Quelle découverte ! Je vous présente mon deuxième gros coup de cœur de l’année 2019 : » Grégoire et le vieux libraire « de Marc Roger est paru en ce début d’année aux éditions Albin Michel. La couverture du livre était comme un appel. Le contenu m’a révélé toute la puissance de la littérature !
Grégoire, dix-neuf ans, vient d’intégrer l’équipe de la résidence des Bleuets, en qualité d’agent de service hospitalier. Aprés avoir échoué lamentablement au BAC, sa mère s’est servie de ses relations pour qu’il obtienne cet emploi. Mais ne nous y trompons pas, Madame Masson, la directrice, l’a embauché au tarif minimal, et pour les tâches les plus ingrates.
L’heure est à la distribution des repas, et certains résidents tel que Joël Picquier, préfère le prendre dans leur chambre. Atteint de la maladie de Parkinson, il lui est difficile de se confronter aux regards des autres, et à ses propres limites. Lorsque Grégoire fait la connaissance de ce résident, un lien s’établit instantanément. Surpris par les quelques trois mille livres qui envahissent sa chambre, Grégoire découvre que le Vieux Libraire était gérant de L’Ittéraire Bis jusqu’à ce que la maladie se déclare.
p. 18 : » – Quand on déchoit comme je déchois, dit-il, qu’on est lucide comme je suis, on souffre moins lorsqu’on est seul. Le spectacle des autres te renvoie inévitablement à ta propre déchéance. «
En plus de leur différence d’âge, c’est tout le monde des livres qui les sépare. Et pourtant quelque chose agit et se met en place…
p. 20 : » Le Vieux Libraire confiné dans sa chambre agit sur moi comme un aimant. C’est très curieux, une fois par jour, il faut que j’y aille. «
Mais s’apercevant que le Vieux Libraire est privé de son occupation favorite du fait d’un glaucome, Grégoire lui propose un marché. Après tout, toute occasion est bonne à prendre pour échapper aux corvées de la résidence !
p. 24 : » – Alors, mon idée, ce serait de vous faire la lecture une heure par jour, ce serait génial, non !? Ça vous dépanne, moi ça m’arrange, une heure de moins dans les cuisines, vous comprenez ! Ne serait-ce qu’une heure ! «
Ainsi, Grégoire se lance maladroitement dans la lecture à haute voix. Dur mais bienveillant, le Vieux Libraire s’attache au jeune homme, et lui transmet le goût des mots et des histoires. Si l’un est à l’aube de sa vie, l’autre est à l’heure du bilan. Une complicité naissante va s’instaurer, entre franches rigolades et intimes confessions. Grégoire devient l’attraction de la résidence des Bleuets avec ses lectures. Son auditoire s’agrandit et le jeune homme fait naître la jalousie auprès de certains de ses collègues.
p. 34 : » A peine un mois que je fais la lecture au Vieux Libraire, c’est plié, on m’appelle « l’intello ». La meute est jalouse, chacun y va de son refrain. «
Mais à travers la littérature, Grégoire découvre le sens de la vie et l’en détourne habilement de ses tourments.
p. 44 : » Le livre est un chemin qui te conduit à l’autre et comme il n’y a pas d’autre plus proche de toi que toi, tu lis pour te rejoindre, même si tu cherches à te fuir en le faisant, comme une sorte d’altérité autocentrée. «
L’arrivée de Dialika, une nouvelle infirmière de dix ans son aînée, va susciter la jalousie du Vieux Libraire. En effet, Grégoire tombe rapidement sous le charme de cette jolie sénégalaise. Mais Dialika fait le constat amer du sort réservé à nos aînés, en opposition avec sa culture d’origine, qui voue un culte sincère aux anciens.
p. 83 : » Dialika m’avoue être choquée par le sort qui nous est réservé quand on ne sert plus à rien dans notre société soi-disant avancée. Cette façon que nous avons de réunir nos anciens hors la vie du village, du quartier où se trouvent leurs attaches matérielles et humaines, de les parquer hors-sol comme nous faisons, et surtout notre façon d’exploiter la fin de vie en créant des services comme on gère des produits. «
L’état de santé du résident va se dégrader et sentant venir la fin, il va demander au jeune homme une dernière faveur, un peu spéciale.
p. 171 : » – J’aimerais que tu quittes un moment Les Bleuets. «
Entre rires et larmes, Marc Roger décrit une bouleversante histoire d’amitié, sur fond de transmission et d’apprentissage. Les deux protagonistes de son roman son attachants. L’espièglerie de Monsieur Picquier bouscule la naïveté de Grégoire. Le lecteur devient le témoin de l’évolution du jeune homme, toute en assurance et en générosité. Tous les amoureux des livres tomberont sous le charme de cette histoire. Humaniste et gorgé d’espoir, ce roman est une ode à la littérature ! Sublime !
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