Citations de Michel David (127)
Dans le salon, l'abbé Biron regarda son confrère avec un petit sourire narquois.
_ Regarde-moi pas comme ça, lui ordonna Alphonse Dupras. J'y suis pour rien si Sullivan avait un feu plus pressant à éteindre que celui dans la cheminée.
_ Elles peuvent bien péter plus haut que le trou si ça leur fait plaisir, déclarait en riant Marie-Claire Rocheleau, mais la Catherine Jutras est juste une femme d'habitant qui doit mettre les pieds dans le fumier de temps en temps, comme tout le monde.
petit livre gentil , mais qui ne vaut pas ceux dd' arlette Lacourure
— Vous pensez pas, m'man, que l'école pourrait être fermée après cette tempête-là ? lui demanda Madeleine en se levant pour aller chercher la théière demeurée sur le poêle.
— Il y a pas de raison qu'Angèle Beaulac garde l'école fermée, répondit Corinne en tournant la tête vers l'une des deux fenêtres de la cuisine. Il neige presque plus et le vent est tombé.
—Je serais ben plus utile ici dedans qu'à l'école, voulut argumenter Norbert, sans trop de conviction.
— Tu penses tout de même pas que je vais priver la petite Beaulac de son élève le plus haïssable, répliqua sa mère. Comment elle va faire pour gagner son ciel si tu restes ici ?
Laurent embrassa sa belle-sœur sur une joue et serra la main de son père et de son frère en leur promettant de leur envoyer de ses nouvelles depuis le chantier. Corinne remarqua en sortant que personne ne l'avait invitée à revenir les visiter lorsqu'elle se retrouverait seule. Aucun Boisvert ne lui avait même proposé son aide s'il se produisait quelque chose durant l'hiver. Elle prit bonne note de la chose et monta dans le boghei sans se retourner.
Dès que Corinne eut entendu la porte se refermer sur eux, les traits de son visage se durcirent.
— Laurent Boisvert, j'ai jamais eu aussi honte de ma vie ! s'exclama-t-elle.
— Qu'est-ce qu'il y a ? lui demanda-t-il en esquissant une grimace comme si le son de sa voix accroissait sa migraine.
— Il y a que ma sœur et mes frères partent de Saint-François pour venir nous donner un coup de main et ils te trouvent encore couché à dix heures du matin, la barbe longue, le visage sale, avec l'air de relever d'une brosse.
— Mais je viens de te dire que j'ai presque rien bu hier soir.
— C'est pas l'air que t'as ! Je t'avertis tout de suite que je veux pas marier un ivrogne, tu m'entends?
Elle se dépêcha d’endosser sa robe de nuit en évitant de se regarder nue dans le miroir. Elle se rappelait très bien encore les mises en garde du vieux curé Duhaime qui prédisait la damnation éternelle dans les flammes de l’enfer à tous ceux qui succombaient au péché d’impureté. On devait éviter de regarder et surtout de toucher les « parties sales » du corps.
J’espère qu’il va faire beau demain, ajouta la jeune fille , l’air inquiet.
-T’as juste à aller installer ton chapelet sur la corde à linge, lui conseilla Lucienne.
-Voyons donc, m’man, protesta Germaine. Vous allez pas nous dire que vous croyez à ça. ..
– Tout ce que je sais , c’est que je l’ai fait pour mes noces et Blanche a fait la même chose pour les siennes et ça a marché, déclara tout net la mère de famille.
Se lever à quatre heures et demie tous les matins que le bon Dieu amène pour aller bûcher à des températures de – 25 toute la journée avec un boss sur le dos tout le temps, c’est pas le paradis. En plus, dormir tassés dans le camp et manger presque toujours la même chose, c’est pas la joie non plus. Mais il y a la paye, et ça, ça fait oublier tout le reste.
C’est un vrai suppositoire d’autobus, ta bébelle japonaise.
Non seulement je peux annuler ton vote, mon Clément, mais Françoise et moi on peut annuler deux votes. Qu'est que t'en dis?
- J'en dis que Godbout a été un maudit bel innocent en vous donnant le droit de vote en 1940. Il aurait dû savoir que les femmes comprendraient rien à la politique. Tu sauras qu'on vote pas pour annuler un vote!
- Si tu ajoutes un mot de plus, je te jure que je vote bleu, Clément Tremblay.
Laurette n'avait pas encore ouvert la bouche. Appuyée contre le comptoir, elle regardait sa mère, dont le visage pâle et les cernes disaient assez l'épuisement. Elle ne pouvait s'empêcher de ressentir une immense admiration pour cette femme énergique qui savait déjà surmonter sa douleur pour réapprendre à vivre sans son vieux compagnon.
