Citations de Marjorie Levasseur (77)
Le destin se joue parfois à pas grand-chose : un retard, un accident, une tempête de neige qui vous empêche d’aller à un rendez-vous… Un vieux journal abandonné sur la table d’un troquet… […]
Mes yeux picotent de nouveau et je prends une profonde inspiration. Non, je ne pleurerai plus… plus pour lui en tout cas. Mon regard se pose encore une fois sur l’annonce. Et si c’était la solution ? M’enfuir à l’autre bout de la France ? Prendre un nouveau départ ?
Et si ce journal abandonné était un signe que m’envoyait le destin pour m’appeler à comprendre qu’il est temps pour moi de faire passer mes envies avant celles des autres ? J’ai appris à mes dépens que je ne peux pas avoir le contrôle sur tous les aspects de mon existence. Mais reprendre ma vie à zéro, ailleurs, ça… ça doit être dans mes cordes. Non ?
— Peu importe le mal que cette vie nous a fait, il faut lui pardonner. « Pardonne à la vie ! » me disait souvent mon père, « tu n’en as qu’une et elle a encore tant de choses à t’offrir ! »
— Ne t’empêche pas de pleurer, Matthias. Ce… ce n’est pas une faiblesse de pleurer. On n’en est pas moins un homme quand on exprime sa… sa peine.
Isa franchit le portail resté ouvert et se dirigea vers la porte d'entrée devant laquelle elle se tint immobile quelques minutes. Après de longues inspirations, elle prit son courage à deux mains et frappa trois coups sonores sur le large panneau de bois. Elle n'eut pas à patienter très longtemps avant de le voir s'ouvrir sur un homme blond à la carrure athlétique un peu plus grand qu'elle et on mètre soixante-douze. Sa coupe de cheveux, presque militaire, créait un contraste saisissant avec la douceur de ses traits.
- Bonsoir ! lança-t-elle en tendant sa main dans sa direction. Je m'appelle Isa Marquez, je travaille pour la maison d'édition Escapade littéraire qui a dû réserver une chambre pour moi dans votre charmant chalet.
L'expression de son interlocuteur changea du tout au tout. Elle devint subitement dure et glaciale et lui fit froid dans le dos. Isa n'en fut pour autant pas moins surprise de voir la porte se refermer sur elle en claquant, sans autre forme de procès.
- Mais... mais c'est une blague... murmura-t-elle, sidérée.
Aurélie grimpa aussi vite qu'elle le put les marches des trois étages de l'immeuble par l'escalier de service menant jusqu'au toit. Il fallait qu'elle arrive à temps, elle n'avait pas le choix. Elle ne pourrait jamais se le pardonner si cette gamine allait jusqu'au bout de son geste. Si au moins elle avait pu compter sur du renfort, mais non, personne n'avait pris ses inquiétudes au sérieux. Les uns prétendaient qu'elle se faisait des idées, les autres que ce n'était pas du tout dans le caractère de cette élève de commettre un tel acte, et d'ailleurs… quelles raison la pousseraient à le faire ? Autant crier dans le désert, les alertes d'Aurélie n'avaient servi à rien ! Et à présent, elle se retrouvait seul pour tenter ce sauvetage de la dernière chance. Le destin de cette lycéenne reposait désormais exclusivement sur ses épaules. Quelle responsabilité ! Si jamais elle échouait…
Il suffisait qu’il quitte ce trottoir et parcoure cette rue pour rejoindre l’artère adjacente qui devait le mener jusqu’à son domicile. Une rue à traverser. Une seule. Tout comme l’avait fait ma femme. Et moi je ne lui laisserais aucune chance. Aucune. Tout comme il ne lui en avait pas laissé. La Terre serait débarrassée à tout jamais de ce parasite, cette pourriture qui avait brisé ma vie. Personne ne le regretterait. Ce n’était qu’un ivrogne, un rebut de la société, une plaie de l’Humanité. Je n’attendrais pas que la justice prenne une décision.
J’ai adoré chaque seconde, chaque minute et chaque heure passées à tes côtés, ton corps serré contre le mien. Seulement deux jours, oui, mais ils étaient sans conteste les plus beaux qu’il m’ait été donné de vivre.
Alors, n’aie aucun regret non plus, Nawel. N’en veux pas à la vie de nous avoir séparés, car c’est elle qui a permis notre rencontre. Nous aurions pu faire connaissance à une autre époque, dans une autre vie, dans d’autres circonstances, notre histoire n’aurait pas eu la même saveur.
Pour avancer, il faut aller vers l’avenir et le tien est plein de promesses, j’en suis persuadé. Pour ta sécurité et celle de Lamia, il vaut mieux que tu ne me contactes pas… ce sera aussi plus facile pour nous deux…
« Nawel…
C’est le prénom de la femme que j’aime.
