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Critiques de Maryam Madjidi (220)
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Marx et la poupée



Il existe de nombreux livres qui racontent l'arrachement au pays natal,(L'Iranienne Négar Djavadi a publié en septembre 2016 « Désorientale », roman qui a connu un certain succès.) la difficile intégration dans le pays nouvellement adopté, la déchirure, l'inconsolable chagrin de la perte, l'étrange sensation de n'être de nulle part, le double rejet des deux sociétés qui nous auront construit, rejet bilatéral d'ailleurs. Réflexion sur le statut d'exilé politique, sur le déracinement, sur la construction d'une vie et d'une personne.



Il y a tout cela dans l'histoire de Maryam, petite fille qui a choisi de venir au monde au tout début de la révolution iranienne, victime de violences alors qu'elle n'est même pas sortie du ventre de sa mère. Ses parents, communistes militants, attendront six ans avant d'opter pour l'exil et la France. Maryam, désolée et incapable de comprendre ce message politique, doit distribuer ses jouets aux pauvres du voisinage : la notion de propriété est la pire des choses. L'arrachement aux êtres chers, aux objets de l'enfance, la fuite vers un ailleurs inconnu, l'installation dans un minuscule studio du 18ème arrondissement (point d'accueil de nombre d'immigrés à Paris), l'école où elle reste muette, dépourvue de langage, oui « elle a perdu sa langue », comme disaient les adultes aux enfants d'autrefois. Au sens littéral du terme. Et puisqu'elle l'a perdue, elle la rejette, la nie, l'enterre, malgré les supplications de son père. Désormais elle ne parlera que le français.



Le récit va et vient, entre souvenirs d'enfance et anecdotes d'aujourd'hui, entre moments de vérité et éclats de poésie, Omar Khayyâm et Hâfez dont les vers viennent apporter leur lumière douce dans ce parcours difficile. Maryam dit d'ailleurs que tout ce qu'il faut retenir de l'Iran d'aujourd'hui c'est sa poésie.



Et toujours, une silhouette voûtée, un sourire doux et plissé, viennent rassurer l'enfant et lui redonner espoir : ceux de la grand-mère restée en Iran, fugaces apparitions dans les moments de chagrin et de doute. Celle qui va intimer l'ordre à Maryam devenue grande de résister à la tentation de rester en Iran, « son » pays et de continuer sa route en France, loin de l'obscurantisme et de l'intolérance. Du moins le croit-elle...



L'autre personnage essentiel du texte, c'est le persan, la langue maternelle, langue en danger de mort pour elle qui la parle mais ne la lit et ne l'écrit pas. Langue qui pourtant a structuré ses premières pensées, langue à la découverte de laquelle elle part au travers d'un sujet de thèse.



Ce livre, autofiction, journal éclaté en mille souvenirs, est un moment agréable de lecture et de réflexion, alliant l'humour à l'émotion : l'exilée iranienne qui pour séduire joue son rôle de belle odalisque à la Delacroix ne manque ni de charme ni de drôlerie !



Plus qu'un vrai « premier roman », il s'agit ici d'une restitution de souvenirs, qu'on espère première marche vers un travail de création romanesque.



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Marx et la poupée

Voilà ! C’est pour tomber sur ce genre de divine surprise que je lis des livres ! Pour éprouver ce délicieux frisson à la découverte de pages pleines de grâce. Car c’est sans doute le terme qui convient le mieux pour qualifier ce premier roman d’une jeune auteure française d’origine iranienne.



J’avais pourtant quelques craintes en l’ouvrant. Car sur le thème de l’exil provoqué par la révolution iranienne et la découverte de la langue et de la culture françaises qui en découlent, une certaine Abnousse Shalmani avait précédé Maryam Madjidi avec un époustouflant Khomeiny, Sade et moi, faisant ainsi de l’ombre à Negar Djavadi, qui s’aventurait à son tour sur les mêmes terres avec un Désorientale (ne cherchez pas de billet, je n’en avais pas écrit) qui, malgré le battage médiatique, ne m’avait pas franchement convaincue...



Mais Maryam Madjidi possède une voix bien à elle. Elle nous propose un récit original, à la fois tendre et incisif, plein d’humour et de sensibilité, offrant un éclairage subtil sur le rapport ambivalent qu’un individu contraint de quitter son pays entretient avec ses racines et avec sa culture d’accueil, l’écartèlement entre un monde resté derrière lui et celui au sein duquel il essaie de se faire une place.

