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Critiques de Magda Szabo (407)
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La porte

Superbe roman autobiographique de l’écrivaine hongroise, qui relate avec pudeur et émotion l’étrange relation, faite d’attraction et de répulsion, qui s’est créée entre elle et sa femme de ménage, l’énigmatique Emerence.



Tout repose sur la personnalité de cette femme très particulière, au passé complexe, dont elle ne livre que des bribes , différents en fonction de son interlocuteur, de telle sorte que chacun n’a qu’une compréhension partielle de sa vie , et de ce qu’elle est.



Elle ne passe pas inaperçue Emerence, et ne laisse personne indifférent. Elle sait construire un mystère autour d’elle, par les lacunes de son passé, mais aussi avec cette porte , close à tous sans exception, et dont les critères d’ouverture posthume sont très restrictifs.



Autant dire que la vie quotidienne n’est pas simplifiée par la présence de l’employée fantasque. L’écrivaine est loin de contrôler les événements. Pire, ses tentatives pour apprivoiser la vieille femme sont autant de camouflets en retour. D’autant que ce couple conflictuel est complété par un intrus à quatre pattes.



Regrets, remords, culpabilité, liés à la trahison nécessaire, colère, exaspération face à la pugnacité d’Emergence, admiration aussi, impossible à exprimer , toute une gamme de sentiments contradictoires que peut inspirer une telle personnalité sont déclinés avec justesse. Un kaléidoscope : c’est vraiment l’image que m’évoque Emerence, variable au fil du temps, et c’est cette image mouvante qui force l’admiration.



Ce qui frappe dans cette histoire qui semble relatée avec sincérité, c’est la qualité de l’écriture (une grosse frayeur cependant dans la première page, où trône une faute de syntaxe conséquente qui fait craindre pour la suite, mais qui se révèle heureusement isolée, et est vraisemblablement liée à la traduction). Belles constructions de phrases, lexique riche, allusions discrètes à, la situation politique de la Hongrie du début du vingtième siècle, tout concourt à une impression globale d’authenticité.
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La porte

❤️Prix Femina étranger 2003

Magda Szabó, écrivaine hongroise célèbre, relate dans ce très beau roman son intrigante relation avec sa gouvernante Emerence et dresse un portrait de femme fascinant.

Emerence fait partie de ces êtres énigmatiques et insaisissables qui vous marquent.

C’est le récit lancinant d’une écrivaine devenue obsessionnelle envers cette femme charismatique et mystérieuse aux idées affranchies de tout carcan et de toute bien-pensance. Cette dame âgée à la vivacité remarquable, camouflée sous des vêtements et un foulard occultants, exerce sur sa patronne un pouvoir hypnotique et contrôlant.

Après l’avoir embauchée non sans quelques réserves, Magda va nouer au fil des années avec Emerence un lien étrange et ambivalent fait d’attirance et de rejet. Avec ses disparitions temporaires, ses non-dits, ses réponses évasives la communication est difficile.

Et puis il y a la porte, toujours close. Celle du logement d’ Emerence, limite infranchissable, mur de protection de sa « cité interdite ». Quels secrets cache-t-elle?

L’envoûtante gouvernante s’y isole fréquemment et au gré de ses humeurs.

Cette « ombre fugitive » est pourtant appréciée pour ses qualités d’écoute et possède un pouvoir apaisant.

Une autre porte, blindée celle-là, semble plus inaccessible encore : celle des apparences.

Paraissant inébranlable la seule faille qu’elle ne parvient à masquer est sa peur phobique des orages. On comprendra pourquoi au fil du récit lorsqu’elle se livrera sur son passé tragique. Elle a peu de conscience patriotique et politique « son esprit lumineux scintille, mais dans le brouillard » sa compassion est universelle défendant aussi bien le pourchassé que l’agresseur, sa miséricorde est inconditionnelle.

Un soir d’orage la domestique concède l’ouverture de la fameuse porte interdite, Magda pénètre alors « à pas incertains dans un noir d’encre » dans la zone défendue vers une lumière éclairant une partie de ses mystères.

Ce qu’elle calfeutre presque maladivement sera peu à peu révélé jusqu’à l’explosion du verrou à la hache livrant tous ses secrets en pâture au public, dans une déchirante et cauchemardesque scène finale.

Envoûtant❤️

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La porte

La narratrice et son mari sont écrivains, ils vivent dans un immeuble à appartements, à Budapest. La narratrice cherchant une femme de ménage, quelqu'un lui conseille Emerence, une concierge. Celle-ci, plus âgée, réserve sa réponse et, au bout d'une semaine accepte la place tout en posant ses conditions. Emerence a le don de souffler le chaud et le froid dans les relations qu'elle entretient avec les autres et, particulièrement, avec la narratrice. Emerence restera au service de la narratrice pendant plus de vingt ans. Emerence est très secrète, personne n'entre chez elle sauf, un jour, anticipant sa mort, elle ouvrira sa porte à la narratrice.

D'une très belle écriture, Magda Szabo offre au lecteur un roman intimiste et psychologique de qualité.

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La porte

Un livre est toujours une porte vers l'inconnu, vers l'imaginaire, vers les rêves.



Dans ce roman autobiographique, situé en Hongrie au début du siècle, le jeu de miroir romanesque entre réalité et fiction s'avère habile et fascinant.

Il y a dans la trame de ce roman psychologique une musique lancinante et une brume mélancolique. C'est une histoire poignante, d'une lenteur obsédante.



Intimiste, Magda Szabo relate avec fureur ou avec une infinie douceur les états émotionnels des personnages. Elle creuse pour extraire l'essence des relations humaines et ses complexités et essayer de comprendre l'amour/haine qui lie et sépare à la fois les êtres. Elle mesure les mouvements compliqués de l'âme humaine et veut prouver qu'au bout d'un cheminement douloureux, fait d'abnégations et de destructions, la perspective d'un fragile apaisement émerge toujours.



Toute relation humaine est remplie d'ambiguïtés. Seuls ceux qui nous sont proches peuvent nous faire du mal et nous ne connaîtrons jamais l'origine profonde et cachée des blessures qui ont marqué à jamais le coeur et l'esprit de ceux qui nous entourent.

Les sentiments et le passé peuvent jaillir sans crier gare, provocant des étincelles.



Derrière la porte de nos apparences, qui sommes-nous véritablement ?

Que cachons-nous ?

Qui voulons-nous tenir à l'abri des regards ?



La dernière page tournée il en reste des questions, mais les réponses comptent moins que le flux poétique de cet ensemble aussi beau que déroutant.





