A Eskibahtché, paisible village d'Anatolie, Grecs, Turcs, orthodoxes ou musulmans, et quelques Arméniens vivent en harmonie depuis des siècles. Ils peuvent même se marier entre eux (la femme épousera la religion de son mari, cela va sans dire!) Tous les habitants sont attachants : Philotei et Ibrahim,bien sûr,[ les malheureux héros,] Iskander le Potier et ses sifflets oiseaux, l'imam Abdulhamid Hodja, saint homme amoureux de sa jument, Aysé amoureuse de son mari l'imam. Mais aussi le lion et la tulipe Rustem Bay et Leïla Hanim , Karatavuk et Mehmettchick, les oiseaux qui ne peuvent pas voler, (de là le titre du livre) le mendiant, l’intello grec, les prostituées et tant d’autres.
Hélas les macro évènements vont rompre le paisible équilibre. La première guerre mondiale ne s’est pas arrêtée en 1918. L’Empire Ottoman est déchiré. Les jeunes hommes, musulmans comme chrétiens sont réquisitionnés et envoyés à la boucherie. Exit les forces vives dans les villages, c’est la misère. Les populations sont à la merci des perdants, tantôt Grecs, tantôt Turcs, les soldats désertent et se banditisent, pillages, massacres et viols font loi, les Arméniens sont exterminés en silence, Grecs et Turcs sont priés d’échanger leurs patries, c’est un drame qui n’a pas eu de nom.
En bref, j’ai lu ce (long) roman d’une seule traite en quelques jours. Ça a été une illustration des plus fécondes à la somme d’Henry Laurens :" Les crises d’Orient." Ou, comment les grandes puissances (dont nous) ont laissé faire( depuis déjà les Guerres Balkaniques dans les années 1912-1913, au nom de la Grande Idée Grecque) ces transferts de population contre-nature, transferts qui, hélas, perdurent de nos jours. Ou, comment faire exploser l’entente fragile, mais féconde entre deux religions (je n’ai pas dit deux peuples, car c'est bien un même peuple) et comment faire plus pour attiser la haine. Tout cela est très bien vu à la lunette d’une petite communauté où chacun, quelque soient ses vertus ou ses vices avait sa place. Quelle misère.
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J'ai bien aimé ce roman tout d'abord car il y a deux histoires : celle de Philothéi et celle de l'Histoire, du père de la Turquie le colonel Mustafa Kemal (« vous devriez entendre parler des grands hommes comme Mustafa Kemal»). Ensuite, le personnage principal la douce Philothéi m'a plu car elle est entière. Elle a son propre jugement, elle ne s'occupe pas des problèmes politiques : elle aime ouvertement un Turc, alors qu'elle est grecque.
Cependant, ce roman m'a paru difficile parce que l'Histoire de l'Empire Ottoman et de la Turquie moderne est complexe. Le vocabulaire était riche et détaillé ce qui ne facilitait pas la compréhension. Le fait qu'un chapitre soit destiné à une histoire et le deuxième chapitre à l'autre ne m'a pas permis de comprendre correctement les histoires.