En choisissant de juxtaposer une ribambelle de souvenirs - réels ou imaginaires, peu importe - elle compose un tableau plein de vie et empreint d’émotion. Par la brièveté de ses saynètes qui finissent par dérouler le fil de toute une existence, elle donne à voir la complexité des sentiments et touche son lecteur en plein coeur.

Elle alterne souvenirs graves et anecdotes légères, elle se glisse dans la peau de la petite fille qu'elle a été avant de retrouver sa voix d'adulte, elle mêle récit et dialogues, passé et présent avec maestria, imprimant ainsi à son texte un rythme virevoltant par lequel on se laisse prendre avec délices.



Avec des mots qui frappent comme des coups de poing, elle dit la peur, atroce, qui habite les opposants au régime, qui n’ont d’autre choix que de fuir pour échapper à la torture et à la mort.

Mais partir n’est pas une libération : elle dit le désarroi, le désespoir de qui a le sentiment d’avoir abandonné les siens et, peut-être plus encore, d’avoir renoncé à lutter pour ce à quoi il croyait.

Elle trouve de très jolis mots pour dire aussi la manière dont un exilé se définit par une forme de sentiment de nostalgie qui ne cesse de l’habiter, se projetant constamment dans un ailleurs idéalisé.

Elle dit tout ce qu’une langue nouvelle, qui reste à apprendre, cristallise de rêves et d’espérances, le talisman qu’elle constitue pour entrer dans un monde mystérieux et plein de promesses, mais qui renvoie aussi implacablement à la différence que l’on porte.

Elle dit enfin le chemin parcouru pour s’affirmer comme une femme libre de construire sa vie.

Elle dit tout cela et bien plus encore.



Mais lisez plutôt son livre ! Car ce sont les mots, les très beaux mots qu’elle a choisis qui font le charme et la fraîcheur de ce puissant récit.


Lien : http://delphine-olympe.blogs..
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Marx et la poupée

Une jeune femme retrace avec talent de façon brève et percutante sa jeunesse en Iran puis son exil à Paris. Tout n’est pas linéaire mais ces tranches de vie m’ont énormément émue. Elle parle de tant de choses avec intelligence et subtilité. La lecture n’est pas aisée car on ressent la douleur des personnages et en même temps l’écriture est belle. Ce livre est un bijou que j’ai envie de faire connaitre à mon entourage de «  lecturocompatibles »
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Marx et la poupée

Avec "Marx et la Poupée", j'avais l'impression pendant les cinquante premières pages de lire un roman du Canada où depuis un demi-siècle on publie énormément de livres qui racontent l'histoire qui quittent leurs pays en état de crise pour s'installer chez nous où ils auront des problèmes de s'adaptation à notre culture. Au bout de cent pages, je me suis rendu compte que "Marx et la Poupée" ressemble encore plus au roman graphique francais "Persepolis" dans le sens qu'il raconte l'histoire d'une famille de communistes qui fuient le régime islamiste en Iran afin de vivre en France. Bref, j'ai trouvé que la recette de base de "Marx et la Poupée" n'avait rien de nouveau. Heureusement, le roman a beaucoup de petits détails qui sont très intéressants. Je suis finalement très content de l'avoir lu.



Le titre dit très long sur le livre. À cause de leurs croyances politiques, les parents décident à un moment donné de faire don de ses poupées à une organisation qui va les distribuer à des familles pauvres. L'auteur quitter l'Iran où elle vit sous une tyrannie islamiste. En France, elle va vivre sous la tyrannie marxiste de sa famille. Elle est isolée de la culture française en tant qu'immigrante iranienne. Elle est isolée de la grande communauté iranienne en France parce qu'elle n'a pas les mêmes valeurs politiques et religieuses.



La protagoniste qui s'appelle aussi Maryam a du mal à trouver une identité culturelle. D'abord elle déteste la France. Ensuite elle refuse de parler l'Iranien. Plus tard elle va suivre des leçons pour rapprendre sa langue maternelle. Elle fait un voyage de retour en Iranien qui se termine en fiasco. Finalement elle va travailler pendant plusieurs années en Chine pour finalement constater qu'elle est française.



La protagoniste est très sympathique et son récit est touchant. Ce roman qui n'est pas long vaut bien le temps qu'il le faut pour le lire.
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Marx et la poupée

Sacré Goncourt du Premier Roman en 2017 et récompensé du Prix Ouest France la même année, « Marx et la poupée » de Maryam Madjidi a eu un tel succès qu'il a été traduit en douze langues. Un récit autobiographique, qui se moque de la chronologie, où transparaît l'attachement indéfectible aux racines familiales et nous conte les premières heures de la révolution iranienne.