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Abigaël

Abigaël est un personnage énigmatique, le fil rouge de ce roman qui se déroule en Hongrie pendant la Deuxième Guerre mondiale. Et le lecteur tentera de découvrir ai fil des pages qui se cache derrière l’incarnation de la statue qui siège dans la cour du pensionnat. Certes, à force d’insister sur les traits de caractère des différents intervenants, l’auteur dévoile à demi-mots le secret de celui ou celle qui veille sur les élèves.



Lorsque Gina Vitay intègre Matula, ce pensionnat pour jeunes filles dont la discipline et les règles relèvent de la vie carcérale, elle laisse derrière elle une vie frivole, avec une mère de remplacement légère et superficielle. Mais son père ne lui laisse pas le choix : le général la confie aux bons soins de l’institution religieuse sans explication précise.



Commence pour la jeune fille un calvaire : n’ayant pas intégré les codes de survie dans cet univers dépourvu de toute fantaisie, elle se met à dos toute sa classe. Il faudra une tentative avortée de fugue pour que le général lui explique enfin la raison de sa présence au pensionnat pour que Gina entre enfin dans le jeu de ses camarades et se soumette au lois des lieux.



En arrière-plan la guerre, qui peu à peu influe sur la vie quotidienne des jeunes filles. Par les pertes, par ce qui se raconte de l’existence de résistants, par les bouleversements qu’entrainent des faits apparement anodins.





On observe une montée en puissance de la teneur du roman, qui débute sur un ton de romance, pour peu à peu se transformer en drame individuel et collectif. On accompagne la jeune fille dans son évolution, de l’espiègle gamine à l’enfant désespérée, que les événements feront entrer dans la maturité.



C'est une écriture est simple, que j'apprécie beaucoup, et l’auteur sait faire passer l’ émotion avec beaucoup d’adresse.



Recommandé pour tous ceux qui ont apprécié La Porte.
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La porte

Emerence est concierge d'un immeuble dans une ville de Hongrie. C'est une vieille dame très courageuse, toujours en train de travailler.

Elle parle avec beaucoup de monde dont un policier important mais jamais personne ne rentre chez elle.

"La porte" est fermée au sens propre comme au sens figuré.

Tout cela nous le savons par l'intermédiaire de sa patronne, une écrivaine qui nous raconte le personnage très particulier d'Emerence avec ses moments d'attirance et ses moments de répulsion ou de méfiance.

Emerence est une femme qui a beaucoup souffert dans son enfance, notamment lors d'un orage où elle a perdu des êtres chers.

L'auteure, Magda Szabo s'est inspirée d'une gouvernante qui travaillait dans sa maison pour dresser le portrait de cette étrange dame.

A plusieurs reprises, la voyant atteinte de névroses incontrôlables, je l'ai imaginée profitant des bons soins de Sigmund Freud car le récit se situe au début du vingtième siècle.

Un roman très bien écrit, qui fait froid dans le dos et qui m'a fait éprouver beaucoup d'empathie pour Emerence qui sait qu'elle est capable de maladresses et de violences et les répare comme elle peut, à sa façon.

Quand on a lu le livre et même avant la fin, on comprend le symbole que représente "la porte". Emerence ne veut pas qu'on rentre dans son monde intérieur plein de nœuds.

L'écriture est magnifique et ne souffre pas du tout de la traduction.
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La Ballade d'Iza

Roman déchirant sur l'incompréhension et les non-dits entre deux femmes qui s'aiment , Isa et sa mère veuve depuis peu.

Une fille, autoritaire et manquant d'une certaine sensibilité, qui accueille sa mère chez elle et croie faire son bonheur en ne lui laissant aucune initiative et s'occupant de tout à sa place laissant celle-ci désemparée et se sentant inutile.
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Per Elisa

Dans ce roman d'inspiration autobiographique, écrit en 2002 à 85 ans, considéré comme son chef-d'oeuvre dans sa Hongrie natale, Magda Szabo, Dodi, raconte son enfance et son adolescence ( 1917-1935).

Fille unique ( en faites pas vraiment, ayant une soeur adoptive , Cili, qui sera l'un des quatre piliers de sa vie et même « son autre moitié » ) d'un juriste et d'une pianiste, elle bénéficie d'une éducation très libre, qui donne libre cours à son talent littéraire, dont la précocité se remarque à peine; les deux familles paternelle et maternelle regorgeant d'écrivains et d'intellectuels de toute catégorie. Père et mère contribuent à parfaire et mûrir ce talent. La mère avec ses extraordinaires histoires imaginaires qu'elle lui raconte dés sa petite enfance et qui formeront le terreau d'où fleuriront ses idées pour ses livres futurs, "....tout ce que je sais et ai réalisé dans ma vie, je l'ai hérité de son talent, et c'est elle qui aurait dû recevoir ce que la vie m'a donnée, à moi.” Quand à son père, il lui inculque très jeune une culture littéraire éclectique , basée sur les classiques inspirés de la mythologie grecque, le latin, des passages de l'Ancien Testament....Dodi, l'enfant rebelle, dont les uniques jouets sont les livres, qui parle latin avec son père dés l'âge de trois ans, qui grandi entre fables et mythologie dont elle tire sa vision de la réalité, est vite rattrapée par la vie et ses vraies réalités. C'est sa soeur Cili qui viendra à son secours.

Son histoire se coule dans celle de la Hongrie, dont l'arrivée de sa soeur adoptive en est la conséquence directe ( le traité de paix du Trianon que les vainqueurs de la Grande Guerre signe avec la Hongrie le 4 juin 1920 et qui consacre la fin de l'Autriche-Hongrie au sein de laquelle la Hongrie jouissait d'une quasi-indépendance). Une soeur adoptive, orpheline de guerre, amenée à la maison par le père, alors qu'elles n'ont respectivement que quatre ans. Cili, la muette, se révélera une belle surprise, dans le microcosme assez spécial des Szabo.

Dans la Hongrie où la religion est à la base de l'éducation, Magda, enfant et adolescente, rencontre de multiples difficultés avec son intelligence et sa lucidité à accepter les dogmes préconçus, et les discriminations confessionnelles. Alors que sa soeur adoptive Cili y jette son dévolu sans aucun questionnement, elle reste ferme sur ses convictions, même si elle se résout de temps en temps à se taire. Ce portrait d'une petite Magda présomptueuse et égocentrique qui vit dans un monde imaginaire est assez étonnante, pour qui connaît à travers son oeuvre sa grande sensibilité et finesse à l'encontre des sentiments humains et de l'Histoire de son pays.

