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Critiques de Michel Bernard (253)
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Les bourgeois de Calais

Après avoir accompagné Jeanne d'Arc jusqu'au bucher (1431) dans « Le bon coeur » et l'avoir réhabilitée lors du procès (1456) dans « Le bon sens », Michel Bernard poursuit l'étude la Guerre de cent ans en faisant revivre « Les bourgeois de Calais » (1347), en décrivant le projet d'un monument en leur hommage prévu en 1889 pour célébrer la fusion des villes de Calais et De Saint-Pierre à l'occasion du centenaire de la révolution.



Détaillant le délicat partenariat entre la municipalité de Calais, maitre d'ouvrage, et le sculpteur, maitre d'oeuvre, le romancier, par ailleurs préfet, plonge dans les arcanes politiques, économiques et médiatiques d'un dossier compliqué par un contexte sanitaire qui évoque l'actuel COVID.



L'intrigue débute en 1884, d'un coté Oscar Dewarin (1837/1904), notaire et maire de Calais, de l'autre Auguste Rodin (1840/1917), alors âgé de 44 ans, à la notoriété naissante. Dès leur première rencontre, le courant passe, et Rodin propose rapidement une maquette originale, moderne, en rupture avec les codes de l'époque. Le conseil municipal vote un accord quasi unanime.



Les années passent, les élections se suivent et Paul Gustave van Grutten succède à Dewavrin, pendant que Rodin modifie son esquisse, est abandonnée par Camille Claudel et que les délais dérapent alors que l'artiste, mis sur orbite par Claude Monet, et honoré soudain de multiples commandes, se disperse. L'objectif 1889 s'évapore …



Une crise économique survient qui fragilise la prospérité du port de Calais, ruine la banque où étaient placés la souscription finançant le monument, et contraint le notaire Dewarin à vendre son étude.



Mais les électeurs l'élisent à nouveau maire de Calais et Léonine son épouse le remotive. le choléra s'abat en octobre 1892 sur les quartiers défavorisés de Calais, Oscar et son épouse prennent le problème à bras le corps et éradiquent le mal en quelques jours ce qui permet de relancer le projet qui est finalement inauguré en juin 1895.



Michel Bernard romance ces onze années et ressuscite Rose Beuret, la compagne dévouée de Rodin, Rainer Maria Rilke, son secrétaire, et dévoile progressivement la mystérieuse alchimie propre à la création d'un chef d'oeuvre aujourd'hui mondialement apprécié, mais dont la naissance fut entourée de polémiques comparables à celles qui vilipendèrent le Monument à Balzac commandé par Zola et La Société des Gens de Lettres.



Une fois encore Michel Bernard s'impose avec un ouvrage aussi instructif que passionnant rédigé d'une plume classique et élégante qui livre un émouvant mémorial au couple Dewavrin.
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Deux remords de Claude Monet

Une réussite !

Oui vraiment, ce roman biographique est superbe à plus d'un titre.

Non, il n'est pas une nième bio quelconque de Claude Monet.



Les choix biographiques tout d'abord, articulés en trois parties portant les prénoms de Frédéric Bazille, Camille Doncieux et Claude Monet, respectivement l'ami soutien des débuts, la première épouse adorée et l'artiste lui-même, symboles d'amitié, d'amour et de passion de peindre - ils sont des marqueurs forts de la vie de Claude Monet. Ayant achevé ma lecture il y a quelques temps déjà, ils restent toujours présents à mon esprit, témoins d'un souvenir de lecture agréable, persistant et bien sûr d'une vie hors du commun.



Le style de Michel Bernard ensuite est incontestablement le plus de cet ouvrage. À la fois poétique et très précis, c'est une belle découverte pour moi qui apprécie tant la poésie. L'auteur ne se perd jamais en digressions inutiles, effets poétiques superflus ; le ton est clair et juste, le propos instructif et captivant.

On sent l'admiration de l'écrivain pour le peintre et c'est un réel plaisir de partager sa perception de l'édification de la personnalité du chef de file des impressionnistes grâce à sa propre sensibilité poétique. Et que dire de l'analyse fine et sensible de quelques oeuvres : un mélange de palettes picturales et littéraires !



Enfin, l'objet livre pour finir. Pour une fois, les principaux tableaux évoqués dans le roman, au nombre de quatre, sont reproduits en couleurs. Certes, il ne s'agit pas de reproductions dignes d'un livre d'art, mais j'ai tellement apprécié l'illustration immédiate et parlante des propos de l'auteur. C'est suffisamment rare pour être salué. Ces tableaux habitent le livre tout comme ils jalonnent la vie et l'évolution de l'artiste.



Une belle surprise de la rentrée littéraire sous le signe de l'amitié, l'amour, la passion de peindre et la nature omniprésente.



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Pour Genevoix

En cette année 2020 où Maurice Genevoix entre au Panthéon, et avec lui tous « ceux de 14 », qui mieux que Michel Bernard pouvait écrire une biographie de ce grand français ?



Né dans le Barrois, à proximité de Verdun et de la tranchée de Calonne, Michel Bernard arpente depuis 60 ans le bois des Eparges où le 25 avril 1915, le Lieutenant Genevoix perdit l'usage de son bras gauche. Ami de Bernard Maris, gendre de Genevoix, assassiné le 7 janvier 2015 lors de l'attentat contre Charlie-Hebdo, il a souvent évoqué avec lui la Grande Guerre et les destins du Capitaine Ernst Junger et du Lieutenant Genevoix que les combats mirent l'un en face de l'autre au printemps 1915.



Préfet, le haut fonctionnaire a su influencer le Président de la République en 2018, et lui suggérer de rendre hommage aux poilus en honorant le normalien qui immortalisa le sacrifice des combattants. de la rue d'Ulm à la Place du Panthéon, la distance est courte mais aura nécessité un siècle pour être parcourue !



« Pour Genevoix » » est un magnifique hommage à l'auteur de « ceux de 14 », « Le Roman de Renart » et « Raboliot » mais c'est aussi une analyse des racines intellectuelles du grand écrivain formé par une solide culture gréco romaine, une parfaite connaissance de l'oeuvre de nos poètes et une existence ancrée dans un terroir séculaire qui lui avaient donné le sens du réel, du concret, du travail créateur et qui ont contribué à forger son style imagé, sculpté de mots concrets, rythmé par l'observation des hommes au sein de la faune et de la flore et lui ont ainsi permis de nous transmettre une oeuvre inoubliable.



Si Genevoix est aussi lu aujourd'hui, un siècle après le début de sa gloire, c'est que la langue qu'il emploie et qu'il transmet est l'une des plus claires, des plus émouvantes, des plus achevées qu'un écrivain de culture française ait gravée.



Il serait juste que La Pléiade accueille enfin l'immortel.
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Le bon sens

« Un jour de l'automne 1435 … comme pour lui même Guillaume Manchon murmura : « … ce qui est écrit ne meurt pas » ». Cette évidence concluait « Le bon coeur », publié en 2017.



En aout 1449, Guillaume Manchon, ses archives et son chat Grigri introduisent « Le bons sens », suite attendue de l'histoire de Jeanne dont le centenaire de la canonisation devait être célébré le dimanche 31 mai 2020. Un diabolique virus contrarie cette commémoration, mais Michel BERNARD reprend le flambeau de Jules MICHELET proclamant « Elle […] eut une action par la vive lumière qu'elle jeta sur une situation obscure, par une force singulière de bon sens et de bon coeur. » et mêne une enquête passionnante sur la réhabilitation de Jeanne d'Arc.



Comme dans son précédent opus, l'auteur débute chaque chapitre par le nom du personnage dont il narre un épisode historique en le plaçant dans une chronologie et une géographie très pédagogique.



Entrent successivement en scène :

- Charles VII, lors de la libération de Rouen, en novembre 1449, proclame une amnistie générale … mais est informé par Guillaume Manchon qu'une réouverture du procès de 1430 se justifierait.

