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Critiques de Maurice Pons (156)
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Les Saisons

Il faut avouer que j'ai bien failli abandonner. J'ai tellement patiné dans la gadoue froide et visqueuse des vingt premières pages, je me suis tellement senti mal à l'aise à entrer dans ce village en ruine sous cette pluie désespérante, j'ai tellement été rebuté par les premières rencontres avec ses habitants que j'ai bien failli abandonner et ranger le bouquin avec son billet de train composté coincé entre les pages vingt et vingt et un — car on ne sait jamais...



Il n'y avait pas que le climat de ce bled pourri qu'on me décrivait qui me dissuadait d'avancer, pas que la peinture à la Bidochon des premiers exemplaires de sa population qui me prenait à rebrousse-poil, et pas que la noirceur cauchemardesque de l'atmosphère qui me faisait craindre le pire. Ce qui me freinait le plus, c'était la richesse et la désuétude du vocabulaire qui m'annonçaient une indigestion rapide.



Cette phrase faillit bien emporter ma décision :



"(...) assise à califourchon sur les genoux de l'un des douaniers, — le douanier en second à ce qui devait apparaître bientôt — qui la maintenait contre lui en lui plaquant les deux mains ouvertes sur les fesses, elle lui pressait entre deux doigts les ailes du nez, et la séborrhée sale dont elles étaient gorgées jaillissait des pores en petits vermisseaux à têtes noires."



Mais avant de lâcher prise, avant de me mettre à relire Bonjour Tristesse ou l'Attrape-Cœurs, je suis allé écouter ce qu'on disait des Saisons et de M.Pons sur Google Avenue. Et voilà ce que j'ai entendu : "... très grand livre, authentique chef-d'œuvre, livre culte, le plus célèbre de Maurice Pons, sans cesse réédité et traduit... "



Comment se priver d'un tel morceau ? J'ai donc pris sur moi et ressorti le bouquin de son étagère. Et je l'ai lu. Et jusqu'au bout s'il vous plaît ! Et je suis content de l'avoir fait. Content d'en être sorti, c'est vrai, mais content de l'avoir fait.



Vous raconter l'histoire ? Pour une fois, pourquoi pas ? Mais pas la fin, bien sûr.  Voilà :

Siméon est jeune, jeune et laid. Il arrive d'un désert où il a connu bien des malheurs. Mais ils n'apparaîtront que par allusions, par éclairs, en contraste de ceux qu'il va connaître dans ce village de montagne où le gel bleu de quarante mois succède à quarante mois de pluie. Optimiste invétéré et plutôt stupide, ou disons plutôt aveugle à la stupidité des autres, à la recherche d'un lieu où il pourra écrire son roman, Siméon pense le trouver dans ce village sans nom, ruisselant de pluie ou craquant de gel au creux d'une haute vallée. Là, tout est sale, immonde, grossier, grotesque et incompréhensible : le temps, les maisons, les villageois. Mais Siméon, transi, trempé, mal logé, mal nourri, malade, infecté, souffre-douleur, méprisé, maltraité, insulté, battu, accepte tout sans comprendre. Il n'agit qu'en fonction de ce qu'il croit qu'on pensera de lui. Il ne cherche qu'à se faire admettre, pour pouvoir rester et accomplir son œuvre, écrire son roman. Mais tout ce qu'il obtient, c'est davantage de coups et de mépris. Et tout ce qu'il peut écrire, c'est son journal. Surprenant journal, naïf et optimiste, c'est à dire aveugle, en complet décalage avec la réalité qui nous est racontée par un narrateur omniscient. Et puis un jour, jour de pluie forcément, à travers une des rares fenêtres du village, car le village est presque aveugle, forcément, il surprend Clara, nue, en train de faire ses ablutions, et aussitôt, forcément, il l'aime. Et puis un autre jour, pluvieux, l'assemblée monstrueuse des habitants lui confie le soin de cette étrangeté plantée à l'orée du village, cette incongruité dans ce trou perdu où il pleut sans cesse, ce gros bidon sur pieds qui déborde quarante mois d'affilée, le pluviomètre. Siméon chargé de responsabilité ? Accepté donc ? Va savoir. On verra plus tard. Parce que la pluie cesse. Et presque aussitôt le gel, le gel bleu comme ils disent là-haut, arrive, tuant ceux qui n'ont pas su prendre leurs précautions (et quelles précautions, je vous laisserai le découvrir !) Il fait si froid, si brutalement, que les choucas gèlent en vol et tombent avec fracas sur le village. Il faut toujours faire attention aux choucas. Mais ni les responsabilités ni le froid n'arrangent les affaires de Siméon. Ah si ! On le marie, ou plutôt on l'accouple, publiquement à Clara. La cérémonie, disons plutôt la séance, s'achève au milieu des rires (nos villageois rient de tout et de rien, à toute occasion, continuellement, systématiquement, méchamment). Mais rien ne s'arrange pour autant.

