Citations de Luca Tahtieazym (411)
Je suis agenouillée. D’être ainsi pétrifiée, incapable même de trembler, cela m’arrive. De plus en plus souvent. Dans un dédale de poussières, je sens mes organes peser, mes membres devenir plus gourds. Il me suffirait de m’abandonner au sommeil. Et d’éviter le martyre. Le froid m’emplirait. Il se saisirait d’abord de mes doigts, puis de mes orteils, déjà malmenés. Puis mes mollets, mes genoux, mes fesses. Tout serait fini rapidement. Fermez les yeux et comptez jusqu’à dix. À la simplicité, on préfère l’incontournable et en l’occurrence inopportun instinct de survie. On, soit je.
“Non… non… c'est pas possible !”
La panique. La vraie. La cauteleuse. L'insidieuse. Celle qui rampe, progresse, s'entortille autour des chevilles, grimpe, s'insinue dans les pores et explore et creuse, creuse, creuse. Celle qui prend par surprise et n'écoute pas. Indomptable. Impitoyable. Vicieuse. Chevilles, mollets, cuisses, le truc entre les hanches que je ne peux pas nommer, le bide, on y reste un peu, sur le bide, on tourne autour du nombril, puis on escalade les abdominaux et on se hisse et on se faufile sournoisement et on pétrifie le cœur.
“Du calme, Elise.
- Du calme ? Comment tu veux que je me calme, Nagib ?
T'es toujours comme ça, hein ? Toujours tranquille ? Tu perds jamais ton calme ?
- Ça ne sert à rien. On est tous sur les nerfs. Si on commence à paniquer, ça va prendre des proportions énormes.
- Et alors ? Peut-être que ça nous ferait du bien de hurler un bon coup. On a peut-être besoin de se déchaîner un peu…
- Y a déjà la Teigne pour ça.”
Soudain, alors que le chemin visible se rétrécissait dans les frondaisons étouffantes, le claquement retentissant du tonnerre frappa. Un choc tonitruant à réveiller les morts. Nous sursautâmes tous les sept à l'unisson. Un frisson me parcourir l'échine. Tous mes poils se dressèrent, et je retins ma respiration. Les nues allaient s'abattre sur nous. La boule au ventre, vous la connaissez ? Vous l'avez déjà eue ? Celle qui contracte vos intestins et les vrille dans tous les sens, qui vous oblige à fermer les yeux en serrant les dents. Les déflagrations résonnaient encore et semblaient s'étirer sans jamais s'éteindre totalement. L'écho était horrible et nous encerclait. Un éclair fulgurant zébra le ciel et s'écrasa juste devant nous, à quelques mètres à peine du groupe apeuré que nous formions, suivi d'autres traits phosphorescents qui nous cernèrent comme des hallebardes plantées dans le sol.
Je soupirai bruyamment. Devant moi, notre professeur de biologie, madame Lambert, se retourna. Ses yeux plissés trahissaient son exaspération. Ses gros sourcils broussailleux, arqués en forme d'hirondelle, se rejoignaient au-dessus de son nez, accentuant la moue outrée qu'elle affichait au moindre murmure de l'un de ses élèves.
« Un problème, Louis ?
- Non, Madame.
- Je préfère ça. »
Elle fixa son attention sur le sentier.
Mais quand on veut plaire à tout le monde, souvent on ne plaît à personne.
Il y a un cœur qui palpite et qui bientôt ne palpitera plus. Je l’entends qui cogne. La lame s’insère entre deux côtes. J’appuie. Millimètre après millimètre, elle s’enfonce. Elle entre en lui. Elle le viole. Elle le perfore. Il étouffe. J’appuie. Ça le transperce et ça touche le fond et ça s’arrête. Mes mains appuient. Mon corps appuie. Que ma vengeance s’abatte. La loi du (talion) plus faible. La dernière seconde est écarlate. Le précipice éternel. Ma catharsis en riposte. Mes souvenirs qui m’assiègent et moi qui pleure et moi qui pousse et moi qui tue.
Et lui qui meurt.
Sourire, c'est une arme quand la tension domine et enraye les relations humaines. Les gens oublient de sourire, alors que ça sufit souvent pour apaiser une tempête. Les autres se complaisent dans leurs problèmes comme s'ils se roulaient dans du sumac vénéneux. Au lieu de les régler ou de les ignorer, ils en rajoutent, jettent une pincée de sel sur leurs plaies, comme s'ils se complai- saient dans la souffrance. Le bonheur ne sied pas à tous, j'ai assez d'expérience pour le savoir. Sufit de prendre un peu de hauteur pour constater que nos contemporains s'abritent de la lumière pour éviter de rayonner. Faut scintiller, bon sang ! Aristote était un con, les hommes ne veulent pas être heureux.
Peindre, c'est effacer le monde pour en façonner un plus beau, le temps de quelques coups de pinceaux. Après, ça reste. Il y a toujours une trace qui met du baume au cœur et recouvre la peine.
On pourrait croire qu'une nature cruelle et sadique est la source des remarques dénigrantes que vous recevez comme des gifles ; c'est faux. Ils font ça pour caresser leur égo, flatter leur cruauté, se sentir exister en annihilant les autres. Les outrages cinglent les victimes et ragaillardissent ceux qui les lancent, ça a toujours été ainsi.
On utilise l'expression tomber amoureux à tort et à travers, mais il s'agit bien d'une chute, d'une longue dégringolade sans fin, quand on s'entiche de son âme sœur. Mon cœur a basculé sur le sol, piétiné, en le voyant.
Toutes les mères comprennent le vrai sens de l'existence quand elles en l'avent leur enfant. Dans cette union se trouve les reponses aux questions insidieuses qui tourmenter les êtres en quête de rédemption.
La peur est tenace. Une invitée qui s'incruste et qu'on ne déloge pas. J'aime les odeurs et celle de la peur pétrifie et séduit à la fois.
C'est pas possible d'avoir de la pitié avec les moutons. C'est parce que si tu veux le caresser pour l'apprivoiser, il va te dévorer.
C'est un sentiment insolite, l'amour. Une passion mordante qu'on n'apprivoise pas. Elle vous saisit et se joue de vous, comme un marionnettiste cruel.
[…] même quand tu crois que c’est grillé, faut toujours compter sur la connerie des gens pour s’en tirer. Les cons sont toujours capables de nous surprendre.
Un grain de sable aura suffi pour enrayer les rouages soigneusement huilés de mon existence – de mes existences.
Loi de Murphy : tout ce qui est susceptible d’aller mal ira mal tôt ou tard. On peut fermer les yeux, implorer, croire en son destin, le ciel finit toujours par s’écrouler.
Vulnérable et dans l’instant, livrée sans fard, sans issue de secours, incapable de tricher, de corrompre ou de me travestir, j’attends le verdict.
Rien ne peut me bercer et m’endormir. C’est plus fort que moi, je vois du rouge partout, même quand mes yeux pleins de larmes sont clos.
A force de tituber, on trouve son équilibre à genoux.
Moi, la violence, disons qu’elle fait partie de mon quotidien. On vient pas de la rue et on roule pas des pelles à la misère sans se bastonner un peu. Ça m’est arrivé. Assez souvent. Mais j’ai jamais tué quelqu’un. J’ai filé deux ou trois mandales à des crevards qui voulaient me piquer ma gamelle, mais c’est tout. En vérité, le sang, j’aime pas ça.