L'exil est un sujet troublant et douloureux pour qui l'a vécu et il n'est pas toujours aisé d'en parler avec détachement. Maryam Madjidi a vécu ce déracinement alors qu'elle n'était qu'une toute petite fille. Quittant l'Iran de ses ancêtres, elle trace ici un parcours original, fait d'allers et retours du passé au présent, de Paris à Téhéran.



Il faudra attendre 2003 pour que la jeune femme retourne à Téhéran. Mais ne pourra pas y rester car son passeport ne suffit pas à faire d'elle… une iranienne.



Le récit très visuel et factuel se décompose en trois séquences, avant et après l'émigration forcée. Dans la première partie, la société iranienne est très présente, son identité, ses mouvances politiques, les espoirs déçus de la révolution de 1979. Puis la période parisienne suit l'adaptation difficile d'une enfant et les étapes une à une réussies pour naître une seconde fois à une autre culture. Il faudra donc attendre l'adulte accomplie et apaisée pour accepter l'appartenance de faits et de cœur à deux pays.



Plus largement l'auteur nous interroge sur les richesses et les écueils d'une double culture, sur les méthodes pour accueillir les populations étrangères, les « assimiler » en les respectant dans leur identité propre. J'ai particulièrement aimé le contexte linguistique, entre oubli et apprentissage de deux langues, en conflit dans les ressentis de l'enfant.



Un savant mélange d'anecdotes, de poésie, de contes, d'humour et de nostalgie. C'est précisément son côté protéiforme, son absence de chronologie et de linéarité qui font l'originalité et la force de ce livre. Maryam Madjidi convoque les poètes persans de son enfance pour alimenter, et illustrer son propos.



On y perçoit l'extrême sensibilité de l'auteur, mais également son humour, sa maturité, mais aussi sa fragilité dans ses deuils de petite fille. Quand l'humain se retrouve séparé de sa terre et des siens, sait puiser au fond de lui les ressources pour se réinventer. C'est cela que Maryam Madjidi parvient à nous raconter avec grand talent.
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Marx et la poupée

J'ai aimé la façon d'écrire de l'autrice: On oscille entre les périodes de la vie de l'autrice sans chronologie logique et précise ce qui met du relief au récit, les différents lieux entre l'Iran et la France et leurs deux cultures, les différents personnages réels ou "fictifs" notamment avec l'apparition de la grand-mère de l'autrice dès qu'elle se sent au point de rupture, les souvenirs d'enfance et dures de son exil familial et les contes imaginaires pleins de poésie qui rendent ces écrits plus doux.



Un roman qui fait réfléchir sur l'angoisse de l'exil, la difficulté de l'intégration et les préjugés qui en découlent, mais aussi la recherche d'identité due à la double culture. Mais dans ce livre, le style de l'autrice adoucit réellement ces sentiments.



Une belle découverte hasardeuse aux détours des rayons de ma médiathèque!
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Marx et la poupée

Cinq étoiles pour ce récit au titre étonnant qui a attisé ma curiosité et qui s'en est suivi d'un résumé puissant...



Arrachement, émigration, en mal d'identité, assimilation difficile qui aboutit à un rejet pour finir à une certaine harmonie avec ses origines.



Une pâtisserie littéraire, à déguster avec un thé d'écorce de citron..., un livre magnifique au niveau, tant du fond de l'histoire que d'un style inusité.



Une plume intensement riche et poétique. Le fil narratif surprend et capte merveilleusement.

L’auteure fluctue entre passé et présent sans que cela gène et, apporte une originalité jamais rencontrée dans mes lectures.

Je me suis laissée porter dans cette construction parfaite et atypique.

Des cabrioles entre la première et la troisieme personne habilement maîtrisées.



Ne jamais oublier que ceux qui partent, qui fuient leur pays d'origine ne le font pas de gaieté de coeur et nous avons le devoir de les accueillir honorablement.

Le partage de nos coutumes sont le fruit de l'humanité.



Ces quelques passages feront beaucoup mieux que moi pour évoquer cette écriture ciselée !

......

"J'aurais aimé ramasser les lambeaux de tes rêves les sauver, les enfiler comme des perles dans ma guirlande de mots à moi et l'accrocher au sommet d'un arbre pour que ça bouge et vive encore.