Et puis un jour, un espoir nait..., mais je vous en ai déjà trop dit.



Pour en savoir davantage, il vous faudra entrer dans ce village et subir ce que j'ai subi, en bien comme en mal. Il vous faudra avancer dans cette histoire cauchemardesque, infernale, d'une noirceur totale. Il faudra observer sans comprendre les mystères du village et les traditions, les règles, les interdits, les jeux et les plaisirs de ces êtres méchants, bornés et résignés que sont ses habitants. Vous devrez suivre sans discuter les actes ineptes de cet optimiste stupide et inadapté d'écrivain velléitaire et stérile. Vous pourrez apprécier, mais aussi parfois subir, la précision, la richesse et la désuétude voulue du vocabulaire de l'auteur. Vous ferez de même, tantôt admiratif et tantôt agacé, pour son style, précis dans des descriptions inoubliables de l'horreur, emphatique dans les envolées lyriques de Siméon, grossier jusque dans les dialogues d'enfants et, par surprise, parfois comique jusqu'à la farce.



Ce roman est sûrement une allégorie. Mais de quoi ? Siméon est-il l'albatros embarrassé sur le pont au milieu des marins ignares ? Ou bien est-il la personnification de l'impossibilité d'écrire ? Ou bien le village serait-il l'humanité passant sans cesse ni espoir d'une catastrophe à une autre ? J'avoue que je n'en sais rien. À vous de voir.



Quand vous aurez fait tout ce que je vous ai dit, au contraire de Siméon, vous sortirez au soleil avec l'impression de vous réveiller d'un cauchemar dont vous auriez pu vous réveiller à tout instant à votre guise, mais que vous aurez préféré vivre jusqu'à la lie.


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Les Saisons

Comment définir une œuvre qui se veut, par essence, indéfinissable, où tout y est exposée entre hyperréalisme et absurde total ?

Le lieu : un village minéral et misérable, enclavé dans une vallée sombre dans un massif montagneux où le climat se résume à deux uniques saisons, une pluie grasse qui imprègne tout pendant d'innombrables mois, rendant sentiers et chemins en abominables cloaques et d'innombrables mois de froid intense qui pétrifie les âmes comme la nature, à tel point que même la vapeur dégagée par la respiration gèle instantanément dès l'expiration. L'auteur fait ressentir, par la maîtrise classique et paradoxale de son écriture, l'humidité qui imprègne tout, et nous glace, presque "sensitivement", le corps selon la saison évoquée.

Pour ce qui est du contexte, c'est dans ce biotope cauchemardesque que débarque un jour Siméon, aspirant écrivain, à la recherche d'un endroit qui l'isolera du monde pour mieux appréhender, ou bien attendre, une inspiration créatrice.

De nature débonnaire il se heurte aux coutumes étranges de ses habitants. Coutumes qui sont étrangères à toutes références civilisationnelles. Il y endosse le statut d'"étranger" avec toute la connotation péjorative que cela implique. Il tente d'adhérer à ces mœurs étranges sans jamais y parvenir réellement. Ce qui ne l'empêchera pas de ressentir un émois exaltant qui se concrétisera par un semblant de cérémonie difficilement qualifiable. J'hésite entre loufoque ou crudité sans nom et surtout sans affect.