Un récit profond, dense, une prose superbe ( excellente traduction), bien que pas toujours facile à lire dû au manque d'ordre chronologique. Szabo nous entraîne à travers l'amour inconditionnel entre deux soeurs et un amour impossible entre deux orphelins de guerre, dans les tréfonds d'une Hongrie appauvrie suite à la première guerre mondiale, où la religion est maître de céans et le conformisme dominant oblige toute personne qui sort du moule à nager à contre courant.

Un livre clé, pour une approche plus approfondie à son oeuvre, dont plusieurs des personnages apparaîtront dans sa fiction. Quand au titre Beethovenien.......

C'est son dernier roman, auquel elle voulait donner une suite, mais elle n'en aura pas eu le temps,. Malheureusement non encore traduite en français et je me demande d'ailleurs pourquoi, vu l'importance du livre dans la bibliographie de Szabo.





“Dove vai tu,Lela ? Nel prato......Che cosa porti tu, Lela ? Un canto...

Fammi sentir quel canto ! Non posso, non si può .”

( Où vas-tu, Lela ? Sur le gazon....Que porte-tu, Lela ? Une chanson...

Fais-moi écouter cette chanson ! Je ne peux pas, ça ne se peut pas.)

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La porte

Magda Szabo est une auteure hongroise que j’ai découverte récemment et tous ses romans que j’ai lus m’ont plu. Son plus connu, La porte, ne fait pas exception. Sur le coup, je ne l’ai pas trouvé exceptionnel mais, plus le temps passe – il continue à m’habiter plusieurs jours après ma lecture –, plus il me laisse une bonne impression. Je me rappelle que ce fut également le cas avec les autres romans de l’auteure. Quel talent !



Dans La porte, la narratrice est une écrivaine (un double de Szabo ?). Elle et son mari se cherchent une femme de ménage et on lui recommande la concierge d’un immeuble voisin. C’est alors qu’Emerence Szeredas fait son entrée dans leur vie. Et quelle entrée ! C’est que cette domestique travaille bien là où elle le veut et pour le prix qui lui convient. Très rapidement, la narratrice se rend compte que, l’entrevue, c’est l’autre qui la mène. « -Je ne lave pas le linge sale de n’importe qui, dit Emerence. » (p. 14) Un peu plus et ses services constituent une faveur…



Ainsi, La porte est un des plus beaux portraits qu’il m’ait été donné de lire. Et pourtant, on est loin des jeunes et jolies femmes de la littérature ! Vieille femme de ménage illetrée, mais encore en pleine possession de ses moyens, Emerence est forte de corps (j’adore la comparaison « telle une Walkyrie ») comme de tête, intransigeante et farouchement indépendante. Elle soulève les passions, dans un sens comme dans l’autre : ses employeurs sont satisfaits de ses services mais ses voisins détestent ses chats qui tuent les pigeons.



Mais Emerence est surtout secrète. À une ou deux exceptions, dont le lieutenant-colonnel et son neveu, personne n’a jamais franchi la porte de son appartement. Que peut-elle bien garder jalousement ? J’adore les mystères. Quoiqu’il en soi, la narratrice gagne peu à peu le respect, la confiance et l’estime de son employée. Mais parfois un pas en avant deux pas en arrière. Leur relation d’une durée de près de vingt ans est ponctuée par des confidences sans lendemain (le passé de la domestique est incroyable) et des malentendus déplorables.



C’est presque une relation amour-haine. La narratrice, forte de ses succès malgré les nombreuses rebuffades, essaie d’apprivoiser cette domestique qui ne laisse personne envahir son intimité. C’est fascinant de voir évoluer cette relation – du moins pendant un moment. Et que font les hommes pendant tout ce temps ? Très peu, ils restent en retrait. Comme dans d’autres romans de Magda Szabo, les femmes occupent le premier plan.



Toutefois, aussi intéressante que soit cette relation inusitée (le mot amitié me semble un peu fort) entre la narratrice et Emerence, je commençais à m’en lasser un tantinet. Surtout passé le deuxième tiers, je lui trouvais quelques longueurs. Puis, d’un coup, l’intrigue part dans tous les sens : Emerence tombe malade, un incendie se déclare, les voisins ne savent plus où donner de la tête, la narratrice est invitée à recevoir un prix en Grèce. Ouf ! Fort heureusement, la finale est venue tout ramasser et clore l’histoire comme elle le méritait. Bravo !
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La porte

Dans ce récit autobiographique, Magda Szabo nous raconte comment elle a rencontré Emerence, qu’elle a embauchée sur les conseils d’une amie pour faire le ménage, la cuisine chez elle. La première rencontre donne déjà le ton : Emerence a une stature imposante : elle a soigné son entrée solennelle, vêtue d’une robe grise, à manches longues, tout aussi austère que sa personnalité, les cheveux dissimulés sous un foulard qui ne la quitte jamais.



En fait, c’est elle qui va décider si elle accepte ou non l’emploi et dicter ses propres conditions, ses horaires qui seront on ne peut plus fantaisistes…



Une drôle de relation s’installe entre les deux femmes : Emerence méprise le travail d’écrivain de sa patronne, car pour elle, seul compte le travail manuel, physique. Elle dit régulièrement qu’il y a d’un côté les hommes qui balaient et les autres.



C’est elle qui finalement va régenter la maison, avec une austérité, et un caractère bien trempé, même le chien du couple dont elle a choisi le nom Viola, va la reconnaître comme maîtresse…



On comprend très vite que son côté « brut de décoffrage » est liée à une vie extrêmement difficile : un drame est survenu dans son enfance qui va provoquer des dégâts importants. Son père, charpentier, (comme le Christ) mais aussi ébéniste, meurt jeune. Son grand frère va être confié au grand-père, et elle sera finalement « vendue » comme femme à tout faire, à l’âge de treize ans…



Emerence a traversé l’Histoire : la Seconde Guerre Mondiale, la persécution des juifs, puis le régime communiste, mais elle livre très peu de choses sur sa vie, elle ferme son passé à double tour comme la porte de sa maison, dans laquelle personne n’est autorisé à entrer.



Elle a son groupe d’amies sur lequel elle règne aussi, abat un travail considérable, malgré son âge, passe ses hivers à déblayer la neige devant toutes les portes, de la rue, quand elle en a terminé avec la dernière, il faut recommencer, soulève des meubles aussi grands qu’elle.



Bien-sûr cette relation entre les deux femmes, paraît toxique de prime abord, car Emerence est souvent dans la maltraitance, vis-à-vis de sa patronne, comme du chien qui pourtant lui voue une véritable adoration, et seul l’époux qu’elle appelle « le Maître » mérite sa considération. En fait, le lien qui se tisse entre les deux femmes est beaucoup plus complexe…. en outre, on sait dès le départ qu’elle va se terminer de manière tragique.



