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Critiques de Lucien de Samosate (35)
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''Sur des aventures que je n'ai pas eues'' ..

En dépit du résumé, je ne savais pas trop à quoi m'attendre en lisant ce petit livre de l'excellente collection Folio 2€. Et j'ai découvert un imaginaire délicieusement foutraque.



J'ai donc découvert une facette de Lucien de Samosate, un homme du IIème siècle après J.C. contemporain de Marc-Aurèle, annoncé dans ce livre comme voyageur, maître de l'éloquence et prof de rhétorique. Eh bien visiblement, il lui arrivait de s'offrir une petite récré, au prof.



Lucien commence par se justifier de sa petite fantaisie : contrairement aux grands auteurs du passé tels Ctésias de Cnide et Homère qui osaient faire prendre des vessies pour des lanternes à leurs lecteurs ou spectateurs, leur mentant effrontément, lui veut raconter une histoire mensongère mais annoncée comme telle dès le départ. Il insiste ainsi sur son honnêteté et espère que le public ne pourra donc le condamner.



A partir de là, il lâche la bride à son imagination. Tel Jason, le voilà parti explorer la grande mer de l'Ouest avec un équipage. Et ce ne sont que rencontres surréalistes : des femmes-vignes, les habitants de la Lune et du Soleil qui se font la guerre à dos de vautours à trois têtes et de salades ailées, l'installation fortuite dans le ventre d'une énorme baleine (eh oui, déjà à l'époque) qui abrite une île et des êtres à l'aspect de poisson ou de crustacé qui combattent à coup d'arêtes de poisson, des géants pirates qui naviguent sur des îles mobiles, des mers de lait… J'en passe et des meilleures.

On est dans un mode « baron de Münchhausen ». Je n'ose pas invoquer le Micromégas de Voltaire car ce dernier avait toujours une arrière-pensée philosophique dans ses écrits. Ici on s'amuse, c'est tout.



Récit sympathique mais heureusement court. Je ne sais pas si j'aurais apprécié un tel débordement d'imagination sur la longueur. le voyage de Lucien en récré se poursuit au-delà de la fin de ce livre qui n'est qu'un extrait de l'Histoire véritable ; un extrait qui ne se termine pas en queue de poisson cependant, car il contient l'ensemble des aventures en mer.

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L'ignorant bibliomane

Lucien de Samosate naquit vers 120 ap. J-C à Samosate comme l'indique son nom, ville située sur les bords de l'Euphrate, en Syrie. Il fut mis très tôt en apprentissage chez son oncle, statuaire. Cependant, la casse d'une tablette de marbre lui valut une telle correction que le jeune Lucien préféra s'enfuir. Sa mère obtint de son époux que leur enfant ne fût plus envoyé chez ce parent quelque peu violent. Il fit alors du droit et devint avocat mais les désagréments de ce métier (mensonges, luttes etc.) le firent l'abandonner. Il se mit à voyager à travers le monde romain notamment et devint orateur.

On lui attribue plus de 80 oeuvres.



Contre un ignorant bibliomane (écrit vers 170) montre que Lucien ne fait pas dans la dentelle ! Excessif, insolent, trivial, il s'acharne contre un riche qu'il accuse d'acheter des livres sans pour autant avoir le bagage culturel pour les apprécier. Il s'offusque contre le paraître. Il rend son personnage ridicule. A quoi sert l'accumulation des livres si c'est pour ne pas les lire ?

Eh, oh, il va se calmer le Lucien, hein !!!!
Lien : http://www.lydiabonnaventure..
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Dans les secrets des dieux

« Bonjour les Babélionautes ! Aujourd'hui, on va parler d'un auteur peu connu, Lucien de Samosate, avec Dans les secrets des dieux. Hé oui ! Comme vous le savez, l'Antiquité, c'est ma passion !



-Ouais. T'es surtout retombée dessus en rangeant ta bibliothèque et tu t'es dit que ça ferait bien pour le challenge histoire de Bazar sur le forum des Trolls.



-Super ! merci de ruiner ma belle mise en scène.



-Toujours un plaisir.



-Si on peut même plus se la jouer sur les réseaux, maintenant… bref !



Dans les secrets des dieux regroupe plusieurs textes de Lucien de Samosate, auteur appréciant fort se moquer de ses contemporains pour mieux critiquer l'absurdité des religions. Impossible de vous faire un résumé : chaque texte est différent. Je les ai regroupés par genre pour vous en parler facilement.



Zeus confondu, Zeus tragédien et Prométhée constituent des dialogues et des parodies de pièces de théâtre. Les deux premiers textes mettent en scène les dieux affrontant un bien épineux problème : les mortels cessent de croire aux divinités ! Que faire ? Convaincre ou foudroyer ?



-Fou-droy-er ! Fou-droy-er !



-Euh, non, on ne peut pas, il n'y a pas de dialogue, sinon. Lire ce texte peu de temps après le rire d'Epicure m'a bien amusée : la structure du raisonnement est assez semblable. Et si vous connaissez bien les textes de Platon, vous vous amuserez encore davantage : la forme du dialogue, la maïeutique rappellent en bien des points ces discussions de Socrate qui commencent bien et finissent mal en général.



-C'est pas un peu inaccessible, comme texte, si ça ressemble à de la philosophie ?



-Je ne trouve pas… le dialogue reste très concret, il ne part pas dans de grandes envolées abstraites et prend la mythologie comme point de départ. Non, il passe bien.



-Mais pourquoi il y a des astérisques après tous les noms propres ? C'est relou !