Mais Siméon est un homme têtu, il restera dans ce lieu, en dépit de la déliquescence de son propre corps.

Mais avant tout, et c'est ce qui m'a foncièrement happé, c'est le rendu casi sensitif, paradoxalement VRAI de ce monde qui nous tiraille constamment entre l'adhésion sans ambages et l'impression confuse d'être le jouet de l'auteur. Un peut comme Siméon.

On ressort de la lecture de cette Œuvre avec encore moins de cette espérance qui nous animait au début de la lecture. Par contre, ce qui est magnifique, on est conscient d'avoir voyager, ressenti la lourde pluie sur nos épaules, grelotté sans pouvoir se réchauffer mais, et nous touchons là l'essentiel des "Saisons", nous acceptons de n'avoir aucune réponses à nos questions.

Siméon est un héros sans lumière, les personnages sont plus prêts de l'animalité que de l'humanité, bref rien de bien engageant et pourtant...on lit ce roman de bout en bout, comme happé par une pulsion profonde et innommable que nous avons tous en nous. Laquelle je ne saurait le dire, il faudrait pour cela que je fasse une spéléologie mentale dans le monde de mes cauchemars.

Maurice Pons m'a porté aux frontières de ce monde qu'aurait pu rendre explicite un Jérôme Bosch, mais écrire n'est-ce pas questionner ?
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Les Saisons

Alors c'était ça Les Saisons de Maurice Pons ? Tu vois petit, à l'époque j'étais encore plus petit mais Mélanie, Marianne, Charlotte et certainement beaucoup d'autres liseur.euses en qui je perçois toujours cette espèce de classe à lire des livres avec la sensibilité qui me fait défaut, bref ielles m'avaient pourtant dit qu'il fallait absolument lire ce livre sans être foutu.es de me dire de quoi ça parlait.



Alors j'ai laissé le livre de côté pendant un million d'années au moins, en me disant que quand ch'rai grand il serait temps. Je sais pas s'il était temps mais en tout cas je suis quand même devenu plus vieux je crois.



J'avais jamais imaginé ce que l'impact de deux saisons et seulement deux feraient sur une population qui vit recluse sur une montagne où tout espoir a foutu le camp. En plus tu vois les saisons c'est pas de bol, c'est un automne qui dure longtemps et un hiver qui dure quarante mois. Quarante mois d'hiver, ça fait un sacré paquet d'oiseaux qui meurent gelés, et les filles ont beau planquer des grenouilles dans leurs nénettes pour prévenir de la sexualité ou je sais pas quoi, de s'emmitoufler le bas du ventre avec des petits animaux de compagnie, tout ça mon vieux ça m'empêche pas les morts et ça redonne de l'espoir dans rien.



Alors c'est Siméon qui en fait les frais, car lui il débarque dans le village en la qualité d'étranger, ce qui est un statut à part tu me diras, on le vit tous au moins une fois, ce qui n'empêche pas de se méfier des étrangers une fois qu'on ne l'est plus. Mais Siméon il avait besoin de fuir très très loin pour oublier les horreurs et les écrire. Parce que Siméon il est certainement étranger pour le reste du monde mais pour lui, c'est un écrivain.



On baigne dans une atmosphère brumeuse, neigeuse, venteuse, avec un ton proche de Gripari je trouve mais c'est juste mon avis ; ça dit beaucoup de gros mots, ça flirte avec le fantastique, mais ça prend pas le dessus. On dirait presque que Caro et Jeunet se sont inspirés de Maurice Pons pour réaliser Delicatessen si tu veux tout savoir. C'est écrit dans une plume de conteur hors pair mais qui veut pas que son public s'emmerde alors c'est très dynamique et haut en couleurs et tout même si à mon avis il doit pas beaucoup y avoir de couleurs dans la vie de ces gens là en vrai. On pense pas mal à Brel d'ailleurs quand il chante Ces gens-là, mais c'est encore une passerelle que j'ai senti quand j'ai lu quoi.