J’ai beaucoup aimé ce roman, les personnages, le style de narration, les références à l’Histoire de la Hongrie, les révoltes sous la férule de l’Empereur d’Autriche, les dictateurs qui se sont succédés, le régime communiste… Je connais un peu l’Histoire de ce pays, et l’auteure, qui a fait, entre autres, des études d’Histoire m’a donné envie d’approfondir…



J’ai trouvé le style de narration original : le premier et le dernier chapitre s’appellent la porte et se répondent… l’écriture est belle…



Ce roman m’a énormément plu, c’est presque un coup de cœur et m’a donné envie de connaître davantage cette auteure : « Abigaël » et « La ballade d’Isa » notamment.
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La porte

La littérature hongroise est d'approche difficile :  peu d'auteurs contemporains accessibles et parmi ceux du vingtième siècle, on connait surtout l'excellent Sandor Màrai mais dont les romans sont exigeants pour le lecteur : en bref: il faut s'accrocher ...



Dans la Porte ,Magda Sazbo nous fait découvrir une femme au caractère entier, Emerence, gardienne de plusieurs immeubles et sa femme de ménage . 



C'est elle qui dicte ses conditions à ses clients, en premier lieu si elle accepte de travailler chez eux après les avoir jaugés , ses heures de travail et même sa rémunération : le monde à l'envers ... 



Farouche, intransigeante, Emerence choisit aussi à qui elle fait confiance et peu à peu une relation d'estime puis d'amour quasi filial s'installe entre elle et Magda , la seule qui pourra entrouvrir un peu  la Porte .



Roman surprenant , beaucoup plus profond que le simple résumé auquel il semble être réduit , une critique masquée sur le régime communiste qui a fermé de l'intérieur , pendant de nombreuses années, la porte de la Hongrie et sur les mystères des relations humaines , l'ascendant que certains individus peuvent exercer sur leur entourage et puis pour aller plus en profondeur dans le personnage d'Emerence, sa notion de la dignité qu'elle s' applique d'abord à elle-même jusqu'à en devenir un obstacle à son bien-être et à l'harmonie de ses relations avec les autres lorsque le code de l'honneur qu'elle s'est imposé est bafoué ou trahi .



Pour moi, la porte de la littérature hongroise s'est  ouverte avec bonheur . 

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La porte

A l'instant où je m'apprêtais à rédiger ce commentaire de lecture je jetai un dernier coup d'oeil à ma boite à courriels. Voyelles.. consommes, puis de touches en suspension, de syllabes en attente, à traiter, à classer, suppression, ….le livre reposait à ma gauche.

Et puis soudain ce poème de René Char. Venu des méandres d'une mémoire, d'une lecture.

Je dus le relire trois fois. Trois fois pour faire le lien avec le roman de Magda Sazabo , « la porte ».

Un texte c'est toujours une porte. Un poème est un texte. Porter son regard sur les mots c'est toujours donner passage. Donner passage c'est le rendre, c'est engager un témoignage de parole.

C'est se diriger au-delà. du lieu, des autres, et de soi.

Lecteurs, nous sommes des survivants. Nous sommes ce qui reste au présent, après que la dernière des pages ait été tournée.

Un livre c'est une vie. Même fugace, même courte, étrange, différente, ou même identique, un livre c'est une vie. Une vie de village, de labeur, une vie de chien, une vie de quartier, une vie de gamelles, de fichus, de trottoirs , d'escalier, de regards, de soupirs, et de bouts de ficelle.

De tous ces livres dans lesquels nous entrons et ressortons, nous en sommes les sur-vivants. . Est ce là notre commune présence dont parlait René Char ?



« tu es pressé d'écrire

comme si tu étais en retard sur la vie

s'il en est ainsi fais cortège à tes sources

hâte-toi

hâte-toi de transmettre ta part de merveilleux de rébellion de bienfaisance

effectivement tu es en retard sur la vie

la vie inexprimable

la seule en fin de compte à laquelle tu acceptes de t'unir

celle qui t'es refusée chaque jour par les êtres et par les choses

dont tu obtiens péniblement de-ci de-là quelques fragments décharnés

au bout de combats sans merci

hors d'elle tout n'est qu'agonie soumise fin grossière

si tu rencontres la mort durant ton labeur

reçois-là comme la nuque en sueur trouve bon le mouchoir aride

en t'inclinant

si tu veux rire

offre ta soumission

jamais tes armes

tu as été créé pour des moments peu communs

modifie-toi disparais sans regret

au gré de la rigueur suave

quartier suivant quartier la liquidation du monde se poursuit

sans interruption

sans égarement

 

essaime la poussière

nul ne décèlera votre union. ».

extrait de Commune présence, in Le Marteau sans maître (1934-1935)éditions Corti José



Je découvre une toute petite part de l'univers de Magda Szabo, un entre filet, un rai de lumière.

Et déjà cela suffit pour que s'imprime en moi l'image de cette femme Emerence, l'image de cet immeuble, de cette rue de Budapest, de ces habitants. C'est un talent que de rendre une histoire traversière, à travers temps, à travers porte, à travers chair, ...c'est un talent que Magda Szabo possède.

« La porte » c'est une histoire d'amour, d'amitié entre deux femmes, entre deux mondes.

Une histoire d'honneur, de fierté, de bonté, de paroles rudes et fortes.

C'est l'histoire d'un manque, d'une empreinte, celle de ce que le tumulte du monde pousse devant notre porte.

Ce que l'orage emporte, ce que l'hiver vous offre , ce qu'une âme vous donne.

C'est un roman comme un velours. Un velours auquel on tient.

Un velours au parfum qui vous entraîne doucement, tout au fond de votre coeur, là juste en face de chez vous. Un morceau de velours dans lequel est enveloppé tout ce qui vous tiendra pour le reste de votre route éveillé  : un jour, un matin, l'odeur d'un plat, un mot, un prénom, une pensée.

Juste en face , à dire vrai, ce n'est pas loin, c'est juste la porte à côté.

Mais encore faut-il prendre le temps, y songer, y penser, ouvrir votre porte et traverser.

J'ai infiniment aimé ce roman.

Ce livre a son secret. Je peux en témoigner .

Alors... ouvrez « la porte », et vous comprendrez.



Traduction du hongrois par Chantal Philippe.

Astrid Shriqui Garain





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La porte

En décidant de lire ce livre,je ne m'attendais pas à un tel enthousiasme de ma part,et pourtant,c'est vraiment un très bel ouvrage.