- Agnès Sorel, prématurément décédée le 9 février 1450, brise de chagrin son royal amant, qui décide le 15 février une enquête sur le procès de celle qui le fit couronner.

- Jean d'Orléans, Comte de Dunois, compagnon d'armes de la pucelle, devenu Lieutenant Général, reprend Harfleur, puis Honfleur et boute les anglais hors de Normandie puis d'Aquitaine.

- Guillaume Bouillé, Dominicain chargé de l'enquête avec le grand Inquisiteur Brehal et le juge Jean Jouvenel des Ursins, dont la puissante famille assiège le trône.

- Guillaume d'Estouteville, légat d'un Pape, préoccupé par la chute de Constantinople le 29 mai 1453 et le rêve de mobiliser le Roi de France et le Roi d'Angleterre dans une croisade pour protéger la chrétienté.

- Jean Fouquet, le peintre officiel de la cour chargé d'immortaliser Agnès Sorel et « Le très victorieux Roi de France, Charles septième du nom », dans un contexte troublé par l'arrestation de Jacques Coeur, le Grand Argentier du Royaume.

- Isabelle Romée, la mère de Jeanne, accompagnée de deux de ses fils vient demander que Justice soit rendue.



Michel Bernard, préfet en disponibilité, a l'expérience du pouvoir et sait qu'en France l'administration et la justice sont infaillibles, mais qu'il peut (très exceptionnellement) arriver que l'état souffre d'une information incomplète voire déficiente. Dans ce cas, une commission d'enquête se distingue en désignant un responsable, idéalement décédé, ou, plus prudemment, dote ses membres de munitions pour l'avenir en constituant des dossiers riches en pièces à conviction …



Ici l'Evèque Pierre Cauchon est le mort idéal (collaborateur de la perfide Albion au nom prédestiné) et l'ambitieux Thomas de Courcelles, juge au procès de 1431, avant de se rapprocher du Roi en 1435, réalise une carrière exceptionnelle achevée en apothéose en prononçant l'éloge funèbre du Roi le 8 aout 1461 … après réussi à écarter les documents compromettants pour sa réputation et sa réussite. Ceci nous offre des pages croustillantes rédigées de main de maitre par un écrivain aussi politique que talentueux et parfaitement lucide sur les arcanes gouvernementales.



Assurément « Le bon sens » est un ouvrage passionnant, sur un épisode judiciaire et historique peu traité par les historiens.



Mais, il n'est pas parfait … car il occulte le fait que lacérer en place publique l'acte d'accusation de 1430 n'est qu'une réhabilitation partielle de l'accusée qui confortait la légitimité du Roi mais n'innocentait pas totalement la bergère. Michel Bernard ne semble pas avoir pris connaissance de la thèse du Colonel Charles Boulanger « 7 juillet 1456, enterrement de l'affaire Jeanne d'Arc : Triomphe de l'université de Paris ». La prétendue abjuration de Jeanne est réaffirmée par le verdict de 1456, et des prières publiques ordonnées, pour le salut de son âme !



Il faudra plus de quatre siècles et le procès canonique ouvert par Pie X pour établir la vérité.



Espérons donc que notre auteur, qui préparerait une suite centrée sur Jean de Dunois, se replongera dans l'examen des procès successifs de Jeanne et la réhabilitera dans la plénitude de sa gloire.
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Hiver 1812 : Retraite de Russie

Dédié « A ceux qui n'ont pas de nom ; aux chevaux », ce récit de la retraite de Russie met en scène une douzaine d'acteurs et actrice qui ont vécu cette tragédie, ont survécu, et ont témoigné sous diverses formes au XIX siècle.



En 2019, Michel Bernard publiait « Hiver 1814 : Campagne de France », et chevauchant avec l'état major impérial, dominait du haut de sa monture les protagonistes s'affrontant du 26 janvier au 20 avril 1814.



« Hiver 1812 : Retraite de Russie », scénarise l'incendie de Moscou (15 septembre 1812), le harcèlement des russes menaçant approvisionnement et communication de la Grande Armée, le délitement de la discipline dans les unités oisives errant dans les ruines moscovites, puis le « repli stratégique » initié par l'Empereur le 18 octobre .



Débute une longue marche vers l'ouest, dans des conditions climatiques de plus en plus rigoureuses, sur la terre brulée par les Russes. Progression harcelée par des cosaques surgissant de partout, tout le temps, avec en fond de décor l'armée de Koutouzov, remplaçant perpétuellement ses pertes, qui donne des coups de boutoir à Smolensk, à Krasnoïe, le long de la Berezina, puis à Vilna. Dans les coulisses de l'état major russe, les « observateurs anglais », suggèrent des initiatives guidées par une stratégie qui fera de l'Empire Britannique la puissance dominant le siècle 1814-1914.



Au fil des combats, des distances, des jours, les chevaux meurent de faim et de froid, et sont avalés par une troupe de plus famélique et frigorifiée. Les officiers marchent aux cotés des soldats et nous vivons la retraite à hauteur de combattant, comme dans les écrits d'Erckmann-Chatrian.



Cote à cote, le Sergent Bourgogne, le Colonel de Montesqiou-Fézensac, le Lieutenant Faber du Faur, le Commissaire Henri Beyle (Stendhal), le Soldat Jakob Walter, le Colonel Griois, le Lieutenant Hubert Lyautey (grand-père du Maréchal futur protecteur du Maroc) combattant et retraitent dans une débandade que Napoléon et Caulaincourt fuient le 5 décembre laissant environ 10 000 hommes arriver sur le Niémen le 13 décembre.



La Grande Armée en comptait dix fois plus en juin au début de la campagne … beaucoup sont morts anonymement dans l'immensité russe, quelques uns s'y sont enracinés, d'autres ont réussi à rejoindre durant l'hiver ou au printemps 1813, après avoir été emprisonné, comme Louise Fusil dont les « souvenirs d'une actrice » furent publiés en 1841.



Michel Bernard fait son miel des mémoires des uns, des dessins du Lieutenant Faber, des écrits des autres et restitue un récit poignant qui rend hommage au sacrifice de l'arrière garde, animée par le Maréchal Ney, et aux souffrances d'une armée qui perd en Russie sa puissance et sa réputation d'invincibilité … Les Autrichiens, les Prussiens, les Saxons, en 1813 et 1814, abandonnent l'Empire et rejoignent au fil des mois la coalition qui triomphe en 1814 et 1815.



Ce désastre anticipe un siècle plus tard l'offensive du III Reich brisée par le Général Hiver, l'immensité russe et le sacrifice de millions d'hommes et de femmes. Eugenio Corti connaitra les affres de la Bataille de Stalingrad et témoignera que « La plupart ne reviendront pas » en rappelant l'anéantissement des divisions italiennes et roumaines en 1942-1943 …



Comment ne pas songer aux combats actuels entre russes et ukrainiens en lisant ces pages superbement écrites par un écrivain inspiré par les instants le plus dramatiques de notre histoire ?



PS : ma critique de Hiver 1814 : Campagne de France
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Hiver 1814 : Campagne de France

Après des années de fidélité à La Table Ronde, l’auteur de « Pour Genevoix » publie chez Perrin « Hiver 1814 », un récit historique consacré à la Campagne de France, du 26 janvier, à Châlons sur Marne, aux adieux de Fontainebleau le 20 avril. Ouvrage superbe, doté d’une carte où les distances sont étalonnées en Lieues et en Kilomètres, qui permet de suivre les dernières étapes de l’épopée napoléonienne dans une région chère à Michel Bernard pour qui « les paysages sont nos royaumes ».