Le village est dur et moqueur et on assiste à la dégradation physique et mentale du pauvre Siméon (qui peut être un vrai trouduc par moments en sa qualité d'humain, comme tout un chacun je dirais). Après on se dit que c'est son lot parce que le village et les villageois ils se dégradent aussi même si tu sens les vestiges de certains dès le départ de l'histoire.



Les Saisons donc, c'est ce que j'ai lu de mieux depuis longtemps. C'était donc ça qui m'attendait ?



Bin mon vieux fais pas la même erreur que moi et si t'as jamais lu les Saisons, c'est indescriptible tellement c'est particulier et beau et réconfortant alors que c'est bourré de manque d'espoir.



Pfiou, mais c'était TELLEMENT trop bien ! je voudrais pas l'avoir lu pour le relire encore et encore et encore et encore et encore !


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L'oiseau bariolé

Je ne peux absolument pas noter ce livre avec des étoiles, tant le souvenir que j'en ai est intense et dérangeant. Je l'ai lu en 4ème, j'avais un peu plus de 12 ans, et c'est comme si je l'avais lu hier, presque 50 ans après. "L'oiseau bariolé", c'était un joli titre : la quatrième de couverture parlait d'un enfant pendant la guerre, et ça ne me faisait pas peur, mon grand-père avait été déporté, la guerre on en parlait à la maison, il en fallait plus pour me dissuader. Je l'ai donc acheté à la petite librairie du village, tenue par une très vieille dame (du moins c'était mon impression), Fanchette, qui ne se mêlait pas de conseiller des lectures à ses clients... Et puis le soir-même j'ai ouvert le livre, et j'ai lu. Aucun livre depuis ne m'a autant révulsée et fascinée en même temps ! Je ne reviendrai pas sur les scènes déjà décrites dans les autres chroniques, les tortures et les humiliations, la violence, la noirceur... Certaines sont gravées dans ma mémoire comme si j'y avais réellement assisté. J'en relisais d'autres deux ou trois fois, en m"interrompant à plusieurs reprises, pour être sûre de ne pas m'être trompée tant ces horreurs me semblaient inimaginables.... Je crois que j'ai découvert avec ce récit la grande laideur des humains, leur infini pouvoir de faire le mal, les souffrances extrêmes qu'un homme pouvait faire endurer à un autre. Je me suis forcée à finir le livre, et ce fut un véritable soulagement de le refermer. Mais je savais alors, sans pouvoir l'exprimer, que j'avais appris beaucoup en lisant cette histoire, même si je n'en comprendrais le sens que bien plus tard. Je n'ai jamais eu le courage de le rouvrir....
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Virginales

"Virginales" est un recueil de courtes nouvelles qui traitent de l'enfance, de l'insouciance et du glissement vers l'âge adulte.

Ce livre m'a enchanté ! C'est un petit bijou de sensibilité, qui restitue avec tendresse la magie qui enveloppe cette période de la vie. Le style de Maurice Pons y est flamboyant : pesé mais inventif, juste mais illuminé de fantaisie.

J'accorde une mention spéciale à la nouvelle "Les mistons", que François Truffaut a adapté à l'écran en 1958. On retrouve chez le cinéaste et l'écrivain ce même regard amusé, tendre et attentif, posé sur cet âge des premiers émois. Un régal d'humour et de fantaisie.

Je recommande vivement ce livre.
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Les Saisons

"Ne vous méprenez pas sur mes desseins qui sont périlleux. Ce que je dois écrire n'est pas beau en soi. Je puis bien vous l'avouer, ce sont des horreurs que je dois décrire, des horreurs et des souffrances surhumaines - comme par exemple la mort de ma soeur Enina - et c'est à travers cette horreur que je dois atteindre la beauté, une beauté qui purifiera le monde, qui en fera sortir tout le pus, mot à mot, goutte à goutte, comme d'une burette à huile. Après quoi le monde sera meilleur, et vous-mêmes vous serez meilleurs dans un monde plus heureux. Voilà quelle est ma science." p.87



Maurice Pons nous a quitté, je me décide à ouvrir ce chef d'oeuvre qui dormait dans ma PAL depuis un certain temps déjà. J'en entendais parler et sa présence me revenait en mémoire.



