Israël vu par un dessinateur de presse né en Belgique, vivant depuis plus de 40 ans à Jérusalem, homme de paix, laïque, engagé... Une parole rare et pleine d'espoir sur un pays complexe, qui ne se réduit pas au conflit israélo-palestinien.
Michel Kichka nous raconte son Israël dans Falafel sauce piquante, un récit autobiographique romancé de son rapport à ce pays : ses rencontres, ses souvenirs, les événements politiques, une vie dans une Terre de conflits, mais aussi Terre de miracles.
Falafel sauce piquante, en librairie le 14/09 http://www.dargaud.com/bd/Falafel-sauce-piquante
Se libère-t-on jamais du traumatisme des parents ? Jusqu'à quel âge reste-t-on leur "enfant" avec tout ce que cela sous-entend ?
- ça m'énerve quand ils se parlent en yiddish !
- quelle drôle de langue !
- on dirait du chinois!
- j'aime pa le yiddish !
Petit à petit, j'ai pris l'habitude de ne pas écouter, même quand ils parlaient en français. Qu'avaient-ils à nous cacher ? Pourquoi étions-nous exclus du débat familial ? C'est dans cette langue qu'ils ont dû se dire les choses qui nous auraient permis de mieux comprendre qui nous étions. La langue ne fait-elle pas partie du patrimoine ?
Maman aimait faire les enfants, pour Papa, mais elle n’aimait pas s’en occuper. Nous avons tous été en pension, loin les uns des autres.
On ne nous a jamais demandé notre avis ni donné d’explication, c’est resté une question qui dérange. Il paraît que l’état de santé de Maman ne lui permettait pas de s’occuper de nous. Il paraît que leur situation économique était plus que précaire. Peut-être ! Mais faire quatre enfants après la Shoah pour les envoyer en pension, c’est pas très logique !
à Auschwitz, des jeunes israéliens défilent avec le drapeau. Je trouve cela déplacé, la Shoah appartient à toute l'humanité. Les camps, du moins ce qu'il en reste, sont d'immenses cimetières où chaque pas soulève les cendres de notre civilisation. Il faut s'y rendre en toute humilité.
Mmmh ! Cette soupe me rappelle Auschwitz ! Vous savez pourquoi ?
Non, Papa !
Parce que là-bas, on n’en avait pas !
Pourquoi un soldat inconnu avait-il une stèle en pierre de taille alors que mon grand-père n'avait même pas une pierre tombale?
Ma famille était partie en cendres, emportées par le vent mauvais de l'Histoire. (celui des fumées d'Auschwitz)
Je n'ai jamais vu Papa pleurer. Je n'ai d'ailleurs jamais vu ses yeux, si petits au fond de ses verres épais de myope. Si petits que je serais incapables d'en dire la couleur. A croire qu'ils ont disparu quelque part entre 1942 et 1945. Ou qu'ils se sont tout simplement éteints.
Il a dû pleurer toutes les larmes de son corps dans les camps. Il a dû pleurer sa mère, son père et ses soeurs. La source de ses larmes s'est tarie à jamais. C'est pour cela que son médecin lui a prescrit des gouttes pour les yeux. (p. 44)
- Au fond, on a étouffé nos révoltes pour ne pas peiner papa !
- Comme si on n'avait pas droit à une crise d'adolescence parce que Hitler lui avait volé la sienne.
- Lors de sa denrière visite, il m'a demandé si j'avais eu une enfance heureuse.
- Et que lui as-tu répondu ?
- Je ne voulais pas l'attrister mais je ne pouvais pas lui mentir.
- Le pauvre !
(p. 75)
A Auschwitz, des jeunes Israéliens défilent avec le drapeau. Je trouve cela déplacé. La Shoah appartient à toute l'humanité. Les camps, du moins ce qu'il en reste, sont d'immenses cimetières où chaque pas soulève les cendres de notre civilisation. Il faut s'y rendre en toute humilité. (p. 89)
La première priorité de mon père fut de fonder une grande famille. Comme dans beaucoup de familles Ashkénazes après la Shoah, nous portions les noms des disparus. (...) Pour Papa, chacun de nous était "une victoire sur les Boches". (p. 26)