Cette Campagne de France a permis au XIX siècle à Erckmann-Chatrian de nous offrir "Le conscrit de 1813", "L'invasion ou le fou Yegof", "Le Blocus", où les batailles étaient vécues aux cotés des conscrits et des grognards. Avec Michel Bernard, nous combattons et gouvernons aux cotés de l’empereur, de ses maréchaux et de ses généraux. L’héroïsme et la trahison se côtoient, Oudinot, Lefèvre et Caulaincourt d’un coté, Talleyrand et Marmont de l’autre …



Erckmann-Chatrian évoquaient l’Alsace, les Vosges et la Lorraine, Michel Bernard lui ne s’éloigne guère du Barrois et chemine dans le froid et la boue du Chemin des Dames à Colombey les Deux Eglises. Et dans ce calvaire Napoléon enchaine les victoires avant d’être vaincu par le nombre et le complot.



Ce crépuscule est bouleversant et s’inscrit parfaitement dans le travail de mémoire entrepris par l’écrivain qui a antérieurement évoqué « Les deux remords de Claude Monet », « Les forets de Ravel », Jeanne d’Arc « Le bon coeur », et son ami Bernard Maris, gendre de Maurice Genevoix, assassiné aux cotés des journalistes de Charlie Hebdo en janvier 2015.



Coup de foudre, cet "Hiver 1814" est un chef d'oeuvre écrit d'une plume aussi classique qu'élégante, autant dire éternelle.



PS : ma critique de "Pour Genevoix"
Lien : https://www.babelio.com/livr..
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Deux remords de Claude Monet

Une grande émotion pleine d'admiration à la lecture de ce livre que je trouve proche de la perfection quant au style, à l'équilibre dans sa composition et à la beauté qu'il fait naître à chaque page.

Trois parties, trois prénoms : Frédéric, Camille, Claude. La plus développée, centrale, est celle consacrée à Camille, à la vie de Monet auprès d'elle, entourée de Frédéric l'ami mort lors de la guerre de 1870 et de Claude, Claude Monet qui survit à Camille et va offrir les nymphéas à la France après la guerre de 14-18 à une condition, que l'état accepte d'acquérir "Femmes au jardin" tableau que Frédéric Bazille avait acquis pour que Monet ne meurt pas de faim, que Manet aura en sa possession, revenu ensuite à Monet. ; tableau qui fait le lien entre tous ces amis, tableau où figure Bazille, Camille-Gabrielle modèle qu'aimait Frédéric...



Michel Bernard nous fait épouser la vie de Monet à travers ses tableaux rayonnant d'une joie lumineuse. Monet jouit de la vie, de la fugacité de la lumière qui nimbe des instants précieux vite disparus qu'il parvient à fixer sans les figer. Sa vie et ses tableaux ne font q'un. Avec délicatesse l'auteur sait traduire la plénitude dont Camille entoure Monet qui lui permet de donner tout à la création.

De Camille émane une douceur sereine qui permet à Monet de créer dans une atmosphère de quiétude aimante. "Camille était son talisman" p 118

"Renoir disait de son ami que "Monet ne peignait que ce qu'il aimait, qu'il aimait profondément, qu'il n'avait rien appris dans l'atelier du père Gleyre, rien appris nulle part. Son seul maître, c'était l'amour, l'amour de ce qu'il avait sous les yeux et qui était beau. "Et comme il a beaucoup d'amour, il est un grand peintre, un très grand peintre." p 104

En quelques coups de brosse, Renoir saisissait le rosissement de Camille. C'était vrai qu'elle avait quelque chose de spécial. de l'âme de cette femme était passée dans la peinture de Claude Monet, son mari."

Dans sa vieillesse Claude Monet se souvient que "Autrefois, à part Renoir, Sisley, Bazille et Manet, ses camarades de jeunesse, Camille avait été l'unique présence supportable au moment où il peignait. Sans le lui dire, au contraire, il aimait et désirait que Camille se tienne près de lui. Il travaillait plus sereinement. Elle absorbait son angoisse, le rassurait. Il sentait le silence de sa femme éponger l'inquiétude de son âme. Il n'avait jamais su le lui dire autrement que dans la violence de l'amour."



Michel Bernard en saisissant la vie de Monet comme un tout, sa passion pour la peinture se confondant avec son amour pour Camille et pour le monde qui l'entoure, nous fait entrer dans cet univers lumineux pour en partager la beauté mais aussi la souffrance car l'artiste est en guerre, en guerre avec lui-même pour créer, pour extraire la beauté de la confusion. Il a l'intuition de ce qu'il souhaite mais le chemin à suivre pour y parvenir se fait à tâtons en détruisant et recommençant, à part lors de quelques moments de grâce comme la pie, la robe verte, Camille derrière la vitre en hiver qui sont nés dans une fulgurance.



"Il habitait ses tableaux et connaissait par coeur le corps de son modèle. La femme élégante qui les traversait, dont l'ombrelle prenait autant de blanc qu'un nuage, était la sienne, l'enfant nageant dans les herbes était le sien. Il respirait l'air qu'il peignait et s'y représentait lui-même et l'intérieur de lui-même, son rêve et la beauté des choses." p 96



Si la lutte pour la création est invisible aux regards extérieurs, elle n'en est pas moins violente, elle consume celui qui la mène. La guerre elle-aussi détruit mais sans offrir au monde la moindre beauté. Semeuse de mort comme la maladie.

C'est la mort des êtres chers qui fait naître le remords, le remords de n'avoir pu les sauver.



"Les deux remords de Claude Monet" se clôt sur l'amitié qui lia Clémenceau et Monet :

"Un jour de décembre 1914, un peu avant le premier Noël dans les tranchées, Clémenceau, en route vers sa résidence de Bernouville, en Normandie, avait fait halte à Giverny."

Monet à table avait parlé (à son vieil ami Clémenceau) de son projet, affermi pendant l'automne : reprendre le chemin de l'étang, poursuivre ses travaux sur les nymphéas, mais à grande échelle" et " Clémenceau songea au général qu'il avait vu la veille, lors d'une réunion de la commission de la guerre, désigner sur une cartes les objectifs des prochaines attaques françaises, tirer des lignes et frapper du bout des doigts les crêtes tenues par les Allemands. Monet, qui allait se battre avec l'inconnu, était plus convaincant" p 191

Clémenceau va soutenir et aider Monet car "Il comprit ce jour-là, avant le peintre lui-même, le projet grandi dans sa rumination et sa volonté..."



Et voilà de quoi abolir tous remords, cet extrait d'une lettre de Clémenceau à son vieil ami :

"Jusqu'à la dernière minute de votre vie, vous tenterez, et vous achèverez ainsi le plus beau cycle de labeur. Je vous aime parce que vous êtes vous et que vous m'avez appris à comprendre la lumière. Vous m'avez ainsi augmenté. Tout mon regret est de ne pouvoir vous le rendre. Peignez, peignez toujours jusqu'à ce que la toile en crève. Mes yeux ont besoin de votre couleur et mon coeur est heureux."

(cité par Alexandre Duval-Stalla dans "Claude Monet - Georges Clémenceau, Une histoire, deux caractères)



Moi-aussi je ressors de cette lecture avec les yeux pleins de couleurs et le coeur heureux et j'en remercie Babelio et les éditions de la Table Ronde qui me l'ont offerte.

b
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Deux remords de Claude Monet

« La plaine bleuie éclairait le ciel, cuivrait le ventre des nuages. Il n’entendait que ses pas dans la neige, le crissement de la glace écrasée par se souliers, un chien qui aboyait, une galopade d’écoliers en sabots, la buée de leurs souffles et, coulée entre les rideaux, répandue sur les jardinets étouffés, la lumière venue des fenêtres des villas. Il restait un moment devant la sienne à regarder l’intérieur des pièces dans lesquelles, il allait rejoindre les silhouettes familières qui glissaient d’une pièce à l’autre. Il restait là, voyageur au seuil de sa maison, et goûtait dans le froid et l’obscurité, la certitude de la petite main de son fils et du baiser de sa femme. »



Je referme ce livre particulièrement émue. J’y ai retrouvé la beauté de l’écriture de Michel Bernard, cette facilité avec laquelle les termes choisis, écrits, sont des passeurs d’émotion. Ses mots sont chargés de poésie mais aussi de sentiments, d’histoire, ils suscitent en nous des sensations, des réminiscences, des images. L’auteur réalise un travail d’orfèvre d’autant plus si l’on est sensible à la beauté. C’est aussi un ouvrage d’un grand amoureux des arts, fin connaisseur qui est habité par son sujet. Il parvient à nous faire comprendre que l’obsession de Monet, c’était le côté éphémère des êtres et des choses, des couleurs. Il transcendait son inquiétude par son amour passionné de la nature qui elle, se renouvelle.