-Il y a un lexique à la fin, c'est pour te dire qu'ils sont indexés si tu galères.



-C'est pénible, je trouve. Je n'ai pas besoin qu'on me le rappelle à chaque occurrence, une fois, ça suffit !



-Oui, je trouve que le texte en est alourdi, déjà que tu as abondance de notes… Notes bien utiles, d'ailleurs, j'ignore trop de références pour bien saisir les subtilités du texte et je ne connais pas toutes les versions de la mythologie : heureusement qu'elles sont explicitées.



-Zeus tragédien est un peu plus lourd, quand même…



-Oui, mais il est aussi plus dynamique avec Momos qui vanne sans arrêt !



-Euh, ouais, c'était rigolo, mais pour le côté parodie, si on ne connaît pas Démosthène, on voit pas trop que c'est de la parodie, quoi… La référence est perdue.



-Certes, mais il reste plein d'autres choses amusantes : des dialogues nerveux, des personnages stupides : de quoi régaler ses zygomatiques ! le faux oracle d'Apollon, le ridicule de Zeus, la bêtise de Timoclès m'ont bien amusée ! Quant à Prométhée…



-… il ne s'y passe absolument rien.



-Ben dans les autres non plus, puisque ce sont des dialogues. Pour avoir vilainement (question de point de vue) trompé Zeus, Prométhée est crucifié au Caucase, où un aigle vient chaque jour dévorer son foie. le texte le met en scène sur le lieu de son châtiment et le supplicié va tenter de démontrer qu'il est châtié à tort avant que l'aigle ne le torture pour la première fois.



Ce texte constitue une apologie : Prométhée plaide sa propre cause, et fichtre ! avec efficacité. le passage relève de l'exercice d'éloquence, fort plaisant ma foi : il donne un nouveau regard sur un mythe pourtant archi connu. La conclusion m'a surprise, sans trop m'étonner : un retournement similaire a lieu dans Zeus tragédien.



Et maintenant, passons aux Sacrifices !



-Celui-là m'a vraiment déçue.



-Hem… oui… je comprends… Comparé à ses copains, il paraît bien fade et gratuit. Point d'humour, point de plaisante rhétorique, mais une énumération de pratiques religieuses et un jugement sec sur celles-ci. Ce texte ne me dit pas « fais travailler ton cerveau, un peu », mais « les rites, c'est bon pour la poubelle et les débiles ». Dommage.



Et nous arrivons à la pièce de résistance : La déesse syrienne ! Un reportage unique sur la religion au Moyen Orient…



-Ah non. Non. Je ne peux pas cautionner ça, Déidamie.



-Ah bon ? mais pourquoi ?



-Pourquoi ? Tu demandes pourquoi ? Dois-je te rappeler ce qui s'est passé quand nous sommes arrivées à ce chapitre ?



-Beeen…



-J'ai lu une ligne, deux lignes, tout un paragraphe. Et j'ai levé les yeux et j'ai dit « C'est une blague ? »



-Oui, mais…



-Le texte est traduit en ancien français !!! C'est un scandale ! Je n'y lis rien du tout !



-Mais regarde la préface ! Comme le texte était rédigé en ionien, les traducteurs ont voulu reproduire l'effet vintage en le traduisant en moyen françois.



-Ils se sont sans doute bien amusés, mais l'humour de geeks, ça ne marche qu'avec les geeks ! Je parle pas l'ionien ni le moyen françois. Moi, je voulais lire le texte, pas me casser les dents sur chaque caractère !



-En même temps, c'est une édition pour étudiants, on peut penser que pour eux, ça marche…



-Je ne suis pas étudiante, ça ne marche pas. Je ne peux pas accéder au texte et je me sens vexée. Tiens, rien que d'en parler, je suis énervée. J'en profite pour faire passer un message, Mme Folio et MM. Garnier-Flammarion, si vous passez par là, ce serait sympa d'ajouter une édition de Lucien de Samosate à vos collections, merci, gros bisous.



-Bouquins a sorti une intégrale…



-Aaaah !



-… avec une traduction d'Emile Chambry…



-Un grand monsieur certainement, les commentateurs le citent sans cesse.



-… traduction qui date de 1934…



-1934 ? Ben heureusement qu'ils vendent des livres et pas du poisson, ceux-là… « Il est frais, mon texte, il est frais ! »



-Bon, on enchaîne ?



-Ouais, vas-y.



-Les dernières pièces sont constituées de courts dialogues entre différents personnages mythologiques.



-C'est rigolo, mais bon, sans plus…



-Oui, la mise en scène est amusante, mais l'humour un peu gras, un peu lourd, le viol que c'est trop lol, m'ont ennuyée. Je n'y ai pas retrouvé la finesse qui m'avait tellement plu dans les oeuvres remettant en question l'utilité et l'existence des dieux.



Bref, un recueil de textes inégaux, hélas marqué par une traduction inaccessible en milieu de livre. Cependant, je ne regrette absolument pas les jolis exercices de rhétorique des trois premiers textes.



-Dédé, regarde, regarde !



-Quoi ?



-Les Belles Lettres ont sorti une intégrale avec une traduction récente !



-Tiens, oui, en effet. Et ça coûte ? Ah quand même.



-Mais c'est pas grave, on écrit au Papa Noël !



-Voilà. En janvier, comme ça il a bien le temps de s'organiser. »
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Voyages extraordinaires : Edition bilingue ..

