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Critiques de Mireille Gagné (136)
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Bois de fer

Lors de la rentrée littéraire de 2020, un roman m’avait particulièrement marqué. Le livre de Mireille Gagné, Le lièvre d’Amérique, m’a complètement surprise et réjouie. Après avoir traité de notre animalité, l’autrice explore notre lien avec le végétal. Je me suis promené dans ce texte énigmatique, où le flou est maintenu sur la nature du narrateur, avec délice.



Une femme se métamorphose en arbre. Progressivement le végétal s’empare de son corps. L’écorce se durcit, les bourgeons éclosent et les branches se tendent vers le ciel. Les considérations médicales et arboricoles se mêlent. La narratrice observe ses transformations, se détache progressivement des soucis humains pour se fondre dans le végétal.



Composé de courts paragraphes, le texte joue avec les codes. Entre poésie et récit, entre texte écologique et fantastique, Mireille Gagné nous plonge dans une ambiance singulière où des odeurs de mousses humides et de bois morts nous montent aux narines. Elle nous propose une anthropomorphisme végétal saisissant qui dit à la fois l’urgence écologique et la condition féminine. L’arbre-femme est rongée par des parasites multiple, soumise à la volonté des hommes et de leur hache. Forte par la rudesse de son tronc mais néanmoins vulnérable par son immobilisme, elle prend conscience de son ambivalence face à la finitude. Plane sur le roman l’angoisse de la déchéance, du déclin. Alors que court sur elle des champignons et des maladies végétales, le narratrice se demande comment pourrait se soigner, comment lutter avec des armes inégales.



L’écriture fragmentaire fonctionne comme les pensées de la narratrice qui se bousculent dans sa tête. Des images, des angoisses et des fragments de vie se mêlent les uns aux autres tel des rhizomes. Au fil du roman, le corps se délite, les branches se brisent mais l’espoir demeure toujours présent. Dans le bourgeon qui renaît ou la mésange qui se pose sur une branche, subsiste l’élan vital. Souffle immortel, volonté farouche, au sein du végétal la vie subsiste. Je me suis laissée porter par ce texte organique, j’ai été surprise par sa force et l’impact qu’il a eu sur moi. Par ses mots d’une grande poésie, par l’univers mystérieux qu’elle déploie autour de nous, Mireille Gagné nous propose une expérience saisissante. Le lecteur plonge dans ce qu’il y a de plus intimiste au sein de l’arbre et fait l’expérience improbable et unique du végétale.
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Bois de fer

Alerte beauté !

Un arbre à l’œil bois de fer bois clair bois la chair goulue craquelle sauvage et enlace. Peut-on ressusciter végétal ?

J’entoure de ma langue l’écorce et murmure la vision étoilée s’étiole sur ton corps des milliers de rainures explose vain.

Une splendeur mélange de don de soi de recherche écologie mêlés corps aux végétaux l’un dans l’autre l’un sur l’autre.

Une pierre à l’intérieur pèse d’injonctions, bientôt les racines s’étendront sur les mots, un soutien à l’âme de celui qui devient arbre, une allégorie viscères encordées.

Et puis la fin, puisque tout prend fin, en espérant le devenir "outil qui résiste à l’usure" "impossible à fendre" en combat face oubli.

L’âge en cerne débité le cœur dur l autrice plonge avec force et délice dans les sous bassement terre.





Pour pousser plus autour du devenir écorce :

Un hybride :

Comment je suis devenue un arbre de Sumana Roy

De la poésie pour enfants mais pas que :

L'arbre m'a dit de Jean-Pierre Siméon

Ces gens qui sont des arbres de David Dumortier



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Bois de fer

Gagné nous invite à voir au-delà de ce qui semble immuable et solide, dans la nature comme en nous-mêmes. Et elle pousse loin l’identification : ainsi de la séance de yoga de la narratrice, où l’on craque le tronc et allonge les racines.
Lien : https://www.journaldequebec...
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Bois de fer

« Bois de fer » résistance-écorce, Mireille Gagné vacille, se fissure. Ses jours déracinés après les tempêtes intérieures à cris et à pensées.

