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Citations de Miguel Bonnefoy (591)


Miguel Bonnefoy
A l’heure des grandes crises migratoires, des cimetières marins, des grands déplacements humains, il n’était peut-être pas si déplacé de pouvoir faire le récit d’un dialogue entre deux cultures, une sorte de pont de papier qui peut se dresser entre plusieurs peuples, et voir si ces trajectoires peuvent être plus fécondes.
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Les premiers jours, Lazare Lonsonier fut si occupé à consolider les tranchées, à installer des rondins et des claies, à aménager le sol en posant des panneaux quadrillés, qu'il n'eut pas le temps de ressentir la nostalgie du Chili. Avec ses frères, ils passèrent plus d'un an à installer des barbelés, à diviser des rations de nourriture et à transporter des malles d'explosifs, au milieu de longues allées bombardées, entre des batteries d'artillerie, d'une ligne à une autre. Au début, pour conserver une dignité de soldat, ils se lavaient à petite eau, quand ils trouvaient une source propre avec un peu de savon qui couvrait leurs bras d'une mousse grise. Ils se laissèrent pousser la barbe, par mode plus que par négligence, afin d'avoir l'honneur d'être appelés eux aussi "poilus".
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Les enfants qu'ils eurent, dont les veines n'avaient pas une seule goutte de sang latino-américain, furent plus français que les Français. Lazare Lonsonier fut le premier d'une fratrie de trois garçons qui virent le jour dans des chambres aux draps rouges, sentant l'aguardiente et la potion de serpent. Bien qu'entourés de matrones qui parlaient le mapuche, leur première langue fut le français. Leurs parents n'avaient pas voulu leur refuser cet héritage qu'ils avaient arraché aux migrations, qu'ils avaient sauvé de l'exil. C'était entre eux comme un refuge secret, un code de classe, à la fois le vestige et le triomphe d'une vie précédente.
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Personne n’apprend à dire qu’il ne sait ni lire ni écrire. Cela ne s’apprend pas. Cela se tient dans une profondeur qui n’a pas de structure, pas de jour. C’est une religion qui n’exige pas d’aveu.
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Marius Buisson avait acquis ce logement après une vie de services auprès de la garde impériale. C’était un vieil officier de l’armée, né dans le siècle des philosophes, grand amateur de sciences, qui avait perdu une main lors de la prise d’Alger, un œil pendant le siège de Sébastopol, une jambe à la fin de la bataille de Malakoff et boitait de l’autre depuis qu’un cheval d’une demi-tonne s’était effondré sur son genou, dans les marécages de Crimée. Le jour de la victoire de Solférino, il avait été décoré de médailles coloniales et s’était acheté un bel appartement aux poutres apparentes, dans lequel il avait fait construire sur mesure une bibliothèque en bois de chêne, uniquement composée de littérature scientifique, où il avait prévu de passer ses dernières années. Mais il ne put en profiter car, un mois plus tard, au milieu de l’été, alors qu’il faisait des travaux de charpente, une poutre se détacha et, percutant la bibliothèque, l’écrasa comme un cafard au milieu de son salon. Il mourut sur le coup, après avoir survécu à tous les combats et à toutes les batailles, borgne et manchot, la tête aplatie sous des livres, la médaille de la d’Italie plantée dans le cœur. 
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Il quitta ce pays de calcaire et de céréales, de morilles et de noix, pour s’embarquer sur un navire en fer qui partait du Havre en direction de la Californie. Le canal de Panama n’étant pas encore ouvert, il dut faire le tour par le sud de l’Amérique et voyagea pendant quarante jours, à bord d’un cap hornier, où deux cents hommes, entassés dans des soutes remplies de cages à oiseaux, jouaient des fanfares si bruyantes qu’il fut incapable de fermer l’œil jusqu’aux côtes de Patagonie. (pages 11-12)
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Des millions de spectateurs découvrirent avec hébétude la tête de la statue de la Liberté, qui huit ans plus tard serait offerte aux États-Unis pour contempler éternellement la baie de New York, où l’on pouvait pénétrer pour quarante centimes, ce qui faisait dire aux visiteurs : « La liberté a la tête creuse. »
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Elle n'éprouva ni vertige, ni crainte. Seulement la puissance animale de cinq cents chevaux de métal qui l'arrachèrent du sol en dépliant leurs ailes fauves. Elle monta si haut qu'elle eut l'impression que le pays tout entier lui apparaissait d'un seul coup. De gros nuages se fendaient en bosses et protubérances. Les formes étaient courbes, galbées, bombées comme des jarres, suspendues comme des coraux, pleines de veinures secrètes, tout obéissait à des emblèmes féminins. Elle confirma à cet instant que le nom du ciel ne pouvait pas être masculin. Elle ne pouvait croire que les premiers aviateurs aient été des hommes. À le voir, le ciel était d'une féminité explosive, aux rondeurs corollaires. Cette demeure était faite comme un nid, un sein, prouvant que les premières civilisations des nuages avaient été matriarcales.
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Après une courte sieste, le charpentier se levait, le menuisier reprenait sa brouette, les maçons réveillaient les manœuvres endormis, et tout ce peuple muet se remettait à cingler comme une enclume sous le marteau du labeur. Octavio éprouvait un profond saisissement devant ce spectacle. Chacun y était aussi autonome et aussi nécessaire qu'un mot dans la musique d'une phrase.
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Il n’y avait, selon lui, pas d’homme plus légitime à représenter sa patrie, plus essentiel à son rayonnement, plus apte à redorer les blasons, que celui qui continuait de cultiver le prestige de sa terre à plus de dix mille kilomètres de distance.
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À cinquante et un ans, il développa une robustesse enviable et une élégance proverbiale, ne portait plus que des mocassins en box, une veste en tweed à carreaux, un parfum à la mode anglaise et des huiles à barbe, afin de rattraper une jeunesse qui lui échappait. Une légère arthrose l’obligeait à se déplacer avec une canne à bec-de-corbin et à conserver toujours du collyre dans la poche, mais l’ardeur disciplinée qu’il mettait au travail lui faisait garder cette attitude d’imperceptible rébellion que l’on constate chez les personnes qui ne veulent pas vieillir. 
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Quand il entra dans le salon, encore étourdi de fièvre, la tête lourde, seule l'énorme bibliothèque scientifique du colonel Marius Buisson, comme un géant debout, comme une dernière sentinelle, occupait la pièce principale. Les étagères étaient couvertes de bibelots en terre cuite ornés d’inscriptions juliennes, de petits instruments astronomiques dont un astrolabe en cuivre qui donnait la hauteur des étoiles et, à l'arrière, en file comme un peloton d'exécution, de vieux livres aux reliures embellies par Simier R. du Roi, parfois amassés à l’horizontale, désordonnés et scintillants en une constellation de papier.