Te réveiller. Te ressusciter. Noircir tes traits, mettre du rouge sur tes joues, sur tes lèvres, t'injecter de la vie pour que tu chantes, tu ries, tu cries mais rien à faire, tu te diluais silencieusement dans une eau imaginaire."

.....

"Nous courons, nous bousculons des gens. Nous dansons, nous dansons pour échapper à la mort, je suis agrippée à ta main tu vas beaucoup trop vite, mes pieds touchent à peine le sol, je vole avec toi, le foulard de ma mère glisse sur ses cheveux noirs, elle le remet, il retombe, des mèches de cheveux s'envolent, les pans de son manteau ample et long sont comme deux mains qui se soulèvent et flottent dans l'air, applaudissant notre départ notre course effrénée vers l'avion, vers la liberté."

....

Belle journée à vous
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Marx et la poupée

Un magnifique récit de l'exil vu du point de vue d'une enfant puis de la jeune adulte écartelée entre deux cultures, deux identités. Construit en trois vie, il raconte la souffrance de partir, le conflit identitaire et la réconciliation en anecdotes, souvenirs mais aussi contes. Sans pathos, avec une écriture piquante, dynamique et poétique l'enfant et l'adulte s'entrecroisent, se répondent. Une perle.
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Marx et la poupée

Petite, depuis le ventre de sa mère, Maryam vit déjà les premières heures de la révolution iranienne. Six ans plus tard, elle prendra un avion pour rejoindre son père en exil à Paris. Refusant de livrer un récit chronologique, l’auteure offre un kaléidoscope de souvenirs, de tourments, de sensations qu’elle assemble tel un patchwork. Mais ce qui retient réellement notre attention, ce sont les incessants allers-retours entre le « je », le « elle » et le « il ». Ici, parlant de ses proches ou d’elle-même, Maryam Madjidi rend son histoire universelle, se référant aussi aux autres, à son parcours qui n’est pas unique et faisant écho à ce que d’autres ont vécu avant elle. Elle s’éloigne de sa propre histoire, pour s’approprier les histoires passées, similaires à la sienne et les rendre singulières. Dans cette quête de soi-même, elle sera secondée par la voix de sa grand-mère restée en Iran.



Toute sa vie, Maryam Madjidi a jonglé entre ses racines iraniennes et son nouveau chez elle, la France. Double culture, double langue, elle raconte avec humour et tendresse combien ses racines peuvent être tant des remparts, qu’un fardeau mais parfois aussi une belle arme de séduction. A travers ses souvenirs d’enfance, elle décrit l’éloignement familial, l’abandon du pays, la perte de ses jouets et l’effacement progressif du persan. Marx et la poupée est un beau récit autobiographique et poétique, d’une enfance iranienne à une vie « française ».
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Marx et la poupée

Très beau livre sur l'exil; exil géographique, langue maternelle, langue d'adoption. L'auteur mêle les genres (contes, poésies, récits), les époques , les narrateurs. On éprouve alors ce que peut éprouver un exilé: un tourbillon incessant qui déstabilise, mais c'est aussi un chemin...
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Marx et la poupée

C’est toujours grâce à des lecteurs de Babelio que j’ai découvert ce livre très émouvant. Merci à eux pour leur enthousiasme et leur partage !

Cette histoire mêle plusieurs bribes de souvenirs : ceux de son enfance jusqu’à l’âge de six ans en Iran, puis ceux de son arrivée en France et de son adaptation à ce nouveau pays.

L’Iran, c’est le pays où ses parents révolutionnaires, militants communistes convaincus, essaient de mener leur combat idéologique au détriment de leur sécurité. L’Iran, c’est aussi se sentir entourée et aimée par la famille élargie, que ce soit la grand-mère douce et aimante, l’oncle Saman ou les innombrables cousins/cousines.

La France, c’est le pays où elle débarque avec sa mère. C’est le pays de l’exil, de la séparation et de la douleur. Ce choc culturel, surtout pour un enfant qui n’a pas été préparé à un départ aussi soudain, la plonge dans l’incompréhension, le déni et la colère. Tout est si différent : la langue, la nourriture, la culture, la solitude. Elle finit par rejeter sa langue maternelle pour tenter d’intégrer tant bien que mal ce nouveau pays d’accueil. Comment concilier ces deux cultures et ces deux identités qui semblent si opposées mais qui ensemble ferait le plus beau des mélanges ?