Mireille Gagné écrit l'ombre du végétal, le furtif d'un bourgeon qui éclot prêt à accorder la guérison plausible.

Elle marche dans la clairière des mots-mousse. Le monde médical comme oreiller, le versant-vie mis à rude épreuve.

Bois de fer, « je voudrais tant devenir l'arbre miniature qui vient d'être planté chez les voisins pour remplacer celui qui faisait relever les bardeaux du toit...Parfois la jeune fille vient lui parler au retour de l'école. Que lui confie-t-elle ? »

L'écriture végétale est liante, spéculative, attendue jusqu'à la dernière feuille qui refuse la chute. Les paraboles sont signifiantes. « Les séismes s'enchaînent les uns après les autres. C'est peut-être dû au fait que je pousse sur du roc. »

Femme-arbre, confondue dans l'orée des bois, qui cherche de toutes ses forces et convictions l'orientation de ses regards-mêmes. Intuitive et dévouée, confiante, elle pressent ici, la fin de la chute d'Icare. le berceau qui couronnera sa renaissance.

« Il faut garder espoir qu'une partie de soi puisse être sauvée. »

la transaction est noble, écologique et poétique. Les fragments comme des morceaux d'étoiles accrochés aux branches invisibles. Elle quête et écoute. Dans les bois endormis qui craquent dans leur sommeil et répondent à Mireille Gagné, l'écho de ce qui persistera toujours.

« Leurs souches continuent de s'abreuver en nutriments et en eau grâce à leurs voisins. »

« Bois de fer » dont la dernière page ouvre la voie, l'essence de fer salvatrice : L'Ostryer de Virginie. Cet écrin poétique est la Canopée. Intime et vaste, lumineux et essentiel. le miracle du bois avec un B majuscule qui révèle le monde. Publié par les majeures éditions La Peuplade.
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Bois de fer

"Bois de fer", le petit dernier de Mireille Gagné, raconte l'espoir d'une guérison, le cheminement entre jeunes bourgeons et fils électriques entravant, l'inquiétude de l'élagage et du sempiternel retour des nœuds, l'accueil et la protection d'un nid de corneilles.



"Mon écorce tire entre l'omoplate et la clavicule."



Ce livre d'une petite centaine de pages mérite qu'on s'y attarde longuement. En entretenant une curieuse ambivalence sur la nature du narrateur, Mireille Gagné raconte l'espoir d'une guérison, son combat contre l'horizontalité et sa recherche de perspective(s). Chaque page est comme un morceau d'écorce, fait de crevasses et de sinuosités, toutes pleines de sens cachés. Patiemment, à force de relecture, alors que l’œil s'use sur les phrases et en gratte la surface, dévoilant sa vulnérabilité, se révèlent de nouvelles essences...



"J'ai toujours cru que pour maintenir l'équilibre une part d'ombre s'avérait indispensable."



Avec un recul qui pourrait presque s'apparenter à du détachement, ou bien une certaine forme d'innocence ou de fatalisme assumé - mais qui de fait nous arrache d'agréables sourires - sont abordées les thématiques de la maladie, de l'inconnu, et donc de l'inquiétude qui en résulte ("La douleur est ailleurs. Voire ne signifie pas toucher à l'essentiel" / "je crains que l'ennemi ne se cache déjà à l'intérieur"). Le flou narratif entretenu tout au long du livre donne à ces passages graves une étrangeté légère qui bouscule la lecture et nous oblige à nous y arrêter un moment pour cerner les véritables questionnements de l'auteure, les démons qui lui tournent autour et dedans. Alors que la femme-arbre s'enfonce toujours plus profondément dans ses tourments, rongée par un envahisseur inconnu, un fragile optimisme émerge de ses nombreuses inspections et introspections, de ses confrontations avec les chiropracteurs et horticulteurs, de ses observations du microcosme alentour pour s'inspirer ici de la communication des acacias ou là de l'entraide des épinettes, pour peut-être y déceler une main-branche tendue ("Vus d'en haut, qu'est ce qui nous différencie des pylônes électriques? En apparence, eux se tiennent par la main"). Mais en s'interrogeant sur la pluralité du vivant, elle creuse avant tout profondément en elle-même, pour y déceler, dans le pli d'un organe abîmé, l'espoir "qu'une partie de soi puisse être sauvée", le vœu secret de devenir "ce bois de fer rare, impossible à fendre sous la hache".



