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Citations de Marco Lodoli (54)


Quand je me sens particulièrement embrouillé, que des centaines de mains me tiraillent et me bousculent sans motifs et que -- comme Saint Augustin -- l'âme grouille d'innombrables fantômes, je laisse tout tomber et je vais écouter les sœurs (les Augustines de l'église des Santiago Quattro Coronati) qui dans l'abside de l'église parfois ne chantent que pour moi et, probablement, le plus souvent pour personne. Cette écoute silencieuse a plus d'effet que n'importe quelle mixture pharmaceutique, c'est un recueillement serein fugitif, une immersion dans l'ombre des pensées intimes, qui peu à peu se dissolvent, se font si claires qu'elles deviennent imperceptibles, légères ; souvent vaines. Chaque jour qui s'écoule, à neuf heures, à midi, à trois heures et aux vèpres, les religieuses chantent, et celui qui passe par ici peut sans peine les écouter. Depuis la nef latérale gauche, on accède à un admirable cloître qui attend la restauration ou la ruine ; le tour des portiques ne fait que quelques dizaines de mètres, une boucle dérisoire et silencieuse qui enveloppe et amende le tumulte de la planète. p 22
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[Les cabines téléphoniques] étaient des lieux de confidences intenses, des confessionnaux laïques ; une intimité fragile taillée dans la cohue urbaine, des cellules silencieuses dont chaque phrase était aussi lourde qu'un serment. Aujourd'hui que nous vivons dans la rumeur sourde de la communication tous azimuts, dans un lacis arachnéen de paroles inconséquentes et poisseuses, personne n'entre plus dans les cabines téléphoniques et les cabines disparaissent. Il reste le souvenir du froid qu'il faisait dehors, et combien étaient chaleureux les mots de cet abri minuscule.
Page 98
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Dans l'Antiquité, Clotho, Lachesis, Atropos, les trois Parques gardiennes de la destinée humaine, déroulaient, mesuraient et tranchaient la vie.
(...) Je pense à elles toutes les fois que je passe via di Fontanella Borghese où me fascine une minuscule boutique tenue par trois dames affairées à longueur de journée avec leur fil et leur aiguille, entre des montagnes de vêtements et de tissus. La boutique est signalée par une modeste enseigne où l'on lit "Reprise invisible"...
Ces dames ont la patience et la science nécessaire pour ravauder n'importe quel trou et accroc, pour rétablir un plein là où il y a un vide.
(...) les trois dames continuent inlassablement leur ouvrage. Leur métier est du domaine de l'art qui, au sommet de son accomplissement, disparaît pour faire place à la grâce de la perfection.
p 73-74
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Nous avons bien des fois rêvé d'un lieu enchanté où troquer trois jours gris et moroses de notre automne contre une journée de printemps. La vie n'a malheureusement que faire de ce genre de marchandage, chacun a le présent qu'il a et demain est un paquet scellé. Pourtant dans l'univers parallèle des livres, sur l'étoile vaporeuse de la lecture, ce commerce quelquefois est possible.
Page 27
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Les îles, ce sont des tableaux, des arbres, un simple square, des coins où la beauté à trouvé un refuge, mais aussi des interstices, quelques minutes secrètes dans la journée écrasante, des secondes précieuses, un trésor.
Notre époque urbaine aime fatalement la nuit, à onze heures du soir les ados se préparent pour sortir, on fixe un rendez-vous à deux heures du matin, voire trois, voire plus, à un moment où les aiguilles ont dégringolé du cadran. Mais moi je crois que Rome donne ce qu'elle a de meilleur à l'aube. p 7
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La beauté élargit l'horizon de la pensée, ouvre des perspectives, emplit l'âme: parfois son pouvoir est intimidant. Elle nous coupe le souffle, nous laisse sans voix. Devant la Pietà ou Apollon et Daphné, le choc esthétique annihile tous les discours: on regarde et on se tait, la splendeur impose sa béate autorité.