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Elle essaya le Poisson aux Quarante gousses d'Ail, qui ne fut pas très populaire, et dont la préparation s'avéra pénible à cause de l'épluchage. Elle confectionna une autre spécialité qu'elle appela la "Vengeance d'une Femme", composée de testicules flottant à la surface d'une sauce au tapioca d'aspect très suggestif, mais elle se rendit compte que c'était là un plat de saison uniquement, car les taurillons n'étaient rassemblés et castrés qu'une fois par an. Elle inventa un mets consistant en plusieurs couches de tortilla, avec un ingrédient différent entre chaque couche, selon ce qui était disponible, elle le dénomma Bocadillo Improvisado. Il fut très apprécié des femmes, qui comme il est prouvé dans le monde entier, ont en matière de cuisine des goûts plus audacieux et plus exotiques que les hommes. (page 37)
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Chris est un représentant de commerce qui sillonne les routes d'Angleterre à la fin des années 70. Quadragénaire, il est marié et père d'une fille adolescente. Le foyer conjugal respire l'ennui. Sa moitié d'orange, « la grosse miche de pain blanc » tricote devant la télévision, pendant qu'il rumine sa lassitude. « Ma femme était encore en vie à ce moment-là, mais le problème c'est que tôt ou tard votre femme finit par devenir, au mieux, votre soeur. Au pire, elle devient votre ennemie et ne cherche plus qu'à faire obstacle à votre bonheur. La mienne ayant obtenu tout ce qu'elle voulait, elle n'avait plus aucune raison de se soucier de moi. » Un soir, il aperçoit une brune gironde sur le trottoir. Pour la première fois de son existence, il décide de s'arrêter . Mais la demoiselle, Roza de son prénom, n'est pas une prostituée, elle s'amuse et promet à un Chris très embarrassé de coucher avec lui contre 500 livres. Adieu mélancolie, voici notre Chris ferré, tenaillé par la curiosité qui file chez Roza se faire offrir un café. A partir du moment où il franchit le seuil de la maison qu'elle partage avec des colocataires, la vie du représentant de commerce ne sera plus jamais la même. Il vient de tomber sous le charme de la fille du partisan, littéralement envoûté par cette jeune femme fantasque.
C'est une histoire des mille et une nuits dans laquelle Chris n'est pas un sultan cruel mais le témoin passionné des récits extraordinaires de la mystérieuse Rosa, la Shehérazade yougoslave, qui va le transporter loin de l'Angleterre, loin de son boulot, de sa femme, l'extirper du vide abyssal de son existence pour vivre par procuration la lutte des partisans de Tito, le communisme, les dissensions entre Croates, Serbes et Oustachis, pour jalouser les anciennes amours de Roza, frémir et se révolter. La fille du partisan est le récit d'une existence par procuration, d'une renaissance grâce aux mots, un retour du désir et de l'amour qu'il croyait perdus: "Je dormais de plus en plus mal tellement je transpirais et brûlais de désir pour Roza, la déshabillant mentalement et imaginant tout ce que je rêvais de faire avec elle."
Louis de Bernières est un extraordinaires conteur qui fait de son lecteur un autre Chris curieux de connaître la suite des aventures de Roza, tout en sous-entendant que, peut-être, pour l'habile jeune femme qui brode chaque jour d'après les désirs inconscients de son interlocuteur, tout n'est que littérature et que dans la vie comme dans les romans, on tombe toujours sous le charme de ce qui nous est étranger . Chris, comme Stingo chez William Styron, est un homme plongé dans un univers qui lui est totalement étranger. Dans ce roman d'une grande délicatesse, l'auteur dresse le beau portrait d'un homme qui vit une révolution physique et morale. La fille du partisan est le récit inoubliable d'une rencontre, de celles qui si elles ne durent, bouleversent votre existence à jamais.
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Fresque à peine caricaturale de l'Amérique latine, truculente, drôle, épique, poétique mais aussi mystique, caustique et dramatique. Je ne connais pas le texte original et mon anglais n'est sans doute pas assez robuste pour me permettre de l'apprécier à sa juste valeur mais la version française est si fluide et expressive qu'à aucun moment je n'ai eu le sentiment de lire une traduction.
Chapeau donc à Frédérique Nathan pour ce tour de force.
A lire évidement.
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Ce livre fait partie de la trilogie sud-américaine de l’auteur dont c’est le premier tome avec ensuite, « Señor Vivo et le baron de la coca » et « La Calamiteuse progéniture du cardinal Guzman » où Louis de Bernières s’inspire du Réalisme Magique de Garcia Marquez. Ce sont des livres que je relis régulièrement, ils sont drôles, émouvants, pleins d’aventures, empreints de folie et de merveilleux mais c’est également une dénonciation d’un système politique dictatorial oppressant, une diatribe contre la corruption.
