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Citations de Marin Ledun (375)


—… De la discrétion, beaucoup de discrétion dans cette affaire…
Inutile de faire du bruit. Il ne s’agit peut-être que d’un malencontreux hasard…
—… ne pas remuer trop de merde inutilement.
Le hasard fait forcément les affaires des uns.
— Personne n’est encore au courant ?
Bongrand lève les yeux au ciel.
— La presse…
Hésitation.
— Je te fais confiance. Tu feras équipe avec le jeune Revel.
Puis, comme pour se justifier :
— Il connaît la ville comme sa poche.
Korvine secoue la tête avec agacement, puis il quitte la pièce et dévale l’escalier, espérant commencer son enquête sans le bleu.
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Korvine comprend que le débriefing est terminé et s’apprête à sortir. Interroger les parents, voir le légiste ensuite.
Au moment où il franchit la porte :
— J’oubliais…
Le lieutenant s’immobilise sans se retourner.
—… De la discrétion, beaucoup de discrétion dans cette affaire…
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— Les flics du coin sont trop impliqués. Tout le monde se connaît dans cette ville. Le fils d’un voisin, la fille d’une cousine germaine, le copain des enfants, tu vois le topo ! C’est pour ça qu’on a fait appel à nous… Tu as toutes les adresses là-dedans, les premiers rapports et les autopsies partielles des petits Gouy, Buffat et Chalembel.
— Qui est le légiste ?
— Christophe Hardt.
— Bien.
— Déjà travaillé avec lui ?
Korvine hoche la tête.
— C’est un bon.
— Tant mieux, tant mieux… Tu passeras le voir dans la matinée, il t’attend. Il a tes coordonnées téléphoniques de toute façon.
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Le commissaire referme le dossier d’un claquement sec. S’ensuivent deux longues minutes d’un silence ponctué de cris émanant du couloir. Bongrand s’abîme dans ses pensées avant de relever la tête et de hausser un sourcil circonspect sur la quinte de toux subite qui secoue Korvine.
— Cinq suicides en moins de vingt-quatre heures… Putain de hasard du calendrier !
— Nous sommes là pour ça.
Korvine comprend : prouver qu’il ne s’agit que d’un foutu hasard.
Bongrand, comme s’il lisait dans ses pensées :
— Nous sommes chargés de trouver ce qui pousse cinq jeunes têtes blondes à mettre fin à leurs jours quasiment sous les yeux de leurs parents.
Il tend le dossier à Korvine qui s’avance pour le saisir.
— Les flics du coin sont trop impliqués. Tout le monde se connaît dans cette ville.
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Le commissaire récite par cœur :
— Patrick Gouy, dix ans, fils de Farida et Jean-Pierre Gouy, petit commercial bossant pour une société de sous-traitance en informatique, domiciliés quai Charles-de-Gaulle, en face du pont suspendu. Lundi 7 février, 11 h 05, hier matin, premier suicide recensé…
Il ajoute après avoir repris son souffle :
—… défenestré.
— Quelle hauteur ?
— Sept étages.
Soupir.
— Poussé ?
— A priori non. À toi de le déterminer…
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Korvine connaît la moindre des expressions de ce visage. Pas de passion, aucune émotion, mais un agacement constant gravé au couteau. Il sait que Bongrand ne se déplace jamais pour une enquête de moins d’une semaine.
Le commissaire affiche sa tête des mauvais jours.
— Merde ! siffle-t-il entre ses dents avant de le suivre.
— Cinq suicides.
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Son entrée interrompt la conversation des deux jeunes flics. Tresses blondes, longues et raides, cheveux roux et coupés ras, leurs mains aux ongles vernis bien à plat sur la banque d’accueil. Deux gamines à peine sorties de l’adolescence. Le gars en uniforme assis dans un coin hèle Korvine qui sort sa carte.

— Bureau du commissaire Bongrand.

Haussement de sourcils, signe de tête en direction de l’escalier, les conversations reprennent, presque la routine. Korvine grimpe les premières marches, il entend les remarques derrière lui, son nom prononcé. Pause. Il tourne la tête, dévisage les deux flics une fraction de seconde. Sourire nerveux. Il reprend son souffle et monte les dernières marches.
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Korvine redémarre dans un vacarme de pot d’échappement percé et de crissements de pneus. Dans moins de vingt minutes, il sera au commissariat de police de Tournon. Pas sûr qu’ils apprécient beaucoup de voir débarquer chez eux un lieutenant de la criminelle de Valence pour les aider à démêler une histoire de suicides d’enfants. Entre l’Ardèche et la Drôme, ça n’a jamais été le grand amour. Ce genre d’affaires se traite en famille.

Ou alors, c’est que la situation est plus grave que le commissaire Bongrand veut bien l’avouer.
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Korvine a parfaitement conscience d’être un lâche. Ne pas faire de vagues. Personne ne devient lieutenant grâce à ses faits d’armes et à sa grande gueule.
Par ambition et en rampant.