La bellezza espande i pensieri, apre gli orizzonti, dilata l'anima: a volte la sua potenza quasi intimorisce. Di sicuro ci toglie le parole di bocca, lasciandoci attoniti. Di fronte alla statua della Pietà o a quella di Apollo e Dafne, la commozione estetica cancella ogni discorso: si guarda e si tace, la grandezza impone la sua beata autorità.
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Je crois que nous avons tout inventé par peur de la mort. On trouve des centaines de religions de par le monde, et chacune d'elles est persuadée détenir la vérité, mais la seule vérité est que nous sommes de la viande de boucherie parquée en prévision de l'abattoir. Nous sommes des animaux poétiques, certes, nos possédons une imagination intarissable, nous donnons une voix aux arbres, aux poissons, aux morts, au ciel, car le silence nous terrifie. J'ai choisi d'être sœur parce que je voulais croire à une forme de beauté, je n'ai que faire de l'argent et de la gloire, je veux bien plus, je veux que tout possède un sens et une grâce.
(Sorella)
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Bernin, pourtant, se vengea : il tourna la croupe de l'animal en direction du couvent des dominicains. L'éléphant, la queue balancée sur le côté, enverrait d'endiablées flatulences au père Paglia qui aurait ad vitam aeternam ce derrière sous le nez.
Page 125
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Pour les habitants de Nemi, Caligula semble pourtant avoir toujours été un type fréquentable : il le considèrent comme un gars du pays, un bonhomme qui comme eux devait apprécier le vin et les fraises, grande spécialité de la région. S'imaginant sans doute que Caligula n'était pas pire qu'un autre, ils installé un petit buste du monstre sur leur jolie placette, la mine toutefois pénétrée de gravitas et de dignitas antiques.
Page 95
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Dieu sait qui était Stella Bonheur, une danseuse, une cocotte, une actrice prometteuse, et quelle existence a bien pu la conduire de New York jusqu'ici ? Une simple et tendre épitaphe est gravée sur un côté de la tombe : « Que ton sommeil éternel soit une long rêve d'amour. » Nous espérons qu'il en est vraiment ainsi, pour toi et pour les autres, Stella Bonheur.
Page 162
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A Rome , les églises baroques nous assènent des cieux grondants d'angelots et de saints, des firmaments grouillants de créatures agrippées aux nuages, des essaims d'images conçues pour étourdir et conter que la vie est un théâtre mirifique où chacun se tient en équilibre selon l'impénétrable volonté divine. Il n'y a rien à comprendre, seulement à rester bouche bée devant le faste énigmatique de la création. Mais nous, les enfants de la modernité et du désenchantement, nous nous laissons difficilement ébahir, nous regardons ces cieux avec l’œil chassieux de celui qui croit tout connaître et peut deviner chaque tour de passe-passe.
Page 14
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C'est ça, Rome, une mosaïque de fragments disparates qu'il semble impossible de faire coïncider : pourtant, il suffit d'une rue pour raccommoder ce patchwork en un paysage cohérent, il suffit d'un quart d'heure dans le sens contraire du vent.
Page 47
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Le temps se contracte et s'allonge, il sait se concentrer dans l’instant et s’étendre vers l’éternité, c’est un éclair et un ciel. Et si nous voulons sentir la coexistence de différentes époques, mystérieusement entrelacées les unes dans les autres, fugaces et denses, le meilleur endroit est la Roseraie Municipale, sur les pentes de l’Aventin.

Il tempo si contrae e si estende, sa concentrarsi nell'attimo e dilagare verso l'eternità, è un lampo e un cielo. E se vogliamo sentire la compresenza di tempi differenti, intrecciati misteriosamente l'uno dentro l'altro, volatili e rocciosi, il posto migliore è il Roseto comunale, sulle pendici dell'Aventino.
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Mais aujourd'hui nous avons aussi besoin de réconfort. Entrons dans la petite salle où sont exposées deux œuvres de jeunesse du Caravage : Le Repos durant la fuite en Egypte et La Madeleine Pénitente. Les deux cadres sont accrochés côte à côte et ont quelque chose en commun que nous ne saisissons pas de prime abord. A droite, la Madone épuisée par sa longue pérégrination s'est endormie avec l'Enfant Jésus dans les bras, tandis qu'un ange joue au violon la partition musicale que Joseph tient ouverte devant lui. Marie, les yeux clos et les cheveux noués, sommeille la tête abandonnée sur l'épaule, En revanche, dans l'autre cadre, Madeleine vient juste de renoncer à sa vie scandaleuse. Les bijoux et les onguents gisent sur le sol, elle a elle aussi la tête inclinée sur l'épaule, mais ses cheveux sont défaits. La vierge et la prostituée, la pureté et le péché ; et c'est la même femme ! Caravage, qui puise au réel, a choisi un seul modèle pour ces deux visages. Ainsi Marie et Madeleine sont égales et différentes, comme deux gouttes d'eau, comme deux larmes.
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J'essaye parfois de découvrir une île dans l'océan de la ville : ce peut être un tableau ou un arbre, un livre ou un recoin plongé dans la pénombre, une statue ou une modeste fontaine. Ce sont des lieux, pour ainsi dire, qui se dissimulent pour ne pas disparaître, à l'image de ces chats magnifiques que l'on découvre nichés sous les ailes d'une voiture en stationnement et qui vous observent les muscles tendus, les yeux remplis de crainte, car ils ont vu nombre de leurs comparses décimés par la fureur des voitures. Si pour les caresser nous tendons la main trop brusquement, ils s'enfuient et ne se montrent plus. De fait, la valeur des choses réside surtout dans la manière dont nous portons le regard sur elles: un chat peut être aussi rare et précieux qu'un tigre du Bengale, il en est de même du lieu à première vue le plus banal, aussi digne d'une photographie et d'un cadre qu'un temple aztèque ou une plage exotique.