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En voilà un humaniste ! Un auteur dont sa biographie nous relate:
« Né en 1954, Louis de Bernières a travaillé comme instituteur et cow-boy. A son retour (en Angleterre), après des études de philosophie, il a exercé toutes les professions n'exigeant pas le port de la cravate. Son idéal serait de vivre en Ariège avec assez d'espace pour accumuler des livres, faire pousser des pêches, et jouer de la guitare pour des chats mélomanes. »
...
Paradoxe, oui, car c'est un humanisme dont sout une résignation misanthrope, obtenue par une lecture de l'histoire humaine réaliste, non ethno-centrée.
...
Mais de quoi parle-t-on ? Ce livre étant vendu comme un roman burlesque, que je m'englue déjà dans des considérations sur les intentions de l'auteur ? Sûrement pour le caractère ambitieux de ce premier volet d'une trilogie comme fresque totale, socio-ethno-antropo-historio-tragi-comique de l'Amérique Latine par notre philosophe citoyen du monde, dont le personnage de Don Emmanuel représente à ses yeux l'idéal humain, héros auquel je m'associe dans l'identification, vivant à mon échelle sous de comparables hospices, communauté agricole subtropical régie davantage par des normes issues d'un grand brassage culturel qu'aux lois d'un Etat.
...
L'intention, le message, la morale de cette histoire sont à mon sens une réussite, mais la forme soufre, d'une structure un peu rigide, faite de chapitres d'une grosse dizaine de pages, de personnages alternés et d'histoires simultanées. Y alterne forcément des hauts et des bas, dans les émotions, du sordide au carrément lumineux, auxquels s'ajoute à mesure ce réalisme-magique typique des littératures du coin, traduisant au mieux cette Colombie des contrastes et des hauteurs. On y croise, en mode concentré, tout un pan de cette société multi-culturelle, de l'armée et des guérilleros, indiens des jungles et des montagnes, avec force personnages, dont certains mériteraient volontiers quelques tours de pages supplémentaires…
C'est sans doute là que le livre parait trop ambitieux, manquant de transitions — la magie apparaissant sans autre nuance que l'absurde — comme un zapping mâchant coca.
Le risque de multiplier les personnages, toujours le même, créant selon le spectateur-lecteur, des préférences vers l'un ou l'autre, l'une ou l'autre histoire, clignant d'un léger ennui à nous changer de scènes, diluant puissance, source évidente de frustrations.
...
En fait, voilà, c'est un vraiment très bon livre à lire, qui donne furieusement envie d'autres de l'auteur, à commencer par sa suite « Señor Vivo et le baron de la coca », mais ratant la marche du chef-d'oeuvre d'une arrête trop épaisse.
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Pour comprendre une guerre, on peut croire qu'il suffit d'en bien connaitre l'ordre des batailles et les méandres de la stratégie militaire. Mais l'éclairage que nous offre Louis de Bernières sur la guerre de 39-45 est tout autre. Il nous installe sur l'ile grecque de Céphalonie et de cet angle de vue nous fait ressentir le poids de ces années terribles sur la population. L'occupation italienne puis allemande, les luttes internes, la guerre civile, avec au fil des chapitres une alternance entre la vie des habitants de l'ile et celle des personnages qui ont fait l'histoire, Mussolini, Metaxas en Grèce, les généraux et autres chefs militaires. L'enchaînement des événements dramatiques forme un étau autour de Pelagia et de son père le docteur Yannis, qui se resserre progressivement pour anéantir leur vie et tous leurs projets. Mais l'espoir reste toujours en toile de fonds avec la croyance dans la force des hommes à résister et le poids dans l'histoire du village de quelques personnalités qui ne plient pas dans les situations difficiles. Le tremblement de terre de 1953 ajoutera sa touche destructrice et encore une fois la vie reprendra.