A la lecture de cette autobiographie, magnifiquement romancée, on comprend mieux cette obsession du périssable et pour cause. Derrière le Maître incontesté de la peinture impressionniste, derrière la reconnaissance du Monde entier, que de douleurs, que de souffrances cette notoriété masque. Ce grand bourru, ce taiseux, que d’épreuves aura-t-il eu à traverser. La vie ne l’aura pas ménagé.



Je reconnais avoir une grande tendresse pour les impressionnistes. A la lecture de ce livre, je me suis rendue compte que je connaissais bien les œuvres de Monet mais aussi à quel point je ne m’étais intéressée qu’au superficiel, sans prendre véritablement conscience, qu’une toile correspond toujours à une période de la vie de l’artiste, à son histoire, à l’impact ce celle-ci au moment de sa création. C’est ainsi que j’ai pu faire le lien entre l’œuvre et la biographie de l’artiste. Les toiles ont défilé devant mes yeux mais replacées dans un contexte précis, source d’inspiration. Ma grande joie fut de retrouver Frédéric Bazille, croisé quelque fois. Pauvre Frédéric, mort à Beaune-la-Rolande, au moment de la guerre de 1870 dans des conditions effroyables, mort jeune, trop jeune. Tout commence par la jeunesse de Monet entouré de ses amis, Bazille, Renoir, Courbet, Manet, Sisley. Mais c’est l’apparition de Camille Doncieux qui bouleverse la vie de bohême du futur Maître. Elle sera le modèle avant de devenir le grand amour de Monet et son épouse. Nous avons toutes et tous admiré Camille. Elle est la belle silhouette en robe blanche que l’on peut admirer sur les toiles de Monet, elle est aussi Camille, devenue « la femme à la robe verte ». « De l’âme de cette femme était passée dans la peinture de Claude Monet, son mari ». Camille qui savait si bien l’apaiser en posant une main pleine de tendresse sur le front de son artiste de mari, prêt à gâcher une toile, mécontent de son ouvrage.



L’auteur chemine en compagnie de Monet et nous les accompagnons d’Argenteuil à Londres, de Londres au Pays Bas, des Pays Bas de retour en France pour se terminer à Giverny. De la reconnaissance à la misère puis de la misère à la reconnaissance et enfin à la notoriété. Deux guerres auront traversées la vie du Maître, 1870 et 1914/1918, et les deuils seront au rendez-vous marquant ainsi à jamais l’œuvre de Monet.



Michel Bernard relate avec beaucoup d’émotion, le crépuscule de la vie de Monet. Atteint de cataracte, sa peinture s’en ressent et c’est sous la pression de Clémenceau, qu’il accepte l’opération. L’intervention ayant réussie, il pourra ainsi reprendre le pinceau et terminer les Nymphéas.



Au cours de la rétrospective au Grand Palais de 2010, j’ai pu voir les quelques tableaux qu’il a peint alors qu’il n’y voyait plus grand-chose, ce fut assez rude.



Monet veut offrir deux grands panneaux des Nymphéas à l’Etat. Ils seront dédiés en hommage « au million et demi de jeunes hommes qui n’étaient pas revenus des tranchées, pour ceux qui étaient morts à sa place en 1870 et tous ceux-là, les millions d’hommes et de femmes qui avaient aimé, souffert, travaillé et rêvé sur ce morceau de terre, dans cette partie du monde, pour en faire sous le ciel changeant, une des plus belles œuvres humaines, le plus beau des jardins ».



Clemenceau lui a fait la promesse qu’une salle serait construite et aménagée afin de présenter son œuvre au public : « Les grandes décorations » devenue « Les Nymphéas. En 1926, l’Etat avait rempli ses obligations. L’Orangerie était prête à recevoir les Nymphéas, une cinquantaine de panneaux furent donnés par le peintre à l’Etat. Monet avait ajouté une condition au contrat : « A condition que lui soit achetée une toile de sa collection personnelle, « Femmes au jardin » et qu’elle soit exposée au Louvre, au cœur de Paris, parmi les chefs-d’œuvre du monde. Cette toile avait une histoire, un symbole cher au cœur de Monet.



J’aime me rendre au musée Marmottan-Monet lorsqu’il n’y a pas grand monde et m’asseoir au milieu de la salle réservée aux œuvres de Monet. Je me pose et j’admire les nymphéas, je médite dans le silence. Aujourd’hui, cette étendue d’eau foncée me rappellera qu’elle porte au plus profond d’elle-même, dans son intimité, une vie faite d’amour, de bonheurs, de tourments et de chagrins.



Ce sont des livres tels que celui-ci qui permettent, au commun des mortels, non seulement de savourer un style d’écriture mais aussi de pénétrer l’intimité d’une icône sans difficulté et avec la certitude que l’auteur a tenté d’être au plus proche de la vérité. Un grand merci à Annette et Alain qui ont eu la gentillesse de me conseiller cette lecture.



NB : Vous m’excuserez pour la longueur de mon commentaire.

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Les bourgeois de Calais

« Tout nuds en leurs chemises, la hart au col, et les clefs de la ville en leurs mains »



Agréable surprise que la découverte de l'écriture fluide et érudite de Michel Bernard. Raconter la genèse de cette oeuvre importante de Rodin n'est pas chose aisée si l'auteur ne possède pas une solide connaissance historique, accompagnée d'une grande fibre artistique, pour lui permettre d'écrire un roman passionnant sur l'élaboration d'un des chefs d'oeuvre les plus connus de Rodin : « Les Bourgeois de Calais ».



J'ai admiré la narration et l'imagination créatrice de l'auteur qui s'est inspiré des lettres échangées entre Rodin et Omer Dewavrin quant à la réalisation de l'oeuvre. Il a enfilé le costume des personnages principaux. Il a choisi de sortir de l'ombre un couple, Léontine et Omer Dewavrin, sans la ténacité duquel, cette oeuvre ne serait pas devenue le symbole de la ville de Calais dans le monde entier, sachant qu'il en existe douze exemplaires dans le monde.



Pour les cent ans de la Révolution, Omer Dewavrin, maire de la ville de Calais, notaire de profession, grand amoureux de l'histoire locale de sa région, imagine d'élever sur la place d'Armes, un monument en hommage aux six bourgeois qui se sont offerts en otages au Roi d'Angleterre Edouard III, lors de la reddition de la ville de CALAIS, après onze mois de siège long et cruel, au début de la Guerre de Cent ans, de septembre 1346 à août 1347.



« Eustache de Saint-Pierre, Pierre de Wissant, Jean d'Aire, Jacques de Wissant, Jean de Fiennes, Andrieu d'Andres ».



L'ambiance de la création est parfaitement restituée avec les hésitations de Rodin, ses exigences, son insatisfaction, ses projections sur la représentation de ses personnages selon leur situation sociale et la dramaturgie des évènements. On pénètre les pensées intimes d'Omer, ses méditations lorsqu'il admire les ruelles de la ville de Calais comme lorsqu'il se rend à Paris, assis dans le train, pour visiter Auguste Rodin. Rien n'échappe à l'auteur et de ce fait, rien ne nous échappe. On se met à table avec nos deux amis dans les gargotes comme dans les restaurants de meilleure réputation. On suit leurs échanges, l'enthousiasme d'Omer comme celui de Rodin : ce dernier cherchant à donner un nouveau souffle à la sculpture, sortir du classicisme. Puis viennent les découragements devant les difficultés qui s'amoncellent, l'incompréhension d'une oeuvre que l'artiste souhaite non académique, les désaccords politiques, la crise économique de 1885 qui sera suivie de la période tragique de l'épidémie du choléra.