Ce récit, raconté avec beaucoup de douceur, de tendresse, de sensibilité, de poésie et d’authenticité, a fait vibrer mon cœur. Les thèmes liés à l’exil et à l’immigration ont le don de me toucher car j’ai vécu cette douloureuse (mais enrichissante) expérience il y a quelques années de cela. J’ai ressenti avec beaucoup d’émotion ce qu’elle l’a vécu et ce qu’elle continue à vivre, un peu comme si elle parlait à tous ces millions d’exilés (volontaires ou non), loin de leurs pays et de leurs racines.

L’auteur évoque aussi, de manière voilée, les conditions sociales à Téhéran, une capitale partagée entre modernités et mœurs excessives entre les murs contre l’hypocrisie et la répression religieuse dehors.

Je vous recommande cette lecture, encore un diamant brut trouvé sur ma route de lecteur !
Lien : https://leslecturesdehanta.c..
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Marx et la poupée

1986. Sept ans après la révolution iranienne, Maryam, 6 ans, et ses parents fuient l’Iran pour se réfugier en France. C’est le temps de l’arrachement à une terre et ses souvenirs, à sa langue et sa culture, qui va hanter la mémoire de Maryam, l’amener d’abord à renoncer radicalement à ses origines pour se fondre pleinement dans la langue et la culture françaises. Mais au fil de sa maturation, la terre de ses origines, son sel, lui manquent pour pouvoir grandir pleinement, se sentir entière. Alors elle se questionne sur la langue qui fonde son identité et va chercher à déterrer « ses racines dans [un] terreau qui ne sent plus le passé mais l’avenir ».



« Marx et la poupée » est un magnifique roman écrit par Maryam Madjidi en 2017 et qui a été récompensé cette même année par les prestigieux prix Goncourt du premier roman et Ouest-France Etonnants Voyageurs. Entre fiction et autobiographie, c’est un roman polymorphe, déroutant parfois au niveau de la narration, empli d’une sensibilité jusqu’au bout des mots.

Par allers retours successifs, Maryam conte son histoire, celui d’un exil forcé depuis l’Iran jusqu’en France. Elle narre la violence du déracinement, la perte des repères, le regard des autres qui la force à une normalisation bien illusoire. Au cœur de l’exil et de l’intégration à une autre terre, la langue, les langues constituent le point nodal de sa construction. En trois actes, « Marx et la poupée » déroule cette épiphanie des langues, depuis l’oubli volontaire par Maryam de sa langue maternelle afin d’assimiler le français et de se fondre entièrement dans la population, jusqu’au désir de retrouver le terreau des origines, la langue maternelle qui l’a construite et modelée. Trois actes de naissance ponctuent donc le temps de cette complexe épiphanie qui vient dire la difficile construction de soi dans l’exil, hors-sol.

Le trait d’union que Maryam inscrit entre ses deux langues qui la nourrissent, c’est celui que la poésie apporte, dans sa créativité, la richesse de ses messages et sonorités. Et elle vient, en miroir, nourrir le lecteur de ses créations littéraires variées : tantôt quelques contes, tantôt des poèmes qu’elle suspend sur le fil de son existence dont elle déroule ici le récit.

Ce trait d’union qu’elle inscrit, quelle que soit la langue, et qui rejoint chacun en son humanité, c’est celui du souffle, de la vie qui se poursuit quoi qu’il en soit des douleurs qui en jalonnent le chemin.
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Marx et la poupée

La Feuille Volante n° 1222

Marx et la poupée- Maryam Madjidi – Éditions Le Nouvel Attila.Goncourt du premier roman 2017



La petite Maryam vit les premières heures de la révolution iranienne depuis le ventre de sa mère qui doit, enceinte, sauter du 2° étage pour ne pas être capturée. Puis, six ans plus tard elle rejoint ses parents à Paris et raconte ses souvenirs. Cela commence plutôt bien, l'expression "il était une fois" souvent répétée, évoque une belle histoire voire carrément un conte de fées. Pourtant la petite fille qui parle n'est pas vraiment ravie de ce qui lui arrive puisqu'elle doit quitter son pays. Pour cela elle doit donner ses jouets aux enfants du quartier de Téhéran où elle habite parce que ses parents communistes l'ont décidé ainsi et que pour eux la propriété est bannie de leur vie. De toute manière elle n'aurait pas pu les empoter dans ses valises. C'était pourtant des cadeaux de sa grand-mère qu'elle aime tant. C'était pourtant aussi des livres pour enfants.