Mais voilà, je n'ouvre pas facilement un livre dit "culte".



Des sensations m'habitent alors : peur d'être déçue, de ne pas adhérer, de ne pas partager les critiques dithyrambiques laissées par une foule de lecteurs sur la blogosphère, peur du rendez-vous manqué...inversement, c'est grisant d'avoir un livre culte dans sa PAL, savoir qu'une lecture hors du commun très certainement nous attend; qu'il est bon d'en retarder sa lecture, de garder ce soupçon de chance que l'on a par rapport à ceux qui l'on déjà lu, de faire durer cette attente encore un peu ...



Pourquoi j'ai décidé qu'il était tant cette semaine d'avoir rendez-vous avec "Les saisons" et de partager mon temps avec Simeon, je n'en sais rien, tout ce que je sais c'est que j'ai refermé cet opus hier en tout début de matinée et que j'en ai eu le souffle coupé !



"On vous a dit, je crois, que je suis écrivain et, à ce titre, j'ai droit à vos égards, car comme vous tous, je travaille à mains nues. Je façonne mes mots, avec des voyelles et des consonnes que j'accroche les unes aux autres, un peu à la façon du vannier. Mais avec mes petits paniers, mes corbeilles, j'essaye d'attraper la beauté." p.85



Oh Simeon, que je regrette pour toi que les paniers ne t'aient pas apporté la beauté, le réconfort. Aucune beauté (excepté Clara peut-être) présente dans cette vallée, aucun répit pour toi, toi, qui envisageais de coucher sur papier les horreurs dont tu as été témoin, de te lancer dans une écriture thérapeutique si nécessaire à tes yeux. Tu nourrissais tous les espoirs, en arrivant dans cette contrée, de pouvoir enfin trouver le répit, mais c'est dans un enfer que tu as posé les pieds, dépourvu d'humanité, où règnent en Maîtres la Pourriture, la violence, la déchéance et la bêtise.



J'ai partagé ton espoir, et puis les pages sont devenues plus lourdes, l'humour (âpre bien entendu) s'est détaché petit à petit, abandonnant la partie, t'abandonnant sur ce territoire hostile qui s'enfonce dans les ténèbres, plongeant le lecteur dans une atmosphère apocalyptique.



Ce livre m'a percutée, ébranlée, révulsée, déroutée, impressionnée, remuée, bousculée ...



Une lecture fascinante, effrayante et douloureuse à la fois, voilà ce qui vous attend. N'hésitez pas une seconde !!


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Les Saisons

Effroyable! d'un pessimisme absolu. Et pourtant quel plaisir inouï à lire et relire ce chef d'oeuvre oublié.
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L'oiseau bariolé

Aïe aïe aïe! C'est sanglant, ça gicle, c'est cruel, méchant, haineux. Bref, épouvantable! On espère que c'est juste une fantasmagorie, un cauchemar de 300 pages. Oui, c'est bien écrit, c'est baroque, mais peut-on imaginer que l'entièreté des villages de ce pays de Pologne ait été aussi arriérée et mauvaise à cette époque du XXème siècle?

Oui, il s'agit d'une fiction, mais alors, qui est cet auteur qui se plaît tant à décrire jusque dans le moindre détail les tortures les plus vicieuses?

Un autre Lautréamont?...

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Les Saisons

Lu sur les conseils d'un collègue, qui depuis plusieurs mois me pressait de découvrir ce livre culte, Les saisons m'a emballé dès les premières lignes. Un homme, chargé d'un lourd passé qui le hante, arrive dans une vallée inhospitalière, dont les habitants aux mœurs archaïques et difficilement compréhensibles sont tous plus laids, méchants, bêtes et bornés les uns que les autres. La pluie incessante, puis le froid terrible, et la pourriture qui gangrène les corps et les esprits... Et au milieu de tout ça, quelques fugaces instants de beauté (Clara dans son bain), quelques regards de complicité (le vieux Croll) ou d'espièglerie (Louana). Comment définir ce surprenant mais envoutant objet littéraire, qui oscille entre le roman et le conte ? Il s'agit bien entendu d'un récit allégorique : Siméon est la figure de l'étranger, de l'autre, de la différence. Ses rêves sont simples : trouver un endroit où il pourra écrire pour peut-être exorciser son passé. Mais lorsque ses aspirations se briseront sur la réalité de ce village en cours de putréfaction, alors il n'aura plus qu'une seule issue : essayer de trouver mieux ailleurs. Mais le mieux se niche-t-il vraiment de l'autre côté de la montagne ? Cinquante ans après sa parution, ce roman n'a pas pris une ride. Il garde toute sa force d'évocation, et ses thématiques restent brûlantes d'actualité. Un livre à lire absolument.
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Les Saisons