Bien sûr,on sait des le début qu'Emerence est morte,mais tuée par la narratrice,voilà qui est etrange.Et nous voilà partis pour un long portrait,realise à travers ses actions,de cette vieille dame qui,au service de la narratrice,va se montrer etrange,dévouée, pittoresque,colerique,insupportable parfois,attachante toujours.Les deux personnages vont se jauger,se heurter,s'admirer,se détester,s'adorer....L'ambiguïté de leur relation courra tout au long du roman,alimentée par la présence non dénuée d'intérêt de Viola,le chien.

Il faudra du temps,beaucoup de temps à la narratrice pour pousser "La Porte"

Et puis il y a aussi les personnages secondaires,les gens du quartier,notamment dont le rôle n'est pas à mesestimer.Ajoutons quelques legeres touches sur la vie à Budapest à cette époque et,surtout,une bien belle reflexion sur la vieillesse,la fin de vie et la solidarité,la culpabilité de ceux qui restent.

L'auteure est une artiste,en témoigne ce portrait de cette vieille dame,un portrait dont chaque touche fait mouche.Ce livre est un bonheur,un hymne à la vie,à l'amour,à l'inévitable passage du temps et c'est très émouvant.

Le style fait que les phrases et l'histoire glissent avec grâce entre nos doigts.

Pour moi,un gros coup de coeur.







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La porte

J'ai découvert cette auteure hongroise, Magda Szabó, assez récemment, à la faveur d'un séjour de quelques jours à Budapest en début septembre 2018. J'ai attendu presque un an avant de lire quelque chose d'elle, sans doute le livre qui l'a rendue célèbre aux yeux du monde : La Porte.

L'histoire, un récit fortement autobiographique sans nulle doute, est toute simple, repose sur bien peu de choses en définitive, mais il est d'une profondeur émouvante.

La narratrice nous invite à une confession, sa rencontre avec une femme qui s'appelle Emerence. Lorsque le récit débute, nous apprenons que cette femme très âgée vient de mourir et c'est une étonnante confession qui nous appelle, nous happe d'entrée : « C'est moi qui ai tué Emerence. Je voulais la sauver, non la détruire, mais cela n'y change rien. » Les pages qui vont suivre retracent plus de vingt années où les deux femmes se sont côtoyées, l'une au service de l'autre, l'autre tentant d'en sonder le coeur....

Nous sommes dans la Hongrie qui suit la seconde guerre mondiale, en plein régime communiste. C'est la toile de fond qui sous-tend le texte. La narratrice Magda et son mari emménagent à Budapest, prennent à leur service en tant que femme de ménage une certaine Emerence Szeredás qui leur a été recommandée, concierge, femme déjà âgée, d'un caractère bien trempé.

Caractère bien trempé, c'est peu dire, ne transigeant sur rien, c'est elle qui pose dès le début les conditions de son embauche et de ses services.

Dès lors, c'est un lien fort, singulier, atypique, fait d'attirance et de répulsion qui se tisse entre les deux femmes. Tout les oppose. Elles vont tenter de s'apprivoiser ou plutôt c'est Magda qui va tenter d'apprivoiser Emerence... Mais parfois avancer de deux pas, c'est aussi reculer de trois autres pas...

L'existence d'Emerence devient très vite une composante de la vie de la narratrice.

Et puis il y a la Porte, cette fameuse porte cochère qu'on devine sombre, lourde, épaisse, celle derrière laquelle Emerence se réfugie chez elle le soir, s'enferme à double-tour. Nul ne peut la franchir, pas même Magda. C'est comme si elle recélait derrière son épais mystère une sorte de Cité interdite...

Mais qui y-a-t-il derrière La porte d'Emerence, cette porte qui sépare le dedans du dehors, demeure irrémédiablement close sur le monde d'Emerence ? Quel secret s'y cache-t-il ? Tout le magnifique roman de Magda Szabó tourne autour de cette question et de l'étonnant personnage aussi muré que cette porte, Emerence, celle qui ne daigne plus l'ouvrir lorsqu'elle se réfugie chez elle.

Pourtant cette porte s'est parfois entrouverte, laissant passer des chats, des chiens... des hommes aussi. Derrière cette porte, des fugitifs se sont cachés fuyant une traque, la répression, fuyant vers la clandestinité, un ailleurs éphémère loin des balles et de la fureur du monde.

Cette porte qui en a vu tant d'autres, tant de drames, parmi les affres de l'histoire !

Tout tient dans ce récit à ce personnage insaisissable d'Emerence qui avance là où on ne l'attend pas, ne cédant jamais rien.

Intraitable avec les autres comme avec elle-même, avec la morale, l'ordre, la religion, elle possède sa propre foi.

Elle parle le langage des chiens et des chats.

Peut-on dire d'elle qu'elle est misanthrope ?

Non elle aime son prochain mais à sa manière. Elle est tout entière dévouée aux autres

Emerence a un grand coeur, mais elle le ferme comme sa porte.

Parfois Magda saura entrouvrir cette porte, non pas la vraie porte cochère, mais celle du coeur de sa propriétaire, entrevoir un passé plongeant dans le début du vingtième siècle, là où frémit l'âme effarouchée d'une enfant qui a grandi trop vite. Mais ce ne sera que le temps d'un bref instant, une confidence vite balayée d'un revers de main...

Il y a quelque chose qui relève de la tragédie antique dans ce personnage façonné par le bruit de sa vie, des bruits tumultueux que perçoit parfois Magda en tendant la main, les yeux, mais il y a tant d'incompréhension, tant de maladresse, tant de chemins qui les éloignent. La paix est venue peut-être trop tard dans le coeur de cette femme.

J'ai aimé l'humilité de Magda dans cette confession, elle nous confie de temps en temps son impuissance, ses erreurs, ses lâchetés ; oui sans doute qu'elle s'y prend mal parfois, effraie plus Emerence, ne sachant peut-être pas lui apporter la confiance qu'il faudrait pour avancer pas à pas...

J'ai aimé aussi dans ce récit venir à la rencontre d'une symbolique des portes. Elles forcent l'imaginaire.

Elles nous résistent.

Un trou de serrure qui s'allume dans un rai de lumière et c'est une île qui surgit du néant.

Et pour peu que la clef soit absente...

Les clés sont peut-être de simples illusions, nos rêves d'enfance, nos pas qui s'égarent sur le chemin du retour.

En voyage j'aime les photographier. Elles disent beaucoup de choses dans le dédale des rues qu'elles affrontent.

Bien sûr les portes sont avant tout des points de passage, des lieux à franchir et lorsqu'elles restent closes, la Cité interdite s'échafaude alors comme une chimère, une citadelle imprenable.