Ainsi, en dévoilant ses failles et en exposant ses cicatrices, Mireille Gagné écrit un texte poignant à la beauté fragile, parcouru par le doute mais où l'espoir n'est jamais feint.



"Il faut garder espoir qu'une partie de soi puisse être sauvée"



A l'image de son somptueux roman "Le Lièvre d'Amérique", l’œuvre de Mireille Gagné se construit sur deux constantes fortes : un lien singulier et indéfectible avec le vivant dans lequel nous nous fondons (au point d'être une femme-arbre, et avant cela une femme génétiquement amplifiée) ; et ce qui selon moi est le plus évocateur et rare : son absolue sincérité envers nos vulnérabilités/nos "altérabilités", qui donne à ses livres une puissance qui transcende l'espace et le temps, et résonne fort fort fort.
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Le lièvre d'Amérique

Un roman au thème peu original (l'aliénation au travail et dans la société moderne) avec une conclusion plutôt consensuelle à laquelle je n'adhère pas complètement (le salut par le retour à la terre et aux origines).



Néanmoins, ça se lit bien : d'abord, parce que c'est court. D'ailleurs, je ne sais pas si un texte plus long m'aurait vraiment lassée, ou si, au contraire, le thème aurait gagné à être traité plus en profondeur... Mais surtout, la narration est vraiment réussie : les sections s'entremêlent bien, on n'a aucune difficulté à suivre les différentes temporalités et la plume est très fluide. La narration est à la 3e personne quand le personnage principal est déconnectée d'elle-même, et à la 1e personne avant qu'elle ne se perde et une fois qu'elle s'est retrouvée : c'est l'un des rares cas où je trouve le procédé bien utilisé.



En conclusion : ceux et celles qui ne sont pas tanné·es de lire sur cette thématique pourront trouver que c'est un chef d'œuvre. Et les autres y verront au moins un certain effort narratif et stylistique qui porte ses fruits.
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Le lièvre d'Amérique

Le lièvre d'Amérique s'apparente à une fable qui est insipiré d'une légende autochtone sur le lièvre. Tout au long du récit, l'autrice dissémine des informations sur le mode de vie du lièvre.

J'ai apprécié la trame narrative hors du commun qui rend l'histoire intrigante et intéressante.

Certains passages sont écrits sans ponctuation et cela rend tangible l'obsession de Diane pour la perfection et la productivité.



''s'en va travailler sept jours sur sept emprunte le même chemin ne parle à personne sauf si c'est pour exécuter une tâche sept jours sur sept ne possède aucune relationen dehors dutravail fille unique ça fait au moins quinze ans qu'elle n'a pas vu ses parents ni ne leur a parlé bosse dur toute la journée sept jours sur sept''



C'est désolant que des gens vivent ainsi. J'espère que ce roman ouvrira les yeux de ceux qui travaillent beaucoup trop et les aidera à retrouver le chemin vers un mode de vie plus sain...

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Le lièvre d'Amérique

Je ne sais trop que penser de ce livre. Le style d'écriture est très particulier. Certains chapitres sont racontés à la troisième personne, d'autre sont à la deuxième personne et il y au aussi des chapitres sans ponctuation.

Si l'autrice cherchait l'originalité, elle l'a trouvée!



