Oeuvre courte (126 pages) de 13 nouvelles.
J’ai connu cet auteur Gallicien (Gallicia) grâce à « ¿Qué me quieres amor? » (la langue des papillons), un chef d’oeuvre.
Le titre fait surtout référence, à mon avis, à l’âme de certaine photos. Chacune des petites nouvelles de ce livre sont à prendre comme des monceaux d’âmes.
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En sauvage compagnie, Manuel Rivas, roman, 1994, traduction de Dominique Jaccottet
Je ne sais pas si ce livre est véritablement un roman. L'auteur parle de légende contemporaine. Moi, je suis bien en peine de le définir, En sauvage compagnie tient du conte, en tout cas, c'est un récit narré par un corbeau-poète au roi de Galice, corbeau qui est une réincarnation d'un habitant d'Aran, village proche de La Corogne. Le roi de Galice qui est le dernier , vole, corbeau blanc, avec ses trois cents guerriers -troubadours. Il veille sur le village et ses habitants d'aujourd'hui. Ils volent Contre le vent.
Le récit mêle passé et présent, morts et vivants, dureté et tendresse, langage parlé et poésie, réalité et rêve, la mer et la ville, Aran et le monde. Les morts se sont réincarnés en animaux, et parlent, pensent, et ressentent. Et comparent: Pas une seule bête ne serait prête à se couvrir de cochonneries pour une paire d'oeufs. Nous oui. C'est en cela que nous sommes humains, philosopha Don Xil. Il s'agit d'oeufs de huppe dont le nid est goudronné d'excréments. Le paysage vit aussi: Et l'esprit de l'automne rôdait dans les chemins, cabriolait sur les sentiers, courait en criant dans les défilés, secouait à pleins bras les pommiers, frappait aux portes, sifflait sous les vantaux, et agitait les bannières du séchoir ...
Le personnage principal vivant est Rosa, épouse et mère, qui vit avec un mari brutal et alcoolique, et incapable de lui dire qu'il l'aime: "Et lorsque Cholo vit Rosa apparaître au haut de l'escalier, il allait dire Que tu es belle, en vérité, il pensa C'est vrai qu'elle est excitante, mais il dit Ca fait une heure que je t'attends, j'allais partir sans toi. Alors elle connaît une douce période avec un camarade d'enfance, Spiderman, qui fut laveur de vitres aux Etats-Unis, et qui lui parle avec tendresse, peint sa maison en blanc et bleu, plante des fleurs, joue avec les enfants, et soigne une renarde salement blessée. Petite, elle voulait s'enfuir avec le rossignol Joselito, impliqué dans des trafics de drogue aujourd'hui. Son frère est muet, à l'esprit endormi, et chevauche un cheval blanc qui parle. Lui aussi connaît une histoire d'amour avec Beatriz, tout un programme, qui se conduit avec lui comme une dame avec son chevalier, et qui s'en va sans lui dire adieu. Avec cette histoire, on baigne avec bonheur dans le merveilleux. C'est "comme respirer la brume d'une mer antique". La châtelaine du village, très âgée, est une sorte de mère pour elle, elle lui parle de ses hommes, trois comme Liz Taylor, non? ou Marylin Monroe, lui lègue ses bijoux avant de mourir; personnage de conte, elle mène paître ses brebis qui vont mourir autour d'elle.
Les personnages principaux morts sont des animaux, avatars de défunts habitants du lieu, Don Xil, le curé devenu rat, qui apprit à Rosa que celles qu'elles croyait saintes, ces figures de femmes très belles sur les murs de l'église, sont des pécheresses, et Toïmil, le corbeau, antérieurement protonotaire, "aussi droit qu'élégant", du roi de Galice.
L'auteur signale que la légende contemporaine véhicule un sentiment d'abandon, quelque chose de terriblement actuel. Rosa n'est pas une épouse heureuse, Simon meurt à la quête de son aimée, la châtelaine meurt seule, Toïmil est amoureux de Rosa. Cependant, dans l'enchantement, les corbeaux écoutent et rapportent leurs histoires. La mer recueille Simon. C'est en cela peut-être qu'on parle de la littérature de combat, comme on le dit du taureau, de Rivas engagé auprès des humbles. De plus, Mario Benedetti disait qu'il était difficile d'écrire un conte, ici Rivas, qui plus est, l'insère dans la modernité.
