Navigation réussie.
Voilà un roman des plus efficaces !
Bien plus court que la majorité des pavés que j’ai l’habitude de lire, La Débusqueuse de mondes se dévore vite et bien. Très facile à lire, sans difficulté particulière, il est donc accessible au plus grand nombre. Chapitres courts, rythme constant, linéarité de l’intrigue… Pile-poil le genre de lecture détente dont j’avais besoin.
Et quel plaisir de lire un bouquin dans sa version originale ! Pas de perte d’intention liée à la traduction, ici. Surtout que le texte est élégant et extrêmement fluide. Une vraie belle plume qui nous emporte sans mal.
C’est la singularité des personnages de ce roman qui a éveillé ma curiosité, et je dois dire que sur ce point je n’ai pas été déçu. La diversité des espèces galactiques présentées dans cet ouvrage est pour le moins rafraîchissante, à commencer par le duo de tête. Qu’il s’agisse d’habitudes alimentaires, de modes de communication, de culture ou de propriétés physiologiques, l’histoire fourmille de détails intéressants qui apportent tout leur poids aux protagonistes principaux.
On notera les quelques apports scientifiques, biochimiques notamment, déposés par-ci par-là en toute discrétion afin de renforcer la crédibilité du métier de la Caudata.
J’ai eu un peu plus de difficultés avec la diversité des pronoms et articles neutres, qui me faisaient sortir de ma lecture. Ils revêtent du sens, bien sûr, puisque les individus auxquels ils se rapportent sont soit asexués, soit non genrés, soit non binaires… je m’y perds un peu. Ce parti pris de l’autrice est too-much pour moi, mais je ne doute pas que cela convienne à d’autres lecteurs.
Bon, nous sommes clairement dans du space opera, ici. Nous passons d’un secteur à l’autre, d’un monde à l’autre en un claquement de doigts. La terraformation à la chaîne et les caractéristiques physiques et/ou morales des espèces, très humanoïdes malgré tout, m’ont largement fait penser à Star Wars. Les milieux de vie restent finalement très peu diversifiés, les codes juridiques très proches de ce que nous connaissons chez nous, ce qui à l’échelle de l’univers et de milliers de milliers de mondes habités peut manquer un peu de variation. Après avoir lu Blish, Forward ou Lem, j’avoue que mon appétit pour des évolutions divergentes est devenu difficile à satisfaire.
Si ce registre n’est a priori pas ma came, le tout fonctionne admirablement. C’est la singularité du navire répondant au doux nom de Koba qui a retenu mon intérêt. Ce croisement entre une espèce mythique et des modifications technologiques apporte la touche de cyberpunk et la profondeur à ce texte d’apparence léger. Finalement, on se prend d’empathie pour les cybersquales ; leur histoire et les épreuves traversées par cette espèce drainent une gravité qu’il est bon de rappeler en matière de cohabitation de populations diverses.
Gravité que l’on retrouve dans ces peuples à la dérive, parcourant l’univers à la recherche de planètes ou de parcelles viables, en tout cas capables d’assurer leur survie. Beaucoup d’analogies avec notre petite espèce de rien du tout, mais apportées avec nuance et subtilité. L’autrice, l’air de rien, fait intervenir une petite créature de rien du tout, mais la charge d’un rôle ô combien important dans ce vaste ensemble cosmique : trouver un foyer aux plus nécessiteux… ou aux plus offrants. Ni tout à fait sainte, ni tout à fait mercenaire, le caractère de la Caudata, solitaire endurcie, se laisse tout de même apprivoiser – jamais berner – par un passager au passé tout aussi complexe.
J’ai apprécié la profondeur des personnages, même les plus secondaires. Aucun n’est lisse. Ils offrent à ce roman quantité d’aspérités auxquelles s’accrocher. La peau granuleuse de la grenouille sur la cuirasse lustrée de son vaisseau… La profondeur et la facilité de lecture, tout est là.
Une excellente découverte !
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