Citations de Martin Michaud (241)
Il n'avait jamais tant voulu vivre qu'en ce moment. Tout ce temps qu'il croyait avoir devant lui s'envolait, il le voyait glisser entre ses doigts, puis se faufiler entre le tronc des arbres.
Jacinthe avait le pied aussi pesant que le reste et avalait les feux rouges comme des poignées de Smarties.
On ne gomme pas d’un coup des années de conditionnement. On l’avait trahi, trompé, manipulé. Il devrait se déprogrammer, se purger de sa colère et de son amertume. Mais, surtout, il devrait apprendre à étouffer le sentiment de culpabilité qui, gravé dans ses neurones, l’avait habité chaque jour pendant tant d’années.
Il lisait la bible en profitant du soleil. Il semblait tellement en paix, tellement serein que j’ai regretté de ne pas croire en Dieu.
Le sergent-détective ne s’inquiétait jamais autant que lorsque sa collègue lui enjoignait de ne pas s’en faire.
— L’argent, c’est le symptôme, Sondos. La maladie, c’est le pouvoir.
Qui est-on vraiment ? Que sont le nom et l'identité d'un homme ? A quel point l'imminence de la mort transforme-t-elle l'idée qu'on se faisait de soi ?
– Dieu n’existe pas, Maxime. C’est une fiction de l’esprit, une invention de l’homme pour arriver à se supporter lui-même et continuer à avancer sans remettre en question les fondements mêmes de la vie. Certaines personnes ont besoin de combler le vide que créent l’absurdité et la vacuité de l’existence humaine. Ceux-là sentent le besoin de croire en quelque chose de plus grand qu’eux et s’agrippent à la religion pour structurer le réel.
- Coudonc, Lessard! s'exclama-t-elle en s'esclaffant. T'es-tu fait arranger le portrait par cheerleader des Cowboys de Dallas?
- Mange d'la marde, Taillon, répliqua-t-il en forçant un sourire.
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Les yeux élargis par l’effroi, la jeune femme voit le corps de Lefebvre se cambrer au moment où sa cage thoracique explose. Des lambeaux de chair et des débris humains virevoltent dans l’air. Le journaliste se plie en deux, expulse un grand souffle et s’affaisse face contre terre. Comme à retardement, le sang se met à gicler en trombes épaisses.
Sous le choc, la femme tombe sur son séant. La peur la cloue sur place. Puis elle trouve la force de ramper jusqu’à lui. Lefebvre a la tête tournée dans sa direction. Elle plante son regard dans le sien.
— C’est où, Guillaume? Dans ton ordi? Guillaume?!
Elle lui parle, mais le journaliste ne l’entend pas.
" C’est con, je sais que je suis en train de mourir, mais tout ce que je me rappelle, Emma, c’est le poème sur les oiseaux de proie que t’as écrit quand Constance est morte.
Ça parlait d’un faucon qui a la capacité de voler si haut qu’il peut atteindre les étoiles et parler aux morts. Je m’en souviens. Ça s’appelait «J’ai juste le cœur trop triste».
La jeune femme prend soudain conscience qu’elle a du sang sur les mains. Elle a envie de hurler, mais réussit à garder son sang-froid et à reporter son attention sur le mourant.
— Reste avec moi, Guillaume! Dis-moi où chercher!
Cependant, Lefebvre s’enfonce déjà dans des eaux couleur d’encre, où il se sent disparaître tel un oiseau mazouté. Sur le plancher, sa main immobile gît dans son champ de vision. Il regarde avec une acuité exacerbée les veines qui courent sous sa peau, la texture de son épiderme, prend conscience de chaque sillon qui traverse sa paume.
L’espace d’une seconde sans fin, il s’émerveille de ce labyrinthe illimité, de ce réseau d’entrelacs qui pulse, et son esprit se gonfle d’une révélation qui le rassure: on a l’infini tous les jours sous les yeux, il faut juste s’en approcher et observer.
Et c’est ce qu’il s’évertue à faire: il admire tout ce sang dans lequel baigne sa paume, comme balayée par une marée montante.
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— Regardez cette voiture monsieur Gagnon, est-ce bien celle que vous avez vu ?
Derrière ses verre épais, le vieil homme plissa ses yeux de chouette.
— Ça semble être le cas. C'est bien ce que je disais : une Mercedes.
Fernandez intervint :
— C'est une BMW, Monsieur Gagnon.
— Oui, oui, Mercedes, BMW, c'est du pareil au même. Des voitures allemandes. Vous pouvez compter sur moi pour les reconnaître. Quand on a fait la Grande Guerre, Madame, ça s'oublie pas les chars allemands. J'en ai même fait sauter un à la grenade. C'était à Dunkerque, je crois. D'ailleurs, je comprends pas qu'on vende ces véhicules ici ; c'est un manque flagrant de respect envers les anciens combattants.
Dans ce cas là, sans doute. Mais je ne crois pas pour autant qu'on naît nécessairement bon.
On porte en nous la capacité de détruire et de tue. On a tous un potentiel de violence à l'origine. P 435.
Qu'est-ce que tu bizounes en bas ? A qui tu parlais ?
- Jacinthe, tu l'as pas engueulée, quand même ? demanda Victor, les yeux écarquillés.
Elle fit un geste de la main qui se voulait rassurant.
- Non, non, je dirais plutôt que nous avons eu une discussion constructive. On est pas la Gestapo, mais y a toujours ben des maudites limites !
Victor s'enfouit le visage dans les paumés. Une "discussion constructive" était à Jacinthe ce qu'un nettoyage ethnique était à d'autres.
A travers la cloison de papier, Victor entendait de temps à autre des éclats de voix dans la chambre voisine, où Jacinthe avait emmené le fuyard pour le questionner.
- J’te le laisse, mais brasse-le pas, avait-il pris soin de préciser.
- Juste un peu, avait-elle répondu avec un sourire malicieux.
Sa collègue lui tapait souvent sur les nerfs, au point de le mettre hors de lui.
- Capote pas ! C’t’une joke !
Il y a des monstres qui tuent par plaisir, d’autres qui violent, enfin il y a des monstres qui tuent les monstres.
– Ça devrait pas être trop compliqué. On va tout repeindre en blanc !
– En théorie, c’est pas compliqué, mais, en pratique, ça dépend…
Trop chaud l’été, trop froid l’hiver… On n’est jamais contents, hein !
Il y a ce qu’on raconte. Et il y a tout ce qu’on ne raconte pas. Chacun bâtit sa légende, mais nous sommes tous des menteurs pathologiques. Il y a ces souvenirs que nous améliorons en les évoquant. Ces moments fades et insignifiants du passé qui deviennent tout à coup lumineux et inoubliables parce qu’avec le passage du temps la mémoire magnifie la réalité.
Ils sont trempés comme des vers sur un hameçon valsant dans les profondeurs d’un lac. (p.19)