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Citations de Michel Ragon (210)


— A quoi ça sert, tous ces bouquins ? demanda Flora d'un air dégoûté.
— Regardez les enfants, dit Valet. A droite, vous avez les romans et la poésie. A gauche, le social, la politique. D'un côté le rêve, de l'autre côté l'action, Quand vous posséderez les deux, vous pourrez conquérir le monde.
— Allons Valet, ne t'emballe pas, dit le libraire, Les choses sont plus complexes, Les romans, c'est aussi de l'action sociale et la politique, c'est aussi du rêve. Quant à conquérir le monde, qu'en ferais-tu ? C'est la conquête de soi-même, qui importe.

Page 38, Livre de poche.
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« On supprimera l’ Âme
Au nom de la Raison
Puis on supprimera la raison.

On supprimera la Charité
Au nom de la Justice
Puis on supprimera la justice.

On supprimera l’Esprit
Au nom de la Matière
Puis on supprimera la matière.

Au nom de rien on supprimera l’Homme ;
On supprimera le nom de l’ Homme ;
Il n’ aura plus de nom.

Nous y sommes. «

Armand ROBIN
Les Poèmes indésirables, 1945
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La réunionnite est un des maux de la révolution.

On y parle tant de la révolution qu'on l'oublie.
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On n'utilisait jamais de sucre dans le quotidien mais un peu de miel du rucher familial. Le sucre des villes valait au kilogramme le prix du beurre, soit l'équivalent d'une journée de travail.

page 281
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On faisait antichambre dans le bureau de Poulaille. Morand, Montherlant, Maurois, Mauriac (les célèbres quatreM) avaient beaucoup de mal à accéder au service de presse de leur éditeur, Poulaille ne leur cachant pas qu'il tenait leurs livres pour absolument inintéressants.
Par contre, Rirette Maîtrejean, compagne de Victor Serge à l'époque de la bande à Bonnot, était une familière des lieux, tout comme Léon Werth, Edouard Dolléans, biographe de Proudhon, et toute une cohorte de militants anarchistes et d'écrivains ouvriers...
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Jamais un écrivain ouvrier n'a cherché à décrire la médiocrité.
La littérature ouvrière n'a jamais eu pour but de glorifier la platitude. Son but est même tout autre. Elle tend démontrer que le peuple a aussi son élite, que les métiers ont eux aussi leur beauté, que l'âme populaire n'est pas sans noblesse, qu'elle a ses espoirs et ses haines, une volonté collective, et qu'elle tend à devenir.
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Année 1818

La surprise fut générale lorsqu'à la messe du dimanche, la femme et la fille du maire-meunier apparurent avec, sur la tête, une espèce d'énorme papillon blanc. Elle éclipsa du même coup la cérémonie religieuse. Pour la première fois, la paroisse voyait de ces coiffes blanches qui, d'abord portées par la bourgeoisie rurale, comme un signe de différenciation, allaient en un demi-siècle envahir les campagnes et rivaliser de formes les plus cocasses, la Vendée comptant à elle seule vingt-cinq coiffes différentes.
Depuis cent ans, le port du bonnet de toile blanche, enserrant les cheveux, restait immuable. La coiffe empesée, ornée de tulle brodé, de dentelles et de rubans, ne sera à la mode que pendant un siècle mais elle marquera à tel point le costume paysan qu'on la croira vêtement traditionnel millénaire.

Ndl : Je dirais plus d'un siècle, nous sommes en 1818 et dans les années 1960/70, je voyais encore des femmes en coiffe qui entretenaient, munie d'une longue perche, les murs des bourrines ou des chaumières vendéennes à la chaux.
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Nous n'avons rien à faire avec ces gens-là. Ni avec avec les bleus, ni avec les blancs. Ni avec la droite, ni avec la gauche. Nous sommes en dehors du "système". Contre les "systèmes".
Ne nous laissons pas prendre au piège de la sentimentalité politique. Ne faisons le jeu de personne. Poursuivons notre chemin en ne perdant pas de vue que, sur notre boussole, l'aiguille marque toujours le refus.


Extrait d'une lettre de Michel Ragon adressée à Louis Lecoin.
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Nous n'avons pas été crées pour le bureau, pour l'usine, pour le métro. Notre but n'est pas d'être assis dans un fauteuil et d'acheter tout le blé du monde en lançant des messages.
Cette société bâtie sur l'argent, il te faut la détruire avant d'être heureux. Posséder est bien la gloire de l'homme quand ce qu'il possède en vaut la peine. Ce qu'on te propose ne vaut pas la peine.
Je suis contre le pouvoir des hommes!
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On vit en pensant à tout à l'heure, en attendant demain, en attendant les samedis, les dimanches, les vacances. On attend toujours quelque chose.
Et ce quelque chose, on se donne l'illusion que c'est la vie. Et pendant ce temps, le temps passe...
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Le monde est plein d'esclaves, accomplissant dans les métiers des gestes millénaires, semblables à ceux dont l'image orne la pierre des plus vieux temples.
Tout être humain attelé à un véhicule, ou ployé sous un fardeau, est un esclave.
Dans les capitales de ces nations qui se font gloire d'avoir aboli l'esclavage politique, pullule l'esclavage physique.

