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Citations de Louis Calaferte (724)


On eût dit qu’il savait tout de nos lourdes peines d’enfants, et peut-être, vraiment, savait-il tout de ce long désespoir, de cette plainte venue de loin, cramponnée en nous comme une affreuse petite bête noire. Comme un cancer. On eût dit qu’il avait, avant nous, éprouvé cette patiente morsure de l’incurable cancer de la mauvaise chance.
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Là-haut, Lédernacht criait au village le retour du petit Lédebaum d’autrefois, mais nul ne le reconnaissait. Et chacun sortait pour le voir. Les hommes demandaient : « Alors fiston ? », et le petit Lédebaum répondait : « La paix. » La paix, voilà.
À nous, gosses, il faisait peur. Droit, solide comme l’arbre dans l’orage, il avançait pas à pas sur le pavé. Et, sous ses pas, le pavé chantait la litanie des crevards. Il avançait, les mains calées dans les poches ventrières de son pantalon de coutil bleu. Les mains sur le ventre, oui, pour contenir la formidable douleur qui bouillonnait au-dedans.
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Lorsque notre professeur, Loucheur, — il louchait — annonça les résultats officiels de l’examen, et que seul mon nom fut jeté par sa voix de chien maigre dans le vide du silence, une large, une profonde et vaste stupéfaction pétrifia les copains. On me regarda avec des yeux moqueurs, des yeux méprisants, des yeux haineux. Les copains qui avaient tous échoué en bloc n’en revenaient pas. Moi non plus. Loucheur non plus. J’étais le premier bâtard de mon quartier qui allait quitter l’école avec autre chose que des poux et le vice de la masturbation collective : mémoire d’homme.
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Il fait dehors
un gris soyeux
que des vents frôlent
mets ta tête sur mon épaule
ferme les yeux
il fait dehors un gris soyeux

Aromates de nos douceurs
et quelque chose en toi qui tremble
une éternité dans nos coeurs
c'était autrefois et ailleurs
nous dormions tous les deux ensemble

Il fait dehors
un gris soyeux
que des vents frôlent
mets ta tête sur mon épaule
ferme les yeux
il fait dehors un gris soyeux



p182-183 (Edition NRF)
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Je ne te verrai plus sur terre
mais peut-être en des paradis
loin d'ici
de l'autre coté de la mer