Le personnage principal est une 'workoolique'' qui n'a pas de vie personnelle hors de son travail. Elle décide de subir une chirurgie qui est bien mystérieuse puisque je ne sais toujours pas de quoi il s'agit une fois ma lecture terminée!
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Le lièvre d'Amérique

C'est un récit que j'ai trouvé original et qui rappelle assez une fable. Les passages s'alternent entre des moments informatifs sur le lièvre, le personnage suite à une opération, pré-opération et des souvenirs de son enfance. À la fin, il y a un conte qui vient boucler le tout et explique la place que prend le lièvre dans ce roman. Plusieurs sujets sont abordés: La quête un peu folle de la productivité, l'identité et la nature. Ça se lit très rapidement.
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Le lièvre d'Amérique

Quel livre étonnant que ce premier roman de cette autrice québécoise, ou quand une fable animalière sert à illustrer les aliénations engendrées par nos sociétés libérales.



Diane a grandi sur l’Isle-aux-Grues, à quelques encablures de Québec, une petite île sauvage où tout le monde se connaissait, où elle vivait heureuse auprès de ses parents et où elle connut Eugène, un jeune garçon passionné par les animaux en voie d’extinction.



Diane a quitté l’île et n’a pas revu ses parents depuis quinze ans. Elle n’a aucune vie sociale, compte tout, les dossiers réglés, les mails envoyés, la distance entre son appartement et son travail où elle se rend sept jours sur sept, se nourrit de pas grand chose le plus vite possible et se couche, non sans avoir vérifier plusieurs fois que la porte est bien fermée, puis s’endort en ressassant ce qu’elle a fait dans la journée et qu’elle aurait pu laisser échapper. C’est ce qu’on pourrait appeler une workaholic insatisfaite.



Alors pour faire mieux et surtout plus, elle décide de se faire greffer le gêne du lièvre d’Amérique, un des animaux qui dorment le moins. Les effets ne tardent pas à se faire ressentir ; ils ne sont juste pas ceux attendus.



L’histoire est un brin loufoque mais nous questionne sur nos sociétés à la recherche du culte de la performance et du surpassement, au risque de s’oublier et de faire un burn-out. Le grain de sable dans la machine bien huilée des diverses manipulations aura-t-il raison de ce monde absurde ? Je vous laisse le découvrir par vous-même !



Ce premier roman est relativement court (un peu plus de cent pages), mais sa construction est particulièrement intéressante. Une écriture bien distincte pour délimiter chaque séquence : l’étude scientifique du lièvre d’Amérique, Diane qui se remémore son enfance sur l’île (je), Diane tel un sujet d’étude après son opération (elle) et enfin la vie sans répit de Diane écrite à la chaîne, sans ponctuation, comme pour marquer le rythme de folie auquel elle se contraint.



Un regret ou plutôt une frustration : ce roman aurait mériter quelques pages supplémentaires sur ce qui a mené Diane à ce culte de la performance, mais bon il a l’excuse d’être un premier roman, et on lui pardonnera aisément.
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Le lièvre d'Amérique

Est-ce que l'étiquette thriller correspond vraiment à ce récit ? Oui et non.

Histoire plutôt inclassable, tenant tant d'une SF dans un futur proche, du drame familial et du documentaire animalier, ce livre ne ressemble à aucun autre.

J'ai été surtout marquée par les passages concernant la transformation de la femme, et le miroir que constituant les passages concernant le livre d'Amérique. Les passages sur l'enfance m'ont moins parlé, mais par goût personnel uniquement.