(INCIPIT)
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Les livres sont des amis précieux, ils nous tiennent compagnie quand tout semble nous abandonner, ils sont à nos côtés quand nous avons besoin de mieux nous comprendre, de mieux comprendre quelque chose. À une époque comme la nôtre, où il n’y a plus de temps pour lire et pour laisser aller son l’esprit à la réflexion. Ce tombeau si particulier nous fait réfléchir aux livres que nous emporterions avec nous sur une île déserte, et à ceux qui se trouvent au-delà du seuil de la vie.
Peut-être que dix suffiraient, et ce seraient ces dix qui seraient nécessaires. Parce que les livres sont une fortune, un talisman, un viatique.

Sono amici preziosi, i libri, ci tengono compagnia anche se tutto sembra abbandonarci, ci stanno accanto quando abbiamo bisogno di capirci meglio, di capire almeno qualcosa. In un'epoca come la nostra, in cui di tempo per leggere e distendere la mente nella meditazione non ce n'è piu, questa tomba così particolare ci fa pensare a quali libri porteremmo con noi su un'isola deserta, e quali oltre la soglia della vita.
Forse dieci basterebbero, e sarebbero proprio quei dieci a servire. Perché i libri sono una fortuna, un talismano, un lasciapassare.

A propos du tombeau de Giovanni Michel et de son neveu l'évêque Antonio Orso a San Marcello al Corso
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Les fontaines de Rome nous relient à un monde à la limite du divin, les jets d'eau, les gargouillis et les ruissellements jaillissent de contrées où se mêlent mythes païens et chrétiens et nous rappellent que de tout temps l'eau fut un élément sacré, primordial, fabuleux. Naïades ou Tritons, Moïse ou Neptune, divinités fluviales et tortues mystérieuses veillent sur ce bien terrestre et céleste que nous gaspillons aujourd'hui avec une grande désinvolture.
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Et si dans l'au-delà on doit rencontrer Marcel Proust, qui exhume le temps perdu en savourant ses madeleines, nous pourrons à n'en pas douter lui donner l'accolade en disant: « Ah, Marce', tu sais pas ce que t'as raté, mon vieux, ils étaient tellement meilleurs les Gentilini Osvego... »
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Observons le lac de Castelgandolfo et celui de Nemi, côte à côte depuis des milliers d'années, et qui jamais ne se rencontreront : nous songeons alors que la vie consiste un peu en cela, se tenir à proximité les uns des autres sans réussir vraiment à s'aimer, ou du moins à se comprendre.
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..., les Romains peuvent remercier les émigrants italiens partis des décennies plus tôt : en 1911, ils ont voulu eux aussi célébrer l'unité nationale, ils ont fait don à la ville du phare qui se découpe bien haut sur l'esplanade du Janicule.
Rome est loin de la mer, mais elle possède son phare qui certains jours de fête jette un flot de lumières tricolores : blanc-rouge-vert. Les Italiens d'Argentine confièrent la construction du phare à Manfredo Manfredi, l'architecte qui réalisa également le tombeau de Victor Emmanuel II au Panthéon , avant d'entamer la périlleuse réalisation de l'Autel de la Patrie qui domine le centre-ville.
Une colonne de vingt mètres de haut, par dix de diamètre, supporte une lanterne sur un socle d'inspiration classique. À la Belle Époque et un peu après, le monument était très en vogue, et le peuple de Rome pour railler le passant se promenant en habit du dimanche, lui lançait : "On voit qu' toi ! T'as tout l'air du phare du Janicule !"
Les couples en voiture en quête d'intimité viennent se garer le long du belvédère, possible que le phare attise les désirs de rivages lointains, la joie d'une maison à l'autre bout du monde. Et peut-être aussi que durant certaines nuits fantastiques, quand le phare est allumé, des Italiens de Buenos Aires nous aperçoivent dans leur rêverie et nous font signe de la main. p 39-40
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