Citations de Matthieu Simard (152)
J'ai gardé le trou dans la cuisine comme dernier recours. Quand j'écrivais un souvenir dans le carnet et qu'il ne disparaissait pas parce qu'il était trop beau, je regardais le trou pour me rappeler que tout n'était pas toujours parfait entre nous deux, même dans notre maison où tout était parfait. Avec le temps on a tendance à ne retenir que les bons moments, je voulais pouvoir me rappeler ce mauvais moment chaque fois que j'ouvrais le réfrigérateur pour vérifier qu'il y avait du jambon .
Mais les immortels finissent toujours par mourir, si ce n'est par eux-mêmes, par l'absence des autres. Tu es partie un soir de canicule, et on s'est effrités en miettes de mortels. En t'enfuyant par la fissure dans le béton, tu as fait naître un trou sombre qui m'aspire l'intérieur depuis trois mois.
Il n'est jamais trop tard pour une citation. Jamais trop tard pour que d'autres nous disent ce qu'on ne saurait dire nous-même.
On meurt toujours un peu d'une rupture. On flotte un temps et on finit par l'oublier, en un mois, un an, dix ans, mais on reste toujours un peu mort, par morceaux. Trop de ruptures, c'est trop de morceaux, et on en meurt au bout de la vie, rempli de douleurs oubliées. C'est ça, le cancer. C'est les morceaux de douleur qui s'accumulent pour nous faire chier, et qui nous tuent de l'intérieur.
Patrice était content. Un paquet de petites histoires pour aller avec ses photos, que je n'ai pas vues, mais il m'a dit comment elles allaient être. Paquet de petites histoires niaiseuses, mais je savais qu'il aimerait, je le fais passer pour un gars tough et viril.
Il y a un an et demi qu'il est malade. Il est peut-être déjà trop tard pour retrouver le Suzor que je cherche, mais je n'arrêterai pas mon chemin. Je n'arrêterai plus. Cette lettre, ces mots, le j minuscule et sans point qu'il trace quand il écrit mon prénom, tout ça explose en moi. Je ne veux pas être la seule condamnée au souvenir de nos bonheurs.
Puis ma ballerine s’est avancée tout doucement, à posé la main sur le museau du toutou et s’est mise à le caresser tranquillement. C’etait Tout serein, tout étrange, comme si le temps ralentissait, un morceau de sable coincé dans le grand sablier, et il faisait moins froid, il me semble. Sans lever les yeux, elle a ouvert la bouche, et le temps s’est arrêté complètement. C’etait Presque le silence qui sortait de sa bouche, des mots tranquilles, des sons doux, que j’entendais à peine...
- Comment il s’appelle, ton chien ?
- Il s’appelle Edwin.
- Toi, comment tu t’appelles ?
J'aurais plus d'affection pour Jésus si sa souffrance ressemblait plus à la mienne. Si sa blonde l'avait crissé là, par exemple.
La peine d'amour comme une maladie, voilà ce qui me fait vomir.
Il faut cesser tout ça. Arrêter de bâillonner tous ceux qui ont de la peine. C'est normal, c'est même beau, la peine. Et c'est nécessaire. Bien sûr, que je ne vais pas bien. Mais ce n'est pas un problème. J'ai de la peine. Je souffre. Je vais guérir, pas besoin de diachylon. J'ai un deuil à vivre, j'ai de la douleur à combattre, j'ai une vie à rebâtir, à ma façon. (p.75)
Il n'y a plus une goutte de foi en moi, mais des fois, j'aimerais croire en Dieu, en son fils, en toute cette belle histoire, calvaire de clous. J'aimerais avoir une poignée à laquelle m'accrocher, un tuteur qui m'aiderait à pousser plus droit. Mais je suis incapable de croire en eux, en ça. S'ils m'envoyaient un signe, peut-être, un moment encourageant, mais c'est le contraire qui arrive. Le jour où je décide enfin de bouger, d'avancer, de marcher sur les eaux, ils me pitchent de la neige dans le trou de botte. Qu'ils aillent chez le diable.