Dans « les histoires vraies », écrites au IIème siècle, Lucien relate des voyages extraordinaires dont il est le protagoniste, avec une ironie et une fantaisie qui se soucient peu de vraisemblance, tournant en dérision les poètes et leurs mythes qu’ils présentent comme étant véridiques. Afin de connaitre l’extrémité de l’océan et de découvrir les peuples qui l’habitent, il partit avec quelques compagnons pour une longue navigation. Une violente tempête les projette sur la Lune, laquelle est en guerre contre le soleil et dans leurs armées se trouve une multitude de créatures fabuleuses, monstrueuses ou ridicules. C’est bien un miroir que Lucien tend à l’homme, dans lequel se reflètent ses désordres et ses illusions. Après son départ de la Lune, il sera englouti avec ses compagnons par une immense baleine. Ils finiront cependant par s’échapper en tuant le monstre et connaitront encore, à l’instar d’Ulysse, de nombreuses aventures. Rabelais, Cyrano de Bergerac, Swift s’inspireront de ces histoires.

Ce volume contient aussi « les dialogues des morts » qui seront par la suite maintes fois repris, avec un thème récurrent chez Lucien : l’égalité devant la mort. Il met en scène des personnages célèbres, réputés pour leur richesse, leur pouvoir, leur beauté, ou leur savoir, qui, une fois dans l’Hadès, se retrouvent nus comme les plus indigents des hommes. C’est une fois encore avec beaucoup d’ironie et de fantaisie, voire un certain cynisme, que Lucien s’interroge sur la condition des hommes.

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Oeuvres complètes

En lisant Lucien



Les hommes furent, jadis, atteints d'une singulière maladie. C'était une fièvre dont l'invasion fut générale, et qui se manifestait dès le début avec beaucoup d'intensité et de continuité; tant que la fièvre durait, elle installait dans leur esprit un tic amusant: ils prenaient tous des mines tragiques, des airs concernés, déclamaient de pompeuses banalités, faisant du lieu commun leur fonds de commerce. Cette manie a désormais gagné la plupart des beaux esprits, qui négligeant de raconter les faits, et encore plus de les comprendre se répandent en éloges ou en critiques sur ces princes qui nous gouvernent et ces artistes capillaires, culinaires ou vestimentaires qui font notre goût, élevant jusqu'aux nues ces Homères du ciseau, ces Léonard de Vinci du ris de veau...

Je veux parler de certains beaux esprits, dont je tairai les noms, mais dont je ne puis passer sous silence les buts, les écrits ou les propos, au delà de tout ce que peut espérer le ridicule. Dès le début ils posent une question, et s'efforcent de prouver par un raisonnement vigoureux qu'il ne convient qu'aux sages (c'est à dire eux-mêmes) de décider du sort du monde et d'écrire l'histoire. Viennent ensuite d'autres raisonnements, pour louer jusqu'à la bassesse les princes de la politique ou de la cuisine qui les nourrissent, inepties que la cuistrerie leur fait débiter, eux qui ne voient pas ce qui devrait attirer leur attention, et quand bien même ils le verraient, ils n'auraient pas le talent nécessaire pour l'exprimer. Ils inventent et arrangent tout ce qui se présente. Ils cherchent à se donner de l'importance en encourageant leurs princes à se venger des humiliations subies et en nous donnant un grand nombre livres, dont les titres mêmes sont des chefs-d'œuvre de ridicule.

Le bel esprit, libre de ses opinions, ne craignant personne, n'espérant rien, incorruptible, indépendant, ami de la franchise et de la vérité, appelant un imbécile un imbécile, ne donnant rien à la haine ni à l'amitié, n'épargnant personne par pitié, par honte ou par respect, juge impartial, n'accordant à chacun que ce qui lui est dû, sans pays, sans lois, ne s'inquiétant pas de ce que dira tel ou tel, mais racontant ce qui s'est fait -où est-il parti ?

Je peux aussi parler de nous, naïfs et crédules clients de ces marchands de mots et qui nous imaginons paraître important et compétent en nous empressant d'acheter leurs écrits et d'adhérer à leurs paroles; mais l'affaire tourne autrement et ne fait que mieux ressortir notre ignorance, puisque nous n'achetons que les propos creux correspondant aux besoins d'argent et de célébrité de leurs auteurs, propos dont l'éloge est fait au hasard des amitiés ou des humeurs.

Le singe, dit un proverbe, est toujours singe, eût-il des habits d'or, nous avons sans cesse un livre à la main, un entretien dans l'oreille mais nous ne comprenons rien à ce que nous lisons et à ce que nous entendons, le plus souvent – et c'est à notre décharge - parce qu’il n'y a rien à comprendre;

Nous croyons, sans doute, remédier à notre ignorance, la déguiser sous l'apparence de l'érudition, mais le savoir se vend au marché, il est à ceux seuls qui sont riches, et qui nous écrasent, nous les pauvres.



Ces mots me sont venus après mes (nombreuses et fréquentes) lecture de Lucien de Samosate, né vers 120 à Samosate (province Romaine en Syrie), mort après 180, philosophe satiriste, admiré par Nietzsche qui a inventé un mot: le dysangile, pour qualifier son oeuvre.


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Voyage dans la lune et Autres Histoires vra..

Je savais que cel livre est considéré comme la première histoire de Science fiction, voire comme un des premiers romans. Lui et ses compagnons voyagent à travers toute une série de décors merveilleux. Il s'agit notamment d'une île avec des rivières de vin, une baleine géante si énorme qu'il y a des colonies de personnes vivant dans son estomac, une île faite de fromage, l'île des Bienheureux pleine de héros grecs, de philosophes et d'écrivains, l'île de Calypso, une île habitée par des gens à tête de taureaux, une île peuplée de sorcières cannibales et enfin un mystérieux nouveau continent transatlantique qu'il promet de décrire - mais ne le fait jamais.