C'est aussi la rencontre de deux hommes, Auguste et Omer, que tout sépare mais qui vont se lier d'une très forte amitié sans oublier Léontine, l'épouse d'Omer, qui prendra sa part de soutien dans les moments difficiles.



Les pensées intimes des personnages leur donne une belle consistance. Ils prennent vie sous nos yeux. On visualise parfaitement Omer pénétrer dans l'atelier d'Auguste découvrant Camille qu'il a déjà aperçue lors d'une visite précédente :



« Il reconnut, assise devant une sorte d'établi, la jeune fille toujours appelée Melle Claudel par Rodin, ce qui ne trompait personne. Elle posa sur lui un regard bleu marine avant de le reporter sur l'objet que manipulaient ses doigts graissés par l'argile mouillée. Concentrée sur la tâche, sa pensée appliquait la même force que ses mains sur la matière. Ses lèvres serrées barraient d'un trait dur, étrangement sensuel, le bas de son visage. le Maître n'était peut-être pas celui que l'on croyait ».



On a plaisir à retrouver Monet, Rainer Maria Rilke et la compagne conciliante de Rodin, Rose Beuret.



C'est un joli voyage dans le temps, sur onze ans, entre 1884 et 1895 auquel nous convie l'auteur de sa plume élégante, un récit qui s'adresse à un large publique, un roman riche d'enseignements. Vous ne regarderez plus les « Bourgeois de Calais » de la même façon sans repenser à ce livre !



« Parfois il se demandait s'il était bien l'artiste qui avait sculpté ces six figures. Il n'aurait pas sur les refaire, il ne savait plus comment il les avait faites. L'avait-il jamais su ? Son oeuvre lui échappait. Ce que ses amis appelaient son génie n'était qu'une énigme dont il cherchait en lui-même les contours, à tâtons. Il regardait ses mains, ses doigts, comme un prolongement mystérieux de son esprit. Cet assemblage de petits os et de cartilages sous le fin réseau des muscles et des nerfs, sous la peau épaissie par l'âge, polie par le travail, savait toujours ce qui était bien, ce qui serait beau, émouvant, et trouvait le moyen de le représenter. Ses mains travaillaient, habiles et précises. Elles avaient la foi. »

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Deux remords de Claude Monet

Où il s'avère que je suis opportuniste.

Interpellée par quelques commentaires babeliens fort inspirants (merci Piatka entre autres) j'avais offert ce livre à Nathalie (une de mes copines-voisines-lectrices préférées mais tout le monde s'en fout) dans l'espoir

1/ qu'il lui plaise

2/ qu'elle me le prête

(oui ho ça va hein, que celui qui n'a jamais spéculé de la sorte me jette le premier dictionnaire)

Bilan :

1/ elle a beaucoup aimé

2/ elle me l'a prêté

3/ j'ai adoré.



Bon, et alors « Les deux remords… » ça dit quoi ?

En réalité ces remords sont des morts (voilà j'ai plombé la soirée) : Frédéric Bazille, talentueux artiste et fidèle compagnon de jeunesse, Camille Doncieux, la muse essentielle, l'épouse aimante et adorée. Deux intimes du peintre, trop tôt disparus.



Frédéric et Camille, d'heureux morts dont l'affection anime encore les jours de Claude. Trois personnages dévolus aux trois parties de ce lumineux récit. Une structure narrative précise et néanmoins singulière, où la concision du haut fonctionnaire recèle une bouleversante élégance de poète. Ici je dois avouer, un peu confuse, que je n'aurais pourtant pas misé sur les potentielles fulgurances émotionnelles d'un écrivain tout droit sorti de l'ENA. Honte sur moi et mes aprioris moisis, car outre son merveilleux pouvoir d'évocation, la tendre et délicate écriture de Michel Bernard révèle à l'évidence une pure sensibilité.



Par cette subtile et instructive immersion dans l'existence romancée de Monet – peu importent certains petits arrangements avec la réalité – voilà une autre manière encore de découvrir l'immense artiste, d'éclairer son oeuvre prolixe et sa peinture si inventive, bien au-delà du cliché impressionniste habituellement développé.



Et donc, j'ai adoré.

(quand c'est aussi bon, il m'arrive de radoter)




Lien : http://minimalyks.tumblr.com/
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Le Bon Coeur

« Cette fois, il la gifla. »

Avec cet incipit percutant, Michel Bernard entre de plain-pied dans l'action de son nouveau roman. Certes, l'héroïne est une icône de l'histoire de France, mais à dix-sept ans, l'anonyme paysanne de Domremy est avant tout une donzelle illetrée, sans crédibilité, voire une illuminée, qui agace Robert de Baudricourt par ses demandes extravagantes et répétées pour rencontrer le roi et sauver la France. Rien que cela.



Alors, si la gifle n'est pas historiquement avérée, elle est néammoins plausible : c'est la liberté de l'écrivain que de donner vie à une jeune fille légendaire par-delà six siècles d'histoire, nous la rendre plus proche, presque moderne. Et ça fonctionne magnifiquement bien grâce au talent de l'auteur que j'avais découvert avec son très réussi Deux remords de Claude Monet.



Concision et force d'évocation du propos, écriture d'une délicatesse remarquablement poétique, voilà selon moi sa marque de fabrique, cocktail rare que j'apprécie infiniment. En se focalisant sur l'essentiel historique, les archives de son procès, tout en utilisant avec naturel le liant romanesque, Jeanne d'Arc par Michel Bernard, c'est la formidable aventure d'une guerrière hors du commun qui se lit quasiment d'une seule traite. Un très beau portrait de femme qui, par sa conviction, son courage mais aussi sa générosité et sans doute ce que l'on pourrait appeler sa grâce, car elle garde toujours une part de mystère, a réussi à une époque dure et trouble à sauver le royaume de France.



Bien sûr, on connait sa fin tragique sur le bûcher, l'issue du roman n'est donc pas une surprise, mais je suis ravie d'avoir appris encore beaucoup à propos de Jeanne et je serai curieuse de savoir si les spécialistes, historiens de métier, adhèrent à ce portrait vivant et sensible qui la sort un peu de sa gangue de légende nationale intouchable pour en faire une héroïne fascinante…de roman.







« Il n'y avait aucun doute, c'était bien elle. Il s'émerveillait de l'aplomb de cette fille, et de l'autorité qui en émanait, puisque lui-même en était maître maintenant. Il était frappé de son éloquence, cette vigueur et clarté du verbe dans sa bouche. Pour ses oreilles d'homme de l'Est, le parler lorrain ne gâtait point la limpidité de l'expression. Il avait immédiatement perçu cette manière spontanée de donner à chaque mot, avec précision et économie, son juste poids, sa complète portée. Elle parlait net et droit, sans geste, sans mimique, jambes bien campées, bras croisés. »
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Deux remords de Claude Monet

Ce roman biographique de Michel Bernard n'a pas pour vocation de retracer toute la vie de Claude Monet. Avec délicatesse et dans une douce atmosphère feutrée chargée de nostalgie, Deux remords de Claude Monet retrace quelques pans de la vie du célèbre peintre impressionniste en mettant l'accent sur ce qu'il y avait de plus cher aux yeux du peintre : l'amitié, l'amour et bien sûr les jardins.

Si, en quittant Giverny, il nous reste de Monet une image de patriarche un peu bourru entouré d'une famille nombreuse, ce roman recadre un peu les choses. Il nous permet de comprendre avant tout à quel point l'amitié était importante pour Claude Monet. Lié d'une amitié sincère et profonde avec Bazille, Renoir, Clémenceau, et bien d'autres, Claude Monet aimera inviter ses amis chez lui et faire vivre sa peinture à travers leur regard. La guerre, cette tragédienne hors-pair, lui ravira bien trop souvent ses amis et il en gardera un souvenir amer.