Ce livre, dont le titre provient d'un poème d'Eduardo Pontal, dont un extrait est placé en exergue, est irrigué de poésie. Il n'est pas facile d'accès, mais il emporte par son regard porté sur les gens- Elle chantait des chansons, de ces chansons qui mettent la mer dans la radio la nuit- le naturel avec lequel la vie quotidienne est rendue -Et vous, vous croyez en Dieu? _Tranquillement, dit Mohamed- la noblesse des personnages, et son écriture "pleine d'oiseaux" comme il est dit de la tête d'un personnage dont "on ne savait pas bien ce qu'il inventait et ce qu'il n'inventait pas".
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Dans ce gros roman, Manuel Rivas, nous montre ce qui arrive aux livres lorsqu'un régime fasciste s'installe dans un pays et organise des autodafés. Il lui permet également d'exprimer toutes les facettes de son talent d'écrivain, la poésie, l'engagement, la belle écriture, et l'art de la narration. En août 1936, des livres sont brûlés à la Corogne en Galice, par des militants de la phalange. Les livres brûlent mal, des pages s'envolent, l'ex-libris de la bibliothèque du leader républicain Casarés Quiroga père de l'actrice, Maria Casarès apparaît sur la page de garde d'un livre qui se consume. Manuel Rivas nous racontent les histoires de ces fragments de papiers, mais également celui des personnages qui assistent à ces autodafés, à la fois ceux qui les allument, ceux dont les livres brûlent, ceux qui combattent la dictature qui se met en place. Un foisonnement de personnages, l'alternance entre des chapitres graves et d'autres plus légers, qui pour certains sont conçus comme des nouvelles, de belles descriptions de livres rares et de merveilleuses bibliothèques, mais aussi de la Galice, et des luttes qui s'y déroulent . Dans le roman, L'éclat dans l'abîme, (formidable titre), est un centre d'études sociales dans lequel se retrouvent ceux qui luttent contre la dictature.
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« Un autre livre laissa filer un fragment incandescent qui dévala, tel un oursin éclairé au néon, les barreaux d’une grande échelle de pompiers. »
19 août 1936, autodafé par les militants de la Phalange à La Corogne. Mais les livres brûlent mal, tant d’un point de vue physique que d’un point de vue métaphorique. Des pages s’envolent, d’autres sont recueillies et offrent autant de chemins pour écrire l’histoire, des histoires.
Un livre d’une rare densité sur « La gifle des morts », « La locomotive de plomb et la barque volante », « La canne en rotin de grand-père Mayari », l’acide acétylsalicylique, « La bicyclette de Pinche », « Le plongeur phosphorescent » ou « Quelque chose de spécial », Casarès Quiroga et sa fille Maria, La Corogne, l’Espagne, des femmes et des hommes dans les mesquineries quotidiennes. Et Manuel Rivas n’oublie ni ces livres ni les différents rapports possibles à ces blocs de papiers imprimés ni forcement notre propre rapport aux livres et à l’histoire.
« Apparemment, le monde entier serait capable de devenir complètement fou pour posséder ce putain de livre. Il n’a qu’un petit défaut, à part qu’on n’y comprend rien. Il manque une page de garde. »
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Voilà un livre intéressant pour connaître la vie quotidienne en Espagne franquiste et la ville de La Corogne qui est ici décrite dans ses moindres détails.
Le titre fait référence à un lieu fréquenté avant le coup d'état du 15 juin 1936 par des républicains espagnols dispersés par la suite (assassinés, exilés ou restés sur place au prix de multiples concessions). Il raconte leur histoire ainsi que celle de leurs bourreaux.
Cependant, j'ai trouvé ce roman aux multiples personnages, bien réels (au moins pour certains telle Maria Casares) trop touffus et je me suis perdue dans ce récit.
La fin, un peu abrupte, ne m'a pas emballée non plus.