Entourée de personnages tous attachants, avec toujours décrit ce que leurs particularités individuelles apporte au collectif, Pelagia traverse les années sans plier. Son histoire dans l'Histoire nous tient en haleine. Un livre dans lequel il est un peu difficile d'entrer mais qui, à la fin de la lecture, reste fortement présent.
Il m'a été conseillé, je le recommande !
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C’est le roman de Céphalonie, 1940 – 1993, racontant trois épisodes tragiques de l’occupation italienne et allemande et le massacre des Italiens par les Nazis en 1944, la guerre civile grecque qui suivit la seconde guerre mondiale et le séisme de 1953 qui ravagea toute l’île, puis la reconstruction, le début du tourisme. Roman historique, donc, qui embrasse toute l’histoire de Céphalonie puisque le Docteur Yannis essayait de la raconter et que sa fille Pélagia continua l’œuvre inachevée.
Roman historique, roman de guerre racontée par un soldat italien, Carlo, l’omosessuale, enrôlé pour l’amour des hommes. Guerre en Albanie dans les neiges et le froid des montagnes de l’Epire, puis occupation de Céphalonie. Carlo comprend rapidement la vanité des campagnes fascistes, dégoûté de la guerre il se conduit en héros pour sauver ses camarades. Il faut être gonflé pour mettre des mots (grossiers) dans la bouche de Mussolini et de Metaxas ! L’analyse des stratégies hésitantes et des erreurs du commandement italien est-elle rigoureuse ? Les positions très sévères envers les partisans communistes de l’ELAS et les atrocités qu’ils auraient commises m’ont interpellée. Je suis souvent perplexe devant les romans historiques.
Ne pas se laisser abuser par la couverture montrant un couple s’embrassant sur un ponton, ce n’est pas un roman à l’eau de rose. C’est aussi un roman d’amour. Pélagia se fiance à Mandras, un jeune et beau pêcheur qui partira à la guerre et rentrera méconnaissable. L’occupation italienne impose le logement d’un capitaine italien. Il y a du silence de la Mer dans le récit. Rejet de l’occupant mais cohabitation obligée. Le capitaine Corelli est un musicien, c’est aussi un amoureux chevaleresque.
La peinture de la vie Grecque et des villageois est un peu folklorique. Peut être égaient ils vraiment ainsi dans les années 40 ? Empathie pour cette société archaïque avec ses fêtes, la vie paysanne, les animaux, mais aussi critique de la situation des femmes. Les femmes du roman sont fortes et actives mais elles subissent encore les préjugés traditionnels.
Louis de Bernières est un britannique dans la tradition des Durrell ou Fermor et Chatwyn, amoureux de la Grèce, mais l’écriture n’a pas le souffle de ces écrivains. C’est un excellent livre pour Céphalonie !
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L'île grecque de Céphalonie est occupée par les italiens, les allemands, le docteur Yannis aident les malades et sa fille la jeune Pelagia apprend aussi et tombe amoureuse. Un superbe livre de vie avec la guerre de 39-45 et l’histoire grecque de cette période en toile de fond, et le tremblement de terre de 1953.
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MA-GI-STRAL !
Comme ça fait du bien d'avoir entre les mains un roman qu'on n'a pas envie d'abandonner ou de voir se terminer ! Avec quelle douce force ce sentiment de plénitude nous ramène aux basiques de notre passion pour la lecture ! Qu'il est bon de reprendre goût et espoir en la littérature quand on se délecte d'une narration bien structurée, d'un sujet bien maîtrisé, de personnages bien typés et d'un style riche de talent !
Oui, c'est vrai, je suis d'accord avec vous, tout ça fait pas mal de points d'exclamation, ponctuation que personnellement je n'aime pas tellement voir rythmer les chroniques mais en la circonstance, ils sont bien à leur place car vous l'aurez compris, "La mandoline du capitaine Corelli" est un très grand coup de coeur littéraire, de ceux qui vous font trouver les journées bien longues, et d'intérêt pour l'existence dans le seul instant - aussi précieux que privilégié - où vous pourrez enfin vous emparer de votre roman et vous y engloutir corps et âme, oubliant le monde qui vous entoure.