C'est aussi un roman d'amour. L'amour qu'il porte à Camille, sa première épouse, sa muse, son souffle de vie...Âme discrète des tableaux peints à Paris, sur les plages normandes, à Argenteuil, Camille, à sa mort laissera un immense vide dans le coeur de Monet.



A travers cette biographie, Michel Bernard s'immisce avec tendresse et admiration dans l'intimité du peintre, dans ce qu'il a de plus cher. Mais, c'est aussi l'histoire d'un tableau qu'il veut nous narrer, celle de Femmes au jardin et par ce biais, mettre à jour la raison pour laquelle Claude Monet, soixante après l'avoir peint, a tenu absolument à ce que l'état lui rachète pour qu'il soit exposé au Louvre parmi les chefs-d’œuvre du monde entier.





La lecture de cette brillante biographie en pointillés ne m'a pas vraiment laissé sur ma faim tant elle est admirable. Pour autant, en bonne gourmande, je n'en ai pas fini avec Claude Monet et compte bien me régaler d' une autre biographie dans les jours qui viennent.
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Deux remords de Claude Monet

Deux remords de Claude Monet, c'est comme un cadeau.

Au premier abord, c'est le genre de livre que je n'ai aucune chance de croiser. Les biographies, romancées ou pas, ne sont pas ma tasse de thé. Ajoutez à cela une certaine indifférence ou plutôt une méconnaissance de la peinture et vous vous demanderez comment ce bouquin s'est retrouvé entre mes mains. Ca fait partie de la « magie » de Babelio. Un billet de Piatka, un autre de Lolokili qui ajoute à ma curiosité, d'autres billets appréciés, quelques échanges plus loin et me voilà convaincu d'accepter la très sympathique offre de prêt de Piatka (Merci vous :-) ).



Deux remords et trois chapitres plus loin, je tourne la dernière page en ayant l'impression que je viens de perdre un ami (oui il meurt à la fin, ce sont des choses qui arrivent parait-il) alors qu'il y a encore trois jours je ne connaissais de lui à peine deux ou trois tableaux et… et rien d'autre.

Ce n'est pas que j'en connaisse beaucoup plus aujourd'hui mais l'écriture de Michel Bernard m'a plongé dans le cercle des intimes du peintre au point de me le rendre presque familier. Une écriture toute en couleurs, toute en nuances. Chaque page a sa lumière, chaque page apprivoise ses ombres. Michel Bernard pose ses mots en touches subtiles.

J'ai entendu se déposer délicatement les flocons de neige les uns après les autres sur le sol gelé d'un hiver à Argenteuil et entendu crisser le pas de Monet sur ce tapi immaculé. J'ai voyagé avec lui par tous les temps pour parcourir les saisons du plaisir, chevalet sur le dos, et témoigner de l'instant. Figer pour l'éternité l'éphémère dissipé par la seconde qui suit, par toutes celles qui suivent et qui font la vie.

J'ai partagé un déjeuner sur l'herbe qui respirait l'amour et l'amitié. Je me suis perdu dans le drapé d'une robe verte. J'ai poursuivi Camille au jardin, je l'ai espérée avec sa capeline rouge et l'ai veillé sur son lit de mort.

J'ai été ému par les dégradés de gris des jours de pluie du peintre, émerveillé par les couleurs chaudes de ses amitiés, charmé par les variations de lumière donnant aux couleurs primaires de son existence une déclinaison de teintes infinie.



Pourquoi deux remords et pas trois?

L'amitié et l'amour, semblent indissociables pour Claude Monet.

Amitié pour Frédéric Bazille en premier lieu. Peintre mort pour la France, comme on dit, en 1870.

Amour pour Camille, première femme du peintre, partie trop jeune et seule femme qu'il ait réellement aimée d'après ce que j'ai cru comprendre.

Deux êtres disparus qui resteront liés et poursuivront Monet jusqu'à la fin de ses jours.

En effet Monet fera don à l'état des Nymphéas à condition que celui-ci achète « Femmes au jardin », représentant Camille, et qu'il soit exposé au Louvre. Son ami Clémenceau acceptera avec joie.

Si ce tableau est si important pour Monet c'est qu'il a appartenu à la famille Bazille et que c'est sous cette toile que Frédéric Bazille a été veillé les derniers jours avant son enterrement.

Camille, Frédéric, deux regrets parce que partis trop tôt. Deux remords parce qu'incapable de dissuader l'un de partir à la guerre, et culpabilisant peut être de n'avoir pas été assez présent quand le crabe a commencé à ronger la femme de sa vie. Deux remords peut être aussi pour jouer avec les maux, comme si à chaque souvenir qui s'estompait, Camille et Frédéric étaient « re morts ».



Dès l'apparition de Clémenceau dans la dernière partie du livre, je n'ai pas pu m'empêcher d'être en même temps un peu dans « le camp des autres » de Thomas Vinau. de me dire que pendant ce temps là où malgré des années difficiles, la vie était belle pour Monet, Gaspard rejoignait un camp des autres où tout était… différent…



Oui, « Deux remords de Claude Monet » a été un cadeau pour moi. le genre de cadeau qui « enrichi », qui ouvre vers un univers inconnu et passionnant. L'écriture de Michel Bernard est tout simplement…

Pour faire court, c'est l'écriture qui me touche, qui me parle. Remplie de poésie sans excès et sans figures de style. Une écriture qui m'a, l'espace d'une lecture, mis dans le tableau.



Biographie (romancée), peinture, énarque, c'était pas gagné au départ. Par contre à l'arrivée c'est jeu set match et dix de der Michel Bernard.

Vous aviez raison les filles, merci à vous pis à m'sieur Bernard aussi quand même.



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Deux remords de Claude Monet

Comment ne pas être sensible au charme de cet ouvrage? une Biographie romancée sous forme de triptyque .

Comment ne pas ressentir une émotion intime à l'évocation tout en finesse : précise , élégante, poétique de la vie d'un de nos plus célèbres peintres C.Monet ?

Une reconstitution en triangle conte sans grandes envolées, avec une douceur subtile, une discrétion raffinée, une patience mesurée dans les mots : L'Amitié, à travers la vie de son ami Frédéric Bazille, mort sur le champ de bataille en 1870, : L'Amour à travers l'évocation de son épouse au visage lumineux , Camille Dancieux, qui partagea les années de misère comme celles de gloire.

Elle fera preuve d'un amour sans faille et d'une abnégation sans pareille.....

En troisième partie: les dernières années de la vie du peintre.

C.Monet, devenu vieux à Giverny fait don de ses "Nymphéas" à l'état, et souhaite que son tableau : "Femmes au jardin" soit exposé car c'est un lien fort entre les deux disparus tant aimés....



Le portrait de C.Monet reste assez doux, bienveillant et tendre.

Nous partageons sa passion de peindre, la nature omniprésente, l'amour des jardins , des compositions et agencements floraux, son intimité avec Renoir, Manet, Clémenceau, Sisley, Durand- Ruel .....

La reconstitution est mesurée, vivante, agréable, le style reposant, les exigences artistiques rythmées par la plume légère de l'auteur épousent à merveille l'impressionnisme....

Cette sensibilité artistique donne aux scènes de la vie quotidienne, aux décors et aux personnages une grande puissance évocatrice !

Une mélodie surannée mais vivante et bien charpentée, tragique et belle !! Un éclairage subtil nous guidant pas à pas dans l'intimité du peintre...donne à ce roman en forme d'hommage simple toute sa beauté!

Enfin, l'analyse fine de quelques oeuvres ajoute une originalité et une dimension supplémentaires.

Une belle surprise suite à la lecture des" Forêts de Ravel "lu en mai 2016 !

J'ai rencontré l'auteur au " Livre sur la Place " en septembre l'an dernier. J'ai assisté à deux de ses conférences à propos de M. Genevoix et de la Grande Guerre....

Bravo l'artiste !