Dommage, jusque, que le processus de transformation ne soit pas plus lent et plus détaillé.
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Le lièvre d'Amérique

Diane a une vie normale, un appartement en ville et un job de bureau. Elle vient d'une île du Québec et est « montée à la grande ville » il y a des années coupant les ponts avec sa famille. Elle vient de subir une opération visiblement assez lourde : elle en constate peu à peu les impacts sur son organisme.C'est à peu près tout ce qu'on sait au début du roman, des bribes d'une enfance à courir dans la forêt et d'un âge adulte de stress. Pourtant le basculement est violent : la déroute est merveilleuse. Si la narration des chapitres préopération est quasi sans ponctuation, dans un souffle de panique quasi totale ; les souvenirs de l'île sont d'une facture assez classique. Les allers-re tous n'en sont que plus flagrants (violents?).Le fluage de la voix narrative n'est pas sans évoqué les romans de Marie-Claire Blais.Bien sûr on en apprend plus sur cette étrange femme et son étrange évolution, qui m'évoque Truisme de Darrieusecq... qui tournerait plutôt pas si mal.
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Le lièvre d'Amérique

Il y a eu des surprises, et parfois une suite logique déjà annoncée mais dans tout ça, il est certain que l’écriture de Mireille Gagné avec sa maîtrise des effets sur le lectorat m’a ravi l’esprit. oui vraiment je l’ai dévoré sur tous les plans : j’ai aimé le fond, la critique néolibérale grâce à cette fable animalière et j’ai aimé la forme, toutes les formes d’ailleurs.
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Le lièvre d'Amérique

Un chouette Premier roman, à l'histoire atypique, écrit par Mireille Gagné, qui m'a portée, même s'il n'est pas très optimiste mais que j'ai apprécié au point de le lire en une journée ; le rythme est bon, notamment, grâce à sa construction, à l'alternance des chapitres :

-chapitres qui décrit scientifiquement le lièvre d'Amérique

-chapitres qui parlent du personnage principal de Diane, qui vient de subir une opération

-chapitres racontés par Diane où elle parle de son enfance sur l'Ile où elle habitait avec ses parents et les temps partagés avec Eugène, son ami

-chapitres où l'autrice évoque la vie de Diane, avant l'opération, dans un texte sans ponctuations, cette vie au travail qui la pousse à changer

On comprend assez vite en quoi consiste l'opération de Diane et, on se laisse emmener dans cette histoire, si on adhère à l'idée de l'autrice. Un livre résolument tourné vers la nature (lieux et animaux), la description de l'île m'a emporté vers l'envie de balades, en bord de mer, envie d'espace comme ce lièvre, d'évasion en bord de mer.

Roman qui fait parti de la sélection francophone du 35e festival du premier roman à Chambery 2021-22 ; par ailleurs, Mireille Gagné est québecoise et on retrouve d'ailleurs de nombreuses expressions canadiennes, un petit lexique se trouve à la fin du livre.

"-Je me demande ce que ça fait en dedans, savoir qu'on est en voie de disparition."
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Le lièvre d'Amérique

Diane vient de subir une mystérieuse opération à l’origine d’une transformation dont on ne saisit pas très bien la nature, mais qui semble améliorer sa vélocité et sa concentration, ainsi qu’on le lui a promis… elle constate d’autres changements plus subtils et surtout inattendus, notamment dans son apparence, comme ces cheveux et ces poils roux qui se multiplient peu à peu.

Léger retour en arrière. Un compte à rebours déroule, en mode frénétique, apnéique, au fil de longues phrases sans ponctuation, un passé proche où Diane, vaincue par l’exigence toxique de la performance, perd le contrôle de sa vie professionnelle, troquant son efficacité et sa pugnacité contre un envahissant et croissant sentiment d’infériorité, un épuisement moral et physique qui la mène tout droit à la catastrophe...



Incursion dans le passé. Diane a quinze ans. Elle vit sur L’Isle-aux-Grues, petit morceau d’archipel situé au cœur du fleuve Saint-Laurent, rêve de partir vivre en ville. L’arrivée d’un nouvel ilien est à l’origine d’une rencontre qui change sa vie : Eugène est un jeune garçon singulier fasciné par les oiseaux, que ses parents ont voulu éloigner de la ville pour d’obscures raisons qu’il ne dévoile même pas à son amie. C’est un électron libre, un adolescent solitaire qui aime flirter avec le danger.