Un petit village dans la montagne, on sait pas bien où, mais qu'importe. Il fait froid, c'est paumé et pas très accueillant, la bonne ambiance, quoi. Et ce n'est rien de le dire. Le début de ce livre m'a vaguement fait songer à Derborence de Charles-Ferdinand Ramuz, peut-être à cause de cet espace-temps distendu et de la chape montagnarde. Cette montagne où tous les espoirs - et les drames - sont permis.

Et puis Maurice Pons m'a emmené dans une histoire à laquelle je n'étais pas vraiment préparé. J'y ai parfois trouvé des effluves de Dogville, le film de Lars von Trier. J'ai bien essayé une fois ou deux de récupérer ma main pour aller lire ailleurs, mais rien à faire, ce diable d'homme a bien su s'y prendre pour m'emmener jusqu'au bout de son bout de livre. Je l'ai refermé avec un grand sourire, un peu crispé par certains excès, certes, mais tout de même enchanté de cette aventure sans risque, car seulement livresque, ouf. Enchanté ? Vaudrait-il mieux dire ensorcelé ? Envoûté ? C'est un sorcier, cet écrivain, je vous le dis. Je vais attendre un peu, histoire de souffler avant de lire le prochain…
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Les Saisons

Quel étrange roman. Difficile à définir. Difficile à cerner aussi car sous l’étrangeté de l’univers que décrit Maurice Pons, on y cherche le sens caché. Les Saisons me fait l’effet d’une oeuvre à clefs. Le narrateur, écrivant cherchant la solitude pour écrire l’oeuvre témoignage de sa vie, ne peut pas ne pas être Maurice Pons par certains côtés au moins.



Mais c’est d’abord cette histoire qui nous entraine dans une folie insensée et décalée. Le style nous accompagne entre un grotesque hilarant et un malaise indéfinissable. Tout semble pouvoir arriver dans ce village oublié du monde où Les Saisons sont probablement métaphoriques. Que pensez de 16 mois de pluie que suivent 40 mois de gel finissant par quelques mois de neige. Et ces rappels au triste passé du narrateur évoqué par la sécheresse?



J’ai essayé de trouver les parallèles en lisant quelques avis et chroniques et le plus probant, pour moi, sans être certain qu’il y a réellement un lien, c’est que le temps d’avant (sécheresse traumatique) fait référence à la Guerre d’Algérie (Guerre terminée peu avant la sortie du roman). Par ailleurs, Maurice Pons a écrit Le Passager de la nuit sur cette Guerre. De plus (calcul perso), le temps de Les Saisons (16+40) donne à peu près la durée de la Guerre d’Algérie. Je vous laisse en penser ce que vous voulez. 😉

La suite sur le blog…
Lien : http://livrepoche.fr/les-sai..
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Le passager de la nuit

Sont-ce des pages ou des kilomètres qui défilent sous nos yeux ? Les deux, mon capitaine, dirait-on à la fin des années 1950, dans le djebel algérien, ou dans la casba d'Alger, entre deux opérations pour traquer et dénicher les indépendantistes algériens. L'époque est à la guerre, la sale guerre, pudiquement qualifiée d'opération de police par les autorités françaises. De la guerre d'Algérie, le narrateur, Georges Peltier, ne connaît rien, ou presque, enfin ce qu'en disent les journaux ou les actualités ; il s'en moque, de cette guerre : elle ne le concerne pas.