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Deux remords de Claude Monet



Michel Bernard se centre sur quelques tableaux de Monet, comme « le Déjeuner sur l’herbe, » peint en réponse au Déjeuner de Manet, peint trois ans avant, ou sa « Femme en vert. » Monet vient de rencontrer Camille, ils sont amoureux, et la figure de trois quarts, nous tournant presque le dos, présente tous les signes, dit l’auteur, d’une nuit d’amour agitée, et tous les ingrédients d’une grande peinture, qui plait immédiatement au public, alors que son déjeuner sur l’herbe ne plait pas tellement.

Dans les « Femmes au jardin » Monet, fou d’amour, peint Camille trois fois, seule la fiancée de Frédéric Bazille est peinte debout derrière à gauche.

Avec les reproductions de ces quelques tableaux, peignant Camille, le livre revient sur l’amitié qui lie le peintre à Renoir, à Fréderic Bazille, qui lui achètera « les Femmes au jardin, » cédé par la suite à Manet, et à beaucoup de peintres impressionnistes.

Bazille meurt très jeune à Verdun, il laisse un sentiment d’abandon à Monet, puisque ce dernier lui confirmait qu’il était un grand peintre. « Il devait beaucoup à l’admiration de Bazille ».

Car Monet ne sait faire que peindre, sans que ce besoin le comble ni jamais le satisfasse. Il recommence, il détruit, écœuré par ce qui ne lui plait pas (Camille, comme Clémenceau, sauveront quelques tableaux de l’autodafé) pire encore, lorsqu’il pense avoir atteint une adéquation entre sa vision et ses couches de couleurs, il change. Il cherche, en génial peintre qu’il est, avec angoisse, inquiétude et colère, l’impossible traduction d’une insatisfaisante manière de voir la lumière, les ors des robes des femmes, leur blanc qui se juxtapose au blanc du sable.

Comme la nature change, que les couleurs de la mer et du ciel ne sont jamais pareilles, Monet change et méprise le fait d’avoir fini. Il recommence, après les longues séries des meules de foin et des cathédrales de Rouen, encore et encore, en une longue recherche jamais terminée. Ces séries sont intéressantes non pas par la répétition, au contraire, par la mise en évidence que rien n’est immuable.

Et il passe à autre chose.

Fixer l’impermanence, et ne jamais s’en satisfaire.

Avant les Nymphéas, lors de la mort prématurée de Camille, il la peindra, blanche sous un voile blanc, « pour montrer à la face du monde, une dernière fois, le visage » de la femme aimée. Sur la signature, en haut du t, il dessine un petit cœur.

Seul le tableau « la femme en vert » est exposé à Brème, les trois autres dont parle Michel Bernard peuvent être vus au Musée d’Orsay.

Avec poésie, avec tendresse, l’auteur tisse autour de ces toiles tout un pan de l’histoire du peintre. Depuis le manque d’argent de Monet, de l’aide qu’il recevra de Bazille, de l’aide qu’il recevra de Camille qui le calme doucement, de l’aide qu’il apportera aux démunis quand il sera reconnu le grand peintre qu’il est, de la souscription pour aider la veuve de Manet, de son opération de la cataracte ( un peintre aveugle, cela ne s’est jamais vu) de l’amitié avec Clémenceau, voilà une vie dévoilée.

Pourquoi Deux remords ? Deux morts, celle de Bazille, celle de Camille (rien n’est dit sur la mort de Jean son fils,), ce serait donc plutôt deux chagrins de Claude Monet.

En tous cas, excellent livre pour les amoureux de la poésie.

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Deux remords de Claude Monet

Il y deux sortes de biographies d'artistes. La première, érudite, exhaustive, qui s'adresse aux aficionados, aux curieux, à ceux qui sortent d'un musée des questions plein la tête.



Et puis il y a la seconde. Partielle, partiale, affective, sensible qui part d'un coup de cœur et n'écoute que lui. Qui regarde le peintre en ami, le modèle en amant, le tableau en poète. Et qui met sa plume au diapason du pinceau qu'il vénère .



Deux remords de Claude Monet fait partie de ces biographies là. Je ne vais pas redire ce que tant d'autres ont déjà dit, bien mieux que moi.



J'ai adoré le lire, jamais il ne m'a fait regarder la peinture de Monet avec des yeux plus attentifs, plus sensibles.



J'ai toujours aimé le tableau de Camille au jardin. Je sais maintenant pourquoi il me touche.



La capeline rouge de Camille dans le jardin plein de neige m'émeut comme de voir un cœur fragile battre sous la glace. Petite silhouette tendre, obstinément présente et pourtant menacée, on la sent qui frissonne déjà, petit chaperon rouge que le loup va manger trop tôt.



Le livre superbe de Michel Bernard m'a fait reprendre mes pinceaux, inactifs depuis trop longtemps.



Allez savoir pourquoi, je laisse sur mes toiles une tache écarlate.



Comme un p'tit coquelicot, mon âme, un tout p'tit coquelicot...





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Les bourgeois de Calais

Quel plaisir de rencontrer une jolie plume comme celle de Michel Bernard. Je sais que, pénétrée de ce roman sur Les Bourgeois de Calais, j’aurai hâte demain de découvrir cet auteur plus avant. Omer Dewavrin, maire de Calais va rencontrer le Maître, Auguste Rodin, pour la réalisation d’un monument en hommage aux six Bourgeois de Calais de la guerre de Cent Ans. Nous allons ainsi rebrousser chemin jusqu’en 1884 pour assister à cette rencontre. Le projet de départ est centré sur un seul homme mais c’était sans compter sur la conception artistique du sculpteur car il y a l’œuvre et la mise en œuvre, un cheminement complexe vers l’aboutissement artistique. Rodin veut d’abord s’imprégner de sa mission et il va lire la chronique de Jean Froissart, laquelle écrite en vieux français, lui reste, assez hermétique. C’est ainsi que, accompagné de son ami Octave Mirbeau, lequel s’en remettait à Villon, le poète maudit, ils en vinrent à consulter le concierge de langue picarde et bientôt, la femme du concierge, Pas-de-Calaisienne, qui elle, étant toujours imprégnée du patois d’antan vint à bout de ces emprunts aux mots anciens. C’est alors que, magnifiquement, nous assistons à la communion des savoirs et à la réalité de notre identité culturelle. Nous allons rencontrer de hauts personnages, Camille Claudel, Claude Monet, Rilke, Balzac, suivre les impulsions d’un grand créateur et les aléas de vie des uns et des autres avec dans les murs la crise épidémique de choléra-morbus. Mais rien ne verra l’amitié décroître entre Omer Dewavrin, et Auguste Rodin et rien n’empêchera l’avènement des six Bourgeois de Calais d’accéder enfin à la reconnaissance.
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Les forêts de Ravel

Dans cet ouvrage lu d'une traite, Michel Bernard conte le tournant de la vie de Maurice Ravel, le talentueux compositeur.

En mars 1916, peu après avoir achevé son Trio en la majeur, il rejoint Bar le Duc puis Verdun.

Mince et léger, célibataire et sans enfant, très attaché à sa mére, à 41 ans, il réussit enfin à s'enrôler dans l'armée.

Il a été réformé pour sa taille de jockey , 1m61, et sa fragilité.

Engagé volontaire, il rêvait de l'aviation........

Il conduira les poids lourds, récupérant les blessés jusqu'aux hôpitaux de campagne, des hommes

Abîmés, usés, broyés par l'offensive allemande et le matériel cassé..

Michel Bernard, habité par son sujet, nous montre un Maurice Ravel fort, qui s'agite, ne se confie pas, ne parle pas sauf aux forêts .......qu'il arpente dès qu'il le peut..

Cette histoire suscite des instants de grâce contés avec un amour immodéré et salvateur de

soleil et de ciel, des choses de la terre , de l'humus et des bois, des hauts fûts de chênes et des hêtres , des tâches de lumiére colorée, des bancs d'oiseaux, des vols de grue, des fours à chaud meusiens qui poudrent de blanc les alentours.