A ces trois pans de la vie de Diane s’ajoutent de courts interludes nous instruisant sur les caractéristiques comportementales du lièvre d’Amérique…



Ces quatre volets narratifs sont déclinés en courts chapitres, dont l’alternance crée un rythme enlevé, et rend la lecture addictive. Sur le thème du renouement avec notre part sauvage pour nous libérer des carcans sociétaux qui nous brident et nous détraquent, Mireille Gagné nous livre une fable à la fois moderne et intemporelle, que l’on savoure d’une traite, en regrettant seulement, une fois la dernière page tournée, sa brièveté.
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Le lièvre d'Amérique

Un roman qui a tout d'un conte, sans en être réellement un.



Au travers de plusieurs chapitres de la vie de Diane, qui s'entremêlent, on découvre une femme tourmentée, acharnée de travail faute d'autres activités, seule, qui a subi un traumatisme durant son enfance.



Amoureux de la mythologie, j'aime les contes de toutes sortes, mêlant histoire, fantastique, aboutissant à une morale, un adage..



L'écriture de Mireille Gagné s'adapte à l'esprit du personnage et ce roman conte, s'il ne m'a pas transporté, m'a fait rêver....
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Le syndrome de takotsubo

Le syndrome de takotsubo est une maladie cardiaque qui se déclenche à la suite de chocs émotionnels, négatifs le plus souvent, comme à la suite d’une rupture, d’un deuil, ou d’anxiété. D’où l’appellation de syndrome du cœur brisé au propre comme au figuré car, au moment de l’attaque, le cœur démissionne, ne se contracte plus et le ventricule brisé prend la forme d’un piège à poulpe qu’on appelle takotsubo au Japon, où la maladie fut découverte.

Mireille Gagné, dans ce recueil explore ce thème du cœur brisé au travers de 17 nouvelles courtes qui parfois se recoupent mais toujours décrivent le moment où l'existence des victimes reste suspendue entre deux issues incertaines. On y retrouve un insomniaque dont le cœur se brise lorsqu’une oie sauvage s’écrase à ses pieds, des déportés japonais au Canada pendant la deuxième guerre mondiale, une prisonnière sur le point d’être pendue et qui attend en ligne son tour, un homme qui meurt seul la nuit pendant que sa femme le trompe, un autre dont le cœur flanche quand il rencontre la future dirigeante de l’entreprise qui l’emploie et qui n’est autre que l’inconnue qu’il avait séduite dans un bar pour une nuit sado-maso sans lendemain, une femme victime d’un accident de voiture etc. etc.

Dans chacune de ces nouvelles un sentiment d’urgence sous-tend le propos mais, même si la noirceur de l’imminence de la fin se fait sentir entre chaque ligne, il se dégage de chaque histoire un sentiment de paix faite de résignation et d’acceptation de l’inéluctabilité de ce qui est à venir, comme une réponse au défi de l’incertitude.

Autant vous le dire tout de suite, je n’aime pas trop lire des nouvelles, mais comme avec Murakami (Après le tremblement de terre), je me suis laissée emporter par le style particulièrement poétique de l’écriture de Mireille Gagné, qui m’avait déjà conquise avec Le lièvre d’Amérique (dont je recommande fortement la lecture). Un style tout en nuances et qui en peu de mots bien choisis permet au lecteur de participer et de vivre mentalement ce que ressentent les personnages. Et que dire des titres des nouvelles sinon qu’ils sont un récit en eux-mêmes. Pour n’en citer que quelques-uns : « Qu’est-ce que le cœur sinon un muscle de mémoire », « Comment un cœur en explosant peut-il faire autant de blessés ? », « Combien de cœur faut-il emboîter avant de se sentir entier ? »...

Mireille Gagné est née à l’Isle-aux-Grues et vit à Québec. Le syndrome de takotsubo, paru aux Éditions Sémaphore en 2018, lui a valu le titre de finaliste du Prix de création littéraire de la Ville de Québec et du Salon international du livre de Québec 2019.