En son temps, cela a probablement été conçu comme une satire d'histoires de voyages épiques comme l'Odyssée et l'Argonautica, de sorte que les décors vécus par le narrateur sont essentiellement une parodie exagérée d'endroits comme l'île des mangeurs de lotus, l'île de Circé, la société féminine de Lemnos, ou le pays des géants à six bras dans ces œuvres.

C'est un livre totalement délirant, d'une drôlerie qui se surpasse à chaque paragraphe de ce Lucien qui est de loin – très loin – le philosophe que je lis avec le plus de plaisir.




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Histoire véritable

Avec son Histoire véritable, le satiriste du IIe siècle, Lucien de Samosate, a écrit le premier récit détaillé d'un voyage sur la lune, en même temps que l'un des premiers romans de la littérature mondiale et, certainement le premiers récit de science-fiction.

Le rhéteur et écrivain de langue grecque Lucien de Samosate, né vers 125 de notre ère dans l'actuelle Syrie, a eu un accueil quelque peu mitigé à travers les âges. Les érudits s'accordent à dire que ses contemporains et successeurs le considéraient avec beaucoup de respect. Les premiers chrétiens admiraient moins Lucien et sa plume païenne et vitriolique, bien qu'au moment de la renaissance, il ait retrouvé la faveur des savants. Les humanistes italiens l'ont traduit du grec, et ainsi Lucien a continué à influencer le monde moderne, en particulier Nietzsche .

L'Histoire véritable n'est pas seulement le premier récit détaillé d'un voyage vers la lune, c'est aussi, sans doute, le plus étrange. Sur la surface lunaire de Lucien, nous rencontrons une litanie vertigineuse de bêtes bizarres : des vautours à trois têtes, des oiseaux au corps herbeux avec des ailes de feuilles géantes, des puces de la taille d'un éléphant, des êtres mi-femmes/ mi-vignes dont un baiser ferait un "ivre ébranlé", et des hommes qui transpirent un lait d'une telle qualité « qu'on peut en faire du fromage en y versant un peu de miel ».

Il accorde également une attention particulière aux nouvelles méthodes de reproduction, nécessité dans un pays dépourvu de femmes. Sur une partie de la lune, des bébés naissent des mollets gonflés des hommes, livrés morts mais ramenés à la vie "en les mettant dans le vent avec la bouche ouverte". Un peuple connu sous le nom d'Arboricoles a une méthode différente : la glande génitale droite d'un homme est coupée, plantée, et d'elle « pousse un très grand arbre de chair, ressemblant à l'emblème de Priape ».

Pour les lecteurs du 2ème siècle, un voyage sur la lune aurait été assez fantastique, mais avec cet étrange éventail de créatures et d'aventures extravagantes, l'histoire est clairement tout sauf "vraie". Que Lucien lui ait donné pour titre Histoire vraie est une provocation. Il connaissait le paradoxe d'Épiménide, l'homme de Crète qui a dit que "Tous les Crétois sont des menteurs" - s'il dit la vérité, il ment, mais s'il ment, il dit la vérité. De même, lorsque Lucien appelle son conte fantastique (qui se moque des menteurs) une «histoire vraie», il fait référence à l'un des principaux paradoxes de la philosophie et à son incapacité à être complètement ancrée sur elle-même.

Dans le prologue, il explore le problème de l'autorité narrative - un problème clé pour la critique littéraire au XXe siècle. Avec une référence évidente à Épiménide, Lucien proclame : « Mais mon mensonge est bien plus honnête que celui des philosophes, car bien que je ne dise la vérité en rien d'autre, je serai au moins véridique en disant que je suis un menteur.” Les critiques ont observé que dès les premières lignes, la personnalité de l'auteur lui-même est immédiatement remise en question : du point de vue de l'auteur Lucien, ce qui suit relève de la fiction ; pour le narrateur, cependant, tout est vrai. Puisque le jeu de son texte se déroule sur fond de paradoxe, Lucien empêche le lecteur de prendre ne serait-ce qu'un point de vue privilégié pour juger objectivement de la valeur de vérité du récit. Plus subtilement, sa déclaration évoque les épopées d'Homère et les histoires d'Hérodote, ainsi que les dialogues de Platon.

L'Histoire véritable est aussi une satire des écoles philosophiques trompées par leur propre arrogance non critique lorsqu'il s'agit de formuler et d'évaluer des affirmations de vérité. De la manière dont Lucien expose la manière dont les termes critiques littéraires se dissolvent les uns dans les autres, sa satire a beaucoup en commun avec une perspective moderne parce que la fiction dit une vérité, mais elle s'annonce comme inventée; à l'inverse, l'histoire s'annonce comme vérité, mais tend aussi à être inventée.

Lucien rend le problème encore plus urgent en insérant dans son récit fictif des affirmations qui ne contredisent pas la réalité connue. L'inclusion de faits connus et d'interprétations plausibles de phénomènes physiques contribue grandement à établir le type de vraisemblance qui donne à toute fiction son pouvoir convaincant, mais cela oblige également le lecteur à reconnaître que la frontière entre la vérité et la fiction est au mieux floue. La référence de Lucien à Vénus (l'étoile du matin), par exemple, comme site d'une bataille entre la lune et le soleil reconnaît les connaissances scientifiques grecques contemporaines concernant l'occultation de Vénus par la lune et les transits de Vénus à travers le soleil. Mais en même temps, la bataille est fictive dans la mesure où elle n'est qu'une allégorie des affaires humaines.