Ici c'est pour moi un incontestable chef d'oeuvre. Que reste-t-il de cette lecture, une fois La porte de ce livre refermée ? Un récit plus profond, plus touchant qu'il n'y paraît au premier abord, car je dois avouer que le livre m'a un peu résisté aux premières pages, une porte peut-être pas facile à ouvrir... Une envie désormais de retrouver l'univers de Magda Szabó, une envie de cheminer dans les rues de Budapest que j'ai tant aimé parcourir à pied, entre la vie haute et la ville basse...
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La porte

Emerence, c'est l'anti Félicité d'un Coeur Simple. Emerence est pendant vingt ans la "femme de ménage" de Magda, la narratrice, et son coeur est tellement complexe qu'elle devient pratiquement l'unique préoccupation de son employeuse.

Emerence n'a pas de perroquet, elle a neuf chats. En plus, le chien de Magda la considère comme sa véritable maîtresse et n'obéit qu'à elle. Emerence aime plus les animaux que les humains. Ils ne trahissent pas, ne mentent pas (mouais, mes chats me mentent régulièrement en me faisant croire qu'ils n'ont pas mangé alors même qu'un de leurs autres humains domestiques vient des les sustenter, mais passons...)

Emerence n'a pas d'horaire fixe. Elle vient quand ça lui chante, même à trois heures du matin.

Cependant Emerence, comme Félicité, vient de la campagne, elle est forte comme un cheval et travaille sans relâche. Mais, à la différence de Félicité, elle le fait ostensiblement et sans aucune modestie.

Comme Félicité, Emerence à un passé familial assez triste. Enfin, carrément tragique, il faut le dire.

A la différence de Félicité, Emerence ne respecte personne. Elle trouve que le travail intellectuel de ses employeurs est vain et futile. Et elle le fait sentir.

Comme Félicité dans sa simplicité biblique, Emerence est un mystère opaque. Elle se cache derrière la porte de sa loge de concierge, et nul n'a le droit d'y entrer. Absolument personne. Emerence est blindée, enfermée, cadenacée, mais aussi ultra charismatique et étrangement rayonnante.

Emerence est complètement cinglée, Magda aussi...Entre elles se noue un lien profond et mystérieux, qui échappe à l'analyse.

J'ignore complètement si cette histoire est autobiographique ou non (ce que l'on peut imaginer à partir du prénom de la narratrice, identique à celui de l'auteure. Mais vu l'ambiance étrange là dedans, je me méfie...) Emerence est peut-être une métaphore du mystère, de la Hongrie close sur elle-même par la dictature, que l'on aime et qui fait souffrir, qui rejette et appelle en même temps. Métaphore de l'écriture. de je ne sais quoi encore. Ou bien Emerence est elle-même, un bloc de granit sans concession qui ne veut plus aimer mais le fait quand même si maladroitement que Magda ne sait comment s'y prendre pour l'aimer à son tour, et ne fait elle aussi que la blesser ...Faut-il passer la porte ? Un roman profond et que j'ai, personnellement, trouvé magnifique. Sans parler du chien.
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La porte

Toutes celles ou tous ceux qui cherchent à découvrir ce qui se cache derrière une porte fermée n'en ressortent pas indemnes... La narratrice qui accompagne le lecteur tout au long de ce roman va en faire la triste expérience !

Mais l'essentiel n'est pas là.

Ni dans l'histoire en elle-même : celle d'une femme Emerence Szeredas qui entre comme domestique chez la narratrice, auteure très occupée, et son mari un intellectuel un peu replié sur lui-même.

Ni dans le caractère très inattendu de l'intrigue. Il ne se passe au fond que très peu de choses dans ce roman et savoir ce qui se cache derrière la porte relève surtout du symbolique.

L'essentiel est ailleurs : dans le personnage d'Emerence qui occupe le devant de la scène de la première à la dernière page, qu'elle soit présente ou qu'elle hante le cerveau de la narratrice comme cela se produit à la fin du roman...

Quel personnage !

Domestique certes mais, qui inversant le rapport "maître/servante", va en quelque sorte s'engager elle-même au service de la narratrice et de son mari comme le fait remarquer avec ironie cette dernière : "... ce soir-là, elle n'entra pas à notre service, cela n'eût été ni digne , ni convenable : Emerence s'enrôla."

Emerence la mutique qui ne va révéler que par bribes, à qui elle veut et quand elle veut, les drames qui ont jalonné son existence.

Emerence, la rebelle, dont la devise pourrait être celle des anarchistes : "nI dieu ni maître." tant elle abhorre la religion établie et se moque de sa maîtresse à chaque fois qu'elle se rend au temple.

Emerence traverse la vie au gré de ses contradictions qui sont nombreuses sans douter un instant d'elle-même comme elle le fait sentir à la narratrice lorsqu'elle lui assène des leçons de morale bien senties dans des passages où l'humour au second degré l'emporte sur la binarité d'Emerence, pour le plus grand plaisir du lecteur : "Je ne sais pas ce qui vous a rendue célèbre, parce que vous n'avez pas grand chose dans la tête, vous ne savez rien des autres. de Polett non plus, vous le voyez bien et pourtant combien de fois avez-vous pris le café avec elle ? Moi, je connais les gens."

Mais à l'autre bout de sa personnalité, il y a aussi une Emerence, mère Thérésa laïque ou pionnière de l'humanitaire, qui n'hésite pas à se porter au secours de tous les cabossés de la vie sans regarder de quel bord ils sont.

Ce qui ne l'empêche nullement de se montrer parfois violente ou cruelle à souhait comme lorsqu'elle fouette pour le punir Viola, le chien de la famille et qui est en fait beaucoup plus le sien.

Mais ce personnage complexe ne serait sans doute pas aussi vivant aux yeux du lecteur sans la plume de Magda Szabo. Si l'ronie ou l'humour sont parfois très présents dans certains passages, elle sait aussi décrire avec un réalisme cru et noir certaines scènes très dramatiques, comme celle de la mort des jumeaux (frère et soeur d'Emerence), qui prennent alors une dimension apocalyptique.

Mais heureusement pour nous, elle sait aussi parfaitement jouer avec le burlesque comme dans cette scène où le lecteur découvre, à travers le regard ahuri de la narratrice que le fameux invité pour lequel Emerence a dressé une table fastueuse et préparé un festin, n'est autre que le chien Viola qui trône en face de notre héroïne, en dévorant avec beaucoup de savoir-vivre un repas qui bien sûr n'était pas prévu initialement pour lui !