On peut lire ce livre comme une fable ou comme un journal écrit cependant en français, langue qu'elle rejette au début parce qu'elle symbolise l'exil, l'abandon de son pays et de sa famille mais qu'elle s'approprie au point de l'utiliser pour écrire ce témoignage. Le français est à la fois le symbole de la liberté absente de l'Iran mais aussi de l’accueil des étrangers. Nous sommes donc avec cet ouvrage, en plein symbole. Pourtant il y a une réalité et une question. Comment devenir une autre personne tout en restant soi-même, sans rien oublier de ses origines? Pour l'auteure, l'apprentissage du français a été cette réponse en ce sens qu'elle a adopté cette langue, d'abord par nécessité, pour se faire comprendre, pour vivre en France et aider ses parents dans leurs démarches administratives, puis ensuite par goût puisqu'elle a choisi d'exprimer son témoignage dans cette langue et de le faire sous le forme de l'écriture. Cela ne signifie par pour autant qu'elle a choisi de tirer un trait sur son passé et sur sa culture originelle qui sont une sorte de refuge parce que la mémoire est partie prenant de la vie, surtout pour un écrivain qui ainsi confie aux mots et à la page blanche tout ce qu'il a été avant. C'est un peu comme une nouvelle naissance, sans rien oublier, sans renier sa langue maternelle au profit de la langue de l'exil …Il y a pourtant un paradoxe qu'elle incarne et dont elle joue en tant qu'étrangère. Elle en rajoute même un peu dans la poésie persane qu'elle cite à l'envi. Elle devient conteuse, incarne l'exotisme, la magie de l'orient, folklore de senteurs et de voiles, une sorte de fantasme collectif entretenu à travers la littérature et la peinture françaises pour un auditoire déjà conquis. Qu'on le veuille ou non, elle est porteuse, en tant qu'exilée, d'une charge émotionnelle et culturelle qu'un Français souhaite connaître, ce qui entraîne une foule de questions. Elle aime se présenter comme quelqu'un de différent, une femme qui vient d'ailleurs et qui se cache en permanence derrière un masque qu'elle donne à voir et qui la dissimule. Elle prétend vouloir qu'on lui pose des questions inattendues et qui révéleraient un message plus politique, plus quotidien qu'est par exemple la condition des femmes qui, dans ce pays, vivent sous la dépendance des hommes et de la loi islamique, ce qui fait d'elles une cible de choix, uniquement destinées à mettre des enfants au monde et à rester cantonnées dans un rôle domestique. En Iran, le combat contre le régime des Ayatollahs est un combat pour la liberté, ce qui est d'autant plus vrai pour les femmes. C'est aussi un thème de réflexion qui ici est offert à propos de la politique, de la liberté, de la démocratie et l'usage qu'en font les gouvernants qui, une fois élus, se dépêchent de faire le contraire de ce qu'ils avaient promis. Cette forme de confiscation touche tous les régimes de tous les pays, et en cela ce livre a un côté universel.

Il y a tout dans cet ouvrage, de l'autobiographie, de la fiction, des témoignages, de la poésie, et on peut se demander en quoi ce livre est un roman. Nous savons depuis longtemps que la littérature n'a aucun compte à rendre à la réalité, qu'elle ne s'inscrit ni dans un essai politique ou sociologique ni dans un récit authentiquement historique et fait la part belle à la fiction et même au délire. Dans sa démarche créatrice, l'auteur puise l'essence de son œuvre autant dans son vécu, dans sa souffrance, dans ses souvenirs personnels et parfois ses rancœurs et ses remords que dans ses fantasmes ou dans son imaginaire. La littérature est un monde à part dans lequel le lecteur entre ou n'entre pas, le décor qui est tissé tient entre les pages d'un livre et permet l'évasion, ou pas, suivant le degré de disponibilité de celui qui le tient entre ses mains.



© Hervé GAUTIER – Février 2018. [http://hervegautier.e-monsite.com
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Marx et la poupée

Le roman commence par une scène d’une grande violence : la répression des étudiants de Téhéran par le pouvoir, lors de la révolution iranienne. La mère de Maryam échappe de peu à la mort, Maryam dans son ventre. Elle en gardera un mutisme et une terreur sous-jacente que ressentira Maryam toute sa vie durant.



Maryam nous raconte cet épisode par procuration, comme un événement originel pour elle, qui marque son destin. C’est sa première naissance. Avec un langage très imagé, poétique, aux allures de conte, Maryam nous livre ses origines persanes, les liens familiaux, la douceur du pays natal, la dureté des convictions politiques parentales aussi, qui lui font donner ses biens, jusqu’à ses jouets les plus précieux, avant l’exil.