Lucien utilise également la satire pour ridiculiser la pseudo-science et la superstition, ainsi, il écrit : « Tout dans mon histoire est une parodie plus ou moins comique de l'un ou l'autre des poètes, historiens et philosophes d'autrefois, qui ont écrit beaucoup de choses qui sentent bon.” Il vaut la peine de répéter que même si des poètes comme Homère et des historiens comme Hérodote souffrent sous le fouet satirique de Lucien, les vraies victimes sont les philosophes. Il est furieux de l'hypocrisie épistémologique de ceux qui s'érigeraient en arbitres du vrai et du faux, tout en recourant aux mensonges et aux fictions (par exemple, l'Allégorie de la Caverne de Platon), pour faire valoir leur point de vue. . Comme le dit Lucien : "En lisant tous ces auteurs, je ne leur ai pas reproché leur mensonge, car j'ai vu que c'était déjà une pratique courante même parmi les hommes qui professent la philosophie."

Cherchons autour de nous – pas nécessairement loin – nous allons en trouver...



Enfin, Lucien termine son « histoire vraie » en faisant la satire des nobles prétentions des philosophes dans la mesure où ils sont ce que Nietzsche appelait des « systématiciens », puisque Lucien promet quelque chose qu'il ne peut pas, ni n'a l'intention de livrer : l'exhaustivité ou la clôture. Lucien taquine le lecteur avec la dernière ligne du deuxième livre : "Ce qui s'est passé dans cet autre monde, je vous le dirai dans les livres suivants". Mais il n'a jamais eu l'intention de terminer l'Histoire véritable, et l'on est frappé par le fait qu'une fois de plus les questions de vérité et de contrevérité (et par extension, l'intention et l'autorité de l'auteur) sont à l'ordre du jour.



Pour réussir, la satire doit offrir une leçon de morale, un but didactique. La leçon des voyages de Lucien sur la lune est de simple bon sens: il ne faut pas se prendre trop au sérieux, surtout en matière de philosophie.
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Lucius ou l'ane suivi de dialogues des cour..

Un peu de littérature latine ne nous ferait pas de mal, n'est-ce pas ?

Si nous y rajoutons une large brassée d'érotisme, d'humour, et un zeste de fantastique la lecture n'en sera que plus facilitée. Voilà ce que nous offre "Lucius ou l'Ane", chef d'oeuvre de Lucien en une série "de précieuses miniatures, vives et fraîches, ou noires et inquiétantes, des moeurs du temps, dans les domaines de la magie, de l'érotisme et de la bestialité"(dixit son traducteur).

Mais d'abord quelques phrases sur l'auteur.

Lucien de Samosate (125-vers 200), un des plus brillants esprits de l'Antiquité tardive, apprit le grec et fit des études de rhétorique et de philosophie. Il voyagea beaucoup, en Asie Mineure, en Italie, en Grèce et en Gaule, puis devint fonctionnaire dans l'administration romaine. Ecrivain prolifique il pratiqua tous les genres, le plus souvent dans un but parodique. Lucien se moque des modes et travers de son temps, de ses croyances et de ses superstitions.

Si vous avez vu, (ou lu) le Satyricon de Pétrone (superbement mis en "images mouvantes" par Fellini) vous avez déjà une idée de la tonalité générale de "Lucius ou l'Ane", récit de la littérature latine, classique mais pas barbant, licencieux et osé, mêlant fantastique, érotisme et critique des superstitions.

En un mot : adeptes de MeToo, de BalanceTonSuidé, prudes dames, fragiles garçons, bas-bleus, mineurs de moins de 18 ans, personnes choquées par les descriptions un peu trop réalistes, un seul conseil : FUYEZ CE LIVRE !!!




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Eloge du Parasite

L’auteur pastiche les philosophes de son époque, en se plaisant à écrire un échange entre un parasite – c’est-à-dire un homme qui maîtrise l’art de se faire inviter chez les autres – et un certain Tychiade, qui s’étonne à juste titre de sa désinvolture. Maître de l’art du convaincre et persuader, notre parasite se perd dans des sophismes, références détournées à Homère ou Socrate, et nombre de raisonnements biaisés pour faire avouer à son interlocuteur qu’il n’est pas de discipline plus noble que la sienne. Le plus consternant dans tout cela, est que son point de vue fonctionne, et que l’on serait presque convaincu comme Tychiade que l’art de savoir profiter des autres est le plus sain du monde.

Plus qu’un traité comique, L’Eloge du parasite s’affirme comme une véritable critique des procédés parfois malhonnêtes des philosophes, ou des bons rhéteurs qui, en sachant y mettre la forme, sauraient faire croire n’importe quoi. Et n’est-il pas utile, après tout, de se rappeler à quel point il est facile de faire dire à un exemple pris au hasard ce que l’on veut ? Le piège se referme impitoyablement sur Tychiade, et on serait parfois tenté de se mettre à sa place, d’imaginer comment l’habile escroc ayant toujours réponse à tout saurait nous faire perdre aussi la tête.
Lien : http://unityeiden.fr/eloge-d..
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Bibliomanies

Une reflexion sur la manie d'accumuler des livres. Cela vous rappelle quelque chose? Il y a de fortes chances! N'est-ce pas un peu la définition de la LCA...





Ce livre regroupe des textes de différents auteurs qui jugent, s'interrogent sur cette "manie". Pour certains, c'est une déchéance, une dépense inutile, un manque de goût. Pour d'autre, c'est au contraire une élévation de l'âme, la possibilité de choisir son chemin. Vous devinerez à qui va mon coeur.