Pourtant, soyez prévenus, le roman est fort, violent, ses thèmes sont durs, parfois insoutenables. Mais si les larmes coulent, les lèvres sourient aussi très souvent ; une multitude d'émotions vous traversent et pendant que votre petit coeur bat fort, votre esprit s'ouvre avec intérêt et curiosité au contexte bien retranscrit et étayé par une documentation et une méthodologie rigoureuses.
Au départ, j'ai été attirée par ce roman parce qu'il fait partie de la sélection BBC des oeuvres préférées des Anglais, et ensuite parce que je gardais un vague souvenir de l'adaptation cinématographique. Mais combien le roman est plus puissant que le film ! (Tiens, encore un point d'exclamation, décidément...)
Dans mon enthousiasme, je me rends compte que je vous ai à peine parlé du roman mais c'est aussi bien ainsi ; que cet acte manqué suscite en vous l'envie d'aller vous renseigner par vous-mêmes, votre seul risque étant de vous laisser séduire.
Challenge BBC
Challenge PAVES 2019
Challenge MULTI-DÉFIS 2019
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Ce livre écrit en 1993, est paradoxalement la suite de Des Oiseaux sans ailes écrit en 2004. Le fil ténu entre les deux livres est Drossoulos, femme grecque obligée de fuir son village turc vers la Céphalonie après la première guerre mondiale et son fils Mandras. Mais rien de plus. Les deux livres peuvent se lire séparément.
J’ai tout d’abord été désorientée par la succession des chapitres qui prennent le point de vue de personnages fort différents, qu’ils soient célèbres comme Mussolini ou Metaxas ou communs comme Carlo, le soldat italien, Yannis, le docteur grec, Corelli ou Pelagia sans oublier la chèvre et la martre Psipsina. Ces portraits, tant truculents qu’attendrissants, ridicules ou repoussants sont humains, tout simplement humains.
Le roman donne de la chair, du sang, de la sueur et des larmes à ces évènements dont j’ignorais tout : 1941-1943 (guerre italo-grecque, occupation italienne puis allemande, massacre de la division Acqui à Argostoli) montée du parti communiste, jusqu’au séisme de 1953 sans ignorer la guerre civile qui perdura en Grèce.
Le roman est bien écrit. Ces chapitres qui m’avaient semblés bien décousus forment un livre choral très bien agencé. On entre dans la peau des personnages, on guette l’histoire d’amour, on sourit, on pleure, on attend.
Je trouve juste que la fin est décevante. Embrasser des dizaines d’années et trois générations dans les derniers chapitres, alors que l’essentiel du livre (600 pages quand même) était concentré sur deux ans m’a fait décrocher. Peut-être aurait-il fallu s’arrêter plus tôt. Mais je n’en dirai pas plus…
En tous cas, c’est un excellent roman bon à lire, pas vraiment connu en France. Merci à Krista, mon Américaine, qui me l’a fait connaître.
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Voilà pourquoi la littérature.
Mon dieu que ce voyage fut beau !
Quand on atteint ces sommets-là, quand le verbe épouse l’histoire, quand la syntaxe se fait vivante, alors la phrase pulse et le cœur respire.
Entièrement, sans temps mort, avec emphase, avec tendresse, avec justesse Louis de brenières dépeint une époque, un lieu, Céphalonie, des personnages.
C’est avec une plume sensible qu’est décrit Pélagia, Le capitaine Corelli, le docteur, Carlo… Et tant d’autres. Ces autres-là, sont parfois de simples figurants. Et pourtant, tous laisseront dans la chair du récit, un petit quelque chose, intemporelle et précis, que l’on doit à l’auteur. Et quel auteur. Comment être passé à côté d’un tel chef-d’œuvre et ne pas entendre ici et là quelques louanges faites à un roman de cet acabit ? Voilà le mystère des rentrées littéraires et des allées des libraires. Que ce roman ne laisse pas dans l’air son parfum mélancolique, sa charge prophétique, son élan poétique me laisse pantois. Comment peut-on négliger de livrer à l’œil amateur autant de bonheur ?