Georges écrit des nouvelles pour des journaux. L'une d'entre elles a plu : elle est adaptée au cinéma. C'est pour cela qu'il se rend, à bord de son bolide de sport, à Champagnole, dans le Jura. A ses côtés, un passager qu'il ne connaît pas, un Algérien, qu'une amie commune lui a demandé d'emmener avec lui. Le soir tombe sur Paris et la route vers l'est défile. Georges et son passager s'enfoncent dans la nuit et le silence. Peu à peu, le passager révèle des bribes de sa vie, sans tout en dire. A travers l'Yonne, la Côte-d'Or et le Jura, perçant les limbes de la nuit, parviennent aux oreilles de Georges les vérités algériennes : le sale visage de la guerre, les morts, les blessés, les amis perdus, le manque d'eau, l'absence de médicaments, la colère contenue et la rage de combattre. Mis face à son ignorance volontaire, à son refus de prendre parti ou de réfléchir à une situation pourtant dramatique, Georges se retrouve confronté à la brutale tragédie de son époque. Par sa seule acceptation de conduire un inconnu, Georges entre en résistance et prend parti, opposant alors conscience personnelle et inconscient patriotique.



Il y a quelque chose d'hypnotique dans l'écriture de Maurice Pons. Les phrases sont simples par le vocabulaire choisi et par leur syntaxe ; aucun élément narratif n'est une grande aventure et, pourtant, chacune des péripéties, si ce mot n'est pas trop grand (un repas au restaurant, l'arrêt à la station service ...), révèle toute la lourdeur de cette guerre qui est tue. Par son choix de rapporter le récit de l'Algérien de façon fragmentaire, Maurice Pons ne fait pas qu'entretenir le mystère ; il renforce le caractère solennel et marquant de cette promenade nocturne dans la mémoire du narrateur. Il fait aussi entrer le lecteur dans un rôle de partisan indépendantiste : sachant et ignorant à la fois, reconnaissant la cause de son combat et ignorant pourtant les détails qui seraient impossibles à taire en cas d'arrestation. Le caractère hypnotique tient aussi au cadre du récit : le voyage automobile, nocturne, apparaît comme une bulle de liberté, garantissant le secret du huis-clos et la promesse des grands espaces que rien ne délimite ni n'emprisonne.
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Les Saisons

Etrange, étonnant, remarquable, scotchant. Une ambiance à couper au couteau dans une époque indéfinie, où les repères sont déformés, dévoyés. Il ne reste que l'épaisseur de l'humain dans la clôture de ce village de nulle part, et les règles d'une étrange sociabilité rugueuse. Une vie de misère, un climat effroyable, la brutalité de la nature et des hommes. On assiste à la lente intégration-assimilation-désintégration du héros, bizarre ovni travaillé par la passion de l'écriture. Le héros, la pourriture, l'écriture. Tout est bizarre, dans ce roman, décalé, troublant, au cœur de la nature humaine. C'est sombre, lumineux, rare.

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Les Saisons

Un des livres de mon Panthéon littéraire. Prodigieux, inoubliable. Une fable, et combien réaliste, sur notre condition humaine.
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Les Saisons

Déroutant roman que ces Saisons qui nous laissent touché d’images à l’inverse de la grâce, embourbé dans une obscure vallée, d’une obscurité de décomposition et de subconscient, que l’on voudrait aussi loin de nous que possible, en laquelle on pressent cependant le terrain d’une parabole humaine autour de la noirceur des âmes et du salut par l’art, du rapport à l’autre aussi, qu’il soit l’étranger ou l’artiste. Déroutant, disais-je, et si prenant, aussi touchant que dégoûtant.



[Impression de lecture développée sur Psycheinhell :]
Lien : http://psycheinhell.wordpres..
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Les Saisons

Conte fantasmagorique, fable monstrueuse ?



Ce titre va rester gravé dans ma mémoire.



Le grotesque côtoie le merveilleux, le burlesque le vulgaire, l'imaginaire à la sombre "réalité"



Vos émotions passeront par de multiples états. De la joie, la peur, l'horreur, le dégoût, le désespoir et bien sûr l'espoir



Pensez-vous qu'un âne puisse vous grignoter les doigts de pieds infectés par la gangrène ?