Pierre Hamp
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- Village vendéen en 1796 après le passage des "Colonnes Infernales"

Maintenant que les grands incendies s'éteignaient, dans chaque village, les hommes veillaient à ne pas perdre les parcelles du feu. Un village sans feu signifiait un village mort. On ne recensait pas les individus mais les feux. Le feu était à la maison ce que l'âme était au corps. Longtemps resteront chevillés dans le souvenir de Dochâgne et de ses compagnons l'époque maudite où, dans la forêt, ils durent survivre sans feu, dans leurs bauges, et l'effroi à leur retour dans des villages aux cheminées muettes.
Il leur fallut réinventer le feu en faisant jaillir des étincelles avec des pierres dures. Et depuis, ce feu, ils le cultivaient, le dorlotaient. Ils se le passaient comme le Saint-Sacrement. Les braises étaient conservées sous la cendre, données, communiquées, emportées dans le creux de la main des hommes qui les passaient vivement d'une paume à l'autre pour ne pas se brûler. Il se faisait de perpétuels échanges, de maison à maison. Les femmes qui ne pouvaient entretenir un feu toute la journée venaient quémander chez leur voisine une pelletée de braise ou bien en replissaient l'écuelle de leur chauffe-pieds. L'hiver, on voyait partir de bon matin les bergères vêtues de leur cape de droguet, quenouille au côté, tenant d'une main un bâton, de l'autre la chaufferette en terre où les braises jetaient de petites lueurs rouges.
Une pièce sans cheminée s'appelait une chambre aveugle. Et dans les rares maisons qui disposaient de plusieurs pièces, une seule, la salle commune, ouvrait ses deux yeux, c'es-à-dire la chaleur et la lumière qui se perpétuaient dans la cheminée devant laquelle la maisonnée s'entassait pour la veillée.

Pages 47 - 48 (nous avons conservé le terme "foyer" comme par exemple "foyer fiscal")
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Je vais te raconter une histoire, dit Igor. Une histoire que j'ai vécue. Une histoire que les historiens de la Révolution ne retiendront pas car elle leur paraîtra immorale, absurde, anti-historique, quoi ! Juste après Octobre, dans les jours qui suivirent immédiatement, la Révolution faillit périr. Oui, elle a failli périr, noyée dans l'alcool. [...]
Il est bien normal que les insurgés fêtent leur victoire, qu'ils se détendent les nerfs en buvant un bon coup. Seulement, tout le reste de la population suivit. Il y a toujours plus de badauds que de combattants, dans une révolution, mais lorsqu'il s'agit de triompher, tout le monde veut en être. Une orgie sauvage déferla sur Petrograd. [...]
Kerenski chassé, les derniers débris du tsarisme enfuis, toute la pauvreté de la ville se révéla. Tous les pauvres, tous les infirmes, tous les vagabonds, comme des cloportes, déboulèrent des ruines, se ruèrent vers les caves du palais d'Hiver, en tirèrent les bouteilles, se saoulèrent à mort sur place. Les soldats que Trotski envoya pour les déloger, leur arrachèrent les bouteilles des mains, mais au lieu de les détruire, ils crurent plus simple de se les vider dans le gosier. Ce fut le commencement de l'enivrement général qui gagna toute l'armée. Le régiment Préobrajenski, le plus discipliné, dépêché pour rétablir l'ordre, ne résista pas à la contagion. Les caves du palais d'Hiver accumulaient tant de vins et de spiritueux que les soldats n'arrivaient pas à l'éponger. Le régiment Pavloski, rempart révolutionnaire entre tous, vint à la rescousse et tomba lui aussi le nez dans le ruisseau. Que dis-je, le ruisseau ! De rivière, l'alcool devenait fleuve. Les gardes rouges eux-mêmes glissaient dans l'orgie. On lança les brigades blindées pour disperser la foule. Elles entrèrent dans le tas, cassèrent quelques jéroboams et, finalement, les blindés se mirent à zigzaguer et à défoncer les murs des celliers et des cafés aux volets clos. J'assistais, atterré, à cet effondrement de la Révolution. Si Kerenski avait alors osé revenir, si les généraux blancs avaient su dans quel état se trouvaient les insurgés dans les semaines qui suivirent la prise du palais d'Hiver, la Révolution était balayée en un tour de main. Mais eux aussi, peut-être, sans doutes, noyaient dans la vodka leur défaite. Nous étions seulement quelques camarades obstinément à jeun qui essayions de colmater les brèches. On clouait des barricades devant les bistrots et les caves. Les soldats escaladaient les maisons par les fenêtres. Markine, ancien matelot de la Baltique, entreprit de détruire à lui seul, sans boire une seule gorgée d'alcool, tous les dépôts du palais d'Hiver. Chaussé de hautes bottes, il s'enfonçait dans un flot de vin, jusqu'aux genoux. Des tonneaux qu'il éventrait, le vin giclait en ruisseaux qui s'écoulaient hors du palais, imprégnant la neige, vers la Neva. Les ivrognes se précipitaient vers ces traînées rouges, lampaient à même dans les rigoles. Non seulement la garnison de Petrograd, qui joua un rôle si déterminant dans les révolutions de février et d'octobre, se désintégra et disparut dans cette beuverie énorme, mais la contagion éthylique gagna ensuite la province. Des trains qui transportaient du vin et des liqueurs étaient pris d'assaut par les soldats. La vieille armée russe ne s'effondra pas sous la ruée des Autrichiens et des Prussiens, elle se délita dans les vapeurs d'alcool. Si Trotski s'acharna à vouloir signer la paix à Brest-Litovsk, c'est qu'il savait que l'armée russe n'existait plus. L'armée russe était saoule. L'armée russe s'était noyée dans une orgie inimaginable. Trotski a bluffé à Brest-Litovsk en proposant aux Allemands de démobiliser les troupes russes. Elles s'étaient démobilisées elles-mêmes.
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Avec un sourire plus doux
Que celui des herbes sous la rosée,
Ils me disent tous que la vie est si belle plus loin !
Ô vous, qui venez de partout,
Répondez-moi sans ruse ; puis-je partir là-bas
Menant derrière moi mes pauvres camarades ...
(citation apposée en ouverture d'un "Un si bel espoir"
citation d'Armand Robin extraite de l'ouvrage "le temps qu'il fait" paru chez Gallimard en 1941)
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L'année qui suivit la visite de Napoléon en Vendée, au village deux appelés refusèrent de partir. On vit revenir les gendarmes et l'on crut d'abord qu'ils ramenaient Jacques-le-Tisserand. Mais non. Ils attachèrent les poignets des deux recrues par une corde fixée à la selle de leurs chevaux et s'en allèrent au pas avec leurs prisonniers.
Le lendemain, les deux conscrits revenaient très exaltés, racontant qu'en chemin, les trois gendarmes avaient été abattus à coups de fusil par des cavaliers portant un cœur rouge cousu sur leurs vestes. Il ne leur restait plus qu'à courir rejoindre le vieux curé dans la forêt. Ce qu'ils firent.
Le maire-meunier se mit dans tous ses états :