Je sais bien que ces trois petits mots qui ont fait mon bonheur lorsque tu me les as dits pour la première fois t’auraient rendue heureuse si je les avais prononcés. Mais voilà, je suis un imbécile et je ne l’ai pas fait. Pourquoi ? Parce qu’on ne dit pas à une femme qui va vous quitter qu’on l’aime… Parce que c’est trop dur, parce que cela ne la fera pas rester si elle doit vraiment partir… Et c’est ce que tu as fait, Nawel. Tu es partie… Je ne t’en veux pas, tu n’avais pas le choix.
On savait que ça devait arriver, on… on a accepté d’avoir cette épée de Damoclès au-dessus de nos têtes pour vivre notre histoire.
Il savait que les minutes qui allaient suivre seraient difficiles à vivre, mais il était au pied du mur, il ne disposait d’aucune alternative, Nawel et Lamia devaient fuir, encore une fois. Une partie de son cœur lui serait arrachée et serait emmenée loin, très loin de lui. Il ne reverrait peut-être plus jamais cette jeune femme pétillante qui était entrée dans sa vie, l’avait chamboulée et en repartirait aussi vite qu’elle y était arrivée.
La peur lui avait donné suffisamment de vigueur pour le faire basculer sur le côté et lui permettre de s’enfuir. Elle avait alors couru pendant ce qui lui avait paru plusieurs heures à travers les rues de ce quartier huppé jusqu’à ce qu’elle décide qu’il était temps de trouver un moyen de le quitter.
Il voulait la voir, pouvoir la contempler tout son soûl avant qu’elle ne se réveille. Ce qu’elle pouvait être belle, jeune et tellement farouche. Il posa son genou sur le matelas et se positionna au-dessus du corps de la jeune femme qui ouvrit soudainement les yeux. Avant que Nawel n’ait pu ouvrir la bouche pour crier, son agresseur la bâillonna de sa main. Coincée sous le poids du corps de cet homme que son esprit embrumé ne reconnut pas immédiatement, elle essayait tant bien que mal de se débattre. Sous la pression de la main de l’homme sur sa bouche, elle avait l’impression de suffoquer. Ses bras battaient l’air comme si elle était en train de se noyer et tentait tant bien que mal de remonter à la surface.
Il avait toujours senti chez Nawel ce désir impérieux qu’on la respecte, sans la brusquer. Grégoire n’était de toute façon pas homme à bousculer une femme. Dès lors qu’il avait été certain des sentiments de Nawel à son égard, il s’était senti pousser des ailes. Le garçon réservé qu’il avait toujours été avait alors laissé la place à un jeune homme plein d’assurance.
Mettre des œillères sur les sentiments qu’elle éprouvait pour Grégoire Martin était bien la pire des choses. Comment arrivait-elle à faire taire son cœur de cette façon ? Ce n’était pas possible !
...on ne peut pas s’empêcher d’aimer quelqu’un juste en claquant des doigts.
Ce fut à ce moment là que je la vis, presque irréelle. Une silhouette féminine fantomatique vêtue d'une robe blanche vaporeuse, de longs cheveux blonds encadrant un visage un peu brouillon. Là, en plein milieu de la chaussée, les yeux écarquillés par... la peur ? Était-ce de la peur ? Je n'aurais su le dire. Mes pensées étaient trop embrumées par le sommeil tant convoité. Ces mêmes pensées qui retardèrent en cet instant le réflexe le plus basique d'un conducteur lambda face à un obstacle : freiner. Je l'ai fais... Je crois...
Mon dernier souvenir avant de sombrer fut le bruit mat de son corps sur le capot dépareillé de ma vieille voiture et puis... plus rien, le trou noir.
Leur seul point de divergence concernait la façon dont ils appréhendaient leur vie sentimentale. En effet, si Frédélian avait longtemps mené une existence sans attaches, papillonnant allègrement de femme en femme sans jamais tomber amoureux, il n’était plus le même homme depuis sa rencontre avec Clémence, cette jeune aide-soignante nivernaise qui lui avait permis de retrouver son arrière-grand-mère et de se réconcilier avec son passé. Christopher, lui, se vantait sans honte de profiter de sa jeunesse et de son physique avantageux pour draguer à tout va.
Elle savait les risques que comportait une si longue absence : qu’elle ne devienne plus qu’un souvenir pour Grégoire, ou qu’il l’oublie, refasse sa vie ou lui en veuille. Tout était possible, elle ne pouvait rien exiger de lui, comme lui n’avait rien exigé d’elle dans la lettre qu’il lui avait laissée. Celle-ci ne quittait d’ailleurs jamais son portefeuille et elle la relisait souvent. Et ce passage où il lui disait qu’il n’attendait pas qu’elle cesse de vivre et d’aimer pour lui, elle le connaissait par cœur.
« … je ne te demanderai pas non plus de m’être fidèle, ce serait égoïste de ma part. Peut-être reviendras-tu un jour vers moi… ou peut-être pas, je ne t’en voudrai pas. Ta vie t’appartient, Nawel, le choix de l’homme que tu aimes, également. Je ne te demande pas non plus de m’oublier…
Faire table rase du passé. Cela ne servait plus à rien d’espérer son retour, alors autant changer d’adresse. Si elle avait eu envie de le retrouver, elle l’aurait fait depuis longtemps.