Néanmoins le regroupent de ces textes permet une vraie réflexion sur ce besoin, cette envie. On redécouvre certains auteurs. On en découvre d'autres. Certains textes m'ont agacée (Lucien de Samosate est franchement désagréable et redondant) d'autres m'ont beaucoup plus. Mais tous m'ont permis de me questionner sur le pourquoi du comment j'achète autant de livre et nourris ainsi une PAL pantagruélique. Pour le plaisir du choix, le plaisir de savoir qu'il me reste encore tant à lire et surtout pour le plaisir que cela me procure quand je sors d'une librairie avec une belle pile de livre tout neufs!





Un seul constat : ma PAL n'est pas prêt de maigrir!





Un très beau livre, dans une superbe édition (une belle couverture, un papier au toucher agréable) qui permet une réflexion intéressante sur le monde de la lecture.





Merci à Babelio et surtout aux éditions Ivres de Livres (une chouette maison d'édition avec des passionnés qui promet de belles lectures) !





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Alexandre ou Le faux prophète

Satiriste de langue grecque, originaire de la Commagène, Lucien de Samosate est un penseur du II° siècle qui connut la gloire puisque des empereurs comme Commode le protègeront mais aussi un des philosophes les plus critiqués de l'Antiquité. C'est à cause de son Alexandre d'ailleurs que l'auteur va faire la part belle aux critiques alors qu'il s'agit d'un traité sur la charlatanerie et la manipulation, mettant en scène le soi-disant prophète Alexandre, contemporain de Lucien.

A Lucien de faire un portrait savoureux d'un homme cupide mais extrêmement intelligent qui manipule la doxa comme personne. A un rappel des faits dans la première partie viennent s'ajouter des passages plus autobiographiques où Lucien raconte les tours qu'il joue à Alexandre pour le démasquer. Bien sûr, même devant le mur, le joueur d'oripeaux nie et la foule aveuglée est prête à déchiqueter le philosophe! Charge contre les charlatans tout autant que contre une trop grande crédulité.


Lien : http://flolunaire.blogspot.f..
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''Sur des aventures que je n'ai pas eues'' ..

Je remercie vivement les éditions Folio ainsi que la team de Livraddict pour m'avoir permis de découvrir ce court texte fort sympathique !



C'est un vrai régal que d'avoir lu un précurseur de Voltaire avec son « Candide ». Je vous conseille de lire ce conte philosophie de Voltaire, car il est excellent et bien drôle, un récit de voyage intéressant et riche en événements. Lucien est un auteur de l'antiquité grecque et nous propose une histoire totalement inventée afin de se moquer des récits comme « l'Odyssée ». Mais attention, il s'en moque de manière élégante, comme Voltaire, nous avons une histoire pour rire des modes et des travers des hommes de son temps. Cette idée qui m'avait déjà fortement plu chez « Candide », m'enchante une nouvelle fois avec « Sur des aventures que je n'ai pas eues ».



D'ailleurs, c'est ce qui m'a de suite attirée lors des partenariats. Le titre donne une idée de ce qui nous attend, il est très bien choisi et correspond au parti pris de l'auteur. De plus, la couverture avec cette baleine m'intriguait fortement et j'avais grande hâte de lire ces aventures loufoques.



Avant toute chose, je tiens à signaler qu'il faut une certaine culture concernant la mythologie grecque et la littérature de l'époque, car l'auteur y fait de très nombreuses références, même si des notes très appréciées se situent en fin d'ouvrage. J'ai eu plus de mal avec les noms de la littérature grecque qu'avec la mythologie, mais j'ai fini avec internet par sympathiser avec ces personnes. Dernier point le style est très travaillé et il sera compliqué pour ceux n'ayant pas l'habitude de familiariser avec.



Ainsi, je ressors personnellement enchantée et enthousiaste, puisque j'ai énormément adoré la manière dont Lucien raconte son récit et je suis absolument fan de la qualité des événements rencontrés qui mêle une pointe d'humour mordant au genre de l'épique. Il est facile de se plonger dans la tête de l'auteur en dépit de son vocabulaire soutenu puisque le récit est écrit à la première personne du singulier.



Lucien se lance dans l'aventure tel Ulysse avant lui. Il ne se jette pas seul, il est accompagné d'un équipage avec lequel il va vivre de véritables histoires extraordinaires. Il fait étalage des lieux qui sont bien décrits, des coutumes parfois étranges et soigne ses descriptions de batailles, comme Homère pour l'Illiade. Lucien ne se contente pas de rester que sur mer, non, il va même se rendre sur la Lune pour y rencontrer Endymion ! Il sera même avalé par une baleine.



Chaque rencontre est une réelle joie, Lucien sait que tout voyage s'accompagne de haut et de bas, mais surtout de rencontres. Chaque personnage ou créature est soigné, à un tel point que l'on se demande comment l'auteur a pu imaginer tout ce bestiaire incroyable : Lance-puces, Cavaliers-vautours, Femmes-vignes, Salades-ailées... C'est déroutant et tellement truculent, chaque page possède de quoi rire ou s'amuser des piques de Lucien lancées aux auteurs de son époque.



Par ailleurs, je crois que mon passage préféré restera la visite sa rencontre avec tous les morts, dont Platon, Pythagore ou encore Homère lui-même ! Le plus drôle surviendra avec notre belle Hélène qui réitère sa petite gaffe de Troie avec un autre homme cette fois. Le moment où Lucien s'envole pour aller sur la Lune est lui aussi très amusant, surtout quand on lit ce qui lui arrive par la suite avec cette bataille absolument abracadabrante.