Pas d’attache, pas de famille, ni aucune petite femme, au chaud, quelque part dans une piaule cotonneuse, pour la retraite. Mais Korvine, pour rien au monde, ne perdrait son poste ni ses galons.
Ni un salaire fixe pour payer ses cigarettes
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Le lieutenant Alexandre Korvine arrête sa Laguna devant la gare de Valence et allume une Camel. Par habitude. La carrosserie gémit, pressée par des rafales de vent. La radio grésille, un mal de crâne effroyable lui laboure le cerveau chaque fois qu’il tousse. Une bronchite carabinée qui n’en finit pas — il pense : peut-être pire. Une enveloppe blanche marquée du cachet de la clinique de Granges-lès-Valence repose sur le siège passager. Les résultats de ses analyses. La jeune infirmière brune qui les lui a remises a eu un drôle de hochement de tête qu’il n’a pas su comment interpréter. Empathie, compassion ou simple tic nerveux ? Au lieu de s’enquérir de la marche à suivre, son seul réflexe a été de sourire d’un air stupide et de faire demi-tour en silence.
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Tout est détaillé dans le rapport de police que Nora a sous les yeux : les balles de 9 mm dans le crâne des braqueurs, les casiers longs comme le bras des cinq cagoulés, les voitures calcinées retrouvées à proximité, le cadavre du chauffeur allongé dans le coffre, les traces de pneus de deux autres camions-citernes identifiées sur les lieux, l’enquête dans une impasse.
Sept morts au total, ça fait tache.
Même si, en vérité, Nora s’en fiche.
Il se fiche des braquages et des morts – ça, c’est le boulot de la criminelle. Il se fiche de l’ammoniac. Il se contrefiche de Yara et des états d’âme de ses dirigeants. Il n’est pas là pour juger qui que ce soit. La justice française est faite pour ça. Nora est dans le camp de ceux qui appliquent la loi.
Lui, ce qui l’intéresse, ce sont les causes et les conséquences dissimulées.
Les usines de Yara fabriquent à grande échelle tout un tas d’immondices chimiques telles que de l’ammoniac, de l’urée, des nitrates, des produits azotés, ainsi que de l’acide phosphorique et des phosphates. Leur principal client : l’agriculture intensive moderne, celle du rendement et des gros profits, dont les producteurs de tabac et les cigarettiers, parce que sans ça, les plantes pousseraient trop lentement et les clopes auraient un goût de paille séchée.
Or, aucun cagoulé ne braque les convois de phosphate ou de nitrate.
Pourquoi ?
L’employée qui lui sert son expresso connaît sa leçon par cœur. Elle est aussi calée en ammoniac qu’elle est nulle en café. Elle est passée à côté d’une vocation de chimiste. Elle lui explique tout, en long, en large et en travers. Elle pèse chacun de ses mots :
– L’ammoniac est une denrée abondante et stratégique.
Les usines de « recon » fonctionnent comme des usines de pâte à papier ou des labos d’héroïne. « Recon » comme reconstitution. Des feuilles de tabac sont écrasées et transformées en pâte dans d’énormes cuves, puis transformées en plaques de 3,70 m de large qui, après séchage, sont aspergées de nicotine et de divers arômes et conservateurs. En cuisine tabagiste, c’est ce qu’on appelle le sauçage. De l’ammoniac y est ajouté pour favoriser la transformation des feuilles et rendre la fumée moins acide. Le résultat est un arôme sucré délicieux qu’on nomme american blend, davantage chargé en nicotine. Le résultat, c’est tout simplement le tabac blond, celui qui est fumé par des centaines de millions de consommateurs dans le monde.
Voilà pourquoi l’ammoniac est précieux.
Comme il fallait s’y attendre, les comptables de la SEITA ont cherché à faire traîner pour indemniser la société Yara en compensation des stocks partis en fumée, au motif que les sept braquages n’étaient pas de leur fait et ne relevaient pas de leur responsabilité.
Bien sûr, l’argent n’est pas le problème. Les sept morts non plus. Le problème, c’est le manque à gagner à court terme et la perte de parts de marché. Car les fumeurs n’attendent pas. Ils se comportent comme des junkies impatients, en manque de leur dose quotidienne. Si leurs cigarettes blondes ne sont pas disponibles, ils se rabattent sur une autre marque. Chaque camion-citerne brûlé, ce sont des millions de cigarettes que les Français ne fument pas aujourd’hui et qu’ils achètent à la concurrence.
Évidemment, les avocats de Yara ne l’entendent pas de cette oreille. Ils soupçonnent une manoeuvre de leurs concurrents visant à déstabiliser le marché ou une magouille financière de la SEITA, peut-être même une entente entre la SEITA et l’un de leurs concurrents pour faire baisser le prix de l’ammoniac. Qui sait ? Ça s’est déjà vu. Ils portent donc plainte, huit mois après le premier vol d’ammoniac. C’est là que Nora et la brigade financière interviennent.
Quelqu’un en voudrait-il à Yara ?