Michel Bernard joue avec les mots comme Ravel joue du piano, pour nous entraîner sur des chemins mystérieux , parfois opaques.

Le célèbre compositeur désire participer à l'effort de guerre.il accourt, se dépense sans compter pour transporter les arrivants vers les salles d'opération ou de repos, ce petit homme frêle n'hésite pas à présumer de ses forces.....

Mais il se retrouve parfois au clavier d'un piano oublié , un Erard demi- - queue , dans son habit de chêne clair et luisant, oublié dans un hôpital de campagne.

Alors il joue spontanément du Chopin, puis la Mazurka en ré majeur ...miraculeusement, les malades, les infirmiers, les médecins s'approchent soudain, silencieusement, muets , comme en arrêt , pour l'écouter...

Le style est imagé , poétique, musical.L'écriture est délicate, rare , d'une extrême sensibilité , elle nous porte et nous parle, les phrases ciselées :" les trous noirs des maisons bombardées ", "sous les bois violets, " sa paupière d'ardoise ", la confiture de groseilles tremblante dans son pot de verre ", "la lumière du matin plus sinueuse depuis l'entrée en guerre ....."

Les chemins ombragés qui longent le fleuve La Meuse jusqu'à Verdun sont rendus avec une justesse sans égale , la description de la beauté des quartiers anciens de la ville de Bar Le Duc enchanteresse .........

Un ouvrage à l'écriture magique; magnifique et précieux !

Je connais l'auteur pour avoir assisté à une conférence à Bar le Duc , à propos de deux de ses livres "Pour Genevoix " paru en 2011 et "La grande guerre vue du ciel paru en 2013" qui figurent dans ma bibliothèque.

Grand merci à Marilyn mon amie de la médiathèque.























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Les bourgeois de Calais

Omer Dewavrin est le maire de la ville de Calais, et il a un projet : célébrer un épisode historique de la Guerre de Cent Ans dans la ville du Nord.



Nous sommes en 1347. La ville est assiégée par l'ennemi anglais, et malgré le courage des Calaisiens, les Anglais sont plus forts. C'est donc le sacrifice de ces six hommes, contraints de remettre les clefs de leur ville à leurs assaillants pour laisser la vie sauve à l'ensemble des habitants de la ville, qui va marquer les esprits : Calais doit avoir sa statue pour commémorer cet épisode.



Mais Omer Dewavrin voit loin. Il lance un concours auprès de grands sculpteurs, et se rend à Paris pour rencontrer un sculpteur prometteur : Auguste Rodin. Nous sommes en 1884 et l'artiste a son atelier rue de l'Université au coeur de Paris. Rodin lui fait les honneurs de son atelier : il y a là une jeune femme nue, qui pose près du poêle. Il y a aussi « La Porte de l'Enfer » qui est en cours d'élaboration. Et encore la « République appelant aux armes », ou enfin « L'âge d'airain », qui marque profondément l'esprit du maire de Calais.



En repartant vers le Nord, il est décidé : ce sera Rodin le sculpteur des Bourgeois, et personne d'autre.



Toute l'originalité de l'auteur, Michel Bernard, c'est ce pas de côté : imaginer la relation d'amitié qui va lier le commanditaire et le sculpteur, à partir de la correspondance retrouvée entre les deux protagonistes, y compris celle de l'épouse du maire, Léonine Dewavrin, qui jouera un rôle prépondérant dans cette aventure, par sa ténacité à toute épreuve.



Car rien ne sera simple dans cette décision : il faudra affronter le goût classique des conseillers municipaux, qui ont du mal avec le génie du parisien, il y a les souscriptions à aller chercher, l'opposition d'un autre maire avec qui Dewavrin doit composer, et les hésitations de Rodin avant de décider quelle apparence donner aux 6 Bourgeois de la Guerre de Cent Ans.

Tout cela prendra donc dix ans, mais l'intuition initiale d'Omer Dewawrin ne sera jamais démentie : au fond de lui il est convaincu du génie de cet artiste devenu au fil du temps un ami, et il est convaincu que Rodin est le mieux placé pour exécuter le souvenir de cet épisode historique : l'avenir dira combien il avait raison.



Au passage on aura approché la vie du sculpteur : enthousiaste à l'idée du projet de Calais, profitant plus tard de la renommée qui va lui échoir, et enfin mélancolique quand une certaine apprentie s'est enfuie de l'atelier… Car oui, on croisera aussi une jeune femme sur qui le regard d'Omer va tomber, et qui semble faire beaucoup d'effet à Rodin : il s'agit de Camille Claudel bien sûr.



Merci à Masse Critique pour l'envoi de ce récit : au final Michel Bernard nous livre ici une histoire touchante, pleine de sensibilité, et qui montre la valeur de l'amitié entre un commanditaire et son artiste : un regard plein de délicatesse.




Lien : http://versionlibreorg.blogs..
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Les bourgeois de Calais

Il fallait tout le talent d'écriture de Michel Bernard pour se lancer dans un tel projet, celui de faire revivre, grâce à ses mots, la fièvre créatrice d'Auguste Rodin. Un homme est à l'origine de la demande faite à Rodin de créer le fameux monument des "Bourgeois de Calais", il s'agit d'un notaire, maire de Calais en 1884 : Omer Dewavrin. C'est à cette date qu'il choisit de confier à Rodin, lui qui n'était encore qu'un sculpteur comptant des disciples mais n'ayant pas la notoriété qu'il acquit par la suite, la création de cette oeuvre majeure. Il fallut dix années d'âpres luttes pour que surgissent, des affres de la créativité sans limite de Rodin, et de la patience, de l'énergie de Dewavrin, Les "Bourgeois de Calais" inauguré en 1895 à Calais. le succès de l'oeuvre est phénoménal. Douze exemplaires seront par la suite commandés dans le monde entier. C'est un roman élégant, puissamment enraciné dans le terreau fécond et nourricier du génie de Rodin. Celui-ci le dit, son génie est une énigme, ses mains et ses doigts étant le prolongement mystérieux de son esprit. On touche ici à ce qui est presque ineffable, la force créatrice, cette énergie, cette folie pour certain(e)s qui pousse l'artiste à aller toujours chercher à s'élever pour purifier, magnifier son art. Michel Bernard réussi son pari tant l'écriture est à la hauteur du sujet. Les mots sont ciselés, magnifiés, décortiquant les évolutions, les étapes depuis la commande de l'oeuvre jusqu' à son terme. En toile de fond, l'histoire qui depuis plusieurs livres passionnent Michel Bernard et ses lecteurs : la guerre de Cent-Ans. Ici, l'héroïsme de six riches habitants de Calais qui se livrèrent au roi d'Angleterre Edouard III pour que leurs concitoyens soient épargnés suite à ce siège qui a épuisé la patience de ce roi.

Nous sommes à la fin du XIXème siècle, en pleine création de ce que l'on appellera le mythe du "roman national." "Les Bourgeois de Calais" montre l'utilisation politique, l'instrumentalisation à des fins autres que le simple fait d'exposer l'art pour l'art. Mais depuis tout temps, c'est le cas, l'art est politique et il est, en quelque sorte, le fruit des consciences, des rapports de force qui traversent la société. A 35 ans, Rodin était pauvre, sans protecteur, sans mécène, jamais reçu dans les salons, pas dans les petits papiers des puissances établies de la sculpture officielle. Rodin le sait, son art dérange et s'est justement pour cela qu'il croit en son génie et que d'autres sont époustouflés par son art. Parmi eux, l'un des tous premiers n'est autre qu'Omer Dewavrin, . le style d'écriture est pleins de lyrisme, envoûtant, et fait de ce roman une puissante réflexion sur l'art.

Merci à Babelio ainsi qu'aux Editions "La Table Ronde" pour cette lecture et leur confiance.
Lien : https://thedude524.com/2021/..
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Dans le conte de Charles Perrault, il est parfois écrit que Cendrillon porte une pantoufle de vair. Qu'est-ce que le vair?

Un synonyme de verre
De la fourrure

10 questions
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