P204 (edition NRF)
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Il reste peu de chose de cette lancinante désolation ; les ombres que je traque m’échappent, et seul un malaise m’étreint devant cette vie nouvelle qui a pris racine sur les lieux où j’ai tout espéré. Mes fantômes mêmes se refusent à me suivre, et il ne traîne dans l’air qu’une inhumaine musique faite pour accompagner les larmes, tandis que je voudrais dire pour un camarade mort et une Petite Fille que j’aime un merveilleux chant d’amour…
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Rares sont les êtres qui laissent un vide réel derrière eux. Rares sont ceux qu’il vous tarde de serrer dans les bras, amicalement, sans un mot, avec le silence du cœur
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Îles !
aux escaliers de vos océans nègres qui braconnent le jade
la galène et le gypse
l’orpiment des parfums
toutes les vélissures
les amandes
les miels
caracoulant au creux de leur paume d’émail
Il se noue des pâleurs il se meurt des palombes
sous ces ventres arqués de sonnailles charnelles en lentes
chapes bleues flagellées de plumages dont on ne verrait rien
que l’écho
l’épée
que la tonsure
une luisance vierge
Il se foule des vins il s’aiguise des dagues
vives comme l’orvet qui givrent et qui meurent d’un même
accouplement
des bronzes
des aciers
des nudités femelles
des nuques en sanglots
des guimpes
des griffures
un désordre de foule alertée par l’oracle assassine les siens
dans l’effroi de l’exode
des verreries despotes
des lacets
des guipures
des races d’organdi
syncopes
des rosaces comètes lissent leurs chevelures de cendre
chamoisée qu’une écume jalouse écartèle en copeaux caparaçonnés d’or
multitude d’archanges et d’yeux au récit du miroir que d’autres beautés
neuves convoitent ardemment
des communiants exsangues brandissent l’ossement vermoulu
de leurs cierges ouvragés dans la nacre
coiffes de dentelle
cannelles damassées
des villes à cheval se fracassent entre elles après le jubilé de
leurs bouquets de dômes aux filandres lunaires
astres de cathédrales un instant balbutiés sur le déferlement
des fourrures absinthe
acropoles
fontaines
ogives
colonnades
palais grands !
sanctuaires écussonnés d’aigrettes aux mains de ces pillards
titubants qui déciment vos drapures vos dards vos fastes
esquissés
girandoles
grelots
et vos cuivres asiates
huiles
vos litanies
vos câpres
vos luzernes
temples d’une vision profanés par la horde erratique des
lames
Il se cabre des lèvres noires et des gorges ourlées de bure
dans ces lits turbulents où vous gémissez
Îles !
Îles !
oblations
coutures brèves à l’épaule des espaces meurtris dans l’uniforme
vacarme d’un pénétrant silence circulaire
apostrophes de temps
menhirs soudain du vide enveloppant l’indolence longue
des solitudes vagabondes
lettres ouvertes par grand vent que n’épellent plus les
langages
plombs
poings assénés
rameaux issus de la mouvance
… et l’aube vous connaît sables aux flancs de femme
qu’elle asperge de laits d’aromates sonores
cordelages guerriers les échancrures d’ocre
cinabre
beaux brigands
rotules convulsives
querelles
grainelures
les langues de mica
l’écriture ébréchée d’une démence rogue
supplices
corps roués
savanes de gingembre
cette musculature
cantate
les grands doigts cerclés de bagues fauves
gouttelettes du fruit sanglant sous le couteau
ganses
molles blondeurs
semoules exhumées de terres liquoreuses
… et l’aube vous connaît sables aux voix de femmes
ruades !
mercenaires clartés à forer les entrailles
plus haut trépans, plus haut !
jusqu’à la délivrance
déguenillez ces bistres larmoyants
plus haut !
rixes morsures épieux caravanes limpides chevaleries
gerçures placides chevillards
arraisonnez le cours des troupeaux toisonnés
plus haut !
dans leur retraite allumez ces viscères
merlins ensoleillés
ces carotides mornes
envahissez leurs cloîtres
géants aux jambes nues
pilons
crochetures de sel
dévalez les falaises tumultueuses
cuirasses rubicondes plus haut ! plus loin ! plus haut !
daviers blancs
purs métaux
plantez vos candélabres
le sexe droit du jour !
… et l’aube vous connaît sables à ses berceaux
paraissez ! dans le pourpre éveil de leur vaillance
Îles !
Îles !
Ô Nativités
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Brûler au passage des îles
des fleurs plombées
des roues d’oiseaux
les selles des chevaux rétifs sont de cuir femme
On illustre les chevelures
du vin pur des victoires
et le sexe rose des nuits qui n’en finit pas de gémir
ventres herborisés
aux coraux de la braise
clous mouvants
molles morts
cascades esquissées
des cuisses barbaresques
les regards ont des dents de nobles carnivores
le sommeil est tenu debout à la langue bleue des poitrines
qu’un démon fait hennir
En moi
En moi
ces îles
ce malheur
ces ossements charnus
ce supplice
ces rages
cette famine exquise
qu’une balle conclut.
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Je dis : c’était la zone, c’était l’enfer. Je dis que j’ai connu la faim, la tenace, la coriace, l’insurmontable. Celle qui mine la tête de vertige, qui arrache les jambes. Celle des matins glacés où, plèbe entre la plèbe, à cinquante gueux, en nous battant, nous ramassions dans la rigole les primeurs avariées pour les bouffer. Au cœur des grandes villes. Ici ou ailleurs. La saloperie, c’est partout la saloperie. Je dis que j’ai su l’humiliation qu’on ressent à exercer les plus rebutants, les plus honteux métiers. Ceux qui abaissent, qui laissent une trace profonde chez un homme. Marque au fer rouge de l’abattoir, indélébile. Le temps qui gomme tout ne gomme pas cela. Bel esclave moderne que j’étais. Et je n’étais pas le seul. [...] J’aurais renié mon nom pour un bout de pain. À certains moments, j’aurais vendu ma peau pour un bol de soupe. La faim il faut en parler : ça a son importance dans une psychologie. J’ai eu tout le temps d’apprendre. Quand on a interminablement faim, que la faim exaspérante s’accroche à vous, ça vous conduit à tout accepter de tout le monde. Qu’on ne vienne pas me dire que la faim incite à la révolte : ce n’est pas vrai. Ça vous ramollit, au contraire. On a le sourire obséquieux pendu à la bouche. Toute l’existence se centre d’un coup sur un repas complet. Ça tourne à l’obsession. On y perd dignité, honneur et orgueil. Rien de tel qu’une nuit passée à lambiner d’une rue à l’autre, à éviter les bourres, pour réformer sa vision de l’humanité.
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Si tu vis quelque part, sache que tu peux m’offrir une joie. La première. Celle de ta mort. Te voir mourir me paierait un peu de ma douloureuse enfance. Si tu savais ce que c’est qu’une mère. Rien de commun avec toi, femelle éprise, qui livra ses entrailles au plaisir et m’enfanta par erreur. Une femme n’est pas mère à cause d’un fœtus qu’elle nourrit et qu’elle met au monde. Les rats aussi savent se reproduire. Je traîne ma haine de toi dans les dédales de ma curieuse existence. Il ne fallait pas me laisser venir. Garce. Il fallait recourir à l’hygiène. Il fallait me tuer. Il fallait ne pas me laisser subir cette petite mort de mon enfance, garce. Si tu n’es pas morte, je te retrouverai un jour et tu paieras cher, ma mère. Cher. Garce.
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Pour toucher, pour voler un peu de vérité humaine, il faut approcher la rue. L’homme se fait par l’homme. Il faut plonger avec les hommes de la peine, dans la peine, dans la boue fétide de leur condition pour émerger ensuite bien vivant, bien lourd de détresse, de dégoût, de misère et de joie. Avec les hommes de la peine, il faut vivre dans le coude à coude. Mélanger aux leurs sa sueur, les suivre dans leurs manifestations grandioses et bêtes. Parler leur langue. Toucher leurs plaies des cinq doigts, boire à leurs verres, pleurer leurs larmes, faire gémir leurs femmes, partager leurs pauvres espoirs et leurs petits bonheurs.
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Je t'attends devant Charing Cross
et une fois de plus il pleut
au milieu de ces albatros
que sont tous les passants frileux
je te guette en plissant les yeux
dans ton imperméable bleu