Et l'on ne sait pas non plus si l'on doit rire ou pleurer, lorsque Emerence, tout en écossant les petits pois, confie sans coup férir à la narratrice qu'elle a aidé une voisine dans l'organisation de son suicide et comment elle a perdu son fiancé, boulanger, victime de la vindicte populaire et lynché par la foule !

Ce ne sont là que quelques exemples des scènes fortes qui jalonnent le roman.

Je finirai par le talent avec lequel l'auteure va peindre le drame final auquel va être confrontée la narratrice. Elle va, au fil de phrases nerveuses, où chaque mot "enfonce le clou par rapport au précédent", faire partager au lecteur les différents états émotionnels qui vont traverser cette femme, tels une tempête la poursuivant jusque dans ses rêves comme nous le laisse penser la construction en boucle du roman.

J'ai quitté à regret ce livre et Emerence restera un beau souvenir de personnage littéraire, aux côtés de Grenouille dans le Parfum ou Lennie dans Des Souris et des hommes, entre autres...

Ce livre m'a aussi réconcilié avec la littérature hongroise que je ne connaissais qu'à travers Kaddish pour un enfant à naître d'Imre Kirste et qui m'était tombé des mains tant j'avais trouvé cet ouvrage autobiographique nombriliste et mortifère.



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Abigaël

Un inédit de cette grande dame des lettres hongroises, dévoré en 48

heures !

Comme dans mes souvenirs anciens de lectures de cette auteure, j'ai éprouvé une même sensation de densité, de sensibilité extrême pour analyser les situations, individuelles comme collectives…



Dans ce roman, un écheveau entrecroisé entre l'individu et l'histoire, accompagnant la description et l'analyse d'un amour absolu, fusionnel entre un père militaire [ en vérité, insoumis, et résistant] et sa fille unique, adolescente, qui du jour au lendemain se retrouve dans une pension calviniste , d'une sévérité sans pareille [ d'où son qualificatif de

« forteresse »], séparée de son père adoré, sans que ce dernier ne lui apporte aucune explication…

A tel point, que « notre » adolescente, Gina, imaginera que son père se prépare à se remarier, et que la nouvelle femme ne veut pas d'elle ! Nous découvrirons plus tard, qu'il n'en est rien.



Il faudra que Gina menace , après une évasion manquée, de recommencer pour que son père se décide à lui révéler la vérité, qu'il trouvait trop

lourde pour son enfant… Je n'en dirai pas plus !!



C'est là, que la Grande Histoire et l'histoire de la Hongrie [pendant le second conflit Mondial] entrent en scène ; Se dessine la figure d'un père rebelle, allant à l'encontre de l'opinion du plus grand nombre et de la propagande de l'état communiste… terrifiante !!



Heureuse de retrouver l'univers de cette écrivaine hongroise, découverte dans les années 2000, lorsque l'éditrice , Viviane Hamy nous l'a fait découvrir en France…

J'ai lu « La Balade d'Iza », « Rue Kabalin », mais le texte qui m'a durablement marquée, comme tant de lecteurs, se trouve être « La Porte » !



Ce roman, inédit, récit initiatique, d'apprentissage est publié pour le 100e anniversaire de la naissance de Magda Zsabo…



Nous y trouvons parallèlement à la trame historique, une analyse très subtile des états d'âme d'une adolescente, perdue dans un pensionnat inhumain, où par exaspération contre trop d'interdits, de règles absurdes, et par balourdise, Gina se met à dos toutes ses camarades, aux débuts de son entrée dans cette institution . Un lieu d'enfermement et de dressage, avec une cohorte de règles et de contraintes, même si le lieu reste réputé pour son enseignement !!!



A l'extérieur, un pays divisé, où les résistants refusant une guerre , leur paraissant inutile, sont pourchassés et tués…



"Ce fut une des expériences qui ne prirent sens que plus tard dans la mémoire de Gina. Tous ces soldats soudain muets, les yeux fixés sur elles- elle comprit plus tard qu'en voyant les Matuliennes, ces garçons qui partaient au-delà de la frontière avaient pensé à leurs enfants ou à leur famille, ils avaient pensé à leur lopin de terre, à leur jardin, au grand ordre de la nature qui fait mûrir les récoltes en automne, et à laquelle les hommes obéissent depuis la nuit des temps; et c'est ce que ces soldats auraient fait eux aussi, si le train ne les avait pas emmenés pour tuer ou être tués. (p. 205)"



Je profite de cette chronique pour remercier abondamment le travail d'excellence de son éditrice française, Viviane Hamy, qui nous a permis depuis de nombreuses années de lire cette femme de plume, elle-même personnage exceptionnel, résistante de la première heure au régime communiste, à l'univers romanesque si particulier ...



Un don de la narration, de la psychologie des personnages , un sens du suspens et des dialogues... Un tout, d'une très belle allure, envoûtant !!...



Comme je l'ai déjà formulé précédemment, j'ai dévoré ce roman d'un trait, prise, captivée par l'amour fou de ce père pour son unique enfant, ses engagements contre le régime, ce qui lui vaudra d'y perdre la vie …les descriptions minutieuses de ce monde clos d'une pension de jeunes filles, de toutes les origines sociales !

Un microcosme des plus complexes , pouvant se révéler « cruel » mais aussi riche d'apprentissages, et de solidarité authentique entre les élèves, contre

cet autre système -miniature , obsédé d'obéissance et de soumission de ses « ouailles » !!



Sans omettre ce que j'ai appris, à travers ce roman, de l'histoire de la Hongrie !





Une lecture- choc… passionnante et bouleversante …qui me donne envie de relire ses autres écrits, avec un oeil différent, plus attentif…au contexte historique, et politique du pays…que je ne connais pas encore suffisamment !



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Le vieux puits

Magda Szabo est une auteure que j’ai appris à apprécier, tranquillement, à travers chacun de ses romans. Pas de grands drames, ni de gestes héroïques. Ceci dit, les petits gestes du quotidien qui font souvent autant de bien méritent leur pleine reconnaissance et c’est à ceux-là que l’autrice s’est «attaqueé» dans son œuvre. Je suppose que sa vie est à l’image de ses romans. En effet, dans Le vieux puits, elle plonge dans ses souvenirs d’enfance qui l’auront forgée : Szabo est née vers la fin de la Frande Guerre, dans une Hongrie libérée du joug des Habsbourg, une vie calme, (généralement) paisible, dans une famille cultivée ù on aime lire les poèmes d’Arany et de Petofi qui font la louange des héros de l’indépendance.