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Des histoires inégales dont le fil conducteur nous échappe qui sont d'une grande liberté d'imagination avec une préférence pour les dernières
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Magnifique, un délice de lecture. Certaines nouvelles (les plus longues) sont plus belles que d'autres; n'empêche, c'est presque parfait.
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Manuel Rivas, auteur de nombreuses nouvelles primées en Espagne et adaptée au cinéma pour "La langue des papillons", nous emmène à la découverte de la Galicie, de sa terre et de sa culture. Chaque nouvelle est liée à un thème bien précis : la guerre, le franquisme, l'émigration, la jeunesse, l'apprentissage de la vie... Autant de petites merveilles nostalgiques par l'un des créateurs de Greenpeace Espagne à réserver aux lecteurs curieux désirant voyager dans cette région particulière de l'Espagne. Le dépaysement est total, mais certaines nouvelles laissent un étrange goût d'inachevé et la fin arrive parfois un peu trop rapidement. L'écriture est simple et directe, sans méandres, sans lourdeur aucune. Bref, un bon moment, trop vite achevé.
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Une écriture poétique qui, au fil de six nouvelles (de mon édition), peint un paysage très bucolique de la Galice et de ses habitants. Somme toute, un petit recueil de nouvelles choisies plutôt sympa. La version bilingue permet aussi de se familiariser avec la langue.
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Peu sensible aux nouvelles de manière général, j’ai ouvert ce recueil surtout pour le texte qui lui a donné son titre : La langue des papillons.
C’est en effet l’un des textes les plus connus de l’auteur galicien, qui a fait l’objet d’une adaptation cinéma par Jose Luis Cuerda sur une BO d’Alejandro Amenabar.
Et effectivement, c’est un texte fort. En quelques pages seulement, toute la tragédie du Franquisme est dite.
L’histoire est celle d’un petit garçon qui tisse une relation forte et sincère avec son instituteur, autour de leur amour commun pour les sciences naturelles, la nature et ses trésors, l’émerveillement qu’ils ont du vivant. Quand les armées franquistes arrivent au village pour rafler les dissidents, le professeur part menotté sous les crachats et les insultes. Seul un petit garçon lui est resté fidèle.
Malgré le bouleversant final de ce court récit, le professeur ne part pas vaincu, car dans sa relation avec ses élèves il a semé une graine, un espoir : celui de la curiosité intellectuelle, de l’envie d’apprendre des autres, de la vie, des livres, qui est le meilleur rempart contre les dictatures.
Les autres textes m’ont moins remué, mais la langue de Rivas est belle et mérite le détour pour le lecteur-voyageur partit à la découverte de la Galice, ce pays rural de marins, de musiciens et de poètes.
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Manuel Rivas, nous offre un recueil de dix-neuf nouvelles, pleines de poésie, pour nous décrire merveilleusement sa région natale, la Galice. Cette Bretagne d'Espagne, peuplée de paysans, de pêcheurs, qui luttent dur contre la misère, la rudesse de cette province balayée par les intempéries. Il nous montre avec délicatesse, sensibilité, leur existence, ainsi que leur combat. Les titres ne révèlent rien de ce que l'auteur nous dévoile dans le cours de chaque texte. Ainsi, dans " Un million de vaches ", une vieille femme qui a raté son autobus pour VIGO alors qu'elle se rend chez son médecin, prise en charge par le narrateur, entend une information, à la radio de la voiture, sur la présence en Galice d'un million de vache, c'est le point de départ d'une conversation dans laquelle elle confie, les difficultés pour une provinciale âgée de vivre chez ses enfants, dans la capitale, dans un immeuble. Tout est positif, MADRID est une ville merveilleuse, sa belle-fille est un bijou, son fils est un bon fils, l'appartement est bien conçu, mais elle n'a pas résisté à l'indifférence qui règne entre voisins, elle n'a pas supporté les pleurs d'un enfant dans l'appartement au-dessus de sa chambre, elle n'a pas accepté qu'on lui dise " Que cela ne la regarde pas ". Le texte