Je remercie Babelio et les Éditions Sémaphore de m’avoir permis de poursuivre la découverte de cette auteure que j’apprécie énormément, en participant au Challenge Babelio Québec : un livre, une critique.

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Le syndrome de takotsubo

Chère lectrice, Cher lecteur,



Babelio organise pour la première fois de son histoire une Masse critique québécoise et un responsable est entré en communication avec moi pour me proposer de participer à cet événement. J’ai accepté car un des buts de mon blogue est de promouvoir et de faire connaître la littérature québécoise dans le monde. Pour ma première participation, j’ai décidé de lire le recueil de nouvelles Le syndrome de takotsubo de Mireille Gagné publié aux Éditions Sémaphore. Je voulais découvrir la plume de cette autrice depuis un petit bout de temps car je suis, tout comme elle, passionnée par la littérature québécoise. Aussi, son livre Le lièvre d’Amérique a connu beaucoup de succès.



Tout d’abord, qui est Mireille Gagné?



Selon le site Web des Éditions Sémaphore :



« Poète et nouvelliste, Mireille Gagné vit à Québec, où elle travaille dans le milieu de la culture et des communications. Elle a publié trois recueils de poésie aux Éditions l’Hexagone : Les oies ne peuvent pas nous dire (2010), Les hommes sont des chevreuils qui ne s’appartiennent pas (2015) et Minuit moins deux avant la fin du monde (2018). Elle a également publié le recueil de nouvelles Noirceur et autres couleurs aux Éditions Trampoline (2010). »



Mon expérience de lecture du Syndrome de takotsubo



Tout d’abord, je tiens à dire que j’aime beaucoup ce titre. J’ai découvert tout de suite en ouvrant les pages du livre que ce dernier voulait dire «syndrome du coeur brisé». Alors, je crois bien que j’ai souffert de ce syndrome à quelques reprises dans ma vie! Je me suis dit : « Je le connais bien ce syndrome». Ce recueil de nouvelles est pour moi. Dès le départ, l’autrice mentionne à l’instance lectrice :



«Le syndrome de takotsubo, aussi appelé «syndrome du coeur brisé», a été initialement observé dans les années 1990 par des cardiologues japonais. Cette condition se définit par une forme rapide et transitoire de défaillance cardiaque aiguë, déclenchée par un stress, émotionnel ou physique, intense. À l’échocardiographie, elle se distingue par une ballonisation ventriculaire qui ressemble au takotsubo, mot japonais désignant les pièges à goulot étroit servant à capturer les pieuvres. »



Puis, je tourne la page et je découvre pour annoncer la première nouvelle, un peu de poésie ou un haïku.

D’ailleurs, selon Wikipédia :



«Un haïku (俳句, haiku?) est un poème d’origine japonaise extrêmement bref, célébrant l’évanescence des choses et les sensations qu’elle suscite. Un haïku évoque généralement une saison (le kigo) et doit comporter une césure (le kireji). Il est composé de 17 mores réparties en trois vers suivant un schéma 5/7/5. »



Et si tout le recueil respectait cette logique? N’est-il pas composé de 17 nouvelles? Et si le schéma 5/7/5 le structurait? Je me pose des questions… ce qui est excellent pour moi car j’adore être stimulée intellectuellement en lisant. Alors, je lis :



«La où la terre s’arrête

il existe le coeur

pour migrer».



Magnifique non?



Je suis alors conquise…



Les dix-sept nouvelles sont précédées de cette forme poétique.



Dans ces dernières, le lecteur retrouve des êtres blessés comme un insomniaque incapable de reconduire sa mère à l’aéroport, une femme emprisonnée qui a tué son mari ou encore Mélanie et Gaétan. Il y a aussi des oies sauvages qui s’envolent, qui meurent sous les balles, qui sont libres dans le ciel de partir pour le Nord. De plus, il est question, entre autres, de relations, de mort, de coeur, de liberté et un peu de joie.