Voilà pourquoi la littérature.
Pour se sentir vivant à chaque page. Pour respirer avec des hommes et des femmes le danger d’exister. Pour sentir la phrase battre entre ses doigts. Pour vivre mille fois en une seule nuit de lecture. Pour tourner les pages et respirer avec ardeur la colère des vaincus, la tristesse des vainqueurs.
Voilà pourquoi la littérature.
Merci à Gwen21dont la critique m’a donné envie de lire ce magistral roman.
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« Les soldats ont des mères, vous savez, et nous finissons pour la plupart fermiers et pêcheurs comme tous les autres. »
Encore un roman qui unit fabuleusement l'Histoire et la petite histoire, et, sous l'égide d’Homère, nous fait traverser l'histoire de la Grèce de 1939 à la fin du siècle, à travers les heures heureuses et malheureuses des habitants de Cephalonia, île radieuse, dans un souffle romanesque qui vous emporte la page un à la page 680 sans aucune envie de jamais poser le livre
Une partie du roman porte sur la guerre, où l’Italie attaque la Grèce et n’ aurait dû en faire qu'une bouchée sans l’ arrogance et la mégalomanie du Duce, et l’impréparation de la campagne qu'il organisa., Mais Hitler veille , et s'ensuit une période d'occupation italo- allemande. Louis de Bernières entre dans l'intimité des Grecs, des Italiens, des Allemands, les soldats comme les civils, multiplie les points de vue, croise les destins pour nous offrir une histoire où le romanesque est toujours savamment dosé, emprunte au meilleur du roman populaire. Tous les personnages sont magnifiques avec un mélange de sagesse et de folie qui n'est pas étranger à la tendresse et la sympathie qu'on leur porte. Ils sont mené vers un destin voulu par les grands de ce monde, et essayent, à travers l’ horreur de la guerre de tirer à eux de petits moments de bonheur, vivre leur amour, préserver une part de liberté sans atteindre à leur dignité.
À mi-chemin entre A l’est rien de nouveau, Roméo et Juliette, Le silence de la mer, c’est un roman extrêmement généreux pour foisonnant, sombre à ses heures mais souvent très joyeux où l’humour reste toujours en filigrane.
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La mandoline du capitaine Corelli est une bien jolie histoire d'amour sur fond de guerre et de catastrophe naturelle. Les Italiens échouent dans leur tentative d'envahir la Grèce, mais durant cette période trouble, l'auteur nous raconte une magnifique histoire d'amour. Le roman a été magnifiquement adapté au cinéma. Il faut lire le livre et voir le film.
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Il y a quelques années, adolescente, je me rappelle avoir vu à la télévision le film de John Madden, « Capitaine Corelli » et d’en avoir été déçue. Alors qu’il semblait correspondre en tous points à mes idéaux romanesques (et d’autant plus qu’il était signé John Madden, celui-là même qui nous a offert mon adoré « Shakespeare in love »), je l’avais trouvé fade. Long. Mièvre. Chiant. Exit donc Capitaine Corelli, Pélagia et compagnie. On ne m’y prendrait plus.
Oui, mais ces temps-ci, j’ai soif de grands romans, de veine romanesque, de sagas historiques, de souffle, de beau. D’eau et de soleil aussi. Je traînais ma peine en même temps que mon projet d’échappée crétoise cet été quand on m’a conseillé « La Mandoline du Capitaine Corelli ». Juste quand je prenais mes billets, rêvant au bleu et à la lumière de l’île de Minos. Comme il m’arrive d’être mystique (ou pas !) j’ai pris ça pour un signe et j’ai lu.