L’exil en France justement, à l’âge de six ans, est sa seconde naissance. Maryam encore une fois le vit dans la douleur, le déchirement, l’éloignement d’avec ses proches et la difficulté à s’approprier une nouvelle culture, de nouveaux repères. Petit à petit l’histoire se tisse néanmoins, Maryam se construit, dans un entre-deux qu’elle s’efforce de rendre acceptable, avant de s’accepter elle-même, d’accepter toutes les facettes de son identité.



Jeune femme, Maryam reprend le récit d’une troisième naissance, avec le retour au pays, la chaleur des retrouvailles, la découverte de ce pays sûrement un peu rêvé, les deux parties de son être qui s’emboîte enfin, sa personnalité qui retrouve une certaine stabilité… Et Maryam peut enfin s’envoler, dans tous les sens du terme, elle a gagné sa liberté, va désormais parcourir le monde, vivre sa vie, gardant en elle son « imagination consolatrice », la poésie et les histoires pour « nettoyer ou embellir la vie ».



J’ai beaucoup aimé l’écriture fluide, imagée et pourtant si abrupte de l’auteure. Elle nous parle d’exil, d’un Iran passé et contemporain, de blessures intimes et sans doute aussi partagées avec beaucoup. J’ai aimé la poésie des mots, la poésie dans les mots, et la soif de vivre d’une enfant ballottée mais qui trouve sa place au milieu du monde finalement.



Une très jolie découverte.
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Marx et la poupée

Une très très belle découverte. Maryam Madjidi raconte, l'Iran le pays des souvenirs heureux de son enfance, puis la France, le pays de l'exil, les départs, les retours, les autres pays aussi. Le rejet d'une culture, puis de l'autre et enfin la construction d'une identité singulière et multiple. Par petites touches, l'auteure nous fait ressentir L'Iran et la France, leurs odeurs, leurs couleurs, leurs rêves .Téhéran où un chauffeur de taxi récite de la poésie, Paris où une jeune femme court en talon sur les pavés pour retrouver son amant et l'embrasser à pleine bouche en pleine rue, sans honte. Une très belle autobiographie où l'émotion nous prend souvent par surprise.
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Marx et la poupée

Voilà une auteure nouvelle qui, outre les premiers avis plutôt bienveillants de la blogosphère, a titillé toute ma curiosité lors de son passage télé.



Et dès réception de ce livre, je me suis senti happé par toute l'histoire, cette première autobiographie d'une iranienne, filles de parents opposants communistes au régime iranien dont la prime enfance a été entièrement marquée par les combats politiques, le culte de la non propriété, les errances de la doctrine marxiste et enfin l'exil en France où il lui a fallu tout ré apprendre dans une langue et au sein d'une culture à l'opposé de la sienne. 



Parcours dur, récits vifs, choc de cultures, passerelle entre l'Iran, ses traditions, les errances des parents de la narratrice dans la société française, face au quotidien, à l'école et récit heureux d'une réussite et d'une véritable intégration.



C'est enjoué, le style est fluide et après "Désorientale", un nouveau témoignage sur cette Iran qui s'ouvre à nouveau à nos compatriotes et au tourisme.
Lien : http://passiondelecteur.over..
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Marx et la poupée

Un premier roman réussi, une écriture poétique, sensible, parsemée de poèmes persans. L’histoire d’une petite fille qui doit couper ses racines et survivre à l’exil. Elle quitte l’Iran, sa grand-mère, sa maison, son univers, les saveurs orientales des plats savamment mitonnés, les odeurs, l’ambiance qui l’a bercée depuis sa naissance, elle n’a que 6 ans.

Pourtant, rien n’était simple avec ses parents, militants convaincus, opposés au régime en place ; déjà dans le ventre de sa mère, elle se souvient d’avoir été malmenée lorsque sa mère participait à des manifestations, le déchirement d’avoir à offrir aux autres enfants ses jouets, ordre de ses parents communistes convaincus que le partage est nécessaire dès l’enfance.

Un beau récit émouvant où la douleur de l’exil est omniprésente. L’apprentissage de la langue française, la vie étriquée au 6ème étage d’un immeuble parisien, la mère absente, les yeux vers l’horizon, les premiers croissants du matin qu’elle n’arrive pas à goûter, le père qui fait des petits boulots pour subvenir aux besoins de la famille.