Une entité capable d’organiser sept braquages avec le matériel, la logistique et les méthodes de professionnels, et, pour ce faire, susceptible d’assumer sept morts violentes.
Nora s’étire et se frotte les yeux. L’employée lui sert un autre café. Nora décline. Il n’apprendra plus rien ici. Il referme le carnet de commandes qu’il était en train de consulter et ramasse ses affaires. L’employée fait mine d’être contrariée. Nora a une idée dont il se garde bien de lui parler.
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Ensemble, ils amassent patiemment des éléments à charge.Ils collectionnent les produits de contrebande. Ils interrogent les témoins, ils recoupent les informations récoltées auprès des fournisseurs, ils brandissent des assignations à comparaître. Ils se battent contre des armées d'avocats. Ils financent des rapports d'expert scientifiques indépendants démontrant le pouvoir de nuisance des grands cigarettiers en matière de santé publique. Ils récoltent des documents prouvant la duplicité de plusieurs députés européens et de rapporteurs de la commission des Finances. Ils amassent les coupures de presse où ces derniers figurent bras dessus, bras dessous avec les dirigeants de Big Tobacco, à l'occasion d'un tournoi de golf à Bâle ou d'un gala de bienfaisance à Biarritz.
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L'idée consiste à soutenir la science et à l'étouffer. Il s'agit de dépenser plus pour promouvoir la cigarette que pour en étudier les effets sur la santé. (39)
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C'est le troisième plan social qu'il voit passer. Les vieux comme lui sont indestructibles, ils en ont vu d'autres, mais les jeunes, c'est différent. Les mutations, l'incertitude, les déménagements à répétition, le dépeçage des activités, les fleurons de l'économie vendus au plus offrant, les bénéfices records, ça les dépasse et, pour finir, ça les use. Ils n'ont plus le goût de la lutte, ils ne sont plus syndiqués, ils n'y croient pas. Ils imaginent que c'est leur force, mais ça les rend encore plus vulnérables.
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— Ma vie est un film de gangsters dans lequel je joue le rôle du salaud.
Zihan écarquille les yeux. Bartels saisit un dossier intitulé Convention-cadre de l'Organisation mondiale de la santé et le brandit en l'air.
— Mon métier consiste à falsifier, manipuler, abuser, tricher, corrompre pour vendre le plus de cigarettes possible et m'enrichir. Je ne sais faire que cela. »
« Que ce soient les Iraniens, les Basques ou l'Action directe de la bande à Rouillan, le terrorisme engendre un sentiment de peur. Les médias alimentent cette peur dans la durée. Or, le marketing, qui est devenu un outil indispensable pour promouvoir nos produits, se nourrit de deux choses, le sexe et la peur. La peur fait vendre, monsieur le président, c'est un fait. Plus les consommateurs de nos cigarettes ont la trouille des bombes et des tarés qui tirent dans le tas, plus ils fument. Voilà un autre fait. Le marketing et la consommation sont les clefs de voûte de l'économie. C'est ce qu'a bien compris Chirac. En donnant aux gens ce qu'ils réclament, nous les rassurons. Ce faisant, nous faisons acte de résistance et de patriotisme. Qui pourrait nous le reprocher ?
Mallet le dévisage.
— Vous êtes fou à lier !
Bartels rétorque :
— Je suis un homme d'affaires.
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Mallet le dévisage.
— Vous êtes fou à lier !
Bartels rétorque :
— Je suis un homme d'affaires. 
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Cartels prend son bâton de pèlerin et retourne hanter les couloirs du Palais Bourbon. (...) Ses efforts paient. Sur le premier semestre 2006, European G. Tobago réalise des bénéfices records. L'argent recommence à couler à flots, sauf pour les employés des usines françaises qui voient les sites de production délocalisés en Pologne et en Bulgarie. L'Europe entière apprend que la France est le paradis ultralibéral des cigarettiers et l'enfer sur terre de leurs salariés.
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[ 1986 ]
La machine à cigarettes françaises tourne à plein. Trois cent vingt-sept salariés dans les locaux de Carquefou, deux cents millions de francs de bénéfice annuel dans les poches de l'Etat, une mine d'or. (...)
Une usine de traitement du tabac au Havre, deux centres de recherche à Bergerac et Fleury-les-Aubrais, et deux usines de production de cigarettes, l'une à Riom dans le Puy-de-Dôme et la deuxième, la plus importante, dans la périphérie de Nantes.
(p. 26-27)
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Les regards restent braqués sur moi.
Je ne suis pas la bienvenue.
Trop de secrets passés par mon cabinet. Je connais tous les visages. Chaque petite histoire qui y est attachée m'a été racontée et a été inscrite noir sur blanc dans mes dossiers.
Je le sais. Ils le savent. Leurs casseroles que je traîne jour et nuit font un bruit d'enfer. Même les oreilles bouchées et les yeux fermés, le vacarme est assourdissant.
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Le but est de faire diversion. Éviter les procès lorsque c’est possible. Multiplier les recours en justice si nécessaire. Et créer un climat médiatique et politique confus autour du tabac à l’échelle nationale.
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