, l'expression soudaine d'une violence qu'on croyait endormie.
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J’allume mon smartphone, et je ne sais plus ce qui est vrai. Peu importe. Ce qui compte, c’est que ça circule. Les flux. Les tendances. Se laisser influencer par ses propres idées. L’algorithme nous approuve, entretient nos croyances, nous conforte dans nos choix. Je partage des articles, des posts, pour évangéliser mes amis, ma famille. Je partage, sans débattre. Ne pas communiquer, pour ne pas évoluer. Échanger, pour ne surtout pas changer.
J’avais aimé les livres. Le problème n’était pas que je ne les aimais plus, mais que je ne savais plus comment les faire fonctionner. Il n’y avait pas de bouton latéral, pas de mode veille. Et, même quand je parvenais à me concentrer pendant deux ou trois pages, je sentais mon cœur palpiter d’agacement, les phrases étaient trop longues, trop bavardes, elles ne s’adressaient pas à moi, c’était à moi de faire l’effort de les lire et de les comprendre. Mon smartphone était bien plus puissant, il ne me demandait rien, il anticipait mes désirs, et tout semblait gratuit. Plus tard, j’ai compris qu’il se nourrissait de mon ennui et que j’avais payé tous ces gens de mon temps.
Le like est l’équivalent numérique de la croquette pour chiens, me répétait mon père, professeur de philosophie au crâne dégarni.
Ce qu'on aura vécu, on ne pourra pas le montrer, il faudra en parler. Trouver le verbe juste, décrire une émotion, dépeindre une couleur, raconter un visage. Depuis plusieurs années, mes photos s'accumulent dans des boîtes numériques, je ne les développe jamais, qu'elles soient sans intérêt ou qu'elles soient plus précieuses. Je sais où elles se trouvent, rien d'autre n'a d'importance, j'accumule, j'accumule, je partage avec mes amis, j'envoie à la famille, qui ne posent pas de questions. C'est beau, c'est cool, profitez ou un smiley sont des réponses qui suffisent à me combler jusqu'à la fois prochaine.
Le verre est l'incarnation du compromis, cette valeur que nous chérissons tous. Il se brise facilement mais ne se dégrade pas, ne se décompose pas ; il réussit l'exploit d'être aussi solide que fragile. Il est ce matériau qui voudrait échapper à sa condition et qui rêve d'immatérialité, de pureté, de nuages. Je crois que cette cathédrale nous ressemblera...
La Transparence a de bons côtés. Elle nous a rendu plus attentifs aux autres. Face à la solitude, la tristesse, la maladie, il y aura toujours un voisin pour venir sonner chez vous...
La Transparence a, bien souvent, permis d'abolir la distance aveugle qui séparait les hommes de leur humanité.
Le like est l'équivalent numérique de la croquette pour chiens, me répétait mon père, professeur de philosophie au crâne dégarni. Il m'interdisait tout ça. Je vivais seule avec lui, dans un lotissement pavillonnaire, et je m'ennuyais à en crever. Il me disait : "Prends un livre" comme il m'aurait dit : "Prends un médicament", et il s'imaginait que j'allais l'écouter.
J'avais aimé les livres, le problème n'était pas que je ne les aimais plus, mais que je ne savais pas comment les faire "fonctionner". Il n'y avait pas de bouton latéral, pas de mode veille...
Une fois par mois, le conseil municipal (composé des représentants de tous les conseils de quartier) demande au commissariat de recenser et de publier les informations "positives" liées à la Transparence. Toutes les situations qui auraient pu tourner au drame dans le monde d'avant et qui ont été empêchées grâce aux murs de verre y sont présentées...
Je me suis souvent demandé à partir de quel âge on devenait vieux. Peut-être est-ce à partir du jour où l'on met en terre l'un des siens. On peut devenir vieux très jeune. A la mort de mon père, je n'avais que dix-neuf ans.
J'ai dépassé cette année l'âge qu'il avait quand il m'a quittée.
Ça non plus, on n'y est pas préparé. Les morts ont pour toujours l'âge qu'ils avaient au moment de mourir.
Je suis presque rassurée...
...au fond de moi je prends cette "bêtise" comme un espoir. Si les adolescents continuent à enfreindre les règles, si certains_ même un tout petit nombre_ continuent à désobéir, alors nous sommes sauvés.
Héra se souvint s’être longtemps demandé quel mystère pouvait bien renfermer ce regard. Elle ignorait que le bonheur pouvait faire verser des larmes à ceux qui savent qu’il est éphémère.
L’avenir était alors au métavers, on nous promettait que l’homme du futur s’échapperait du monde matériel grâce à des casques de réalité virtuelle.
Le like est l'équivalent numérique de la croquette pour chiens
Elle s'occupait de son foyer comme on garde un mystère [...]
Très vite, la discrétion a eu l'air d'une affreuse prétention. Refuser de montrer, c'était dissimuler.
"Au fond qu'avons nous à cacher, si nous n'avons rien à nous reprocher, pourquoi ne pas accepter de nous montrer ?"
L'assemblée applaudit et entonne "la Marseillaise".
J'allume mon smartphone et je ne sais plus ce qui est vrai. Peu importe. Ce qui compte, c'est que ça circule. Les flux. Les tendances. Se laisser influencer par ses propres idées. L'algorithme nous approuve, entretient nos croyances, nous conforte dans nos choix. Je partage des articles, des postes, pour évangéliser mes amis, ma famille. Je partage, sans débattre. Ne pas communiquer, pour ne pas évoluer. Échanger, pour ne surtout pas changer