se termine sur une note d'amour, car en réalité, la femme ne va pas chez son médecin mais elle va rejoindre son fiancée dans un bal du troisième age. Dans la nouvelle, " La flûte de pain " Manuel RIVAS nous montre avec poésie, simplicité, douceur, mais quelle force, jusqu'où la famine peut pousser un enfant, qui dévore en chemin le pain de ses frères, mais également, quel sommet, atteint l'amour d'une mère qui lui pardonne son geste. La description des bouchées de pain après une longue privation est éblouissante, qui déclenche un déferlement de saveurs, l'envol des oiseaux, le carillon joyeux des cloches. Dans, " La laitière de VERMEER ", pour nous décrire l'amour et le respect qu'il éprouve pour sa mère, qui était laitière, l'auteur décrit le merveilleux et célèbre tableau de Johannes VERMEER de DELFT. Dans " la langue des papillons ", par la poésie de ses descriptions, par les images subtiles qu'il utilise, Manuel RIVAS, nous entraîne au sommet de la beauté de la nature, au plus haut de l'amitié, il nous montre l'émerveillement de l'éducation, le respect qu'un enfant peut éprouvé pour son maître, pour mieux, mettre en évidence, ensuite, la lâcheté des hommes, de tout un village, ou moment ou s'installe la dictature et la peur, à travers laquelle la fidélité de l'enfant fait figure de résistance. Dans tous les textes de Manuel RIVAS, la vie est montrée, avec ses joies et ses peines, jamais de manière misérable, toujours avec force et poésie. Après la lecture de ce livre, on est pris par l'envie de lire tout ce que Manuel RIVAS a écrit, ou écrira. Si l'on a eu l'occasion d'assister, comme ce fût mon cas, à une rencontre avec cet auteur, notre envie est décuplée, il y a de la poésie jusqu'en dans ses réponses, Merci, à ceux qui nous font connaître ces auteurs. en l'occurrence la médiathèque de La Rochelle)
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Je n'ai lu pour ma part que la nouvelle "La langue des papillons" dans le cadre de mon cours d'espagnol. C'est une très jolie nouvelle, et très triste aussi, sur la guerre civile espagnole à travers la relation entre un élève et son maître. On suit leur rencontre, et leur amitié naissante, portée par l'amour de la nature. Mais autour d'eux les tensions politiques montent, jusqu'à un final qui serre le coeur. Les émotions sont d'autant plus forte que c'est à travers le regard innocent d'un enfant que l'on suit les événements dramatiques... même s'il y a un peu d'espoir à la fin ;)
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C'est un recueil de nouvelles remarquables que je vous recommande pour comprendre l'Espagne pendant la Guerre Civile; et en particulier cette nouvelle qui s'appelle " La lengua de las mariposas" ....à découvrir
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Excellent recueil qui, selon moi, ne tombe pas dans la nostalgie niaise de la période "entre guerre" pré Franco. Manuel Rivas a réussi avec génie à illustrer de multiples facettes de l'humain tout en les plaçant dans une période qui lui tenait à cœur : La Galice dans les années 1920-1930
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Un livre tout simple, qui parle d’une belle histoire d’amour toute simple, dont témoigne l’amoureux éconduit au crépuscule de sa vie terne mais pas amère. Il se trouve que cela se passe à la fin de la guerre d’Espagne, que l’amoureux chanceux est du côté glorieux des vaincus vertueux tandis que l’amoureux éconduit est du côté des vainqueurs tourmentés. L’un est prisonnier politique, l’autre est gardien de prison.
Cela aurait pu déboucher sur un livre sombre, lourd dénonçant les exactions franquistes, mais il n’en est rien. C’est une gentille histoire tout en nuance, légère et lumineuse, éclairée par la personnalité du docteur Da Barca, optimiste parce que les autres ne réussissent plus à l’être. Est-ce un livre sur la guerre, sur l’héroïsme et la lâcheté, je ne le crois pas, bien que ce soient des thèmes chers à l’auteur. Je ne sais pas très bien de quoi traite ce livre, de son ton léger et sans y toucher. Une lecture aussi légère que l’écriture, qui coule doucement mais ne me laissera probablement pas beaucoup de souvenir.
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