Bonyeu, on prend des remèdes quand on est malade, pas quand on est en santé ! s'emporta Laurette, en répétant sans s'en rendre compte ce qu'avaient dit ses aînés. En tout cas, je t'avertis, Gérard Morin, si c'est pour faire un drame chaque fois que je dois leur faire prendre ça, c'est toi qui vas leur faire avaler leur cuillerée. C'est pas écrit sur la bouteille que ça doit être pris le matin, cette affaire-là. Ça peut être le soir. Je suis tannée d'être la seule à m'obstiner avec eux pour leur faire faire des choses qu'ils aiment pas.
Lorsque la voiture s'éloigna en direction de la rue Fullum, Laurette poussa un soupir d'exaspération. Il n'y avait pas à dire, elle ne s'entendrait jamais avec sa belle-mère. Les deux femmes étaient comme chien et chat chaque fois qu'elles étaient en présence l'une de l'autre. Elle avait beau se raisonner avant chacune de ses visites, Laurette finissait toujours par exploser, incapable de tolérer les remarques désobligeantes de Lucille qui, chaque fois clamait qu'elle n'avait aucune intention de blesser sa bru.
Depuis deux ou trois ans, Gérard se faisait de plus en plus coquet, sans qu'elle trouve à y redire. Le père de famille avait choisi de soigner son apparence. Il ne sortait jamais de la maison avec une mise débraillée, même lorsqu'il allait chez Comtois pour acheter son tabac ou son journal. Lors de leurs sorties, il n'était pas question de porter autre chose qu'une chemise blanche dotée d'un col rigide. Il portait évidemment une cravate et un veston. Pour aller au travail et en revenir, il avait toujours des vêtements propres et était minutieusement peigné. Parfois, il osait même faire à sa femme une remarque sur sa tenue. En ces occasions, Laurette ne manquait jamais de laisser éclater sa mauvaise humeur.
- Moi, ta famille, je peux plus la sentir ! s'emporta-t-elle.
— Qu'est-ce qu'elle a, ma famille ?
— Elle a qu'elle manque jamais une chance de nous mépriser. T'as entendu ta mère. Nous autres, les pauvres, on reste dans un trou. C'est pas comme chez ta sœur qui, elle, va rester dans un château ! Même si ta mère continue à me dire «vous» pour me faire sentir que je suis une étrangère, elle rate pas une occasion de m'écœurer. J'ai profité des Parenteau, à cette heure, et je les ai maltraités, à l'entendre. Elle est bonne, celle-là ! Pas de saint danger qu'elle me demande mon opinion. Ben non ! Moi, je suis juste la bru, celle qui a pas de classe, celle qui fume et qui parle mal.
Avant même qu'il s'en rende compte, Laurette avait traversé la rue, l'avait saisi par une oreille et lui avait envoyé une gifle propre à lui arracher la tête. Le vaurien se retrouva par terre, les quatre fers en l'air, tout étourdi. Devant l'impétuosité de l'attaque, Bessette avait lâché sa victime pour faire face à la jeune fille, un sourire mauvais aux lèvres. S'il pensait intimider la fille d'Honoré Brûlé, il en fut pour ses frais. Elle fonça sur lui, l'attrapa par les cheveux et, avant même qu'il puisse esquisser le moindre geste de défense, lui écrasa le nez d'un solide coup de poing. Stupéfait, le voyou retrouva son complice par terre en tenant à deux mains son nez ensanglanté.
Sacrement, veux-tu ben me dire comment t'élèves les enfants ? demanda rageusement Maurice à voix basse.
— Tu sauras que je les élève bien, Maurice Dionne. C'est pas de ma faute si t'es pas capable de dire deux mots sans sacrer. Le petit fait juste t'imiter. T'es le seul dans la maison à sacrer comme un charretier.
Paul se retrouva assis derrière le premier pupitre d'une rangée, face à un grand tableau noir et à faible distance de l'estrade sur laquelle était installé le bureau de l'institutrice. Bien qu'un peu dépaysé par ce grand local peint en deux teintes de vert, il fut heureux de prendre possession, ce matin-là, de ses premiers livres de classe. Pour lui, une grande aventure venait de commencer.
Même si le coût de la nourriture ne cessait d'augmenter, il refusait obstinément de lui allouer un dollar de plus par semaine pour l'épicerie. Il encaissait pourtant sans aucune gêne l'argent des allocations familiales chaque mois. A ses yeux, sa femme étant toujours parvenue à s'arranger avec la somme qu'il lui donnait, il ne voyait pas pourquoi elle ne pourrait pas continuer indéfiniment à réaliser les mêmes miracles d'ingéniosité. Qu'elle consacre l'argent gagné à coudre pour les voisines à boucler son budget ne le dérangeait pas. Il ne voulait même pas le savoir.