En conclusion, un livre qui amusera les fans de Voltaire et de Candide, ou de Cyrano de Bergerac (l'auteur). Un livre qui se lit très vite en raison de son peu de pages, mais qui contient cependant son lot en aventures épiques et en rires. Il m'a totalement ravie, j'ai été enchantée de lire autant de références à Homère ou à la mythologie grecque et je suis heureuse d'avoir pu lire les aventures qu'il n'a pas eues.
Lien : http://la-citadelle-des-livr..
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L'enfant qui jouait avec la lune

Et si le désir lui vient , il finira sa bouteille,il mettra son manteau,il partira de chez lui sans dire bonsoir à sa femme. Si le courage lui manque en route il pourra prendre encore un dernier verre.
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Philosophes à vendre

Quand Zeus et Hermès mettent les philosophes aux enchères, cela donne un un texte savoureux et plein d'humour qui nous fait (re)découvrir les différentes écoles philosophiques de la Grèce antique. De Diogène le Cynique, invendable à cause de ses propos obscènes au stoïcien Chrysippe, pas désintéressé par l'argent et qui dégaine les syllogismes pour venir à bout de ses adversaires, en passant par le joyeux Démocrite ou le pleurnicheur Héraclite, ils sont tous là ! J'aime beaucoup la verve comique de Lucien, et ce sera un excellent panorama des philosophies antiques pour mes hellénistes. Pour les non initiés, c'est une façon simple et plaisante de faire connaissance avec ces penseurs qui devaient être des personnages hauts en couleurs !
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Alexandre ou Le faux prophète

Aux habitudes parodiques de l’écrivain, à son profil épicurien anti-religion, les commentateurs ont longtemps voulu voir dans cette petite œuvre une caricature grossière, plutôt qu'un reportage sérieux sur un célèbre oracle des derniers siècles pré-chrétiens. Lucien s’est rendu sur place et s’est activement renseigné sur l’homme qu’il a rencontré, sur ses collaborateurs, ses clients, sur le fonctionnement de l'oracle. Si le ton satiriste est bien présent, la profusion de détails ne relève pas de l’extrapolation mais bien de l’enquête. L'oracle antique ne se limite pas à un essai plus ou moins vague de « divination » (tel que rendu célèbre par le mythe d'Œdipe). Les demandeurs viennent chercher conseil pour de multiples problèmes (périple, épreuve, dilemme, mal d'amour, maladie…), et dans un contexte polythéiste, ils cherchent surtout à comprendre à quel dieu s’adresser, comment, quelles actions et offrandes pour s’attirer la réussite, les démons favorables... La description que fait Lucien du fonctionnement de cet oracle (le prophète reçoit la confidence d’un demandeur et apporte une réponse adaptée) montre que ceux-ci n’agissent pas différemment des confesseurs chrétiens, des psychanalystes et des coaches modernes (des marabouts aussi). Si cet Alexandre agit en escroc fini, Lucien laisse entendre que d’autres peuvent être de bon conseil.



Mais le prophète acquiert un pouvoir sur les personnes qui font appel à lui, de par les secrets qu’ils lui livrent (d'autant plus avec sa célébrité). Connaissant leurs faiblesses, leurs ambitions, leurs déplacements, il peut les manipuler à sa guise. L’oracle d’Abonotique apparaît ainsi comme une secte et le « petit » Alexandre a tout d'un Charles Manson : enfance criminelle, prostitution, charisme, intelligence sociale, protection de personnalités importantes, culte du secret, fan club hystérique obéissant aveuglément, service sexuel des adeptes et femmes d’adeptes, diffamation de toute voix contradictoire, chantage, crimes par procuration, mégalomanie (il fait rebaptiser la ville et frapper monnaie à son effigie)… Pour un épicurien dénonçant partout les piège des superstitions, il est évident que tout oracle comme toute institution religieuse est une supercherie qui permet de détenir un pouvoir sur la population, d'acquérir ainsi des privilèges. Un tel portrait de charlatan peut-il être représentatif des autres oracles et cultes à mystère qui étaient à la mode dans l’antiquité (Delphes, Eleusis, Mithra…) ? Ainsi, Alexandre ne serait pas un "faux prophète" mais simplement un prophète comme un autre, comme le Tartuffe première version de Molière qui n'était initialement pas un "imposteur" ou faux dévot, mais un "hypocrite", c'est-à-dire le dévot par excellence, dont l'attitude religieuse ne sert qu'à acquérir un pouvoir pour manipuler, s'enrichir et assouvir ses vices...



Ce que dénonce le plus violemment Lucien, c’est l’usage de tout le décorum, les effets spéciaux qui trompent sur le réel pouvoir de simples hommes à capter le divin. Les dieux, si dieux il y a, sont pour les épicuriens loin de l’homme, insaisissables, indifférents à nos actions. Dans une civilisation qui fait reposer l’autorité du pouvoir, sa légitimité, sur le sacré du religieux, on peut comprendre que de telles entreprises, quel que soit leur degré de malversation, aient eu l’épicurisme comme ennemi mortel… Et que, à l’image d’Alexandre le charlatan, ils aient partout cherché à éliminer un courant de penser si dénonciateur du sacré. On pourrait faire le lien ici avec la pensée d'Illich sur les institutions (cf. La Convivialité) : tendant à rendre sacrées et donc intouchables, indiscutables certaines choses, elles laissent un espace pour l'abus de pouvoir, l'arnaque, la manipulation...
Lien : https://leluronum.art.blog/2..
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Vies à vendre

Lucien de Samosate, né il y a plus de 1900 ans, fut avocat, rhéteur, et satire.