Si le film n’est qu’un ersatz, un plat sans saveur, ni couleur ; sans force ni lyrisme, le roman de Louis de Bernières est quant à lui un festin plantureux, généreux dont l’opulence n’a d’égale que la virtuosité. Je me suis délectée de ce roman -soleil et ténèbres, joie et désespoir- avec un plaisir fou. « La Mandoline du Capitaine Corelli » est de ces romans qui vous rendent heureux, pas parce qu’ils ne racontent que la grâce et la lumière (au contraire !), mais parce qu’ils nous font renouer avec la joie absolue mais toute simple que des années de lectures et d’exégèses vous font parfois oublier procurée par le fait de lire simplement, de se laisser porter et emporter par une histoire au point d’en oublier tout le reste.
Je pourrais écrire -et d’autres ici l’ont fait bien mieux que je ne saurais le faire- que ce texte grandiose mêle habilement l’Histoire dans ce qu’elle a de plus barbare et les destinées individuelles des habitants de l’ile de Céphalonie. Qu’il exhale pour nous les parfums de l’origan et de la Méditerranée et qu’il nous laisse avec le gout du sel. Qu’il dénonce la barbarie et toutes les tortures, qu’il fait résonner le bruit des bottes et le chant de la mandoline, qu’il parle de haine et d’amour fou. Qu’il fait couler les larmes et le sang, l’espoir et les souvenirs. Mais ce serait trop peu, si vide et si vain.
Parce qu’il faudrait dire encore cette extraordinaire narration et cette multiplicité des points de vue qui convoque de vrais salauds et des personnages qui ressemblent à des héros ; la truculence et la verve de certaines pages comme pendant à des passages complètement insoutenables ; la richesse et l’opulence de la langue et ses digressions comme autant de mythes et de légendes. Evoquer les monologues intérieurs, un peu à la Cohen, les récits enchâssés, les vraies fausses lettres et l’intrigue qui se noue se parant de cent chatoiements.
Il faudrait dire le rayonnement baroque et fou du début de l’ouvrage qui laisse peu à peu la place à la douleur, comme le jour laisse la place à la nuit après un crépuscule qui incendie.
Il faudrait ajouter ce sentiment doux amer qui poignarde à la fin de la lecture, comme une aurore fragile, cette mélancolie sourde qui point, comme à chaque fois que meurt un monde.
Il faudrait peut-être se risquer à parler de la dimension presque théâtrale de l’œuvre qui commence un peu comme une farce par le conte du petit pois et de l’oreille et qui se mue en tragédie.
Il faudrait rendre hommage aux personnages : au beau capitaine musicien c’est certain et à l’ardente Pelagia ; au docteur Yannis bien entendu mais à tous les autres aussi, insulaires attachants et singuliers qui réussissent le pari d’être tout à la fois complexes et créatures de contes, colorés et atypiques : Vélissarios -le Héraclès local-, Arsénios le pope qui passe de la bouteille à la prophétie, Mandras au cœur brisé, le duo Kokolio et Stamatis -le royaliste et le communiste, les Peppone et Don Camillo grecs, le très touchant Guercio, la petite martre sauvée des épines, la chèvre bibliophile et puis Antonia, la douce Antonia.
Il faudrait saluer la rigueur historique de Louis de Bernières qui ne nous épargne rien du destin tragique de Céphalonie, de la seconde Guerre Mondiale et du traitement barbare des soldats italiens par un Mussolini aveuglé par le pouvoir à l’occupation de l’île par ses derniers à l’invasion allemande ; des massacres nazis aux horreurs de la guerre civile ; du séisme de 1953 à l’ère des touristes. Saluer sa rigueur historique et sa clairvoyance, son humanité, la profondeur de sa réflexion presque désenchantée.
Il faudrait enfin rendre hommage à Céphalonie, si belle et attirante dans ce presque conte aux quatre générations et à plus de mille-et-une nuits.
Et même après tout ça, ce ne serait pas assez.
Le mieux finalement, c’est de la lire « La Mandoline du Capitaine Corelli ».
Et puis de frémir comme les cordes d’Antonia.
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