Citations de Mélanie Fazi (278)
Il y a en cuisine et sorcellerie, comme en art, la part de figures imposées et la touche personnelle. La signature. Un mariage d'épices ou de saveurs un peu plus audacieux. Une métamorphose enrichie de détails symboliques.
On s'enivre vite de ne plus connaître d'attaches.
Il suffit de peu pour réveiller l'estomac d'un homme.
Certains griefs ne connaissent pas l'usure.
La route, on s'y embarque, mais on ne sait jamais quand on en sortira.
La route n'est pas un endroit pour les humains privés d'armure.
On passe tellement d'année à s'interroger sur le sens de sa vie. Pourquoi pas, ensuite, chercher un sens à sa mort ?
Un corps, on naît avec, mais rien n'empêche d'agir sur lui.
L'espoir vous mine plus sûrement que l'oubli.
C'est si facile de devenir une épave. Avec le chagrin pour alibi, tout devient permis.
S'il te plaît, dessine moi une pulsion.
Le temps qui passe et les jours qui se transforment en années. Arrive le moment où l'on se demande, un peu plus sérieusement, ce qu'on est en train de faire de sa vie. On commence son bonhomme de chemin, on accepte le premier boulot venu, "comme ça, en attendant", puis l'usure s'installe. On se persuade qu'on aura le temps de changer de trajectoire, mais ça rétrécit. Et ce chemin-là, il devient de pus en plus difficile d'en dévier.
Tu comprends maintenant ce qu'ils viennent tous chercher ici ? Le souvenir du temps où le vieux pays nous appartenait, où nous étions le centre de toutes les croyances. Pour Prométhée, la mémoire d'un temps d'avant le vol du feu, d'avant le supplice de l'aigle. Toi, Ulysse, tu entends claquer les voiles gonflées de ton navire. Ta peau retrouve la mémoire délicieuse des embruns. Tu ne t'es jamais remis d'avoir dû toucher terre au bout de ton périple. Avoue que tu n'as pas aimé voir la traversée prendre fin. On s'enivre vite de ne plus connaître d'attache.
La voix des morts ne s'éteint jamais. Ils sont partout et c'est eux que je traque. Elle est là, aussi, la marque de l'Histoire. Mais c'est sans doute le lot de toutes les grandes cités. Peut-on traverser les siècles et rester inchangée ? Venise, on l'a peuplé de millions d'âmes. On l'a prise pour confidente de milliers d’intrigues et de complots. Ses eaux ont caché des disparus par centaines. Il n'y a pas que les pierres qui se nourrissent du passé.
Tu n'étais pas tout blanc non plus, Ulysse. Tu as menti à ce type, Homère, quand il est venu te trouver pour écrire tes mémoires. Tu as menti parce que c'est le verbe qui nous façonne. Je suis de la même étoffe que toi, n'oublie pas, l'étoffe dont sont taillés les mythes. Humains, dieux ou titans, nous sommes tous de cette espèce qui n'oublie jamais, ni ne pardonne. C'est notre essence même, puisqu'on nous a créés pour la fureur et la vengeance. J'ose dire que nous y excellons.
Quelle leçon tirer d'une épreuve qui glisse sur vous pour vous laisser seulement un peu plus vide ?
Dans le confort de ses certitudes, on se répète souvent que le moment venu, dans une situation extrême, on saura se dépasser. Poussé à bout par l'urgence, la nécessité, que sais-je encore. Un coup d'oeil dans l'abîme m'a suffi : j'ai perdu le bénéfice du doute. Même mon remords, aujourd'hui, est égoïste.
Couleurs de crépuscule : un bleu irréel là où commence la nuit, une rose d'aquarelle qui déteint sur le crépi. Quelques nuances d'un jaune bâtard entre les deux. Premières étoiles et le disque pâle de la lune qui s'esquisse doucement.
Elle était de ces gens chez qui l'hospitalité passe par le ravissement du palais. Son affection pour ses proches se mesurait à l'aune des heures qu'elle consacrait à leur mitonner des plats.
La musique adoptait les contours d'un dragon, et jusqu'à sa couleur. Elle ignorait que des sons puissent se traduire par des couleurs, mais si cette chanson en possédait une, c'était forcément le rouge sang des écailles.