Par son grand attrait pour la philosophie, il prit à partie dans ses écrits tous ceux qu'il accusait de charlatanisme.



Dans ce recueil, sont repris quatre écrits, qui prennent la forme de courtes pièces ou dialogues.

Sous la forme de l'humour, Lucien dénigrera les philosophes sous tous leurs angles et tous leurs courants de pensée.



En tant qu'admirateur de la philosophie, il critiquera ainsi ceux qui se disent philosophe afin d'en gagner leur vie, et ceux qui pensent détenir la raison absolue.



Les textes se lisent de manière fluide, et se comprennent, malgré le temps écoulé depuis leur écriture.



Lucien ne prendra pas directement partie et ne tranchera pas, sans quoi la critique ne serait pas constructive. On peut aussi y voir une invitation au lecteur, à lire, découvrir et se faire sa propre opinion.

Car après tout ma philosophie appelle à la curiosité et l'ouverture d'esprit, et remet sans cesse en question ce que l'Homme pense savoir.



Un livre que j'ai lu avec plaisir donc, et qui me donne envie d'en lire plus sur Lucien, mais aussi sur tous les philosophes cités dans ce texte.

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Dialogues des courtisanes - Amours - Toxari..

Je sors du cinéma avec le petit. Nous avons vu Sherlock Junior. C'est un Buster Keaton de 1924. L'homme assis devant avait l'âge du film. le petit était perdu dans ce monde très différent. L'homme avait une rare occasion de retrouver le sien. Vertige et solitude.



Il y a ce joli volume sur l'étagère. Reliure rouge à coins, années 20 (les précédentes), papier vergé, traduction hors d'âge de Belin de Ballu. En l'ouvrant je cherche la connexion avec le territoire des écarts, ce continent passé, celui de Lucien, né en Syrie, d'expression grecque, écrivain autour de la Méditerranée du Siècle siècle.



Le puit est profond. Je craque une allumette. Il me semble distinguer le fond. Mais c'est loin. L'odeur est suave. La descente est agréable, hypnotique. Mais le fond est à jamais hors de portée.



Par bien des aspects Lucien nous est proche. Un membre de la famille? (catégorie Diderot) Depuis près de 2000 ans il raille les charlatans, les fausses valeurs, crève les baudruches, propose des philosophes à vendre. Ses Histoires véritables (Histoires vraies, Histoire véritable, Voyages extraordinaires, etc.) sont un délicieux voyage vintage au pays des bobards. Miam. En quelque sorte Lucien est le premier auteur de science-fiction.



Mais ma tendresse va plutôt à ce petit volume ci, lascif, amolli. Heurs et malheurs, espoirs et déceptions des courtisanes anatoliennes. Difficile à justifier aujourd'hui. Tant pis, c'est vraiment bien loin, vraiment. Un vent parfumé souffle. Mélitte et Bacchis préparent un pain, du souffre et tout ce qui est nécessaire à un enchantement. Charinus se détournera de Simmique.



Ce monde est à jamais hors de portée, mais l'apercevoir de loin est une chance qui mérite d'être goûtée.
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Comédies humaines

De culture grecque, ayant vécu en Syrie, à Athènes et à Rome, Lucien a côtoyé Marc-Aurèle, empereur connu pour son amour de la philosophie. Ses Comédies humaines sont autant une œuvre de moraliste défendant la culture et l'éducation grecque, la paideia, qu'un recueil de textes aussi mordants qu'éclairants sur la vie et les caractères de cette époque.

Les textes de Lucien prennent pour cible les profiteurs, les misanthropes, les parvenus. Il se moque ainsi des faux philosophes qui font appel à la magie et à la superstition, dénonce les philosophes - vrais, ceux-là - grecs qui se font embaucher par de riches Romains, symboles à eux seuls de la décadence de cette grande culture.

Par sa verve et sa culture, Lucien se montre comme un transmetteur essentiel entre les grands auteurs grecs - Homère, Plaute, Ménandre - et ceux qui, bien plus tard, suivront ses illustres pas.
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L'enfant qui jouait avec la lune

Sous son nom d'auteur Lucien, Le Père Duval qui a enchanté mon adolescence avec ses merveilleuses chansons raconte sa descente aux enfers. Ce jésuite chansonnier surnommé par Brassens "la calotte chantante" est devenu alcoolique. Son généreux témoignage me touche profondément et donne de l'espoir à tous ceux qui sont frappés par cette désastreuse maladie.
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Bibliomanies

our faire court, l'idée générale qui ressort de ces textes (en tout cas ce que j'en ai retenu) est que les bibliomanes préfèrent dans leur ensemble posséder une bibliothèque plutôt qu'un savoir, paraitre (instruit, érudit) plutôt qu'être. Soit. (ceci dit le sujet mériterait peut-être débat...)

Ce qui m'a gêné dans ma lecture c'est qu'une fois les premiers textes lus, j'ai eu l'impression de relire sans cesse la même chose, les mêmes arguments mais dans un style différent (différence d'époque oblige) d'où une certaine lassitude.... N'y avait-il pas moyen de trouver des auteurs avec un discours opposé ? Le recueil y aurait sans doute gagné en intérêt.

Au final, une lecture très culturelle mais pas très récréative (sauf peut-être le texte de Paul Lacroix et ses catégories de bibliomanes).


Lien : http://www.quartier-livre.fr..
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