Citations de Madame de Sévigné (135)
Cependant j’ai dix ou douze charpentiers en l’air, qui élèvent ma charpente, qui courent sur des solives, qui ne tiennent à rien, qui sont à tout moment sur le point de se rompre le cou, qui me font mal au dos à force de leur aider d’en bas. On songe à ce bel effet de la Providence que fait la cupidité, et l’on remercie Dieu qu’il y ait des hommes qui, pour douze sols, veuillent bien faire ce que d’autres ne feraient pas pour cent milles écus. [Lettres à Mme de Grignan, 4 novembre 1671].
... Madame de Lavardin; elle est toujours enthousiasmée de votre mérite, et moi, mon enfant, de la tendresse que j'ai pour vous. Si je ne vous en parle pas assez à mon gré, c'est par discrétion, mais, en un mot, vous m'occupez tout entière.
Je m'en vais vous mander la chose la plus étonnante, la plus surprenante, la plus merveilleuse, la plus miraculeuse, la plus triomphante, la plus étourdissante, la plus inouïe, la plus singulière, la plus extraordinaire, la plus incroyable, la plus imprévue, la plus grande, la plus petite, la plus rare, la plus commune, la plus éclatante, la plus digne d'envie: enfin une chose dont on ne trouve qu'un exemple dans les siècles passés, encore cet exemple n'est-il pas juste; une chose que l'on ne peut pas croire à Paris (comment la pourrait-on croire à Lyon?); une chose qui fait crier miséricorde à tout le monde; une chose qui comble de joie Mme de Rohan et Mme d'Hauterive ; une chose enfin qui se fera dimanche, où ceux qui la verront croiront avoir la berlue; une chose qui se fera dimanche, et qui ne sera peut-être pas faite lundi. Je ne puis me résoudre à la dire; devinez-la: je vous la donne en trois. Jetez-vous votre langue aux chiens?
lettre du 15 décembre 1670 à son cousin
Pour ma vie ,vous la connaissez aussi . on la passe avec cinq ou six amies dont la société plaît , et à mille devoirs à quoi l'on est obligé,et ce n'est pas une petite affaire; mais ce qui me fâche,c'est qu'en ne faisant rien les jours se passent , et notre pauvre vie est composée de ces jours, et l'on vieillit , et l'on meurt.Je trouve cela bien mauvais.Je trouve la vie trop courte: à peine avons-nous passé la jeunesse,que nous nous trouvons dans la vieillesse.Je voudrais qu'on eût cent ans d'assuré et le reste dans l'incertitude.
37. Au Comte de Grignan - À Paris, vendredi 27ème mai 1678.
Je veux vous rendre compte d’une conférence de deux heures que nous avons eue avec M. Fagon, très célèbre médecin. C’est M. de La Garde qui l’a amené ; nous ne l’avions jamais vu. Il a bien de l’esprit et de la science. Il parle avec une connaissance et une capacité qui surprend, et n’est point dans la routine des autres médecins qui accablent de remèdes ; il n’ordonne rien que de bons aliments. Il trouve la maigreur de ma fille et la faiblesse fort grandes. Il voudrait bien qu’elle prît du lait comme le remède le plus salutaire, mais l’aversion qu’elle y a fait qu’il n’ose seulement le proposer ; elle prend le demi-bain et des bouillons rafraîchissants. Il ne la veut contraindre sur rien. Mais quand elle lui a dit que sa maigreur n’était rien, et qu’après avoir été grasse on devient maigre, il lui a dit qu’elle se trompait, que sa maigreur venait de la sécheresse de ses poumons, qui commençaient à se flétrir, et qu’elle ne demeurerait point comme elle est, qu’il fallait ou qu’elle se remît en santé, ou que sa maigreur viendrait jusqu’à l’excès, qu’il n’y avait point de milieu, que ses langueurs, ses lassitudes, ses pertes de voix, marquaient que son mal était au poumon, qu’il lui conseillait la tranquillité, le repos, les régimes doux, et surtout de ne point écrire, qu’il espérait qu’elle pourrait se remettre, mais que si elle ne se rétablissait pas, elle irait toujours de pis en pis. M. de La Garde a été témoin de tout ce discours ; envoyez-lui ma lettre si vous voulez.
LETTRE PREMIÈRE. DE MADAME DE SÉVIGNÉ AU COMTE DE BUSSY.
A Paris, ce 25 novembre 1655.
Vous faites bien l’entendu, M. le comte ; sous ombre que vous écrivez comme un petit Cicéron, vous croyez qu’il vous est permis de vous moquer des gens : à la vérité, l’endroit que vous avez remarqué m’a fait rire de tout mon cœur ; mais je suis étonnée qu’il n’y eût que cet endroit de ridicule, car, de la manière dont je vous écrivis, c’est un miracle que vous ayez pu comprendre ce que je voulais vous dire ; et je vois bien qu’en effet vous avez de l’esprit, ou que ma lettre est meilleure que je ne pensais : quoi qu’il en soit, je suis bien aise que vous ayez profité de l’avis que je vous donnais.