Tout le monde meurt tout le temps, mais encore plus depuis la fin du monde.
il n'y a dans l'avenir que les rêves échoués d'hier, qu'on cède aux autres en souhaitant qu'ils aient plus de chance ou de courage que nous.
Nous ferons la paix et mourrons entrelacés, il le faut, et sur notre pierre tombale nous ferons inscrire que nous étions pourtant immortels. Personne ne viendra déposer de fleurs, mais il y aura dans les lettres sculptées un peu de pollen porté par le vent et à nos pieds des feuilles de peuplier.
- Assis-toi là.
Je m'assois là. La chaise a une patte trop courte. Ploc. Dilemme : je penche vers l'avant ou vers l'arrière?
(Ma vie est palpitante.)
J’ai longtemps cru, enfant, que l’odeur de nos hivers était un privilège, je sortais en décembre, en janvier, dans le froid dehors, chez moi, j’emplissais mes narines et je me disais que les Brésiliens, les Espagnols, les Algériens ne connaissaient pas cette odeur, et que j’étais chanceuse. C’était avant la Russie. Depuis, cette odeur me rend malade. C’est encore pire depuis ton départ, depuis que par mois treize degrés en décembre tu as ouvert la porte. Chaque fois que je sors dehors et que j’aspire j’aimerais être en Algérie. (p. 118 )
Je crois qu'ils ont fait exprès. Pour rire de moi, parce qu'ils ont vu mes angoisses, parce que je suis transparent, parce que c'est comme ça que je suis né.
Depuis que je connais Sophie, c'est comme ça. L'amour comme la haine, des caresses comme des coups, la chaleur comme la glace. Depuis que je connais Sophie, j'ai rarement raison, c'est comme ça.
J'ai appris à me taire, souvent. J'ai appris à garder mes pensées pour moi, à dire oui t'as raison, à dire c'est vrai que je ne suis pas assez romantique, à dire moi aussi j'ai bien aimé ce film poche que tu m'as forcé à regarder.
Ce n'est pas de la faiblesse, c'est de la paresse. Parce qu'avec Sophie on n'a jamais le dernier mot, et les engueulades sont longues. Tout ce temps perdu pour m'entendre dire qu'elle a raison, j'ai fini par comprendre que ça ne servait à rien. Ce n'est même pas de la paresse, c'est de la sagesse.
J’ai vu à la télé quelqu’un qui m’a fait penser à quelqu’un d’autre.
Vous ne le connaissez pas, c’est le gars qui m’a présenté ma première blonde. Antoine, son nom. C’est une longue histoire, c’est pas vraiment intéressant, j’imagine que ça ressemble à la vôtre, à votre première blonde, à votre premier chum.
C’était à l’école, comme ça arrive souvent, plus cool de regarder les filles que le professeur, plus cool d’avoir une blonde que des devoirs. Antoine m’avait gardé une place pas loin de lui à la cafétéria, m’avait présenté Mélanie, nouvelle découverte de son cours de sciences quelconques. Elle était belle comme tout, comme un cœur aussi. Ça a tout de suite cliqué, et au bout de quelques semaines on s’est embrassés. C’est gluant une langue.
Comme ça, innocemment, c’était parti. Ma vie, l’engrenage, l’amour Vous auriez pas pu me le dire que c’était si dur ? Qu’aimer, ça faisait mal. Qu’aimer, c’était souffrir, c’était se battre, c’était changer. Se faire changer, se tordre, se déchirer. Se déchirer, oui c’est ça.
En voyant à la télé ce gars qui ressemblait à Antoine, je me suis dit que si un jour je le croisais dans la rue, je crois bien que je lui câlicerais mon poing dans la face.
Je m'ennuie de la magie au sud de tes sourcils.
Les choses précieuses sont souvent les plus fragiles.