Ce premier jour, Mouchot ne s'approcha pas des livres. Le lendemain, il parcourut rapidement le dos des couvertures, l'air oisif, sans s'y attarder. Au bout d'une semaine, il feuilleta certains volumes et, quelques jours plus tard, il avait formé une pile sur sa table de chevet, dont un seul livre attira véritablement son attention. C'était un ouvrage de Claude Pouillet sur la chaleur solaire.

Cette lecture le plongea dans une série de curiosités autour du soleil. Seul dans son nouveau logement, où flottaient encore le fantôme du colonel Buisson et les oriflammes tachées des guerres étrangères, il apprit que des médecins italiens désinfectaient des plaies avec des rayons solaires concentrés, à l'aide de ballons d'eau en verre, et que l'astronome Cassini, en 1710, avait offert au Roi-Soleil un miroir qui pouvait fondre un morceau de fer en une heure.
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Ce n'est pas de vivre dans la misère qui rend misérable, mais de ne pas pouvoir la décrire.
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Il tomba par hasard sur une allégorie de la littérature et découvrit qu’on la représentait comme une grande dame drapée de soieries, muette et blanche, une lyre à la main devant une assemblée de marbre. ... Il pensa que la littérature ne pouvait pas ressembler à cette image éloignée des femmes. La littérature devait tenir la plume comme une épée ... dans une lutte obstinée pour défendre le droit de nommer, pétrie dans la même glaise, dans la même fange, dans la même absurdité que ceux qui la servent.
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À partir de l’adolescence, elle prit du poids à une vitesse affolante, pour avoir trop abusé de sirops à la gomme et de jus de betterave fermentée. À mesure que sa taille s’épaississait, son cœur se gonfla d’élans mesquins qui n’étaient, de fait, que le résultat de frustrations vaincues. Sa force effritée, son énergie flétrie, elle calmait ses brûlures d’estomac avec des racines de rhubarbe et s’administrait des cures de gentiane et de cinabre jusqu’à deux litres par jour pour étouffer le feu de ses intestins. Son ancien corps de travailleuse et d’ouvrière n’était plus qu’un énorme bourrelet immobile, pareil à un buffle couché sur le flanc, et pendant la nuit, son ventre lâchait des vents ignobles qui laissaient dans l’air une odeur de vieux-boulogne et faisaient croire aux voisins, dans leur sommeil agité, que Paris était à nouveau assiégé.
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Le café et les fruits secs furent emportés, mais le second s'opposa à ce que l'on touche aux épices, parce qu'en Europe un grain de poivre valait plus que la vie d'un homme.
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Ceux qui ne peuvent se rappeler leur passé sont condamnés à le répéter. 

George SANTAYANA 
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Son cerveau n’était plus qu’un vieux coffre plein de poussière et d’oubli, dont il avait perdu la clé.
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Quand elle fut entièrement nue, elle cacha sa vergogne d’une main et un bouquet de poils en éventail ferma ses jambes comme un sourire.
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L'avantage d'être pauvre, c'est qu'on peut toujours s'enrichir.
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