On m’a dit que vous sollicitiez de demeurer sur la frontière cet hiver : comme vous savez, mon pauvre comte, que je vous aime un peu rustaudement, je voudrais qu’on vous l’accordât, car on dit qu’il n’y a rien qui avance tant les gens, et vous ne doutez pas de la passion que j’ai pour votre fortune : ainsi, quoi qu’il puisse arriver, je serai contente. Si vous demeurez sur la frontière, l’amitié solide y trouvera son compte ; si vous revenez, l’amitié tendre sera satisfaite.
Pour juger combien nous importunons en parlant de nous, il faut songer combien les autres nous importunent quand ils parlent d'eux.
L'amour est plus fort que toutes les raisons.
Il faut toujours s'aimer, quoiqu'on soit obligé quelquefois de se quitter.
Quand on aime à un certain point, on oublie, c'est-à dire, on pardonne toujours.
Rendez-moi compte de vos amusements et de vos lectures: c'est ce qui console de tout l'ennui de la solitude.
Vous me demandez, ma chère enfant, si j’aime toujours bien la vie. Je vous avoue que j’y trouve des chagrins cuisants; mais je suis encore plus dégoûtée de la mort : je me trouve si malheureuse d’avoir à finir tout ceci par elle, que si je pouvais retourner en arrière, je ne demanderais pas mieux. Je me trouve dans un engagement qui m’embarrasse : je suis embarquée dans la vie sans mon consentement; il faut que j’en sorte, cela m’assomme, et comment en sortirai-je ? par où ? par quelle porte ? quand sera-ce ? en quelle disposition ? souffrirai-je mille et mille douleurs, qui me feront mourir désespérée ? Aurai-je un transport au cerveau ? mourrai-je d’un accident ? comment serai-je avec Dieu ? Qu’aurai-je à lui présenter ? la crainte, la nécessité feront-elles mon retour vers lui ? N’aurai-je aucun autre sentiment que celui de la peur ? que puis-je espérer ? suis-je digne du paradis? suis-je digne de l’enfer ? quelle alternative ! Quel embarras ! … Je m’abîme dans ces pensées, et je trouve la mort si terrible, que je hais plus la vie parce qu’elle m’y mène, que par les épines qui s’y rencontrent. Vous me direz que je veux vivre éternellement. Point du tout, mais si on m’avait demandé mon avis, j’aurais bien aimé à mourir entre les bras de ma nourrice : cela m’aurait ôté bien des ennuis, et m’aurait donné le ciel bien sûrement et bien aisément. Mais parlons d’autre chose …
J'ai l'esprit éclairé et le cœur froid.
Elles ne sont point accoutumées, les mamans, à ces aimables douceurs. Je doute aussi que jamais on ait aimé sa fille de la manière dont je vous aime.
M. de La Rochefoucauld voulait que j'allasse chez lui entendre lire une comédie de Molière. Mais en vérité, j'ai tout refusé avec plaisir, et me voilà à mon devoir, avec la joie et la tristesse de vous écrire.
Une paix entière, une soumission sans murmure est le partage des parfaits, tandis que la connaissance de cette Providence et du mauvais usage que j'en fais, ne m'est donnée que pour ma peine et ma pénitence. Vous dites qu'on veut que Dieu soit l'auteur de tout ce qui arrive : lisez, lisez ce traité que je vous ai marqué, et vous verrez qu'en effet c'est à Dieu qu'il faut s'en prendre, mais avec respect et résignation ; et les hommes sur qui nous arrêtons notre vue, il faut les considérer comme les exécuteurs de ses ordres, dont il sait bien tirer la fin qu'il lui plaît. C'est ainsi qu'on raisonne quand on lève les yeux, mais ordinairement on s'en tient aux pauvres petites causes secondes, et l'on souffre avec de l'impatience ce qu'on devrait recevoir avec soumission : voilà le misérable état où je suis ; c'est pour cela que vous m'avez vue me repentir, m'agiter et m'inquiéter tout de même qu'une autre.
Mme de La Fayette prend des bouillons de vipère, qui lui redonnent une âme et des forces à vue d'oeil ; elle croit que cela vous serait admirable. On coupe la tête et la queue à cette vipère, on l'ouvre, on l'écorche, et toujours elle remue ; une heure, deux heures, on la voit toujours remuer : nous comparâmes cette quantité d'esprits si difficiles à apaiser, à de vieilles passions, et surtout à celles de ce quartier ; que ne leur fait-on point ? On dit des injures, des rudesses, des cruautés, des mépris, des querelles, des plaintes, des rages ; et toujours elles remuent, on n'en saurait voir la fin : on croit que quand on leur arrache le coeur, c'en est fait, et qu'on en entendra plus parler ; point du tout, elles sont encore en vie, elles remuent encore. Je ne sais pas si cette sottise vous paraîtra comme à nous ; mais nous étions en train de la trouver plaisante : on en peut faire souvent l'application.
"Nous buvons du vin blanc, que je crois très bon et meilleur que la tisane"
Lettre 1216
Mais vous ne vous portez point bien, vous n'avez point dormi ? Le chocolat vous remettra.Mais vous n'avez point de chocolatière ; j'y ai pensé mille fois.Comment ferez-vous ?
Voyez ce petit menin [gentilhomme] de Cheverny. Avec sa petite mine chafouine et son esprit droit et froid, il a trouvé le moyen de se faire aimer de Mme Colbert.
(Lettre à Mme de Grignan, 21 juin 1680)