J’ai beaucoup aimé le début du roman. L’histoire du vieux puits dans la cour, que la petite Magda n’avait pas le droit d’approcher, qui ouvre le roman, laisse planer une aura de mystère. Puis, les chapitres suivants, même s’il ne s’y passe pas grand chose, permettent de se faire une tête de l’univers de l’enfant. La rue Szent-Anna, les différentes boutiques et les commerçants qui les tiennent, les membres de a famille, les animaux domestiques, etc. C’était découvrir l’Entre-deux-guerres, une existence agréable, rassurante.



Toutefois, à partir de la moitié du roman, cette succession de souvenirs, de tableaux sans beaucoup de liens entre eux – autres qu’une vague chronologie – commençait à me perdre un peu. Je suppose que c’est le genre de livre qu’il ne faut pas essayer de lire d’une traite. C’est que l’écriture est si fluide, simple (je ne dis pas ça négativement) que ça se lit très bien. Trop bien. Et ces portraits que l’autrice insiste à partager me semblaient d’une importance inégale que l’envie me prenait de passer rapidement sur certains d’entre eux.



Heureusement, la petite fille de vient une adolescente, elle s’intéresse sérieusement aux livres à son tour, parle de ceux qu’il y a à la maison, les grands poètes hongrois du XIXe siècle. Ça m’a intéressé, leurs noms m’étaient familliers (pour les avoir vus dans d’autres œuvres) et ça m’a donné envie de me tourner prochainement vers eux. L’histoire de la famille Szabo se complexifie un peu, les relations de famille étrange puis les divergences religieuses prennent beaucoup de place (trop, à mon goût) mais, plus on approche de la fin, l’intérêt de Szabo pour l’écriture se précise et on assiste à ses débuts, au processus derrière sa création.



Donc, dans l’ensemble, j’ai apprécié Le vieux puits. Ce roman donne un aperçu d’une grande autrice, de sa jeunesse et de ses influences. Cela permet, dans une certaine mesure, de jeter un regard plus aigu sur son œuvre. Magda Sazbo n’est pas encore suffisamment connue, tout comme la littérature hongroise en général, et ce genre de livres, même s’il ne révolutionne rien, est plaisant et enrichissant.
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La porte

C'est Gide qui affirmait qu'un grand livre était celui qui parlait différemment et secrètement à chacun de ses lecteurs. Avec « La Porte », nous pouvons tous lire à l'aune de nos obsessions. Un livre d'histoire qui raconte la Hongrie du siècle dernier, la spoliation des Juifs et la sortie du communisme. Un livre politique qui analyse les rapports compliqués du peuple et des intellectuels qui s'efforcent de lui inculquer une conscience de classe alors qu'il les méprise. Un roman social sur les maîtres et les serviteurs, sur ce que signifie payer quelqu'un pour qu'il accomplisse ce que l'on pourrait faire, sans qu'il prenne une place qui n'est pas la sienne.

Chacune de ces analyses est détaillée d'une plume incisive et insolente qui ne laisse rien passer.

On peut aussi lire « La Porte » comme un roman policier, le mystère d'une chambre close qui distille petit à petit ses indices avant de dévoiler un dernier cadavre qui soudain se décompose.

Mais pour moi il s'agit d'abord d'un grand livre d'amour, d'une histoire née d'un coup de foudre meurtrier, et d'une femme bafouée qui tient tout sentiment à distance de peur de souffrir. Il y a ceux qu'on aime et qui meurent, ceux qu'on aime et qui ne vous aiment pas, et surtout ceux qui prétendent vous aimer et qui ne savent que vous trahir. Emerence n'explique jamais à la narratrice ce qu'elle attend d'elle et constate à chaque fois qu'il n'est pas de coeur transparent ni de langage d'évidence, que ceux que vous aimez ne vous comprennent pas. Alors, au moins, ne dépendre de personne, ne rien attendre, faire de l'autre un obligé puisqu'aucun autre n'est capable d'aimer comme Emerence pense qu'il faut aimer.

En face de cet absolu, le plus beau personnage est selon moi la narratrice, qui se donne mais toujours à demi, qui fait un peu, à moitié, qui voudrait être quitte grâce à des transactions raisonnables, qui trouve qu'elle en fait beaucoup tout en sachant qu'elle n'en fait pas assez et qui finira désespérée dans la peau de Judas quand elle espérait devenir héroïne nationale. Humaine, trop humaine, elle est ce que nous sommes et nous la regardons, épouvantés, accomplir son crime qui est aussi le nôtre, celui de chercher des accommodements avec le moindre mal, ce qui n'est jamais qu'une façon d'estimer le mal nécessaire.

Et puis une langue sublime qui sait d'une même phrase mettre à jour nos petitesses et nous consoler en nous installant au coeur des mythes. « Qu'elles viennent donc de temps en temps, ces Érinyes aux bottes sanitaires transformées en cothurnes, au masque tragique sous le bonnet d'infirmier, qu'elles montent la garde autour de mon lit, brandissant les épées à double tranchant que sont mes rêves. »

Bref: chef d'oeuvre.
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La Ballade d'Iza

Magnifique chant mélancolique d'amours blessées !

Vince Szöcs, le père adoré d'Iza, le mari chéri d'Etelka, l'ex beau-père aimé et respecté d'Antal, et même le malade préféré de l'infirmière Lidia, s'éteint en laissant un grand vide, un véritable trou noir. Que vont-ils tous devenir ?

Iza, la fille, est une médecin réputée. Mais elle est si froide, si distante, si matérialiste, si accaparée par son métier. Elle veut venir en aide à sa mère aimée, lui éviter la solitude, l'emmène de son village à Budapest. Mais comment pourrait-elle comprendre, à présent qu'elle est une adulte carapaçonnée contre l'angoisse et la douleur qui la poursuivent depuis l'enfance, une mère plongée dans ses souvenirs doux et amers ? Elle n'a que ces bonnes intentions dont l'enfer est pavé.

La vieille dame, fatiguée, déprimée, voudrait néanmoins continuer à vivre comme elle l'a toujours fait, active et ne pensant qu'au bien-être des autres. A peine a-t-elle conscience de sa propre existence, et sa fille lui propose de ne s'occuper à présent que d'elle, et la décharge de tout. Les deux femmes s'aiment mais ne savent pas se parler.

Autour de ce couple de douleur silencieuse gravite l'ex mari d'Iza, Antal, particulièrement attaché à ses beaux-parents, qui comprend mieux la vieille dame et, dans un élan de tendresse presque vengeur, souhaite la soustraire à sa fille, qu'il a quittée, pour des raisons peu à peu dévoilée.

C'est une histoire très belle et très triste, qui invite chacun à réfléchir sur les relations filiales, sur l'importance des souvenirs et des paroles échangées, sur les silences mortifères entre gens qui pourtant ne se veulent que du bien.

Une superbe lecture.
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