- Crétins que vous êtes! Vous ne savez pas que les parents des réfractaires doivent payer une amende plus grosse que vos terres qui ne sont même pas à vous. Qui paiera ?
La réponse fut bientôt apportée par les gendarmes tout neufs qui vinrent, cette fois-ci, en force : dix qu'ils étaient sur des chevaux gris. Et cette réponse frappa le maire-meunier de stupeur, d'indignation et de douleur : puisque les parents des réfractaires étaient insolvables, la commune paierait l'amende pour eux. Le seul contribuable de la commune étant le meunier-maire, c'est donc lui qui devrait régler la note. Le brigadier de gendarmerie trouvait d'ailleurs la plaisanterie amusante. Il disait en lissant sa grosse moustache rousse :
- Ca vous apprendra, monsieur le Maire, à faire observer la loi.

page 111
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Michel Ragon
J’ai dépoussiéré la Vendée, je lui ai redonné une histoire qu’elle avait perdue, mais je pense qu’elle l’a reperdue aujourd’hui parce que toutes les tendances réactionnaires s’en sont emparées à nouveau.
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Les deux Louise jetèrent tous les seaux qui se trouvaient remplis, afin que l'âme de Léonie ne risque pas de s'y noyer. Puis elles ouvrirent la fenêtre de la chambre pour que son âme puisse sortir.

On enveloppa la morte dans ce linge qui lui servait de linceul et, avant de lui recouvrir le visage, Dochâgne lui glissa dans la bouche une pièce de cuivre d'un liard pour qu'elle puisse payer à saint Pierre sa place au paradis.
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Toute la France (ou presque) était antijuive lorsque Céline écrivait ses pamphlets. Ceux-ci n'exprimaient en réalité qu'un sentiment collectif. Céline ni pire, ni meilleur (plutôt meilleur que pire) que les autres antisémites professionnels, servait donc de bouc émissaire. La France entière vomissait sur lui tout l'antisémitisme dont elle se nourrissait. Elle faisait de Céline un être d'abjection pour masquer sa propre ignominie.
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Figure toi que tous mes copains clamsent les uns près les autres et qu'ils me lèguent leur bibliothèque. Comme si j'étais la mémoire du monde.


Restitue tout cela à ceux qui viendront près nous. Il faut qu'ils sachent que l'histoire enseignée dans les écoles, à l'université, n'est pas toute l'histoire de notre temps.
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En novembre 1940, au camp de Gurs, les derniers " réfugiés " espagnols emmenés ailleurs, arriva un défilé d'hommes, de femmes et d'enfants de tous âges.
On nous dit qu'il s'agissait de juifs allemands. Certains parlaient français, ils étaient alsaciens, juifs et français.

Ils ne pigeaient pas pourquoi, après avoir fui l'Alsace; leurs compatriotes les parquaient entre les barbelés.
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