Marilyse Trécourt

Notre vie est constellée d’épines, mais aussi de fleurs merveilleuses. Elles sont indissociables et c’est grâce aux épines que nous apprécions la beauté des fleurs. Une vie jonchée uniquement de pétales ne serait qu’un fantasme d’un ennui infini.

Hier, j'étais Etienne. Mais tu n'aimais plus Etienne. Plus comme avant. Et tu n'aimais plus non plus ta vie, telle qu'elle était. J'ai fait le vœu de changer, de te reconquérir, de donner une seconde chance à notre histoire, juste avant de mourir. Et le ciel a exaucé mon vœu, à sa façon…

Camille les avait reconnus car elle avait déjà croisé leur chemin autrefois. La tristesse. Le chagrin. Le sentiment d'abandon. Incommensurables, horriblement douloureux, anéantissant tout sur leur passage. Alors, pour la première fois, elle avait pleuré sur la mort d'Etienne, sur le départ de Romain, ces deux hommes qui n'en formaient qu'un et qui l'avaient tellement aidée. Et qui lui avaient donné la force de continuer à vivre.

Dès que ses lèvres eurent touché celles de Romain, Camille ressentit comme une décharge électrique dans sa tête. Dans la lumière éblouissante, elle avait vu l'histoire de Romain se dérouler comme dans un film en avance rapide. Comme si elle avait assisté en personne à sa rencontre avec l'archange. Romain… n'était autre qu'Etienne !

Être mère célibataire à seize ans, c'était honteux. J'aurais été reniée par mes parents, car même s'ils provenaient d'un milieu modeste, ils ne l'auraient pas supporté. J'aurais été la risée de tous. J'aurais sacrifié mon avenir. J'étais convaincue que ce choix était le meilleur pour elle, qu'elle aurait ainsi la chance de vivre dans une famille avec de vrais parents aimants, et non par une gamine de seize ans.

Camille n'aurait jamais cru qu'elle serait capable un jour de faire une chose pareille. Mais, la fin justifiait les moyens. Et la fin, c'était de protéger ses enfants. Et pour ça, une mère est prête à tout. TOUT.

C'est une technique de relaxation issue de l'hypnose et de la suggestion positive. Petit à petit, vous allez détendre le corps, accéder à une détente mentale pour enfin atteindre un état de vigilance particulier, l'état sophroliminal. C'est un état que vous connaissez déjà lorsque vous êtes entre la veille et le sommeil.

Ce « nous » la rassurait. Ce « nous » représentait une équipe qui allait lutter contre le danger qui planait sur elle. Décidément, cet avocat lui convenait parfaitement et elle en remercia silencieusement Romain qui lui avait conseillé de le contacter.

La première fois qu'il l'avait vue, son cœur s'était tellement emballé qu'il avait failli prendre le pas sur ses résolutions d'homme sérieux et responsable. L'enfant passionné de foot et de danse qui dormait profondément en lui avait été tenté de se réveiller.

Elle avait retrouvé avec bonheur d'autres « vieilleries » qui lui avaient rappelé des souvenirs d'une autre ère. Des souvenirs enfouis depuis longtemps mais qui affleuraient à présent à sa mémoire comme le parfum d'une enfance douce et réconfortante.

Camille se regarda dans le miroir de l'entrée, sa fille ne la quittant pas des yeux. La mère de famille insipide et transparente n'était plus là. Une autre femme avait pris sa place et ni Camille, ni Lisa ne parvenait à la reconnaître. Cette nouvelle personne avait certes un regard encore hésitant et empli de questions, mais son apparence témoignait d'une certaine assurance. Camille avait retrouvé dans une vieille valise une robe qu'elle n'avait plus portée depuis une éternité.

Mais qu'est-ce que ça veut dire ? Pourquoi m'offre-t-il cette fleur-là ? C'est un peu rapide, tout de même ! Il s'est fait des idées… Je n'aurais jamais dû accepter sa proposition !

Elle s'était toujours un peu méfiée de sa belle-mère mais elle n'aurait jamais imaginé qu'elle soit capable de la menacer de lui retirer ses propres filles ! Qu'avait-elle voulu dire avec son histoire de droit des grands-parents ? En tout cas, si elle voulait la guerre, elle allait l'avoir !

Allez, essaie de penser à autre chose ! Cette vieille chouette a essayé de te faire peur, mais elle ne peut rien faire contre toi ! Tu es la mère, après tout !

De quel droit ? Vous pensez pouvoir diriger la vie de mes filles comme vous l'avez fait avec celle de votre fils ? Vous avez pourri sa vie mais je ne vous laisserai pas pourrir celle de mes filles !

De nos jours, les jeunes sont plus fatigués que leurs parents…

Elle ne savait pas vraiment définir ce qu'elle ressentait pour lui. De la curiosité et de l'intérêt car elle n'avait jamais rencontré quelqu'un comme lui, une personne spontanée, ouverte, originale. Et surtout une personne qui semblait s'intéresser véritablement à elle et qui donnait même l'impression de la connaître assez bien. Cette marque d'intérêt était… troublante.

Mon Dieu que cette bonne femme est détestable !

Et pourtant quand Camille l'avait rencontrée pour la première fois, au bout de six mois de relations dont Etienne n'avait parlé à personne pour garantir sa tranquillité, Agnès lui avait fait bonne impression. Celle d'une dame respectable, d'un bon niveau social, avec des principes certes, mais tellement gentille.

Pour elle, une mère devait sacrifier sa vie à ses enfants et leur consacrer tout son temps. Elle ne devait travailler que si elle avait fait de très hautes et prestigieuses études ou, dans le cas contraire, en cas de réelle nécessité financière. D'ailleurs, Camille n'aurait jamais dû travailler, d'après elle. Etienne avait largement les moyens de faire vivre sa famille décemment. Les mères qui s'évertuaient à exercer une activité professionnelle malgré tout étaient irrémédiablement suspectées d'être des allumeuses ou des mauvaises mères !

C'était agréable d'être la cible d'attentions et de propositions de la part d'un homme, d'autant plus que ces propositions étaient honnêtes, même si elles ne manqueraient pas d'en choquer certaines… Elle avait déjà fait son choix, mais elle s'entendit répondre :

– D'accord pour faire un essai. On verra après… Mais d'abord, je dois vous poser une question. Pourquoi moi ? Pourquoi vous intéressez-vous à moi ?

– Parce que nos chemins devaient se croiser. C'est comme… une évidence.

Elle aimait bien cette chanson-là. Ses hanches se mirent à onduler malgré elle. Puis ses pieds marquèrent le tempo. Ses jambes ne demandaient qu'à danser. En ouvrant les yeux, elle s'aperçut que la petite blonde faisait, à peu près les mêmes pas qu'elle ! Elle arrivait enfin à suivre ! C'était certes approximatif, mais aussi très exaltant. Tout son corps se mouvait facilement, ses bras s'envolaient dans les airs et elle se déhanchait autant qu'elle le pouvait. Elle se surprit même à chantonner le refrain.