Et bien, dans ce fin fond du monde, c'est la méthode médicale du rebouteux local.



Et quel est le passé de Siméon ce voyageur solitaire venu s'isoler pour écrire ?

Dont la seule fortune sont des pages de papier ?



Lecture troublante mais surtout marquante.

Dois-je préciser que je vous en conseille la lecture ?
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L'oiseau bariolé

Un jeune enfant polonais errant seul pendant la deuxième guerre mondiale, victime de la cruauté généralisée de paysans arriérés souffrant eux aussi des restrictions dues à la guerre ; une cruauté d'une violence inouïe de l'ensemble de la population de cette région : tout à déjà été dit dans les autres commentaires.

C'est néanmoins une sacrée étude psychologique :

- comment détruire un être humain au plus profond de lui-même ...

- comment savoir se sauvegarder corps et esprit, de harcèlements épouvantables ...

- comment s'entretiennent tous les dogmes religieux ou idéologies politiques pour dompter et asservir le peuple ...

- sur les réactions des uns et des autres devant une personne (et même un enfant) au physique différent ...

-sur les conséquences phénoménales des traumatismes ...



À ne pas lire si vous vous sentez psychologiquement fragile et préférez vous protéger.

À lire absolument si vous osez vouloir renforcer votre force morale.
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Les Saisons

Noir c'est noir, il n'y a plus d'espoir !... ..............................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................

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Souvenirs littéraires et quelques autres

Maurice Pons rassemble, à la fin du 20e siècle, dans ses "Souvenirs littéraires",  des extraits d'œuvres anciennes ou oubliées, des anecdotes autour de ses romans et de ses activités, en une sorte de making-of de son œuvre et de sa vie. Les premières pages sur son enfance à Strasbourg, pleines de charme et de nostalgie, oscillent entre la trilogie autobiographique de Pagnol et l'essai "Composition française" de Mona Ozouf. En quelques pages savoureuses, on apprend beaucoup sur la situation singulière de l'Alsace entre les deux guerres, ses rapports difficiles avec la langue française, et le drame de "malgré-nous" à travers l'inoubliable figure de Materne. Le récit picaresque de la publication des œuvres complètes de Jonathan Swift dans la Pléiade par le professeur Emile Pons, son père vieillissant, est un mélange savoureux de piété filiale et de règlement de comptes, puisqu'il est du destin de chaque fils de tuer le père, surtout s'il est écrivain. Les amateurs retrouveront avec bonheur l'introduction de Maurice Pons à la publication des Voyages de Gulliver en livre de poche. On découvre aussi un écrivain engagé et courageux, signataire du manifeste des 121 en 1960, toile de fond de son roman "Le passager de la pluie". Sa préface au livre d'Edita Morris, "Les fleurs d'Hiroshima" dit aussi son horreur de l'arme atomique. La publication d'une nouvelle intitulée "La vallée" dans le numéro 9 des "Lettres Nouvelles" préfigure le roman culte "Les saisons". Au détour du récit surgissent les figures familières et facétieuses de Georges Perec et de Simone Signoret qui font apparaître notre auteur comme un oulipien expert et un "ghost writer "raté. Depuis le Moulin d'Andé, abbaye de Thélème, c'est toute la vie littéraire et artistique du siècle qu'il fait surgir dans des pages enjouées, familières et enrichissantes. Chacune de ses œuvres fait l'objet d'une mise en perspective fort peu académique, mais dans une langue limpide, un peu à la manière de Joseph Conrad, à la fois pour renseigner et égarer le lecteur. Un absolu plaisir de lecture !
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Les Saisons

Peur de l'étranger, différences culturelles et quiproquos, intégration... l'herbe est-elle vraiment plus verte ailleurs ? Sous des devants de conte rural sale et drôle, Maurice Pons nous offre une panoplie humaine superbe avec en prime comme personnage principal un "auteur en devenir" procrastinateur qui laisse pensif.
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