Filaments d'un brouillard de laine
la rue n'est plus qu'une apparence
c'est en moi comme une rengaine
dont m'épouvante l'influence
je me répète la sentence
de l'alexandrin de Verlaine
Elle ne savait pas que l'Enfer c'est l'absence

Depêche-toi Nancy viens vite
sans toi je suis trop malheureux

P 113 - Edition NRF
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Nancy
qui était si petite
si frêle entre mes bras
là-bas
dans la chambre aux savoirs des noirs embruns de mer

Nancy
avec ton regard vert
tes petits cheveux de chien fou
vaguement roux
et qui croyait encore aux choses interdites

Nancy
que ma mémoire emporte
et que je ne reverrai pas
le destin nous ferme ses portes

p 110 - Edition NRF
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J'invoque mes démons

Je cramponne mes dents à ce sacre qui saigne

Je suis jaloux d'être impuissant à vous saisir

P 100 - Edition NRF
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J'aurais renié mon nom pour un bout de pain. À certains moments, j'aurais vendu ma peau pour un bol de soupe. La faim il faut en parler: ça a son importance dans une psychologie. J'ai eu tout le temps d'apprendre. Quand on a interminablement faim, que la faim exaspérante s'accroche à vous, ça vous conduit à tout accepter de tout le monde. Qu'on ne vienne pas me dire que la faim incite à la révolte: ce n'est pas vrai. Ça vous ramollit, au contraire. On a le sourire obséquieux pendu à la bouche. Toute l'existence se centre d'un coup sur un repas complet. Ça tourne à l'obsession. On y perd dignité, honneur et orgueil.
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La longue nuit de gel se brise sur ma tempe

P96 - Edition NRF
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Nous nous levons au jour dans un comble de fleur

P65 - Edition NRF
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Tout de toi m'étonne et m'émeut

p127 (Edition NRF)
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Que tu fasses l'enfant qu'on gronde
et qui dans son coin sans un mot
a de la peine

Que tu veuilles expliquer le monde
et le refaire in extenso
en souveraine

Je t'aimais à la fois comme une femme et enfant
pelotonnée sur mon épaule
avec des rires agaçants
et des petits regards de jeune chat qui miaule

J'aimais que les gens nous regardent

Endors-toi
endors-toi
je te garde

J'étais comme un peu fou de toi

p 114 - 115 (Edition NRF)
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