Et malgré tout l’impossibilité de retourner vivre en Iran en femme libre et éduquée.

Et puis la réconciliation avec elle-même, l’acceptation, la lucidité et le soulagement d’un retour en France.

Un très beau texte à ne pas manquer.

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Marx et la poupée

"Marx et la poupée" de Maryam Madjidi, plusieurs fois récompensés est un TRES beau livre TRES vivant que l'on dévore TRES vite. Maryam quitte ses jouets, ses livres, son école, sa grand-mère car ses parents ont décidé de quitter l'Iran la peur au ventre. Au fil des petites choses de la vie -une nouvelle école, une nouvelle institutrice, un nouveau toit, une nouvelle alimentation qui constituent autant de chapitres Maryam raconte avec un coeur et des réflexions d'enfants ce changement de vie brutal jusqu'à l'âge adulte et c'est très beau. Un livre que je suis heureuse d'avoir pu lire.
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Marx et la poupée

« Un homme est assis seul, dans une cellule. Il tient dans une main une pierre, de l’autre une aiguille à coudre. Il creuse la pierre avec la pointe de l’aiguille.... Il grave un nom , une manière de dire qu’il pense à elle, ce bébé qui n’a que quelques jours et la vie devant soi ».



Maryam Madjidi n’est encore qu’une enfant, lorsqu’avec ses parents, elle quitte son pays, l’Iran. Elle ne comprend pas le pourquoi de cet exil, cette déchirure, cet abandon de tout ce qui faisait sa vie de petite fille, les jouets qu’il faut donner, et les livres qu’il faut enterrer.



« Marx et la poupée » est le récit d’un déracinement, d’un enracinement dans un pays (la France) dont les codes, la langue, les odeurs sont totalement inconnus.



Maryam conte plus qu’elle ne raconte. Elle conte l’adieu, l’exil dans sa vérité nue,le poing levé et le poing qui s’ouvre.



« Ouvre le poing et ne détruis pas ce que tu tiens à peine dans ta main »



Elle conte la souffrance, la peur, la mémoire endormie et réveillée. Celle qui sauve de l’oubli.



Elle chante la Perse, la poésie, Omar Khâyam et Hâfez.



Elle peint la vie, la mort, la peur, le sublime, une étoile filante.



Elle raconte les trois naissances qui ont été nécessaires à la réconciliation entre la persane et la française.
Lien : http://nathdelaude.canalblog..
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Marx et la poupée

Ce serait l'histoire d'une gosse sans âge - entre le tien et le mien si tu cherches à savoir -. Et elle aurait un grand bocal qu'elle remplirait de billes de tailles différentes. Une pour chaque sentiment, pour chaque anecdote, chaque membre de la famille.



Quand elle est petite elle vit à Téhéran, avec sa mère mais pas tellement son père puisqu'il part en France. Alors elle raconte l'histoire de sa famille, de son quartier. Même que des fois on dirait que Marjane Satrapi devait pas traîner trop loin. Sauf que pendant que Marjane fait des dessins, Maryam écrit beaucoup, et réfléchit autant.



Les billes de souvenirs s'accumulent une à une, même que pour tenir le bocal, y'a le fantôme de Romain Gary période La vie devant soi qui tient la main de l'auteure. En tout cas moi j'ai trouvé.



L'arrivée en France, le problème d'identité, d'intégration, de double-culture, et de tous ces concepts qu'on a du mal à percevoir tant qu'on les lit pas bicause on fait partie des privilégiés. Je fais pas la jérémiade, parce que c'est bien d'ouvrir les yeux aussi de temps en temps.



Des fois y'a des billes noires, celles qui font péter l'empathie au point d'avoir les tripes qui remuent. La condition des femmes en Iran, les prisonniers politiques, le cul chez les ados iraniens et comment tu fais pour draguer quand t'as même pas le droit d'avoir des mèches qui dépassent de ta tête hein ?



Faut avoir le coeur sacrément accroché, mais quand même parfois, tu pourras sourire. T'inquiètes tu pourras aussi rigoler parce que y'a des moments rigolos et je pense pas que Maryam se vexera si on s'amuse avec elle.



Si t'es cap, t'as pas trop à attendre longtemps bicause le livre sortira le 12 janvier, c'est dans pas si longtemps alors si t'as des étrennes qui sont des billets tu peux les dépenser pour cette jolie histoire.



C'était bien !



(maintenant je vais aller lire un Mickey par contre sinon je vais faire des rêves un peu durdur)



Sioux !
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