Correspondance, tome 1 : Mars 1646 - Juillet 1675

« Voir Sévigné, c'est voir le ciel.
L'éloquence en riant s'écoule de sa bouche
Ainsi qu'un pur rayon de miel. »
C'est ainsi qu'un contemporain de Mme de Sévigné la décrivait et c'est à peu près, je crois, l'avis de tous ceux qui l'aimait : spirituelle et gaie. Pas sûr qu'aujourd'hui ces qualités sautent en premier aux yeux. de toute évidence Mme de Sévigné écrivait beaucoup de lettres et beaucoup ont été perdues, notamment celles de sa jeunesse.
La correspondance suivie qui nous est parvenue commence véritablement en 1671, alors qu'elle a plus de quarante ans et ses lettres sont majoritairement adressées à sa fille partie en Provence après son mariage. Elles ne manquent pas d'esprit, mille petits traits inventifs qu'il faut repérer au passage, des mots utilisés dans la multiplicité de leurs sens, beaucoup d'antiphrases (c'était à la mode), mais elles sont aussi teintées d'une mélancolie due à la séparation et à son inquiétude maternelle. Une chose m'a interpellé dans quelques-unes des premières lettres, c'est la manière dont elle parle des grossesses de sa fille, simplement parce que j'étais curieux de savoir ce que pouvait penser les femmes de l'époque de la maternité. Il faut savoir que Mme de Grignan, la fille de Mme de Sévigné donc, était un cas banal, c'est-à-dire qu'en trois ans elle était tombée trois fois enceinte et qu'elle avait fait une fausse-couche, rien que de très normal pour le dix-septième siècle.
Je ne m'attendais pas à une correspondance si personnelle et je m'imaginais qu'il y aurait plus de références aux évènements et à la cour de France. J'ai bien appris quelques anecdotes sur les maîtresses du roi, sur le procès de Fouquet (Mme de Sévigné y a assisté et en fait une relation à M. de Pomponne), sur la guerre injustifiée faite à la Hollande ou d'autres choses. Mais elle reste le plus souvent dans des généralités et donne rarement son avis en plus d'un mot ou deux. Elle était sûrement prudente parce que les lettres étaient surveillées et susceptibles d'être lues par des espions, la poste en a perdues beaucoup.
Je ne crois pas avoir lu un seul mot de travers contre Louis XIV, elle avait plutôt tendance à le glorifier. En même temps elle était très fidèle en amitié, et parmi ses amis il faut compter le cardinal de Retz, Fouquet ou encore son cher cousin de Bussy-Rabutin, pas exactement le genre de personnes agréables au roi. Mais ses amis intimes, les personnes qu'elle fréquentait beaucoup au début des années 1670, appartenaient surtout à un tout petit cercle de lettrés : M. et Mme de Coulanges (lui était chansonnier, elle épistolière), Mme de la Fayette (celle de la Princesse de Clèves, qui, soit dit en passant, était très souvent malade), M. de la Rochefoucauld (celui des Maximes), et un certain abbé Têtu aussi. Que du beau monde. Ce petit cercle entretenait, apparemment par l'intermédiaire de Mme de Coulanges, d'excellentes relations avec l'entourage de Mme de Montespan qui était alors au faîte de sa gloire : son frère, sa soeur et Mme Scarron, future Mme de Maintenon. de son côté Mme de Sévigné gardait des liens avec quelques membres de la famille Arnauld et était influencée par leurs dées.
Je ne sais pas si dans les lettres des années suivantes Mme de Sévigné s'est lassée de déclarer son amour à sa fille et de le décliner en mille façons. Ça m'étonnerait. Mais j'espère qu'elle ne s'est pas trop éloignée de Versailles et du monde.

un incontournable !La finesse des ses descriptions psy , sociales (celles de la Cour sont fameuses et pour cause)...et son cote possessif n'ont pas pris une ride (on peut comprendre que sa fille ait envie d'air)on a l'impression de rentrer dans le coeur et l'esprit d'une femme de la haute societe de l'epoque de Louis XIV . A comparer avec les memoires de St Simon et de la princesse palatine.....

Le château de Grignan, perché au sommet de la ville, dominant la plaine qui l'entoure, est un autre haut-lieu littéraire de Provence. C'est là que la fille de la Marquise de Sévigné, Madame de Grignan, s'établit après son mariage avec un noble provençal. Les lettres de la mère à la fille sont un des plus merveilleux exemples de l'art épistolaire français du XVIIème siècle. La marquise rendit quelques visites à sa fille, mais elle craignait les longs voyages dans la vallée du Rhône et préférait écrire. Sa correspondance reste un monument de tendresse et d'esprit. C'est sans doute un art qui se perd, car comme disait Cocteau : « Connaîtrions-nous le nom de Madame de Sévigné si elle avait eu le téléphone ? ».
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