Ces nouvelles sont courtes, bien rédigées et très intelligentes. J’ai passé un excellent après-midi à les découvrir.



Devez-vous les lire? Si vous aimez comme moi un livre bien construit, bien rédigé, poétique, vous allez ressentir du plaisir en le lisant. N’est-ce pas un but de la lecture? Je vous le recommande sans hésiter.





Que pensez-vous de mon premier article pour Masse critique québécoise?



Bien à vous,



Madame lit

https://madamelit.ca/2021/10/28/madame-lit-le-syndrome-de-takotsubo-de-mireille-gagne/
Lien : https://madamelit.ca/2021/10..
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Le lièvre d'Amérique

Au début du roman, Diane, le personnage principal, se remet chez elle d’une intervention quelque peu mystérieuse... N’arrivant pas à suivre les recommandations du médecin de rester au repos, et préoccupée par l’accroissement de sa productivité, elle retourne rapidement au travail, alors qu’une transformation majeure semble cependant s’opérer en elle… dont les manifestations ne sont pas sans rappeler les vicissitudes du monde du travail: anxiété de performance, insomnie, hypervigilance, ruminations, déconnection d’avec soi… Dans l’article d’Anne-Frédérique Hébert-Dolbec du 29 août 2020 intitulé « Le Lièvre d’Amérique » : Mireille Gagné « workaholic » enthousiaste », du journal Le Devoir (https://www.ledevoir.com/lire/584906/fiction-quebecoise-mireille-gagne-i-workaholic-i-enthousiaste), Mireille Gagné, qui s’est retrouvée en arrêt de travail pour épuisement en 2019, dit ceci : « J’ai compris qu’en m’investissant autant dans le travail, j’essayais de combler un vide éternellement sans fond, de fuir d’autres problèmes. J’ai dès lors pensé en faire un roman, en espérant aider les gens à se découvrir eux-mêmes, à réfléchir à cette pression et aux moyens de s’en sortir quand on est englouti par le tourbillon. » C’est réussi.
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Le lièvre d'Amérique

Les éditions La Peuplade présentent Le lièvre d'Amérique de Mireille Gagné comme une fable néolibérale. Entendons-nous : n'y cherchez pas les traces de M. de La Fontaine. Il présente un tout autre intérêt.

Pour ma part, ce court roman québécois relève de l'OLNI - Objet Littéraire Non Identifié. S'y mêlent du fantastique, du réalisme, un soupçon de science-fiction et un souffle de légende... ainsi qu'un découpage des chapitres à la manière d'un puzzle et des styles d'écriture audacieux. (Les chapitres sans aucune ponctuation sont tout simplement brillants tant cette absence donne une présence forte au sujet développé.)

Étant plus prolixe que synthétique, quelle gageure que résumer ce livre, surtout après avoir participé à un Cercle de lecture et une rencontre avec l'autrice !

Le récit nous ouvre la porte de Diane. Diane vient de subir une mystérieuse opération censée la transformer, mais en quoi et pourquoi ? Pendant sa convalescence, on découvre son appartement impersonnel, on plonge dans les souvenirs de l'été de ses 15 ans à L'Isle-aux-grues qui marqua une rupture dans sa vie, on remonte le temps pour découvrir la Diane d'aujourd'hui workhaolic en quête d'hyper performance, étrangère à elle-même, coupée de sa nature et de ses racines.

Cette allégorie mystérieuse et captivante (je l'ai lue d'une traite !) nous touche au cœur par les sujets brûlants qu'elle aborde : l'aliénation du travail dans nos vies modernes, les complexités des relations sociales, la place de la nature dans l'équilibre humain, et finalement l'identité.

Le lièvre d'Amérique, Prix de création littéraire de la Ville de Québec et du Salon international du livre de Québec.


Lien : https://www.nathydeurveilher..
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Qui suis-je ? Les auteurs en B

Grand réaliste, j'ai écris Le père Goriot et Eugénie Grandet. Qui suis-je ?

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